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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3786/2023

JTAPI/653/2024 du 27.06.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES D'ÉTAGES
Normes : LPA.60.letb; LPA.8; CC.712l.al2; CC.712t.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3786/2023 LCI

JTAPI/653/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

A______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______, représenté par Me Aurèle MULLER, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Les copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la B______ (ci-après : la commune), sise 2______ C______, sur laquelle est érigée un immeuble comportant plusieurs logements, ont constitué la propriété par étages « A______ » (ci-après : A______).

Cette parcelle est située en zone 3______ protégée (ci-après : 3______).

2.             La commune est propriétaire de la parcelle n° 4______, adjacente à la parcelle précitée, et également située en zone 3______, ainsi que de la parcelle n° 5______ sise pour partie en zone 3______, pour partie en zone de développement 3 et pour partie en zone de verdure.

Douze bâtiments sont érigés sur ces parcelles, dont cinq sur la parcelle n° 4______ affectées à l’école de D______.

3.             Par requête du 11 avril 2023, enregistrée sous le n° DD 6______, la commune, par l’intermédiaire de son mandataire, a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : le département), une autorisation portant sur la « Surélévation, agrandissement, rénovation énergétique, de l’école de D______. Création d’un pavillon, végétalisation des préaux et des toitures et intégration de panneaux solaires. Abattage d’arbres » sur les parcelles précitées. L’octroi de dérogations en application des art. 106 al. 1 loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 2 al. 2 loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) était sollicité.

4.             Le 2 mai 2023, dans le cadre de l’enquête publique relative à cette demande, la A______, par l’intermédiaire de son administrateur, a présenté ses observations.

5.             Lors de l’instruction de la requête, toutes les instances consultées, dont l’office de l’urbanisme (ci-après : OU), la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) et la commune, ont rendu des préavis favorables, parfois avec dérogation et/ou sous conditions.

6.             Par arrêté du 16 octobre 2023, le département a renoncé à l’établissement d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), en application de l’art. 2 LGZD, et autorisé, sous conditions, l’application des normes de la 3ème zone au bâtiment à construire.

7.             Par décision du ______ 2023, publiée le jour même dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO), le département a accordé l’autorisation de construire n° DD 6______, les conditions prévues dans les préavis devant être strictement respectées et faisant parties intégrantes de la décision.

8.             Par acte du 13 novembre 2023, la A______, par l’intermédiaire de son administrateur uniquement, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation. Il a préalablement sollicité un transport sur place.

Sous l’angle de la qualité pour agir, elle était directement touchée par l’autorisation de construire délivrée, sa parcelle jouxtant celle concernée par le projet litigieux.

Sur le fond, l’octroi de la dérogation au sens de l’art. 2 LGZD l’avait privé de la possibilité de faire valoir ses observations et ses droits dans le cadre de l’enquête relative à l’établissement d’un PLQ, en violation de son droit d’être entendu.

De plus, le département n’avait pas tenu compte des nuisances induites par l’octroi de la dérogation selon l’art. 106 LCI. Or, la proximité de la construction projetée entrainerait une perte d’intimité, une perte de lumière naturelle et d’ensoleillement, des nuisances sonores et un impact « en terme de chaleur ». En outre, le volume de la surélévation était disproportionné et ne s’intégrait pas à l’environnement bâti. Quant au garage à vélos et à trottinettes qui serait accolé à la haie de la recourante, il était prévu pour 64 véhicules et il était notoire qu’une telle installation générait d’importantes nuisances sonores. Enfin, l’aménagement paysagé projeté semblait minimaliste et le futur chantier serait source d’importants inconvénients.

9.             Le 21 novembre 2023, le tribunal a imparti un délai au 6 décembre 2023 à la recourante pour produire la copie du règlement de la A______ ainsi qu’un extrait signé du procès-verbal du comité ayant décidé de recourir à l’encontre de la DD 6______ RU du ______ 2023.

10.         La A______ s’est exécutée le 2 décembre 2023, soit dans le délai imparti par le tribunal.

11.         Il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire de la A______ du 27 novembre 2023 (ci-après : PV) (p. 5 ch. 10), qu’« Après discussion, il est décidé à l’unanimité des copropriétaires présents et représentés de poursuivre la procédure à l’encontre de la DD 6______ RO du ______ 2023 et d’en donner pouvoir à l’administrateur ».

12.         L’art. 41 du règlement de la A______ précise que l’administrateur représente la copropriété et les copropriétaires envers les tiers pour toutes les affaires qui relèvent de l’administration commune et entrant dans ses attributions légales ou règlementaires. Sauf en procédure sommaire, il ne peut agir en justice comme demandeur ou défendeur sans autorisation préalable de l’assemblée des copropriétaires ; demeurent réservés les cas urgents pour lesquels l’autorisation doit être ultérieurement demandée.

13.         Dans ses observations du 22 janvier 2024 le département a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet des mesures d’instruction sollicitées et du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Les conditions de l’art. 2 al. 2 let. c LGZD étaient remplies, ce que la recourante ne contestait d’ailleurs pas, et l’OU avait préavisé favorablement le projet. La dérogation accordée en application de cette disposition ne prêtait ainsi pas le flanc à la critique. La recourante n’avait pas non plus été privée de la faculté de se prononcer sur le projet litigieux, dès lors qu’elle avait pu présenter ses observations, le 23 mai 2023, dans le cadre de l’instruction de l’autorisation de construire en cause.

Par ailleurs, la CMNS et le SMS avaient examiné attentivement le projet litigieux et s’étaient déclarés favorables aux dérogations requises. En suivant leurs préavis, le DT n’avait ni violé l’art. 106 LCI ni excédé son pouvoir d’appréciation. La recourante ne faisait que substituer son appréciation à celle des instances spécialisées.

S’agissant enfin des nuisances invoquées par la recourante, soit notamment une atteinte à l’intimé des habitants, la perte de lumière naturelle et les nuisances sonores, elles étaient sans fondement et n’atteignaient en tout état pas un degré de gravité constituant une atteinte à la propriété au sens de la jurisprudence applicable en la matière.

14.         Le 22 janvier 2024 la commune s’est déterminée, sous la plume de son conseil, concluant, sous suite de frais et dépens, à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de l’autorisation de construire attaquée.

Le recours avait été déposé le 13 novembre 2023, pour le compte de l’assemblée des copropriétaires de la A______, à l’initiative de son administrateur qui, à cette date, ne bénéficiait pas d’une décision l’autorisant à ester en justice pour son compte, tel que prévu à l’art. 712t al. 2 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210).

Or, en l’absence d’une urgence particulière que la recourante n’avait ni démontré ni même allégué, la ratification qui avait eu lieu lors de l’assemblée générale ordinaire du 27 novembre 2023 n’était pas susceptible de réparer ce vice. Dans ses circonstances, le recours était irrecevable.

En tout état, concernant la problématique de l’esthétique du projet et des nuisances alléguées, lesquelles n’étaient pas avérées ou étaient inhérentes aux particularités de la zone 3______, le département avait suivi les préavis favorables des instances spécialisées consultées, s’agissant notamment de l’octroi des dérogations en application des art. 2 al. 2 LGZD et 106 LCI. Par ailleurs, l’emplacement du futur abri à vélos et à trottinettes répondait à des logiques de flux de circulation sur le site et permettait de ne pas impacter la partie des lieux qui figuraient à l’inventaire des sites protégés. Enfin, l’aménagement paysager projeté avait fait l’objet d’une attention particulière et tout chantier entrainait inévitablement des nuisances pour le voisinage. La recourante ne faisait que substituer sa propre appréciation à celle des autorités.

15.         Le 24 janvier 2024 le tribunal a transmis les observations du département et de l’intimée à la recourante en lui impartissant un délai au 23 février 2024 pour déposer une éventuelle duplique.

Elle ne s’est pas manifestée dans le délai imparti.

16.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la partie « en droit », dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir.

4.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).

Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).

5.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1).

La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

6.             En l'espèce, la recourante est propriétaire d’une parcelle directement voisine à celle concernée par le projet litigieux et elle fait valoir des griefs tirés du droit des constructions qui, s'ils sont admis, peuvent avoir une influence sur sa situation concrète. Elle a donc un intérêt personnel digne de protection à ce que la décision entreprise soit annulée.

7.             Néanmoins, la recevabilité du recours implique aussi que son auteur ait la capacité d’ester.

8.             Aux termes de l’art. 8 LPA, toute partie qui, à teneur du droit public ou du droit privé, peut agir personnellement ou par un mandataire de son choix a capacité d’ester. La capacité d'ester en justice (« Prozessfähigkeit ») est la faculté de mener soi-même le procès ou de désigner soi-même un mandataire qualifié pour le faire. Elle appartient à toute personne qui a la capacité d'être partie (« Parteifähigkeit »), c'est-à-dire à toute personne qui a la faculté de figurer comme partie dans un procès. Aussi bien la capacité d'être partie que la capacité d'ester en justice sont des notions de procédure et relèvent donc, théoriquement, du droit cantonal. Elles découlent néanmoins du droit matériel puisque la capacité d'être partie appartient à quiconque a la jouissance des droits civils, de même que la capacité d'ester en justice est le corollaire de l'exercice des droits civils. Tant la capacité d’être partie que celle d’ester en justice sont des conditions sine qua non de l’exercice des droits de partie devant les autorités et juridictions administratives. En conséquence, vu leur caractère impératif, ces conditions ne peuvent faire défaut et il est naturellement exclu de pallier un éventuel défaut par un accord des parties (ATA/818/2021 du 10 août 2021 consid. 2a et les références citées).

9.             La qualité pour agir d’une communauté de copropriétaires par étages a été admise dans le domaine de la police des constructions et de l’aménagement du territoire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_423/2011 du 2 février 2012 consid. 2.2).

10.         Dans le régime de la propriété par étages, les copropriétaires constituent de plein droit une communauté (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_364/2007 du 14 mars 2008 consid. 3). Cette communauté n’est pas propriétaire de l’immeuble, qui appartient en copropriété à ses membres; elle a simplement pour but de permettre la gestion de l’immeuble, dans la mesure où cette dernière relève de la sphère commune des propriétaires d’étage (Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome I, Berne 2012, p. 460, n. 1302). La communauté n’a certes pas la personnalité juridique, mais la loi lui confère néanmoins certains droits.

Aux termes de l’art. 712l al. 2 CC, elle peut, en son nom, actionner ou être actionnée en justice, ainsi que poursuivre et être poursuivie (al. 2). Ces aptitudes n’existent cependant que dans le cadre restreint de la gestion, autrement dit pour ce qui se rapporte aux prétentions ou contestations relevant de l’administration commune des copropriétaires (cf. ATF 116 II 55 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_364/ 2007 du 14 mars 2008 consid. 3; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-578/2014 du 23 juillet 2014 consid. 1.2.1.3; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., p. 460, n. 1303).

11.         Ainsi, lorsqu’une communauté de propriétaires par étages entend agir en justice, il convient de vérifier qu’elle dispose bien de la qualité pour agir sur la base de l’art. 712l al. 2 CC, à savoir si la prétention (soit le droit déduit en justice) entre bien dans ses compétences de gestion. En outre, si elle est habilitée à agir et qu’elle procède par l’entremise de son administrateur, il faut s’assurer que les conditions de l’art. 712t al. 2 CC sont réunies.

12.         L’art. 712t al. 2 CC, dont la teneur est reprise à l’art. 41 du règlement de la A______, prévoit que, sauf en procédure sommaire, l'administrateur ne peut agir en justice sans autorisation préalable de l'assemblée des copropriétaires, sous réserve des cas d'urgence pour lesquels l'autorisation peut être demandée ultérieurement. Cette dernière exigence tend à éviter que l'administrateur n'engage un procès susceptible d'entraîner des frais élevés et de compromettre les relations des copropriétaires entre eux, sans leur consentement. L'autorisation doit faire l'objet d'une décision de la communauté des propriétaires d'étages (arrêts 5A_721/2021 du 25 février 2022 consid. 3.2.1; 5A_913/2012 du 24 septembre 2013 consid. 5.2.1 et 5.2.2, publié in SJ 2014 I p. 183).

L'administrateur doit ainsi produire l'autorisation de l'assemblée pour agir en justice au nom de la communauté. Cette exigence est une condition de recevabilité, qui est examinée d'office par les tribunaux (arrêts 5A_721/2021 et 5A_734/2021 du 25 février 2022 consid. 3.2.1 et les références citées).

Cette autorisation est donc une condition indispensable pour admettre qu’un recours formé au nom d’une communauté des copropriétaires d’une A______ a été valablement déposé. Elle ne peut être produite ultérieurement qu’en cas d’urgence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_289/2007 du 27 décembre 2007 consid. 1.2).

13.         Dite décision, comme d'ailleurs toutes celles de la communauté des propriétaires d'étages, doit répondre à certaines exigences de forme: d'une part, pour des raisons liées aux intérêts fondamentaux de la publicité et à la sécurité du droit; d'autre part, pour éviter des difficultés liées au calcul du délai pour contester les décisions (ATF 127 III 506 consid. 3c; cf. également René BÖSCH in: Basler Kommentar, ZGB II, n. 9 ad art. 712m CC).

La décision peut d'abord être prise par oral, à l'assemblée des propriétaires d'étages (ATF 127 III 506 consid. 3a; Amédéo WERMELINGER, La propriété par étages, Commentaire des articles 712a à 712t CC, 2021, 4ème éd., n. 121 ss ad art. 712m CC; Arthur MEIER-HAYOZ/Heinz REY, in Berner Kommentar, n. 61 ss ad art. 712m CC; BÖSCH, op. cit., n. 9 ad art. 712m CC) et doit être l'objet d'un procès-verbal, qui doit être conservé (art. 712n al. 2 CC), sous peine de nullité (ATF 127 III 506 consid. 3c et 3d). La communauté des propriétaires d'étages peut également prendre une décision par voie de circulation (art. 66 al. 2 CC en application du renvoi de l'art. 712m al. 2 CC; ATF 127 III 506 consid. 3a), l'approbation écrite et unanime de tous les propriétaires d'étages étant alors nécessaire (WERMELINGER, op. cit., n. 125 ad art. 712m CC; MEIER-HAYOZ/REY, op. cit., n. 118 ad art. 712m CC et les références).

14.         S’agissant du moment de l’autorisation, l’administrateur doit obtenir l’autorisation de procéder avant d’agir. L’art. 712t al. 2 prévoit toutefois la possibilité d’obtenir une autorisation ultérieure en cas d’urgence. Dans un tel cas, l’administrateur peut procéder sans disposer d’une autorisation de la communauté des A______. Il agit en vertu d’une attribution légale. Si le caractère d’urgence n’est pas réalisé, l’administrateur dépasse son pouvoir légal de représentation.

15.         Lorsque l'administrateur ne démontre pas l'existence d'une autorisation préalable ou lorsqu'il a dû agir dans l'urgence, le juge doit lui fixer un délai pour lui permettre d'apporter la preuve de son pouvoir de représentation (ATF 114 II 310 consid. 2b). Refuser d'entrer en matière sans interpeller l'intéressé à cet égard relève en effet du formalisme excessif, ou constitue du moins une entorse à la règle de la proportionnalité (Victor GILLIOZ, L'autorisation d'ester en justice au nom de la communauté des copropriétaires par étages in: RSJ 1982______ p. 284 ss, p. 287; Jean GAUTHIER, Copropriété par étages et malfaçons in: Mélanges Guy FLATTET, p. 227 ss, p. 233 s.; cf. également MEIER-HAYOZ/REY, op. cit., n. 49 s. ad art. 712t CC et WERMELINGER, op. cit., n. 79 ad art. 712t CC, ces deux derniers auteurs paraissant toutefois limiter cette possibilité au cas où l'administrateur agit dans des affaires urgentes, où l'autorisation peut être subséquente).

16.         L’extension générale et abstraite du pouvoir de représentation légal de l’administrateur en cas de procédure judiciaire n’est pas possible dès lors que sur ce plan l’art. 712t al. 2 CC revêt un caractère impératif (RNRF 63/1982 p. 86, consid. 1 ; LGVE 2005 II n° 45 ; WERMELINGER, op. cit, n. 88 ad art. 712t CC).

17.         En l’espèce, le recours déposé le 13 novembre 2023 au nom de la recourante par son administrateur n’est à l’évidence pas soumis à la procédure civile sommaire, de sorte qu’il n’est pas couvert par le pouvoir de représentation légal prévu par l’art. 712t al. 2 CC.

Dès lors que, comme exposé plus haut, l’art. 712t al. 2 CC, de caractère impératif, ne permet pas l’extension générale et abstraite du pouvoir de représentation légal de l’administrateur en cas de procédure judiciaire, celui-ci n’a le pouvoir de représenter la communauté des copropriétaires dans les litiges judiciaires que moyennant décision préalable de l’assemblée des copropriétaires.

Invité par le tribunal à justifier de ses pouvoirs de représentation, l’administrateur a notamment produit le PV du 27 novembre 2023, dont il ressort qu’« Après discussion, il est décidé à l’unanimité des copropriétaires présents et représentés de poursuivre la procédure à l’encontre de la DD 6______ RO du ______ 2023 et de donner pouvoir à l’administrateur ».

Il apparaît ainsi que l’assemblée des copropriétaires n’a autorisé son administrateur à interjeter recours contre l’autorisation de construire litigieuse, pour le compte de la communauté des propriétaires par étages, qu’en date du 27 novembre 2023, soit après le dépôt du recours ainsi qu’après le délai de 30 jours pour recourir.

Or, en application de l’art. 712t al. 2 CC, qui revêt un caractère impératif, l’autorisation ne peut être demandée ultérieurement que dans les cas d’urgence, ce qui n’a été ni démontré ni même allégué par la recourante et qui ne ressort pas non plus du dossier. Il convient d’ailleurs de relever que la recourante n’a pas jugé opportun de dupliquer dans le délai que lui avait imparti le tribunal à cet égard, suite à la transmission des observations de l’intimée et du département.

Dans ces circonstances, force est de constater qu’en déposant le présente recours sans l’autorisation préalable requise, l’administrateur a dépassé son pouvoir légal de représentation. Il ne disposait ainsi pas des pouvoirs nécessaires pour agir en justice et l’autorisation donnée postérieurement ne permet pas, en application de la jurisprudence et de la doctrine précitée, de corriger le vice affectant les actes déjà accomplis.

18.         Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

19.         Le présent jugement rend sans objet la demande de transport sur place.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

21.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 900.-, à la charge de la recourante, sera allouée à la B______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par la A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 300.- ;

4.             condamne la recourante à verser à la B______ une indemnité de procédure de CHF 900.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière