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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4258/2023

JTAPI/606/2024 du 21.06.2024 ( OCPM ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;CAS DE RIGUEUR;ADMISSION PROVISOIRE
Normes : LPA.48.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4258/2023

JTAPI/606/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mevlon ALIU, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1990, est ressortissant de Syrie.

2.             Par décision du 18 août 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

M. A______ avait déposé une demande d'asile en Suisse le 20 octobre 2015, laquelle avait été rejetée en raison du fait qu'il avait précédemment demandé l'asile en Allemagne. Il était revenu en Suisse et s'était marié avec Madame B______ le ______ 2017, suite à quoi il avait été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour qui était arrivée à échéance le 23 mai 2020. L'union conjugale avait pris fin le 1er mai 2018, d'après un jugement prononcé le ______ 2018. Aucune reprise de vie commune n'avait eu lieu depuis lors ni n'était envisagée. De cette union étaient nés deux enfants, C______, le ______ 2017, et D______ le ______ 2019, tous deux ressortissants suisses. M. A______ était bénéficiaire de l'aide sociale et avait reçu à ce titre, depuis le 1er juillet 2018, un montant total de CHF 112'041,75. Par jugement du 9 juin 2020, le Tribunal de police du canton de Genève l'avait condamné à une peine pécuniaire de 60 jours amende avec sursis pour dommages à la propriété et lésions corporelles simples (à l'encontre de sa conjointe pendant le mariage ou l'année suivant le divorce).

Il n'avait pas effectué en Suisse un séjour suffisamment long pour admettre qu'il se trouvait dans un cas individuel d'extrême gravité. Son intégration en Suisse ne pouvait être qualifiée d'irréprochable en raison de son comportement pénal et de son importante et durable dépendance à l'aide sociale. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée. Il ne démontrait pas non plus qu'il était spécialement intégré au sein de la communauté genevoise. S'agissant de la présence en Suisse de ses deux enfants et de leur mère, il ne pouvait se prévaloir d'une relation affective avec eux. Elle était sporadique, nonobstant les allégations contraires de M. A______. De plus, une requête de mesures protectrices de l'union conjugale avait été déposée et suivie d'un jugement du Tribunal de police le condamnant pour des lésions corporelles. Sa relation à ses enfants n'était pas prouvée de manière documentée. Il fallait également qu'il existe une relation économique particulièrement intense et que le comportement du parent soit irréprochable. En l'occurrence, la relation économique de M. A______ était manquante car il ne contribuait pas matériellement à l'entretien de ses enfants, à défaut de disposer de moyens financiers propres.

3.             Sur recours de M. A______, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a confirmé cette décision par jugement du 23 mai 2023 (JTAPI/574/2023).

Le tribunal a notamment retenu que le droit de visite dont bénéficiait M. A______, tel qu'il avait été fixé par le jugement de divorce, était extrêmement limité. Il était prévu que le droit de visite aurait lieu durant cinq semaines consécutives à une heure par semaine dans le cadre de la prestation « 1 pour 1 » du « Point de rencontre », puis, sauf avis contraire du curateur, durant cinq semaines consécutives, une journée par semaine, dans le cadre de la prestation « passages » du « Point de rencontre », puis, sauf avis contraire du curateur, un mercredi sur deux de 10 heures à 17 heures et en alternance un samedi sur deux de 10 heures à 17 heures dans le cadre de la prestation « passages » du « Point de rencontre ».

Le recourant n'avait produit aucune preuve, notamment attestation de son ex-épouse, au sujet de l'usage soi-disant plus étendu qu'il faisait de son droit de visite et il n'y avait pas lieu de tenir compte de ses allégations.

Par ailleurs, en ce qui concernait la condition des relations étroites et effectives sur le plan économique, il ne pourvoyait pas financièrement à l'entretien de ses enfants et n'avait manifestement pas fait les efforts qu'il lui incombait de déployer pour assurer à ses enfants de meilleures conditions de vie sur le plan matériel. Il n'avait donc pas cherché à entretenir avec eux des relations étroites et effectives sur le plan économique.

Enfin, le recourant n'avait produit aucun document qui contredirait le fait qu'il disposait d'un statut légal en Allemagne, de sorte que ses affirmations au sujet du fait qu'il lui serait impossible de maintenir une relation effective avec ses enfants s'il devait retourner en Syrie tombaient à faux. Par conséquent, un retour en Allemagne, pays voisin de la Suisse, ne le priverait aucunement de la possibilité d'organiser régulièrement des rencontres avec ses enfants et donc de maintenir la relation avec eux.

4.             Par courrier du 21 juillet 2023, M. A______ s'est adressé à l'OCPM en indiquant que depuis la décision du 18 août 2022, il avait effectué beaucoup de démarches, notamment auprès du service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) afin de pouvoir voir ses enfants et obtenir un droit de garde. Sa situation évoluait positivement grâce à l'aide du SPMi, avec un calendrier décisionnel adressé à son ex-épouse le 20 juillet 2023. Il était essentiel pour lui de pouvoir travailler afin de subvenir aux besoins de ses enfants. Il sollicitait l'aide de l'autorité pour pouvoir régulariser sa situation dès que possible.

5.             Par décision du 8 août 2023, l'OCPM a considéré le courrier de M. A______ du 21 juillet 2023 comme une demande de reconsidération de la décision du 18 août 2022. Cependant, les éléments invoqués à l'appui de cette demande n'étaient pas nouveaux et importants. Par conséquent, l'OCPM refusait d'entrer en matière sur la demande de reconsidération.

6.             Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

7.             Par courrier du 6 novembre 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

Il résultait d'un courrier que le SPMi avait adressé le 4 septembre 2023 au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) que ses enfants s'épanouissaient et éprouvaient un plaisir sincère lors de leurs rencontres avec lui. Il s'agissait d'un indicateur précieux du lien affectif qui les unissait à leur père. Le SPMi avait également observé une amélioration significative de la collaboration entre les parents. Le tribunal avait en conséquence décidé le 6 septembre 2023 de maintenir le dispositif actuel du droit de visite, consistant en une heure hebdomadaire tous les samedis. L'indisponibilité de ressources suffisantes du Point rencontre rendait pour le moment une intensification de cette fréquence impossible.

Par ailleurs, sa situation avait entraîné un stress psychosocial aggravé par une séparation avec ses enfants, selon certificat médical établi le 31 octobre 2023 par le Dr E______, médecin généraliste, lequel ajoutait qu'une évaluation et une prise en charge médicale étaient en cours afin de minimiser les risques, potentiellement graves, liés à cette situation.

La suite du courrier du 6 novembre 2023 revenait en outre sur la durée de son séjour en Suisse, sur les éléments de son intégration (selon attestation du directeur sportif du F______ – F______ – datée du 16 octobre 2023), sur sa situation professionnelle et financière qui découlait d'une proposition d'engagement initial à 20 % en tant que coiffeur professionnel pour un salaire brut de CHF 1'000.- par mois, et enfin sur ses condamnations pénales.

L'ensemble de ces éléments justifiait qu'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité lui soit octroyée, étant précisé qu'un retour en Allemagne était impossible.

8.             Par décision du 21 novembre 2023 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a retenu que la demande présentée par M. A______ devait être considérée comme une demande de reconsidération de la décision rendue le 18 août 2022.

Les éléments invoqués à l'appui de cette demande n'étaient pas nouveaux et importants. À ce jour, même si des éléments externes entraient en jeu (disponibilité du Point de rencontre et de l'interprète), l'exercice du droit de visite sur les enfants de M. A______ était sensiblement similaire à la situation passée. Sa promesse d'embauche à 20 % en tant que coiffeur ne permettait pas de modifier de manière conséquente sa situation financière. Par conséquent, l'OCPM refusait d'entrer en matière sur la demande de reconsidération.

9.             Par acte du 20 décembre 2023, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du tribunal en concluant principalement à son annulation et à ce qu'une autorisation de séjour lui soit octroyée et, sur mesures provisionnelles, à ce que l'effet suspensif soit accordé au recours.

Reprenant les faits exposés plus haut, M. A______ a également repris les arguments qu'il avait développés à l'appui de sa demande de reconsidération du 6 novembre 2023, tout en détaillant les raisons pour lesquelles il était selon lui impossible qu'il soit à nouveau expulsé en Allemagne ou en Syrie.

10.         Par écritures du 5 janvier 2024, l'OCPM a indiqué qu'à titre exceptionnel, il n'était pas opposé au prononcé de mesures provisionnelles permettant à M. A______ de demeurer en Suisse pendant la procédure. Sur le fond, l'OCPM a maintenu sa position, tout en relevant que lors d'une audition à la police le 21 juin 2023, il avait affirmé dépendre de l'Hospice général. Par conséquent, il était invité à produire un document récent à ce sujet.

11.         M. A______ a répliqué le 12 janvier 2024 en reprenant en substance ses explications précédentes.

12.         Par décision incidente du 16 janvier 2024 (DITAI/22/2024), le tribunal a admis la demande de mesures de provisionnelles et a autorisé M. A______ à rester en Suisse durant la présente procédure.

13.         Par courrier du 24 janvier 2024, l'OCPM a indiqué au tribunal avoir été récemment informé de l'impossibilité du renvoi de M. A______ vers l'Allemagne. Tout en s'en tenant à son refus d'entrer en matière sur la demande de reconsidération, l'OCPM allait transmettre le dossier de M. A______ au secrétariat d'État aux migrations dès l'entrée en force de la décision du 21 novembre 2023, afin que l'autorité fédérale se prononce sur l'octroi d'une admission provisoire.

14.         Par écritures du 26 février 2024, M. A______ a produit un jugement rendu le 20 février 2024 par le Tribunal de police dans la procédure pénale P/1______ et prononçant son acquittement de l'infraction de dénonciation calomnieuse. Il s'agissait d'un développement majeur changeant radicalement sa situation aux yeux de la justice. En outre, sa situation professionnelle avait connu une amélioration notable grâce à son engagement en tant que coiffeur à 50 %, ce qui témoignait de son intégration réussie sur le marché du travail suisse. À ce sujet, il a produit un contrat signé le 16 février 2024 avec la société G______ SàRL, prévoyant un horaire de travail hebdomadaire de 23 heures et un salaire mensuel brut de CHF 2'300.- versé treize fois par an.

15.         Par courrier du 27 février 2024, le tribunal a invité M. A______ à produire une attestation du Point de rencontre ou du SPMi sur la fréquence, la régularité et la qualité des contacts entre lui et ses enfants. Il était également invité à préciser et cas échéant à prouver s'il subvenait financièrement à leur entretien, ainsi qu'à produire les fiches de salaire qu'il avait pu obtenir depuis son engagement chez son précédent employeur, une attestation de l'Hospice général sur l'aide qu'il avait éventuellement reçue jusqu'ici, ainsi qu'une attestation de l'office des poursuites. Un délai à cette fin lui était imparti au 29 mars 2024.

16.         Par courrier du 26 février 2024 (sic), reçu par le tribunal le 3 avril suivant, M. A______ a répondu à la demande du tribunal du 27 février 2024. Les discussions entre le SPMi et lui révélaient que, malgré l'absence de rencontre planifiée à l'heure actuelle, la situation était complexe et semblait influencée par des facteurs externes, dont des interventions possibles de la mère. Un rapport psychologique était en cours pour mieux comprendre cette évolution. En ce qui concernait la contribution d'entretien pour ses enfants, il avait proposé, par le biais de son conseil, un montant de CHF 200.- par mois. Cette proposition, d'abord adressée à l'avocat de son ex-épouse, avait finalement été communiqué directement à cette dernière, aboutissant à un accord pour le versement de cette somme sur un compte qu'il allait être imminemment ouvert au nom de ses enfants. Il joignait également à son courrier sa première fiche de salaire, ainsi qu'une requête qu'il avait adressée à l'Hospice général pour demander la cessation de l'aide sociale, démarche qui démontrait sa détermination en vue d'être financièrement autonome grâce à son emploi. Enfin, il s'engageait à transmettre au tribunal, dès réception, le rapport psychologique évaluant la situation de ses enfants.

17.         Ce courrier contient en annexe :

-        un extrait du registre des poursuites daté du 18 mars 2024, attestant que M. A______ ne fait l'objet d'aucune poursuite ni acte de défaut de bien dans le canton de Genève ;

-        un courrier de M. A______ daté du 23 mars 2024, adressé à l'Hospice général et indiquant vouloir « quitter » cette institution, n'ayant pas besoin d'aide en raison de son emploi ;

-        une fiche de salaire de G______ SàRL pour le mois de mars 2024, faisant état d'un salaire brut de CHF 2'300.- et net de CHF 1'892,25 ;

-        un courriel adressé le 6 mars 2024 par le conseil de M. A______ à une intervenante en protection de l'enfant auprès du SPMi, demandant une attestation détaillant la fréquence, la régularité et la qualité des contacts entre M. A______ et ses enfants ;

-        la réponse apportée à ce courriel le 8 mars 2024, indiquant que ni le SPMi, ni le Point rencontre ne délivrait de telles attestations, mais que M. A______ avait reçu le 8 janvier 2024 un compte rendu sur le déroulement des visites, dans lequel il serait peut-être possible de trouver les informations souhaitées par le tribunal. Le conseil de M. A______ se voyait également fournir le dernier courrier adressé par le SPMi au TPAE le 16 février 2024, dont M. A______ avait également reçu copie ;

-        un courriel d'une avocate répondant le 26 mars 2024 au conseil de M. A______ au sujet de sa proposition d'une contribution d'entretien pour ses enfants de CHF 200.- (CHF 100.- par enfant), en indiquant qu'elle ne représentait pas formellement l'ex-épouse du précité.

18.         Par courrier du 4 avril 2024, le tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             S'agissant du cadre du litige, le recourant ne conteste pas que ses écritures du 6 novembre 2023 doivent être considérées comme une demande de reconsidération de la décision du 18 août 2022, puisque l'argumentation juridique de son recours consiste à expliquer les motifs pour lesquels il faudrait admettre une telle reconsidération.

4.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque (let. a) un motif de révision au sens de l’article 80, lettres a et b, existe ou (let. b)  les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

Selon l'art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît (let. a)  qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision ou (let. b)  que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente;

5.             En vertu de l’art. 48 al. 1 let. b LPA, dont l’application est seule envisageable en l’espèce, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des « faits nouveaux nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a).

L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

6.             Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3d). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (cf. Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429 p. 493).

Ainsi, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 7.2 ; 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.4 ; 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 ; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3).

7.             Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c ; cf. aussi arrêt 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 5 et 6; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-1545/2008 du 8 juillet 2008 consid. 5 ; C-7483/2006 du 19 juin 2007 consid. 6 ; C-1798/2006 du 15 juin 2007 consid. 6 ; C-273/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.3). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l’intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d’entraîner une reconsidération de la décision incriminée (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5003/2019 du 6 avril 2020 consid. 4.3 ; F-2581/2017 du 3 septembre 2018 consid. 3.4 ; F-2638/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.3). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 3.3).

Ainsi, bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 13 août 2019 consid. 5b).

8.             Dans le cas d'espèce, la question, au vu des considérants qui précèdent, est de savoir si les circonstances dont le recourant a fait état dans sa demande du 6 novembre 2023 peuvent être considérées, d'une part, comme nouvelles et, d'autre part, comme importantes, une éventuelle réponse positive sur ces deux points devant amener à l'admission du recours. Le point de comparaison pour en juger est la situation prise en considération dans le jugement rendu par le tribunal le 22 mai 2023, dès lors que celui-ci s'est fondé sur les faits existants au moment de trancher le litige (ATA/1001/2021 du 28 septembre 2021 et réf. cit.).

9.             S'agissant tout d'abord des relations personnelles entre le recourant et ses deux enfants, force est de constater qu'il n'y a eu aucune évolution. En effet, dans sa demande de 6 novembre 2023, le recourant a indiqué que le TPAE avait décidé le 6 septembre 2023 de maintenir le dispositif actuel du droit de visite, consistant en une heure hebdomadaire tous les samedis. Or, dans son jugement du 22 mai 2023, le tribunal de céans avait retenu que même si le droit de visite suivait l'évolution prévue et aboutissait à un mercredi sur deux de 10 heures à 17 heures et en alternance un samedi sur deux de 10 heures à 17 heures dans le cadre de la prestation « passages » du « Point de rencontre », cela restait insuffisant pour admettre l'existence d'un lien personnel suffisant au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

De surcroît, le tribunal relève que, dans ses dernières écritures datées (par erreur) du 26 février 2024, le recourant a admis que « malgré l'absence de rencontre planifiée à l'heure actuelle », la situation demeurait complexe et semblait influencée par des facteurs externes, dont des interventions possibles de la mère, et qu'un rapport psychologique était en cours pour mieux comprendre cette évolution. Il en découle clairement que, loin d'évoluer favorablement, les relations personnelles entre le recourant et ses enfants restent au statu quo, voire régressent. Le courriel adressé le 8 mars 2024 au conseil du recourant par une intervenante en protection de l'enfant du SPMi fait en outre référence à un compte rendu du 8 janvier 2024 sur le déroulement des visites, ainsi qu'à un courrier adressé le 16 février 2024 au TPAE. Le recourant étant en possession de ces documents, mais n'ayant pas jugé opportun de les produire dans la présente procédure, cela ne peut qu'éveiller un doute supplémentaire sur la qualité des relations qu'il entretient avec ses enfants.

10.         S'agissant des liens économiques du recourant avec ses enfants, le précité n'a fait qu'alléguer, dans la présente procédure, sa proposition de verser un montant mensuel de CHF 100.- pour chacun d'eux, mais n'a nullement démontré, depuis le courrier que le tribunal a reçu de sa part le 3 avril 2024 (daté par erreur du 26 février 2024), qu'il avait concrétisé cette proposition. En tout état, quand bien même ce serait le cas, une telle contribution, extrêmement limitée, ne saurait conduire à admettre une évolution significative de sa relation économique avec ses enfants.

11.         S'agissant de la situation professionnelle et financière du recourant, celui-ci a indiqué au tribunal, en cours de procédure, qu'il avait désormais trouvé un emploi à 50 % tant que coiffeur. Ceci pourrait certes être considéré comme une évolution de sa situation. Elle n'en serait toutefois pas pour autant significative, car même prima facie, elle serait très insuffisante pour entraîner une appréciation différente du degré d'intégration du recourant sous l'angle du cas individuel d'extrême gravité. Au demeurant, le tribunal relèvera qu'après avoir produit son attestation de salaire pour le mois de mars 2024, le recourant n'a pas fait savoir au tribunal s'il avait reçu les salaires suivants, ce qu'il pouvait parfaitement faire nonobstant le fait que le tribunal avait annoncé le 4 avril 2024 que la cause était gardée à juger.

12.         Quant à la question de sa dépendance éventuelle à l'aide sociale, le recourant, auquel le tribunal avait demandé de produire une attestation de l'Hospice général, s'est contenté de produire à la place un courrier qu'il aurait lui-même adressé cette institution le 23 mars 2024 en indiquant vouloir la « quitter ». Ainsi, le recourant n'a pas correctement collaboré et n'a pas démontré quelle était sa situation vis-à-vis de l'Hospice général.

13.         S'agissant de l'intégration sociale du recourant, celui-ci a fait état du fait qu'il n'avait plus été condamné depuis le jugement rendu à son encontre pour lésions corporelles et qu'il avait d'ailleurs été acquitté du chef de dénonciation calomnieuse par jugement du Tribunal de police du 20 février 2024. Ces éléments, qui montrent simplement que le recourant s'est abstenu de troubler l'ordre juridique depuis le jugement rendu à son encontre par le tribunal de céans le 22 mai 2023, relèvent du simple écoulement du temps depuis que la décision de renvoi prise contre lui est devenue définitive. Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, ils ne peuvent être pris en compte dans le cadre d'une demande de reconsidération. Quant au fait qu'il s'implique au sein du club de football F______, il ne s'agit manifestement pas d'une évolution de sa situation suffisamment importante pour justifier une entrée en matière sur une demande de reconsidération.

14.         Enfin, s'agissant des problèmes de santé dont le recourant a fait état, ils ne revêtent manifestement pas un degré de gravité qui, dans le cadre de l'examen d'un cas individuel d'extrême gravité, pourraient justifier l'octroi d'une autorisation de séjour.

15.         La seule évolution significative de la situation du recourant réside dès lors dans l'impossibilité dans laquelle se trouvent désormais autorités suisses de le renvoyer en Allemagne. À cet égard, l'autorité intimée s'est déterminée en indiquant qu'elle allait soumettre le cas du recourant au secrétariat d'État aux migrations en vue d'une éventuelle admission provisoire. Même si la décision de renvoi prise à l'encontre du recourant le 18 août 2022 demeure quoi qu'il en soit le préalable à une éventuelle admission provisoire et reste valable sous cet angle, l'impossibilité du renvoi vers l'Allemagne aboutit cependant à l'admission partielle du recours, puisque cette décision statuait également sur le refus d'une admission provisoire et que cette question doit désormais être réexaminée.

16.         Le recours sera ainsi partiellement admis et la cause renvoyée à l'autorité intimée afin qu'elle soumette le dossier du recourant au secrétariat d'État aux migrations en vue de l'examen de son admission provisoire.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe pour l'essentiel, est condamné au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 300.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, lui sera restitué.

18.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 300.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 novembre 2023 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour la suite à y donner au sens des considérants ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 300.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière