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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3983/2023

JTAPI/599/2024 du 20.06.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL
Normes : LEI.18; LEI.21.al1; LEI.21.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3983/2023

JTAPI/599/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Baptiste GOLD, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1998, est ressortissant du Liban.

2.             Il a résidé à Genève depuis août 2017 au bénéfice d'une autorisation de séjour pour formation durant laquelle il a étudié auprès de la faculté de droit de l'Université de Genève, auprès de laquelle il a obtenu un diplôme de Master en ______ 2023, tout en obtenant en ______ 2023 un certificat de spécialisation en matière d'avocature délivré par l'École d'avocature de Genève.

3.             À l'échéance de son autorisation de séjour pour formation, il a été mis au bénéfice, dès le 20 septembre 2023, d'une autorisation de courte durée à des fins de recherche d'emploi pour les ressortissants d'États tiers titulaires d'un diplôme d'une haute école Suisse, laquelle est à son tour arrivée à échéance le 20 mars 2024.

4.             Parallèlement à ses études, il a travaillé auprès de diverses associations (B______, C______, D______) et a effectué en outre des stages auprès de plusieurs Études d'avocats.

5.             Le 28 juillet 2023, il a signé une promesse d'emploi pour un stage d'avocat auprès de Maître E______, avocat en l'Étude F______. La durée du contrat serait de 18 mois, le salaire s'élevant à CHF 4'000.- versés treize fois par an.

6.             Le 22 août 2023, Me E______ a adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de travail en faveur de M. A______.

L'Étude F______ SA était basée à Genève avec des bureaux à G______(ZH) et H______ (Emirats Arabes Unis), ainsi qu'une présence à I______ (Serbie). Ses domaines d'activité comprenaient notamment les litiges internationaux, le règlement des différends, la recherche et le recouvrement d'actifs, ainsi que les transactions transfrontalières et les questions d'entreprise. Elle avait diffusé des offres d'emploi sur différents sites, notamment sur www.jobup.ch, ainsi que sur le portail emploi de l'Université de Genève et de l'Université de Zurich, de même que sur Linkedin. Sur les 55 personnes qui avaient consulté l'annonce sur le portail emploi de l'Université de Genève, seul M. A______ avait postulé à l'offre. Il fallait préciser que l' Étude avait également engagé un autre stagiaire, de nationalité suisse, au bureau de G______(ZH). La candidature de M. A______ répondait aux attentes de son employeur, qui représentait majoritairement la clientèle internationale et qui communiquait principalement en anglais, français et arabe. L'activité pour les bureaux de Genève et de G______(ZH) exigeait régulièrement la préparation d'avis de droit, non seulement français, mais également en anglais ou arabe, portant sur le droit suisse ou sur des problématiques de droit international. Le candidat recherché devait en outre communiquer efficacement par courriel et directement avec les clients de l'Étude, ce qui nécessitait ainsi une maîtrise des deux langues. Un candidat bénéficiant d'une formation dans des domaines relatifs au droit des affaires, tels que le droit des sociétés et le droit international, et plus particulièrement les litiges internationaux, et était un atout important pour l'Étude. M. A______ répondait en tous points à ces critères, son profil, sur le marché genevois, faisait de lui un atout rare pour son employeur.

7.             Par courrier du 28 août 2023, M. A______ a sollicité auprès du département des institutions et du numérique la possibilité de prêter le serment d'avocat.

8.             Par courrier du 25 septembre 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé F______ SA que le dossier de M. A______ lui avait été transmis pour raison de compétence et l'a invité à communiquer les comptes et bilans annuels de 2021 et 2022 de la structure genevoise, la répartition fiscale intercantonale avec le bureau zurichois, ainsi que les preuves des recherches étendues effectuées sur le marché suisse et européen avec un tableau récapitulatif indiquant notamment les motifs de refus.

9.             Par courrier du 6 octobre 2023, sous la plume de Me E______, F______ SA a répondu en fournissant les bilans 2021 et 2022, en précisant que le bureau zurichois n'était opérationnel que depuis l'année 2023, de sorte que 100 % de l'activité juridique en Suisse avait eu lieu au sein de la structure genevoise pour le moment et que par conséquent, aucune répartition fiscale avec le bureau zurichois n'existait pour l'instant. Enfin, pour ce qui était des recherches effectuées, elles l'avaient été au moyen d'une annonce auprès des universités. Un tableau récapitulatif des candidats, ainsi que des commentaires relatifs à la suite donnée à chaque candidature, était également fourni.

Parmi les pièces produites à l'appui de ce courrier, les recherches de candidatures résultent uniquement d'un courriel du 5 août 2023 émanant de l'Université de Genève, selon lequel l'annonce pour un avocat-stagiaire était désormais hors-ligne et qu'elle avait été consultée jusque-là par 51 personnes.

10.         Par décision du 25 octobre 2023, l'OCIRT a refusé de délivrer à F______ SA une autorisation de séjour de courte durée avec activité lucrative en faveur de M. A______. L'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE ou de l'AELE n'avait pu être trouvé.

11.         Par courrier du 20 novembre 2023, la Conseillère d'État en charge du département des institutions et du numérique a indiqué à M. A______ qu'elle ne pouvait l'autoriser à prêter le serment d'avocat dans la mesure où son stage était une activité lucrative requérant une autorisation de séjour.

12.         Par acte du 25 novembre 2023, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de l'OCIRT du 25 octobre 2023 en concluant à son annulation et à ce que son admission soit prononcée en vue de l'exercice d'une activité lucrative.

Il ressortait des constatations faites par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) en 2018 que les professions du droit présentaient un besoin important de main-d'œuvre qualifiée, que le taux de chômage (1.6 %) y était très nettement inférieur à la moyenne nationale (3.2 %), que la proportion de main-d'œuvre étrangère récemment immigrée chez les avocats et les notaires (8.4 %) était inférieure à la moyenne (9.1 %), que la croissance de l'emploi dans les professions du droit avait progressé de près de 67 % entre 2001 et 2014, soit une croissance nettement supérieure à la moyenne en comparaison horizontale avec les autres professions, que l'indicateur du besoin de remplacement moyen était de 65 % pour les professions du droit et donc nettement inférieur à la moyenne nationale de 97 %, ce qui signifiait que les travailleurs partant bientôt à la retraite pourraient être entièrement remplacés par la main-d'œuvre récemment arrivée sur le marché du travail et que les exigences de qualification étaient très nettement supérieures à la moyenne nationale. Un autre document réalisé par le SECO en 2023 (« disponibilité de la main-d'œuvre : un système d'indicateurs pour l'évaluer – bases méthodologiques et conclusions ») donnait des indications similaires. Outre les évolutions à court terme, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée constituait également un défi structurel pour la Suisse. Dans le contexte de mutation structurelle que traversait le marché du travail, les exigences en matière de qualification évoluaient et tendaient à s'accroître, ce qui se traduisait par une augmentation constante de la demande de spécialistes bien à très bien formés. À l'appui de ses écritures, M. A______ a encore produit une série de graphiques résumant les informations contenues dans les rapports du SECO. En définitive, comme l'indice global le démontrait en 2023 et en 2018, les professions du droit présentaient des signes manifestes d'un besoin de main-d'œuvre qualifiée accrue. L'indice global pour cette classe professionnelle se situait donc encore dans la partie supérieure du classement. L'explication qu'avait obtenu M. A______ lors d'un téléphone avec le service de la main-d'œuvre étrangère le 10 novembre 2023, selon laquelle cela ne serait pas le cas à Genève, n'était pas pertinente, puisque la loi prévoyait très clairement les intérêts économiques de la Suisse dans son ensemble, et non l'intérêt économique du canton.

Enfin, si l'étranger qui remplissait les conditions légales trouvait un emploi dans le délai prévu par la loi, il était contraire au principe de la bonne foi de lui refuser un permis de séjour en vue d'occuper un poste, même s'il n'avait en principe pas de droit à obtenir une autorisation à cette fin.

13.         Par courrier du 18 janvier 2024, répondant à une sollicitation du tribunal, F______ SA a indiqué être toujours disposée à engager M. A______. La décision rendue par l'OCIRT le 25 octobre 2023 lui était particulièrement préjudiciable dans la mesure où l'Étude avait été mandatée par un promoteur Suisse pour un projet immobilier à H______ (Emirats Arabes Unis) d'une valeur de 160 millions de dollars. Le profil de M. A______ apparaissait indispensable à une telle affaire, compte tenu notamment de l'application du droit suisse et de la langue arabe.

14.         L'OCIRT a répondu au recours par écritures du 4 mars 2024, en concluant à son rejet.

Le fait que M. A______ avait résidé sur le territoire suisse depuis le 29 août 2017 au bénéfice d'une autorisation temporaire pour études ne lui conférait aucun droit quant à une prise d'activité. Il devait donc être considéré comme un nouveau demandeur d'emploi.

S'agissant des qualifications particulières dont bénéficiait prétendument M. A______, il s'agissait de sa formation en droit suisse, de son expérience en tant que juriste en Suisse et à l'étranger, ainsi que de ses connaissances de la langue française, anglaise et arabe. Aucune de ces qualifications n'était à ce point spécifique qu'il fût impossible à l'employeur de recruter un travailleur titulaire d'un passeport européen et des compétences requises. L'employeur n'avait pas annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi et n'avait fait aucune recherche sur le marché européen, se contentant d'annoncer la vacance d'un poste d'avocat-stagiaire sur le portail du centre de carrière de l'Université de Genève, qui n'était pas accessible aux personnes ne disposant pas d'un compte (login étudiant ou pour les personnes ayant obtenu un diplôme de l'Université de Genève dans les 24 mois précédents). L'employeur n'avait ainsi pas apporté la preuve qu'il avait fait tous les efforts possibles et qu'il s'était trouvé dans l'impossibilité absolue de trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l'UE/AELE.

S'agissant du mandat dont F______ SA avait fait état dans son courrier du 18 janvier 2024, le site Internet de l'Étude indiquait que Maître J______ était de langue maternelle arabe. Par conséquent, la présence de M. A______ n'apparaissait pas indispensable. En outre, l'anglais était couramment utilisé comme langue dans le domaine commercial.

Enfin, le poste proposé ne représentait pas d'intérêt scientifique au sens des dispositions légales permettant de déroger à l'ordre de priorité, de sorte que c'était la question de l'intérêt économique prépondérant qu'il fallait examiner. S'agissant des rapports du SECO, celui de 2018 n'était plus d'actualité et celui de 2023 traitait d'un système d'indicateurs permettant d'évaluer la demande en personnel qualifié en Suisse. Il fallait noter que chaque canton avait ses propres spécificités concernant le marché du travail, de sorte qu'il n'était pas recommandé de se baser sur des études fédérales au lieu d'examiner la situation spécifique cantonale. À cet égard, il était notoire que le marché du travail pour les professions juridiques et judiciaires était largement pourvu à Genève, voire même saturé. De nombreux jeunes diplômés connaissaient des difficultés, une fois terminé leur Master en droit suisse, et devaient attendre des mois, voire des années pour avoir accès à une place de stage dans une Étude genevoise. Par ailleurs, l'employeur ne démontrait pas que l'engagement de M. A______ engendrerait la création immédiate de nouveaux emplois ou permettrait de générer des nouveaux mandats pour l'économie suisse.

15.         Par écritures du 16 mars 2024, M. A______ a répliqué en reprenant dans l'ensemble ses arguments précédents. Il contestait que le rapport du SECO de 2018 ne soit plus d'actualité. Par ailleurs, face aux indicateurs qui découlaient des études du SECO, les simples allégations de l'autorité intimée selon lesquelles le marché du travail pour les professions juridiques et judiciaires était saturé dans le canton de Genève ne pouvaient être prises en considération.

16.         Par écritures du 8 avril 2024, l'OCIRT a dupliqué en soulignant que selon le rapport de l'Ordre des avocats de Genève pour la période 2022 2023, un total de 2'072 membres étaient inscrits, tandis que le registre des avocats de Genève faisait état d'un nombre total de 2'727, représentant le nombre d'avocats, d'avocats-stagiaires, d'avocats UE/AELE autorisés par la LLCA, de clercs d'avocats et d'avocats au sein d'organisations d'utilité publique.

17.         Par écritures du 15 avril 2024, M. A______ s'est à nouveau déterminé. Les faits dont se prévalait l'autorité intimée n'avaient pas valeur de preuve. En outre, le nombre d'avocats inscrits à Genève n'établissait pas en soi que les besoins du marché étaient satisfaits.

Par ailleurs, M. A______ s'est encore référé à différents éléments résultant d'un rapport établi par l'office cantonal genevois de la statistique en 2024, analysant différents éléments conjoncturels afin de prévoir l'évolution de l'économie dans le canton de Genève. On ne pouvait, comme l'avait fait l'autorité intimée, tirer des conclusions hâtives sur la base de chiffres absolus, sans examiner en profondeur le contexte et sans se fonder sur un quelconque référentiel.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ  - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Sur le fond du litige, le recourant fait valoir une violation de l'art. 21 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4.             La LEI et ses ordonnances règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour la Russie (ATA/1289/2019 du 27 août 2019 consid. 4).

Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. L’art. 18 LEI prévoit qu’un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3 : ATA/401/2016 du 10 mai 2016).

5.             Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/494/2017 précité). En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit à l’autorisation sollicitée par un éventuel employé. De même, un employeur ne dispose d’aucun droit à engager un étranger en vue de l’exercice d’une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

6.             En vertu de l’art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé.

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. p. 3537 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1 et la jurisprudence citée). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2012 du 1er avril 2013 ; ATA/401/2016 précité).

Selon les Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, état au 15 décembre 2021 (ci-après : Directives LEI) – qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu’elles respectent le sens et le but de la norme applicable –, les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux office régionaux de placement (ORP) les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives LEI, ch. 4.3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4 ; ATA/494/2017 précité ; ATA/24/2015 du 6 janvier 2015).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3 ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s’acquitter d’une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l’échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l’étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l’activité en question, etc. (Directives LEI, ch. 4.3.2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/1368/2018 précité).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11). Par ailleurs, des démarches intervenues après un refus d'octroi d'autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s'acquitter des exigences légales (ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 consid. 2c).

7.             En dérogation à l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEI). Dans ce cas, l'employeur ne devra plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

La notion d'« intérêt économique » du pays est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3485s. et p. 3536). Il s'agit des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier. En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'oeuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (art. 23 al. 3 LEI ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2ème éd., 2015, p. 173 ss).

Une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu'il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d'oeuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation et que l'orientation suivie est hautement spécialisée et en adéquation avec le poste à pourvoir. Cette précision garantit que ce régime particulier ne s'applique que lorsqu'il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité (par exemple informaticiens, médecins, enseignants ou encore infirmier diplômés) et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l'UE/AELE ne peuvent accomplir cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.2 ; Rapport de la Commission des institutions publiques du Conseil national du 5 novembre 2009 relatif à l'initiative parlementaire visant à faciliter l'admission et l'intégration des étrangers diplômés d'une haute école suisse, FF 2010 373, p. 384 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 172 n. 26). L'admission de cette catégorie de personnes a lieu sans examen de règle sur l'ordre de priorité des travailleurs. Une activité lucrative revêt également un intérêt économique prépondérant lorsque l'occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse (Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.4.6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-674/2011 du 2 mai 2012 consid. 6).

En dépit de l'importance des impératifs du marché du travail et des considérations économiques d'ordre général, il est souvent nécessaire de prendre encore en compte, lors de l'examen des demandes, d'autres critères se rapportant à la tâche de l'étranger ou à sa personne (formation, intérêts de l'État, aspects politiques et sociaux). Ainsi, par exemple, les demandes déposées par les professeurs d'Université, les séjours de perfectionnement ou les demandes présentées sur la base de la réciprocité ne sauraient être examinés dans la seule optique du marché du travail (art. 32 OASA ; Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.3.2.1).

La référence aux « autres travailleurs qualifiés » devrait notamment permettre d'admettre des travailleurs étrangers en tenant davantage compte des exigences du marché de l'emploi que de la fonction exercée ou de la spécificité de la formation suivie, cela pour autant que les prestations offertes par le travailleur étranger concerné ne puissent être trouvées parmi la main-d'oeuvre résidente au sens de l'art. 21 LEI. Il demeure toutefois que le statut du séjour durable reste réservé à la main-d'oeuvre très qualifiée et qu'il est nécessaire que le travailleur en question ait les connaissances spéciales et les qualifications requises (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3540).

Peuvent profiter de la dérogation de l'art. 23 al. 3 let. c LEI, des travailleurs moins qualifiés, mais qui disposent de connaissances et de capacités spécialisées indispensables à l'accomplissement de certaines activités, par exemple le travail du cirque, le nettoyage et l'entretien d'installations spéciales ou la construction de tunnels. Il doit toutefois s'agir d'activités ne pouvant pas, ou alors de manière insuffisante, être exécutées par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3541)..

8.             La dérogation que constitue l'art. 21 al. 3 LEI par rapport à l'al. 1 de cette même disposition implique d'examiner d'abord si l'engagement de la personne concernée répond aux conditions de l'al. 3. C'est seulement si tel n'est pas le cas que l'on examine ensuite si les conditions de l'al. 1 sont réalisées. Par ailleurs, il faut observer que la condition de l'intérêt économique que l'engagement de la personne concernée doit représenter pour la Suisse est une condition préalable à l'engagement de toute personne étrangère (hors UE/AELE), selon ce qui découle de l'art. 18 let. a LEI. Cette condition s'applique ainsi à une admission au sens de l'art. 21 al. 1 LEI, même si elle n'est pas mentionnée par cette disposition. Cela signifie que la notion d'intérêt économique prépondérant spécifiquement mentionnée par l'art. 21 al. 3 LEI a une connotation particulière, qui implique que l'engagement de la personne concernée ne doit pas simplement servir les intérêts économiques de la Suisse, mais doit satisfaire à cette exigence dans une mesure remarquable.

9.             En l'espèce, le recourant s'attache à démontrer que les métiers du droit font partie de ceux pour lesquels il existe une pénurie de main d'œuvre. Il se rapporte à ce sujet aux études publiées par le SECO en 2018 et 2023, qui confirment ce fait et dont il n'y a pas de raison de douter. Cependant, cette démonstration ne suffit pas à remettre en question la manière dont l'autorité intimée a fait usage de son pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 21 al. 3 LEI, lequel, il faut le souligner, ne donne pas de droit aux personnes concernées. En effet, il convient de se rappeler que les contingents annuels délivrés aux cantons par la Confédération pour l'engagement de personnes étrangères sont extrêmement réduits et qu'ils sont par conséquent très largement insuffisants pour répondre aux besoins de main-d'œuvre dans tous les secteurs où celle-ci fait plus ou moins défaut. En d'autres termes, l'art. 21 al. 3 LEI, qui reste subordonné à la politique migratoire de la Suisse, n'a de toute façon pas pour objectif de permettre le plein renouvellement de la main-d'œuvre dans les secteurs où elle est insuffisante. Le prélèvement d'une unité sur le contingent dont dispose le canton de Genève nécessite donc, même dans les cas où les postes concernés correspondent typiquement à ceux dans lesquels il existe un manque de main-d'œuvre, de chercher à déterminer si l'engagement de la personne concernée est susceptible de représenter un intérêt économique prépondérant. Conformément à la jurisprudence et aux Directives rappelées plus haut, cela signifie que l'on doit se demander si l'occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse.

En l'occurrence, le poste dont il s'agit est un poste d'avocat-stagiaire, soit d'une personne qui est encore en formation et en train d'apprendre le métier d'avocat. Le traitement prévu pour ce poste est de CHF 4'000.- par mois, treize fois par année. Ces seuls éléments permettent déjà d'écarter la possibilité que le poste en question puisse représenter un intérêt économique prépondérant pour la Suisse, dans la mesure où ce sont en principe des postes à responsabilité élevée, confiés à des personnes bénéficiant déjà d'une solide expérience professionnelle, qui permettent de satisfaire un tel intérêt. En outre, le recourant ne cherche d'aucune façon à démontrer que, malgré les éléments qui viennent d'être évoqués, son engagement permettrait de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse, ou qu'il aurait sous toute autre forme possible un effet de levier significatif et rapide en termes économiques. Quant au mandat en lien avec H______ (Emirats Arabes Unis) dont son potentiel employeur a fait état dans son courrier du 18 janvier 2024, il sera vraisemblablement traité indépendamment de l'engagement du recourant, l'autorité intimée ayant à cet égard justement relevé que l'une des personnes travaillant au sein de l'Étude d'avocats parlait l'arabe en tant que langue maternelle.

10.         Au vu de ce qui précède, force est de constater que le recourant échoue à démontrer qu'il satisfait à la condition de l'intérêt économique prépondérant requise par l'art. 21 al. 3 LEI. Il ne prétend pas non plus que son engagement relèverait d'un intérêt scientifique prépondérant au sens de cette disposition légale.

11.         Reste donc à examiner si la demande d'engagement du recourant respecte les conditions prévues par l'art. 21 al. 1 LEI, telles qu'elles ont été rappelées plus haut.

La décision litigieuse retient à ce sujet que l'ordre de priorité au sens de cette disposition n'a pas été respecté, puisque l'employeur potentiel se serait contenté de publier quelques annonces locales, notamment sur la plateforme de l'Université de Genève qui ne serait accessible que de manière restreinte, et qu'il n'aurait pas annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi.

Le recourant ne conteste pas que les démarches de son potentiel employeur se sont effectivement limitées à celles décrites par l'autorité litigieuse et ne discute pas réellement la question de savoir si elles satisfaisaient à l'ordre de priorité au sens de l'art. 21 al. 1 LEI, dans la mesure où il fonde l'essentiel de son argumentation sur le fait que cette exigence n'était pas applicable en raison de la dérogation prévue par l'art. 21 al. 3 LEI.

Le tribunal ne peut pour sa part que confirmer l'analyse faite à ce sujet par l'autorité intimée, constatant lui aussi que les recherches d'emploi effectuées par le potentiel employeur du recourant sont restées très en-dessous du niveau exigé par la jurisprudence susmentionnée pour permettre le prélèvement d'une unité sur le contingent cantonal.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours s'avère entièrement infondé et devra être rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 25 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière