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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2856/2023

JTAPI/657/2024 du 27.06.2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2856/2023 LCI

JTAPI/657/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

VILLE DE A______, représenté par Me Jean-Louis COLLART, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ SA

C______ SA, représentée par Me Alexandre CICA, avocat, avec élection de domicile


 

EN FAIT

1.             B______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______, de la commune de A______, sise 2______ , E______, sur laquelle est érigé un hôtel.

2.             Par requête déposée le 31 octobre 2022, C______ SA (ci-après : la SA) a sollicité du département du territoire (ci-après: le département) une autorisation de construire portant sur la construction d’une nouvelle installation de téléphonie mobile, avec mât en toiture de l’immeuble de la parcelle n° 1______, laquelle a été enregistrée sous la référence DD 3______.

3.             Selon la fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordement sans fil, établie le 15 décembre 2022 par F______ SA (ci-après : F______), exploitant :

-                 l’installation visée était un groupe de six antennes sur un mat, fixé sur la superstructure du bâtiment (fiche complémentaire n° 2) ;

-                 la distance maximale pour former opposition était de 387 m (fiche complémentaire n° 2) ;

-                 l’intensité de champ électrique due à l’installation dans le lieu de séjour momentané (LSM) le plus chargé (pied du mât) était de 23.45 V/m atteignant 40 % de la valeur limite d’immissions (ci-après : VLI) (fiche complémentaire n° 3a) ;

-                 sur les trois lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) autour de l’implantation des antennes (9, 11 et 13), les plus chargés présentaient des valeurs oscillant entre 5.94 et 5.99 V/m sur 6 V/m (fiche complémentaire n° 4a).

La fiche de données ne mentionne pas la présence d’antennes adaptatives.

4.             Le 12 avril 2023, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a émis un préavis favorable sous conditions.

L’installation était conforme à l'ORNI et au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI ‑ K 1 70.07). Elle était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d’installation (ci-après : VLInst) dans une surface d’un rayon de 58 m. Le cadastre des installations de téléphonie mobile, continuellement mis à jour et répertoriant l’ensemble des installations existantes ou autorisées, montrait que les antennes n'étaient pas associées à un autre groupe d'antennes préalablement autorisé. Il n'y avait pas de lieux normalement accessibles où la VLI était épuisée. Les parties de la superstructure accessibles pour l'entretien où la VLI était épuisée devaient être dûment protégées. La VLInst sur les bâtiments voisins était respectée. Cependant, s’agissant des points d’évaluation nos 3 à 6, 9 et 11 à 13, les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, de sorte que l’exploitant de l’installation devait effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, conformément aux recommandations en vigueur. Enfin, l’opérateur s’engageait à intégrer les antennes de cette installation dans son système d’assurance qualité (ci-après : système AQ) permettant de surveiller les données d’exploitation, conformément au document publié par l’Office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) « antennes adaptatives : le complément du 23 février 2021 à la recommandation de l’exécution de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant.

5.             Le 9 mai 2023, la ville de A______ a émis un préavis défavorable. Elle appliquait pour le moment un moratoire à toute demande de modification d’installation existante ou de pose de nouvelle installation de téléphonie mobile.

6.             Les autres préavis délivrés étaient tous favorables, avec ou sans réserves.

7.             Par décision du ______ 2023, le département a octroyé à la SA l’autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

8.             Par acte du 5 septembre 2023, la Ville de A______ (ci-après : la ville), sous la plume de son conseil, a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

L’installation litigeuse étant sise sur son territoire, elle avait la qualité pour recourir.

Dans la demande d’autorisation de construire, la SA figurait comme requérante. Les plans y annexés mentionnaient F______ comme maître d’ouvrage, la SA comme propriétaire du site et B______ SA comme propriétaire du fond. La fiche des données spécifique au site indiquait que l’entreprise responsable et la personne de contact étaient F______, laquelle avait signé que les données étaient complètes et correctes. Seuls trois opérateurs de téléphonie mobile étaient opérateurs en Suisse et la SA n’en faisait pas partie. Dans son préavis, le SABRA avait fixé des conditions destinées à l’exploitant F______, non partie à la procédure. La SA ne pouvait pas respecter la décision querellée car elle n’était pas à même d’effectuer les mesurages requis, n’exploitant pas l’installation. Elle n’était en réalité qu’un mandataire. Ainsi, la procédure avait été menée par une tierce partie qui n’était ni le maître d’ouvrage ni le futur exploitant. La SA n’avait ainsi pas qualité de requérante à la procédure de demande d’autorisation. Mal dirigée, la décision litigieuse n’était pas applicable à la SA et devait être annulée pour ce motif.

Le principe de précaution prévu par les art. 1 et 11 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) était violé. L’infrastructure litigeuse serait installée à proximité immédiate d’habitations de grande densité, d’une école primaire et d’une crèche. Il était établi que les effets sur la santé des rayonnements non ionisants (ci-après : RNI) étaient néfastes. Les incertitudes étaient grandes. Les effets sur les ondes cérébrales au repos et pendant le sommeil étaient cependant établis. Les VLE à proximité de l’école et de la crèche étaient très proches de VLInst. Elle était de 5.99 V/m à quelques 120 m de la crèche. Sachant que 20% des installations émettaient au-delà des valeurs limites, il ne faisait aucun doute que le rayonnement serait plus important que celui prescrit par l’ORNI. Les limites d’émission avaient été fixées par une ordonnance du Conseil fédéral. Son contrôle préjudiciel appartenait à toutes les autorités. Le département aurait dû examiner la conformité de l’ORNI à la LPE sous l’angle du principe de précaution, ce qu’elle n’avait pas fait. Dans ses dernières décisions, le Tribunal fédéral a laissé transparaître certains doutes, notamment eu égard à l’édition spéciale de la newsletter BERENIS de janvier 2021. Dans ses dernières décisions, le Tribunal fédéral n’avait pas pris en compte le fait que, de manière importante, les installations ne respectaient pas la limitation préventive des émissions tel que cela ressortait d’une étude menée par la revue K-Tipp publiée le 20 octobre 2021 ni le rapport de l’Université de Neuchâtel sur l’effet des RNI sur les arthropodes.

Elle a produit un chargé de pièces dont divers rapports, notamment le rapport BERENIS de janvier 2021, les rapports des universités de Bâle et Berne de mai 2021 et le rapport de l’université de Neuchâtel du 18 août 2022 complété le 25 avril 2023.

11.         Dans ses observations du 13 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, sous suite de frais et dépens.

Aux termes de l’art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), les demandes d’autorisation de construire devaient être datées et signées par le propriétaire, le requérant et l’éventuel mandataire, ce qui était le cas en l’espèce. Rien n’imposait que la requête soit signée par l’exploitant. De plus, les conditions fixées dans l’autorisation de construire étaient liées à l’objet en tant que tel. Pour mettre en œuvre l’autorisation délivrée, les conditions devaient être respectées quel que soit l’exploitant de l’antenne projetée.

S’agissant de la prétendue violation du principe de précaution, le SABRA, instance spécialisée, avait examiné la fiche de données spécifique au site, comme cela ressortait de son préavis. Il s’était prononcé favorablement sous conditions. La VLInst était respectée. L’autorisation de construire était assortie de l’obligation d’effectuer des mesures de contrôle car les émissions étaient supérieures à 80%. Selon la jurisprudence, les VLInst n’étaient pas directement liées à des dangers avérés pour la santé mais avaient été fixés en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d’effets nocifs dont certains n’étaient que soupçonnés et non encore prévisibles. Le Conseil fédéral avait créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé. Ainsi, les valeurs fixées dans l’ORNI étaient adaptées à la protection de l’être humain. L’installation était conforme à l’ORNI et au RPNI. Par ailleurs, l’opérateur devait intégrer les antennes dans son système d’assurance qualité (ci-après : système AQ). Aucune violation du principe de précaution ne pouvait lui être reproché.

12.         Dans ses observations du 30 août 2023, la SA a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

La demande de permis de construire avait été signée avec les pouvoirs nécessaires et était donc valable. Elle avait mené la procédure en qualité de représentante de F______, ce qui était tout à fait admissible.

Le principe de précaution n’avait pas été violé. Les antennes de téléphonie mobile qui respectaient les VLInst de l’ORNI n’avaient pas d’effets négatifs sur la santé puisque les valeurs limites tenaient compte du principe de précaution. Un durcissement de celles-ci incomberait au législateur ou à l’auteur de l’ordonnance. Il y avait lieu de partir du principe que les groupes de travail mis en place par les autorités fédérales s’acquittaient correctement de leur tâche. L’état de la science et l’expérience constituent la base des valeurs fixées dans l’ORNI. S’il était nécessaire d’agir, il était devoir de BERENIS et en particulier de l’Office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) d’attirer l’attention du Conseil fédéral pour adapter l’ORNI. Au contraire, le Tribunal fédéral avait jugé qu’une adaptation des valeurs limites sur la base d’études ne répondant pas aux normes scientifiques n’entrait pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_100/2021 du 14  février 2023). Dans cet arrêt, il avait relevé que BERENIS n’avait pas pu trouver de résultats scientifiques cohérents selon lesquels le rayonnement non ionisant provoquerait des dommages à la santé. Contrairement à l’affirmation de la recourante, le Tribunal fédéral n’avait pas émis de doute concernant la protection de la santé. Enfin, contrairement à ce qu’il ressortait du rapport de l’université de Neuchâtel, la téléphonie mobile ne nuisait pas aux insectes. Il n’existait en effet pas de danger concret pour les animaux et les plantes dû au rayonnement non ionisant des antennes de téléphonie mobile, attesté par des études scientifiques (arrêt du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021).

13.         Dans sa réplique du 18 décembre 2024, la recourante a campé sur ses positions et a ajouté que l’autorisation de construire avait été délivrée à la fausse personne morale puisque la SA n’agissait pas comme requérante mais comme mandataire de F______, selon ce qu’elle avait soulevé dans ses écritures.

14.         Dans sa duplique du 20 février 2024, le département a persisté dans ses précédentes observations et conclusions.

15.         Le 21 février 2024, la SA a dupliqué et a, en substance, repris son précédent argumentaire.

16.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la commune sur le territoire de laquelle l’installation litigieuse est destinée à prendre place, le recours est recevable au sens des art. 145 al. 2 LCI et 60, 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

5.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

6.             Dans un premier grief, la recourante se prévaut d’un vice de forme dans l’autorisation de construire.

7.             En vertu de l’art. 11 al. 4 RCI, toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié.

En l’espèce, la demande d’autorisation de construire litigieuse a été signée par B______ SA, propriétaire et la requérante soit, la SA, de sorte que les exigences de forme prévues par le règlement sont réalisées. F______, en sa qualité d’exploitante de l’installation n’avait aucune obligation légale de signer l’autorisation de construire. Par ailleurs et comme l’a relevé, à juste titre, le département, les conditions liées à l’autorisation de construire doivent être respectées quel que soit l’exploitant de l’antenne projetée. L’absence de signature de la part de F______ ne l’absout en rien dans les obligations contenues dans l’autorisation délivrée, lesquelles devront être strictement respectées.

Partant, ce grief doit être écarté.

8.             La recourante se plaint également d’une violation du principe de précaution, s'appuyant sur différentes sources, notamment la Newsletter BERENIS de janvier 2021, le rapport de l’Université de Neuchâtel du 18 août 2022 complété le 25 avril 2023 et l’étude menée par la revue K-TIPP publiée le 20 octobre 2021, évoquant les risques pour la santé liés au déploiement de la 5G.

9.             La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228). Les VL spécifiées dans l’ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec le groupe consultatif d'experts BERENIS et doivent, si nécessaire, adapter les VL à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid.  5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20  octobre 2010 consid. 4.2.3).

10.         De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des VL, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces VL devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5).

11.         Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des VL fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les VL prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

12.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l'angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n'était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu'on ne pouvait imposer à la Confédération l'obligation d'adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid.  5.1.1).

13.         Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l'art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'annexe 1 de l'ORNI (par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fil (ch. 6 annexe 1 ORNI), les VLInst mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

14.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2; Arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003, consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002, consid. 2.2).

15.         Au sens de l'art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l'autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou se base sur des données provenant de tiers. L'OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

16.         Sur cette base, l'OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ORNI » (ci-après: explications OFEV - https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/65389.pdf;). Il y est expressément indiqué que l'ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio) (Explications OFEV, p. 3).

Aussi en date du 23 février 2021, l'OFEV a publié un complément à la recommandation d'exécution de l'ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l'OFEFP (actuellement : OFEV) de 2002 (ci-après: le complément – https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/65394.pdf).

Le complément définit désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives doivent être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l'intensité du champ électrique de l'installation de téléphonie mobile doit être calculée. Il indique en outre comment les antennes adaptatives doivent être contrôlées dans les systèmes AQ utilisés par les opérateurs (p. 6).

17.         De surcroît, le 24 mai 2022, l'OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/
attachments/71991.pdf ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Le rapport annuel 2021 décrit d'une part le concept de base et le mode de collecte des données, et présente d'autre part les premiers résultats des mesures effectuées. Il ressort de ce rapport que les valeurs mesurées sont nettement inférieures aux VL, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (rapport 2021 sur la 5G, p.  58).

Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les VL fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela inclut notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l'antenne fonctionne en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servent de bases pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur ; toute augmentation de l'ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé est considérée comme un changement de l'installation, ayant pour conséquence qu'une nouvelle fiche de données spécifique au site doit être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24  septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

18.         Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais ne tient pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seuls les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., Zurich 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la VLInst est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (cf. arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1 décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des VL ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4).

19.         De surcroît, il sied d'ajouter qu'au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu'il fallait mieux contrôler l'exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d'émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l'OFEV a mis en place un système d'assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. F______ a mis en place un tel système de sécurité.

20.         Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al.  2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

21.         Dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, un projet ne peut être source d'inconvénients graves pour le voisinage au sens de l'art. 14 LCI (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 10 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 4c).

22.         Enfin, selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

23.         En l'espèce, d'après la fiche de données spécifique au site du 15 décembre 2022 sur laquelle se fonde l’autorisation querellée, la VLInst à respecter est celle prévue par l’ORNI, soit de .0 V/m, ce qui n’est pas contesté par la recourante. S'agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, toutes les mesures présentent une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 6.0 V/m, quand bien même ce serait de justesse. Ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celle-ci n'ait mis en doute leur véracité. Partant, en l'absence d'éléments indiquant le contraire, il n'y a pas lieu pour le tribunal de remettre en cause les mesures figurant dans cette fiche, validée par le SABRA, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence mentionnée ci-dessus, il appartient au tribunal d’observer une certaine retenue afin d’éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances spécialisées lorsque l’autorité inférieure a suivi l’avis de celles-ci, ce qui est le cas en l’espèce, étant en outre rappelé que l’ensemble des autres instances spécialisées consultées se sont également prononcées favorablement.

Globalement, la procédure suivie par le département n'est pas critiquable. Le permis de construire délivré garantit le respect des VL pertinentes, par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA du 12 avril 2023, notamment l’obligation d’effectuer des mesures de contrôle lors de la réception, aux LUS nos 3 à 6, 9 et 11 à 13, où les immissions sont supérieures à 80 % de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, conformément à la recommandation de l’ORNI (OFEFP 2002, chap. 2.1.8). A en outre également été requise par ce service l’intégration de cette installation dans le système AQ de M______ SA. Or, c'est précisément ce mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l'avance pourront être corrigés si nécessaire, au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Cette façon de procéder respecte les dispositions légales et réglementaires citées plus haut et n’apparaît pas problématique, sauf à partir du postulat, non démontré au demeurant, que l’opérateur concerné ne se conformera pas aux conditions qui lui sont imposées. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire : la limitation préventive des émissions prévues par l'ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel, comme le souhaite la recourante.

Conformément à la jurisprudence susvisée et dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, le projet autorisé ne peut être considéré comme une source d'inconvénients graves pour le voisinage.

Partant, dès lors que les VLInst sont respectées dans le cas d’espèce, il convient d'admettre que le principe de précaution, en lien avec la LPE, n'a pas été violé. Ce grief sera également rejeté. Dans la mesure où la décision querellée est conforme au droit fédéral.

24.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

26.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 600.-, à la charge de la recourante, sera allouée à la SA. B______ SA n’ayant pas participé à la procédure et n’étant pas représentée par un mandataire, ne se verra alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours déposé le 5 septembre 2023 par la Ville de A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la Ville de A______ un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne la Ville de A______ à verser à C______ SA une indemnité de procédure de CHF 600.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à B______ SA ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière