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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4356/2022

JTAPI/160/2024 du 26.02.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : FRAIS DE MALADIE;AVOCAT;HONORAIRES
Normes : LIFD.33.al1.leth; LIPP.32.letb; lifd.32.al2; LIPP.34.letd
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4356/2022 ICCIFD

JTAPI/160/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par C______, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Dans leurs déclarations fiscales des années 2015 à 2017, Madame et Monsieur A______ et B______ (ci-après : les contribuables ou les recourants) se sont prévalus des déductions suivantes :

2015

2016

2017

Litige "juridique" à D______

120'000.-

0.-

0.-

Dette envers E______

1'642'000.-

1'642'000.-

165'000.-

Dette envers F______

1'150'000.-

1'150'000.-

120'000.-

Dette envers G______

0.-

0.-

1'610'000.-

Intérêts hypothécaires

53'355.-

96'263.-

118'500.-

Frais médicaux

6'082.-

4'069

0.-

S’agissant de la déduction pour le litige (CHF 120'000.-), ils ont précisé (dans la déclaration 2015 uniquement) qu’elle concernait « avocat », à concurrence de CHF 20'000.-, et « intérêts », à raison de CHF 100'000.-.

Ils ont par ailleurs déclaré un immeuble qu’ils occupaient (sis à Genève) et deux immeubles loués (sis dans le canton de D______), ainsi que les frais d’entretien y relatif de CHF 24'500.- (2015), CHF 24'000.- (2016) et CHF 1'860.- (2017).

A teneur des certificats de salaire produits, de 2015 à 2017, M. B______ était salarié de la société genevoise C______ (dont il est l’administrateur-président, avec signature individuelle, depuis le 2 février 2017) et membre des conseils d’administration de plusieurs sociétés genevoises, percevant, de la plupart d’entre elles, des indemnités annuelles de CHF 2'300.-.

2.             Le 3 décembre 2019, les contribuables ont déposé une seconde version de leur déclaration 2017. A teneur de cette dernière, leurs frais médicaux s’élevaient à CHF 1'553.-, les deux dettes envers l’G______ et E______ à CHF 1'650'000.- chacune et les intérêts y relatifs à CHF 104'116.-. Aucune dette envers F______ n’était indiquée. Deux immeubles occupés par eux-mêmes y étaient mentionnés, ainsi que les frais y relatifs de CHF 28'000.-.

3.             Par demandes de renseignements du 24 septembre 2020, puis par rappels des 4 novembre 2020 et 14 janvier 2021, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : l’AFC-GE) a demandé aux contribuables de lui remettre des justificatifs pour les dettes, les intérêts y relatifs, les frais médicaux (année 2015) et le litige juridique dans le canton de D______, ainsi que leur déclaration 2017 « définitive » accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

4.             Aucune suite n’a été donnée à ces requêtes.

5.             Par bordereaux des 17 février et 8 mars 2021, l'AFC-GE a admis les deux dettes déclarées pour l’année 2016 (CHF 1'642'000.- et CHF 1'150'000.-), les intérêts y relatifs à concurrence de CHF 7'015.-, les frais médicaux de CHF 2'786.- (2016 uniquement) et les frais d’entretien immobiliers de CHF 31'076.- (2015), CHF 30'576.- (2016) et CHF 19'961.- (2017). Elle a refusé les déductions requises pour les frais médicaux des années 2015 et 2017, les frais du litige à D______ (2015 à 2017), ainsi que les dettes et les intérêts y relatifs des années 2015 et 2017, au motif que les contribuables n’avaient pas répondu à ses demandes de renseignements. Les décomptes finaux joints à ces bordereaux faisaient état de l’absence des acomptes provisionnels, des intérêts compensatoires négatifs de CHF 7'494,45 (total pour les années 2015 à 2017) et des intérêts moratoires sur acomptes de CHF 84,75 (pour l’année 2017 uniquement).

6.             Par réclamations du 8 mars 2021, les contribuables ont contesté ces taxations, se limitant à indiquer qu’elles ne « correspondent pas à la réalité des faits ».

7.             Par courriers des 12 et 15 mars 2021, puis par rappels des 26 et 28 avril 2021,
£ l'AFC-GE a demandé aux contribuables de préciser sur quels points portaient leurs réclamations.

8.             Par un courrier reçu par l'AFC-GE le 23 avril 2021, les contribuables l’ont invitée à prendre en considération leur lettre du 1er avril précédent, qu’ils lui avaient adressée à titre d’opposition aux taxations 2012 à 2019. Deux lettres datées du 1er avril 2021 étaient jointes à ce courrier. Elles indiquaient constituer des réclamations formées contre les taxations des années 2014 à 2019, respectivement 2012 et 2013.

9.             Par décisions sur réclamation du 2 décembre 2021, l'AFC-GE a confirmé les taxations 2015 à 2017.

Elle ne pouvait entrer en matière sur les réclamations des contribuables, qui n’avaient pas répondu à ses demandes de renseignements.

10.         Par courrier du 22 décembre 2021, concernant les taxations des années 2014 à 2019, les contribuables ont indiqué à l'AFC-GE lui avoir envoyé le 24 novembre 2021 les justificatifs pour les dettes auprès de F______ (pour un montant de CHF 1'083’330.-) et lui ont demandé d’annuler les décisions sur réclamation précitées et « de modifier la taxation ».

Ils ont joint une lettre datée du 24 novembre 2021, adressée à l'AFC-GE, indiquant notamment (sic) : « En ce qui concerne votre demande de toutes pièces concernantes les litiges qui oppose M. B______ avec la gestion de son bien immobilier à H______ ainsi qu’avec la société I______, je vous prie de nous préciser les documents que vous avez besoin : les factures, explications, copie de jugement, des preuves de paiements ou factures des avocats etc. car le plus parts des documents vous a déjà été envoyé ».

11.         Par courrier recommandé du 11 mars 2022, l'AFC-GE a rappelé aux contribuables qu’en dépit de sa demande du 4 février précédent, elle ne disposait toujours pas des éléments nécessaires pour répondre à leurs interrogations s’agissants des litiges susmentionnés et leur a demandé de fournir tous documents probants y relatifs, de détailler leurs prétentions pour chaque année fiscale concernée et de produire des justificatifs nécessaires.

12.         Par pli du 12 avril 2022, les contribuables ont remis à l'AFC-GE un grand nombre de factures d’avocat, se limitant à préciser qu’elles concernaient « les litiges qui oppose M. B______ avec la gestion de son bien immobilier à H______ ainsi qu’avec la société I______ ». (sic). Ces factures étaient toutes datées de 2018, 2019 et 2020, excepté l’une du 1er novembre 2017 (CHF 10'800.-) qui ne comportait aucune description des activités de l’avocat concerné.

13.         Par décisions du 20 avril 2022, l'AFC-GE a confirmé les taxations 2015 à 2017, au motifs que les contribuables n’avaient pas répondu à ses demandes de renseignements.

14.         Par courrier recommandé du 14 juin 2022, l'AFC-GE a indiqué aux contribuables que suite à l’entretien téléphonique du 13 juin précédent, elle acceptait exceptionnellement de « rouvrir [leurs] réclamations » et a réitéré sa demande de renseignements du 11 mars 2022.

15.         Les contribuables n’ont pas donné suite à ce courrier.

16.         Par courriers du 11 juillet 2022, l'AFC-GE a invité les contribuables à préciser les motifs pour lesquels ils contestaient les taxations 2015 à 2017 et à produire des justificatifs nécessaires.

17.         Les contribuables n’ont pas répondu à ces invites.

18.         Par nouvelles décisions sur réclamation du 18 novembre 2022, l'AFC-GE a à nouveau confirmé les taxations 2015 à 2017 au motif que les contribuables n’avaient pas donné suite à ses demandes de renseignements.

19.         Par acte du 20 décembre 2022, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à leur annulation, sous suite de frais et dépens.

Par une lettre du 30 juillet 2021, jointe à leur acte de recours, M. B______ avait indiqué à l'AFC-GE être dans l’incapacité de s’occuper de « ses déclarations » suite à un problème psychologique. Par courriers des 24 novembre 2021 et 12 avril 2022, ils avaient remis à l'AFC-GE les justificatifs pour les dettes auprès de F______ (CHF 1'083'330.-), respectivement « les copies des frais » relatifs à l’affaire « I______ » et à l’immeuble à H______.

Ils avaient envoyé à l'AFC-GE tous les documents requis et contestaient son refus des déductions pour les dettes et intérêts y relatifs, « des frais liés à un litige à D______ » et des frais médicaux.

Pour les années 2015 à 2017, l'AFC-GE leur réclamait des intérêts « moratoires » de CHF 8'743,80 [recte : des intérêts compensatoires négatifs de CHF 7'494,45 et des intérêts moratoires sur acomptes de CHF 84,75], alors qu’ils lui avaient transmis tous les documents nécessaires pour « modifier la taxation » des années 2015 à 2017.

La teneur des pièces annexées à cet acte sera reprise et discutée, en tant que de besoin, dans la partie en droit.

20.         Dans sa réponse du 19 avril 2023, l'AFC-GE a admis en déduction les dettes hypothécaires de CHF 1'642'000.- (auprès de la E______ pour l'année 2015) et de CHF 1'650'000.- (auprès de l'G______ pour l'année 2017), les intérêts y relatifs de respectivement CHF 12'177.- et CHF 14'117.- et les frais médicaux revendiqués pour l'année 2017 (CHF 1'553.- en ICC et CHF 1'337.- en IFD). Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours.

Les justificatifs que les recourants avaient produits, au stade de la réclamation, afin de justifier la déduction pour frais d’avocat étaient insuffisants, puisqu’ils ne permettaient pas de comprendre le contexte du litige ni le lien de connexité entre les dépenses et l'acquisition d'un quelconque revenu.

S’agissant des intérêts moratoires, elle ne parvenait pas à déterminer sur quels documents les recourants se fondaient pour arriver au montant réclamé. Cela étant, ils n’avaient pas fourni tous les justificatifs sollicités, et ce, malgré une procédure particulièrement longue et des demandes de renseignements répétées.

21.         Dans leur réplique du 30 mai 2023, les recourants, sous la plume de leur représentant, ont notamment exposé que les frais d’avocat, liés à « un litige » dans le canton de D______, concernaient « l’affaire I______ et le litige de la copropriété lié à l’immeuble du contribuable » (sic). L’affaire I______ était en lien direct avec l’acquisition « du revenu ». M. B______ avait été « le directeur de la société et suite à une escroquerie de la société », il avait été « accusé de la faute professionnelle ». Ayant perdu le procès, il devait payer une somme importante et avait « perdu le revenu ». « Le litige de la copropriété » portait sur « l’aspect de la gestion de la copropriété ».

Souffrant d’un trouble psychologique (procrastination), M. B______ n’était en mesure de réunir aucun justificatif, de sorte que c’était son représentant (soit la société dont il est - selon le registre de commerce de Genève - l’administrateur-président avec signature individuelle) qui devait les « rechercher et remettre l’ensemble à sa place ». En revanche, il demandait à être entendu par le tribunal « au sujet de ce litige ».

Le contenu des documents annexés à cette écriture sera également repris et discuté, en tant que de besoin, dans la partie en droit.

22.         Dans sa duplique du 19 juin 2023, l'AFC-GE a accepté, sur la base desdits documents, d’admettre la dette envers F______ de CHF 1'150'000.- (en 2015 et 2016) et les intérêts y relatifs de CHF 14'355.- (2015), CHF 14'030.- (2016) et CHF 2'836.- (2017, étant précisé que cette dette avait été entièrement acquittée en mars de cette année).

Pour le surplus, elle a campé sur sa position.

23.         Les 13 et 20 septembre 2023, les recourants ont notamment transmis au tribunal :

-          divers extraits du compte bancaire de M. B______, faisant état de plusieurs débits en faveur de ses avocats (dont trois en 2019 et deux en 2018), précisant qu’ils concernaient « des charges des copropriétaires à H______ » ;

-          une lettre adressée par E______ à M. B______ le 11 septembre 2023, à teneur de laquelle aucun relevé bancaire ne pouvait lui être délivré, sa dette de CHF 1'642'000.- ayant été devenue immédiatement exigible depuis le 31 décembre 2015 et jusqu’à son remboursement intégral du 20 mars 2017, plus les intérêts moratoires de 5 %.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Dans ses écritures, l'AFC-GE a indiqué accepter en déduction les dettes hypothécaires de CHF 1'642'000.- (E______, 2015), CHF 1'650'000.- (G______, 2017) et CHF 1'150'000.- (F______, 2015 et 2016), les intérêts y relatifs de respectivement CHF 12'177.-, CHF 14'117.- et CHF 31’221.- (CHF 14'355.- [2015], CHF 14'030.- (2016) et CHF 2'836.- [2017]) et les frais médicaux revendiqués pour l'année 2017 (CHF 1'553.- en ICC et CHF 1'337.- en IFD). Il lui en sera donné acte. Ces déductions ne sont ainsi plus litigieuses.

En conséquence, seuls restent litigieux les frais médicaux pour les années 2015 et 2016, les frais du litige et les intérêts moratoires et compensatoires négatifs.

4.             Préalablement, M. B______ conclut à son audition.

5.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1).

Le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2).

6.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition du recourant, d’autant moins qu’elle n’est requise qu’en ce qui concerne les frais liés au litige D______, frais dont l’existence ne saurait être admise fiscalement que sur la base de leur facturation effective, que les recourants pouvaient produire tout au long de la procédure. En tout état, ils ont pu faire valoir leurs arguments, dans le cadre de leur recours et de leurs écritures subséquentes, et produire tout moyen de preuve utile, sans qu’ils n’expliquent ce qui, dans la procédure écrite, les auraient empêchés d’exprimer leurs arguments de manière pertinente et complète.

Cet acte d’instruction ne sera donc pas ordonné.

7.             Les recourants contestent le refus de l'AFC-GE d’admettre les montants qu’ils ont indiqués dans leurs déclarations 2015 et 2016 à titre de frais médicaux (CHF 6'082.- et CHF 4'069.-).

8.             À teneur de l’art. 33 al. 1 let. h LIFD, les frais provoqués par la maladie et les accidents du contribuable ou d'une personne à l'entretien de laquelle il subvient sont déduits du revenu, lorsque le contribuable supporte lui-même ces frais et que
ceux-ci excèdent 5 % des revenus imposables diminués des déductions prévues aux art. 26 à 33 LIFD.

En droit cantonal, l’art. 32 let. b de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) dispose que sont déductibles les frais provoqués par la maladie et les accidents du contribuable ou d’une personne à sa charge, lorsque le contribuable supporte lui-même ces frais et que ceux-ci excèdent 0,5 % des revenus imposables diminués des déductions prévues aux art. 29 à 36B LIPP (avant déduction des frais eux-mêmes).

9.             En matière fiscale, le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts ; il lui appartient non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/513/2021 du 11 mai 2021 consid. 5b ; ATA/1077/2020 du 2 octobre 2020 consid. 7).

Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, dès lors que l'AFC-GE a écarté un montant lors de la taxation, puis lors de la réclamation, il appartient au recourant d'apporter spontanément les justificatifs y relatifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2010 du 17 août 2010 consid. 3.5.3 ; ATA/795/2019 du 16 avril 2019 consid. 5b).

10.         Si l'un des époux est effectivement empêché d’accomplir une démarche administrative, notamment en raison de sa maladie, l'autre époux a le devoir d'agir à sa place, ou du moins de requérir les services d'un tiers, quand bien même l'époux empêché ne lui confiait pas spécifiquement cette mission. Le fait que l'un des époux s'acquitte habituellement des tâches administratives de la famille ne constitue ainsi pas une raison suffisante pour permettre une restitution du délai (cf. ATA/576/2020 du 9 juin 2020 consid. 4 et 5 et les références citées).

11.         En l’espèce, dans leurs déclarations fiscales 2015 et 2016, les recourants ont indiqué des frais médicaux de respectivement CHF 6'082.- et CHF 4'069.-, sans y joindre les justificatifs y relatifs. Dans le cadre de la taxation 2015, l'AFC-GE leur a demandé expressément de produire ces justificatifs, ce qu’ils n’ont pas fait. Pour cette raison, elle ne leur a accordé aucune déduction. Le prétendu empêchement du recourant, soit sa maladie, ne saurait expliquer la non-production des justificatifs à ce stade, dans la mesure où il n’est pas démontré, ni même allégué, que la recourante avait également été victime d’un empêchement d’agir en personne ou de mandater un tiers. Pour l’année année 2016, l'AFC-GE a admis ces frais à concurrence de CHF 2'786.-, en l’absence de toute pièce justificative. Dans le cadre de la présente procédure, les recourants n’ont produit aucun document attestant des frais plus élevés. Dans ces conditions, le refus de toute déduction pour l’année 2015 et le montant de la déduction accordée pour l’année 2016 ne peuvent qu’être confirmés.

12.         Les recourants sollicitent la déduction des honoraires d'avocat au titre de frais d'acquisition du revenu, en particulier celui provenant de leur immeuble loué.

13.         Le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d'immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers (art. 32 al. 2 1ère phr. LIFD ; art. 34 let. d de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

Font notamment partie des frais déductibles les frais d'avocat et de justice engagés en vue du maintien de la valeur d'une parcelle, dans la mesure où l'objet du litige concerne l'utilisation ou le maintien de la valeur d'une parcelle, ce qui inclut notamment la lutte contre les immissions excessives. Le caractère déductible desdits frais ne dépend toutefois pas du point de savoir si le contribuable peut obtenir gain de cause sur l'ensemble de ses conclusions ; il faut néanmoins que la démarche engagée ne soit pas manifestement dénuée de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2 = StR 4/2017 p. 346).

14.         L'information fiscale n° 1/2011 (« Déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés ») émises par l'AFC-GE le 1er février 2011 (ci-après : l'information) précise quels frais engagés par le propriétaire sur un bien immobilier appartenant à sa fortune privée peuvent être déduits. Elle prévoit que les frais d'administration par des tiers peuvent être déduits pour autant qu'ils soient liés directement à l'administration du bien immobilier et qu'il s'agisse de dépenses effectives. Il s'agit notamment des frais de port, de téléphone, d'annonces, d'imprimés, de poursuite, de procès et les rétributions du gérant et de frais de régie (ch. 2.1.3 de l'information). Ne sont en revanche pas déductibles les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune, tels que les frais de notaire (ch. 3.1 de l'information).

La notice, annexée à l'information, qui, à son tour, détaille certaines dépenses prévues par celle-ci, prévoit que la déductibilité des honoraires d'avocat dépend de leur nature. Ils sont ainsi déductibles s'ils sont liés à l'acquisition du revenu mais pas s'il s'agit de frais de conciliation et d'évacuation, lesquels sont considérés comme des frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de la fortune non déductibles au sens de l'information (ch. 10.4 de la notice).

15.         Dans un arrêt du 30 janvier 2018 (ATA/88/2018), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a retenu que le contribuable n'avait pas apporté la preuve que le projet de construction qu'il contestait, faisait réellement risquer une moins-value à sa parcelle. Dans le combat judiciaire qu'il avait mené, il avait obtenu des succès sur des questions de forme ou d'instruction mais jamais sur le fond. Le fait qu'aucune demande de baisse de loyer n'ait été déposée tendait en outre à démontrer que les démarches juridiques entreprises par le contribuable ne l'avaient pas été pour préserver le revenu tiré de la parcelle en cause. Le recours de l'AFC-GE avait ainsi été admis et la déduction des frais d'avocat au titre de l'entretien d'immeubles, refusée.

Dans un arrêt du 12 juin 2018 (ATA/604/2018), la chambre administrative a admis à titre de frais d'acquisition du revenu des honoraires d'avocat en vue d'une procédure d'encaissement de loyers impayés. Le recourant était en litige avec son frère, qui encaissait indûment ces loyers, sans les lui reverser. Les frais ainsi engagés visaient non seulement à maintenir le rendement de l'immeuble, mais également la valeur de celui-ci, et étaient liés à l'acquisition du revenu.

16.         À l’instar du revenu imposable et conformément aux principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l’impôt, qui s'appliquent de manière générale aux cantons (cf. ATF 137 II 353 consid. 6.1), les déductions ne sont admises que lorsqu’elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 ; 2C_627/2014, 2C_628/2014 du 8 janvier 2015 consid. 6.1). En application de ces principes, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d’un exercice puisse avoir une influence sur les suivants. Le contribuable ne saurait choisir l’année fiscale au cours de laquelle il fait valoir les déductions autorisées. Chaque dépense ou recette doit être attribuée à l’exercice durant lequel est née l’obligation ou la prétention juridique (ATA/534/2018 du 29 mai 2018 consid. 7a; ATA/234/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/14/2015 du 6 janvier 2015). Plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés, ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références citées).

En matière des frais immobiliers, dans la plupart des cantons romands (GE, VD, NE, JU), la date d’établissement de la facture par les fournisseurs est généralement retenue comme critère déterminant. Dans tous les cas, les purs paiements à l’avance, effectués en dehors de demandes d’acompte figurant dans une facture, ne sont pas encore déductibles fiscalement, car il manque le lien nécessaire entre les travaux et la déduction. Il en va de même pour les acomptes, car le montant est encore provisoire, sujet à évolution et pas assez définitif, en raison des rabais ou suppléments possibles (Nicolas MERLINO in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la LIFD, 2ème éd., 2017, p. 700 n. 116).

17.         En l’espèce, les contribuables font valoir que les frais d'avocat qu’ils ont engagés concernent leur immeuble locatif D______ et l’affaire « I______ », laquelle serait en lien direct avec « l’acquisition du revenu ». Or, comme l’a relevé l'AFC-GE, les justificatifs que les recourants ont produits afin de justifier la déduction pour ces frais sont insuffisants, puisque ne permettant pas de comprendre le contexte du litige ni le lien de connexité avec un quelconque revenu. En effet, ils ont certes produit un grand nombre de notes et de correspondances de leurs avocats, ainsi que des extraits des comptes bancaires faisant état des débits en faveur de ces derniers. Toutefois, la plupart de ces notes et débits non seulement ne date pas des années en cause, mais ne permet au surplus pas de déterminer dans quelle mesure les montants y indiqués concernent les revenus et/ou la fortune des recourants. De même, les notes et débits datés de 2015, 2016 et 2017, ne comportent aucun détail des activités des avocats en lien direct avec un quelconque revenu réalisé lors de ces années. Du reste, lorsque les recourants indiquent que le litige en question portait notamment sur « des charges des copropriétaires », ils admettent implicitement que les frais allégués ne concernent pas exclusivement leur immeuble D______. En outre, en indiquant que l’affaire « I______ » a eu trait à la responsabilité du recourant, qui aurait perdu le procès et payé « une somme importante », ils admettent que ce n’est pas leur revenu immobilier qui a été concerné. De plus, il apparaît que les recourants, qui indiquent que M. B______ a été le directeur de la société concernée par cette affaire, n’ont déclaré aucun revenu perçu auprès de cette dernière, de sorte que l’on ne voit pas en quoi il aurait « perdu le revenu ». Enfin, dans leur déclaration 2015, ils ont précisé que la déduction de CHF 120'000.-, liée au litige D______, concernait « avocat » à concurrence de CHF 20'000.- et que le solde de CHF 100'000.- concernait des « intérêts », sans préciser la nature de ces derniers.

Il en découle que les recourants ont échoué à démontrer, alors que le fardeau de la preuve leur incombait, que les honoraires d'avocat qu'ils ont supportés, constituent des frais déductibles de leur revenu imposable.

18.         Les recourants se plaignent du fait que l'AFC-GE leur réclame des intérêts sur les impôts dus pour les années en cause, alors qu’ils lui auraient remis tous les justificatifs utiles à leur taxation. Ce faisant, ils se plaignent, à tout le moins implicitement, d’une violation du principe de célérité.

19.         Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes. Il appartient en effet au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié. Le principe vaut dans tous les types de causes, étant précisé que le comportement du justiciable s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès civil. Cette règle découle du principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'Etat et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente, afin de remédier à cette situation. Dans un tel cas, il n’y pas lieu d'examiner si les intérêts moratoires sont justifiés dans leur principe (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_48/2022 du 8 décembre 2022 consid. 3 et les arrêts cités).

20.         En l'occurrence, l'AFC-GE a émis les bordereaux litigieux les 17 février et 8 mars 2021. Il s'est donc écoulé près de 5 ans entre le dépôt par les recourants, en 2016, de leur déclaration fiscale 2015 et les décisions de taxation. Les années suivantes ont été taxées dans des délais moins longs. Cela étant, il doit être retenu qu’en déposant une seconde version de leur déclaration 2017, le 3 décembre 2019, et en ne répondant pas aux demandes de renseignements de l'AFC-GE du 24 septembre 2020, ni à ses rappels des 4 novembre 2020 et 14 janvier 2021, les recourants ont contribué à un prolongement non négligeable de la procédure de taxation, tout en ne versant aucun acompte provisionnel. Ils ne peuvent dès lors pas se prévaloir d'une violation du principe de célérité, en particulier sous l'angle du principe de la bonne foi.

Partant, au vu de la jurisprudence susmentionnée, ce grief doit être rejeté, sans qu'il y ait lieu d'examiner si les intérêts sont justifiés dans leur principe, les recourants ne les remettant d’ailleurs pas en cause sous cet angle. Quant à leur quotité, d’une part, c’est à tort que les recourants soutiennent que l'AFC-GE l’a fixée à CHF 8'743,80 au total, puisqu’elle leur réclame en réalité des intérêts compensatoires négatifs de CHF 7'494,45 et des intérêts moratoires sur acomptes de CHF 84,75, soit un total de CHF 7'579,20. D’autre part, ils ne contestent pas le calcul de ces intérêts en tant que tel. Par conséquent, les intérêts réclamés par
l'AFC-GE sont dus.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis (partiellement) dans la mesure reconnue par l'AFC-GE et rejeté pour le surplus. Le dossier lui sera en conséquence renvoyé pour qu’elle établisse des nouveaux bordereaux ICC et IFD 2015 à 2017 tenant compte des rectifications admises dans le cadre de la présente procédure.

22.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent dans une large mesure, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

23.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, les recourants - qui ont agi par le biais de la société dont le recourant est l’administrateur-président avec signature individuelle - n’ayant pas démontré avoir exposé de frais pour assurer leur défense (cf. ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 4.4).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2022 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 novembre 2022 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour l’établissement des nouvelles décisions de taxation ICC et IFD 2015 à 2017, dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier