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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3569/2023

JTAPI/140/2024 du 19.02.2024 ( LCR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : VIOLATION DES DEVOIRS EN CAS D'ACCIDENT;DÉLIT DE FUITE;FAUTE GRAVE
Normes : LCR.16c; LCR.92.al2; LCR.51
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3569/2023 LCR

JTAPI/140/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, est titulaire d'un permis de conduire catégorie B depuis le 22 novembre 2005 et A depuis le 11 novembre 2020.

2.             En date du 22 août 2019, aux alentours de 8h45, il a été impliqué, au guidon d'un scooter, dans une altercation avec un cycliste, lequel a été blessé.

3.             À la même date, le cycliste a déposé une plainte contre inconnu qui avait par la suite pu être identifié comme étant M. A______. Il ressortait de cette plainte que le cycliste s'était inséré dans la file de circulation des véhicules sur ______[GE], en direction de ______[GE], car la piste cyclable était trop dangereuse. Au milieu du pont, entre les deux voies de circulation, M. A______, au guidon d'un scooter, l'avait frôlé sur son côté gauche avant de lui couper la route et de s'arrêter devant lui, la circulation se trouvant à l'arrêt. Il s'en était suivi une altercation verbale avec M. A______. À la reprise de la circulation, il s'était trouvé trop proche de celui-ci, raison pour laquelle il lui avait fait un geste avec son bras droit, touchant involontairement son casque. Quelques mètres plus loin, M. A______ l'avait volontairement percuté avec son scooter, ce qui avait entrainé sa chute sur les rails du tram qui se trouvaient à proximité. Il avait été légèrement blessé. M. A______ avait repris sa route sans s'arrêter.

4.             Les 11 et 17 septembre 2019, la police a procédé à l'audition de témoins.

Selon un premier témoin, M. A______ avait volontairement tourné le guidon de son scooter dans la direction du cycliste avant de mettre les gaz et de le percuter.

Selon un second témoin, qui était par ailleurs le collègue de M. A______, le cycliste avait donné un coup sur le top-case du scooter après que celui-ci se fut rabattu devant lui. À la suite de cela, M. A______ avait discuté avec le cycliste avant que ce dernier ne lui adressât un revers de main. M. A______ avait alors donné un coup du pied dans le cadre du vélo, entraînant la chute du cycliste.

5.             M. A______, lors de son audition par la police du 23 septembre 2019, a expliqué que le cycliste l'avait dans un premier temps percuté à l'arrière de son scooter après qu'il l'eut dépassé et se fut arrêté devant lui pour les besoins de la circulation. Ce dernier s'était alors énervé et lui avait mis un coup sur son top-case, après quoi, le ton était monté entre les deux. Étant trop proche du cycliste, il avait écarté son bras pour se distancer et reprendre sa route. Immédiatement après cela, il avait reçu un coup du revers de la main. Se sentant agressé, il avait donné un coup de pied au niveau de la partie arrière du vélo, causant la chute du cycliste. Voyant que la chute était sans gravité et pour éviter un nouveau conflit, il avait repris sa route. Il avait par ailleurs déposé plainte contre le cycliste pour injure et voies de fait.

6.             Selon le rapport de renseignements du 27 septembre 2019 établi par la police, sur les images de la vidéosurveillance du tram qui passait sur les lieux, on voyait le bras du cycliste partir vers l'arrière, et suite à cela, M. A______ démarrer en sa direction, armer sa jambe et donner un coup de pied au niveau du cadre du vélo, provoquant la chute du cycliste.

7.             Par courrier du 4 octobre 2019, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a fait savoir à M. A______ que les faits précités avaient été portés à sa connaissance, lui indiquant qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale. Un délai de quinze jours lui était ainsi imparti pour produire ses observations écrites.

8.             Le 15 octobre 2019, M. A______ a transmis ses observations à l'OCV.

Il renvoyait en substance à son audition par la police du 23 septembre 2019, insistant sur le fait qu'il n'avait pas percuté le cycliste ou son vélo à l'aide de son scooter mais qu'il avait porté un coup de pied sur le cadre du vélo. Bien qu'il avait légitimement fait usage de la force suite à l'agression du cycliste qui lui avait mis un coup sur la tête, il regrettait la tournure des événements. Il avait par ailleurs quitté les lieux seulement après s'être assuré que le cycliste n'avait pas subi de graves conséquences.

Un retrait de son permis de conduire mettrait en péril son emploi puisqu'il était amené à se déplacer quotidiennement à travers le canton en tant que gérant technique en immobilier.

9.             Par courrier du 25 octobre 2019, l'OCV a informé M. A______ de la mise en suspens de son dossier jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale.

10.         Par ordonnance pénale du 15 novembre 2019, le Ministère public (ci-après : MP) a reconnu M. A______ coupable de lésions corporelles simples, de dommages à la propriété et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; LCR - RS 741.01).

Il lui était reproché d'avoir, après une altercation verbale avec le cycliste, volontairement démarré en direction de celui-ci avant de donner un coup de pied au niveau du cadre de son vélo, de manière à entraîner sa chute sur les rails du tram et à le blesser. Il lui était également reproché d'avoir, dans les circonstances précitées, quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident avec dégâts matériels et blessés.

11.         Le 4 décembre 2019, M. A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

12.         Par ordonnance sur opposition du 11 mars 2020, le MP a maintenu l'ordonnance pénale du 15 novembre 2019.

Il avait procédé à une audition de M. A______ le 10 mars 2020, laquelle n'avait apporté aucun élément nouveau impliquant la prise d'une nouvelle décision.

13.         Par courrier du 16 mars 2020, M. A______ a informé l'OCV de son opposition contre l'ordonnance pénale et a transmis une copie du procès-verbal de son audition du 10 mars 2020.

14.         Le 20 juillet 2020, il a fait savoir à l'OCV que le MP avait maintenu son ordonnance du 15 novembre 2019.

La procédure avait été transmise au Tribunal de police qui avait, par décision du 10 juin 2020, renvoyé le dossier au MP pour qu'il traite une opposition de la partie plaignante, procède à la confrontation de cette dernière avec M. A______ et auditionne des témoins.

15.         Par courrier du 29 décembre 2020, M. A______ a informé l'OCV qu'il était toujours dans l'attente d'une convocation du MP.

16.         Par ordonnance sur opposition du 25 juin 2021, le MP a une nouvelle fois maintenu l'ordonnance pénale du 15 novembre 2019 et a transmis la procédure au Tribunal de police.

Lors de leur confrontation, M. A______ et le cycliste avaient maintenu leurs précédentes déclarations et n'avaient pas sollicité l'audition de témoins.

17.         Le 8 juillet 2021, M. A______ a porté cela à la connaissance de l'OCV. Il était désormais dans l'attente d'une convocation du Tribunal de police.

18.         Par courrier du 15 septembre 2022, M. A______ a informé l'OCV que le Tribunal de police avait rendu un jugement, le 12 août 2022, le condamnant à une pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 160.- l'unité pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété et violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR). Il avait fait appel le 6 septembre 2022.

19.         Par jugement du 18 janvier 2023, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice (ci‑après : CPAR) a rejeté l'appel de M. A______ et confirmé le jugement du Tribunal de police du 12 août 2022.

Le cycliste avait subi plusieurs lésions à cause de sa chute provoquée par le coup de pied que M. A______ avait reconnu lui avoir donné. Ces lésions avaient été causées intentionnellement, le fait que M. A______ ait voulu frapper le vélo et non le cycliste étant irrelevant. Enfin, les voies de faits qu'auraient commises le cycliste à l'encontre de M. A______ en amont ne pouvaient être considérées comme suffisantes pour justifier un état excusable d'excitation ou de saisissement. M. A______ avait ainsi agi de manière coupable en tant qu'auteur de lésions corporelles simples.

S'agissant du délit de fuite, M. A______ ne pouvait pas justifier son départ des lieux de la chute du cycliste par le fait qu'il lui semblait que cette dernière fut légère, toute chute pouvant causer des lésions, voire des lésions graves. De plus, son propre collègue, qui le suivait en scooter, avait jugé nécessaire de s'assurer de l'état du cycliste. Par ailleurs, le fait qu'il ait déposé une main courante, dont le contenu ne figurait pas au dossier, ne suffisait pas pour considérer que les devoirs en cas d'accident avaient été remplis, la police devant pouvoir intervenir sur place. Il avait ainsi bien violé ses devoirs en cas d'accident.

20.         Le 28 juillet 2023, M. A______ s'est rendu au guichet de l'OCV pour l'informer que la CPAR avait rendu le jugement précité et qu'il allait le transmettre.

21.         Ce n'est toutefois que le 30 août 2023, après avoir pris contact avec la CPAR, que l'OCV a obtenu le jugement du 18 janvier 2023.

22.         Par décision du 29 septembre 2023, l'OCV a prononcé un retrait de permis à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Les infractions retenues étaient d'avoir donné un coup avec sa jambe dans le cadre d'un vélo de manière à entraîner la chute du cycliste et d'avoir quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident avec blessé. Cela constituait une infraction grave aux règles de la circulation routière, de sorte que la durée minimale du retrait de permis s'élevait à trois mois.

Son besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles avait été pris en compte. Par ailleurs, il ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) faisant apparaître un retrait de permis prononcé par décision du 30 mars 2010 ainsi que trois avertissements prononcés par décisions des 27 octobre 2006, 11 novembre 2009 et 18 avril 2016.

23.         Par acte du 30 octobre 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et, cela fait, à ce que la durée du retrait de permis soit fixée à un mois.

C'était sur le coup de l'émotion provoquée par le coup reçu de la part du cycliste qu'il lui avait à son tour adressé un coup de pied. Son intention n'était donc pas de le faire chuter mais de lui rendre son coup. Cette chute s'expliquait uniquement par la différence de vitesse entre les deux véhicules.

Il n'avait pas violé ses devoirs en cas d'accident au sens de l'art. 92 al. 2 LCR comme l'avait retenu la CPAR, cette disposition impliquant que le conducteur prenne la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d'un accident de la circulation. Or, il n'avait pas constaté que le cycliste avait été blessé et n'avait pas non plus à imaginer cela dans la mesure où ce dernier était remonté en selle et avait repris sa route, ce qui avait été au demeurant constaté par un témoin. Le fait qu'il se soit rendu dans un poste de police afin de déclarer les faits confirmait par ailleurs l'absence de volonté de fuir de sa part.

Le délit de fuite n'ayant pas été réalisé tant sur le plan subjectif qu'objectif, il demandait au tribunal de s'écarter de l'appréciation du juge pénal en retenant une infraction moyennement grave au sens de l'art. 16b LCR et non pas une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. e LCR, disposition qui reprenait le libellé de l'art. 92 al. 2 LCR. La durée minimum du retrait de permis serait ainsi d'un mois et non plus de trois mois.

Enfin, un retrait de trois mois l'empêcherait d'exercer son activité au sein du parc locatif qui lui était confié par son employeur, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur sa carrière professionnelle.

24.         Le 21 décembre 2023, l'OCV a transmis son dossier et ses observations, concluant au rejet du recours.

Dans la mesure où le prononcé pénal n'avait pas été contesté, il n'était plus possible, dans le cadre de la procédure administrative, de revenir sur les faits déjà constatés. La notion de délit de fuite décrite aux art. 92 al. 2 et 16c al. 1 let. e LCR étant identique, le recourant avait commis une infraction grave pour laquelle la durée minimale du retrait de permis était de trois mois (art. 16c al. 2 let. a LCR). Le besoin professionnel du recourant de conduire des véhicules avait pour le surplus été pris en compte dans son appréciation.

25.         Par réplique du 11 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Bien que l'autorité administrative n'avait pas à s'écarter de la décision prise par l'autorité pénale, cette règle pouvait connaître des exceptions lorsqu'il apparaissait que la disposition appliquée par l'autorité pénale n'était manifestement pas en adéquation avec l'état de fait non contesté sur lequel s'était fondé l'autorité administrative.

Il reprenait au surplus les arguments développés dans son recours.

26.         Par duplique du 26 janvier 2024, l'OCV n'a pas formulé d'observations complémentaires.

27.         Le détail des écritures et le contenu des pièces seront repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant conteste la durée du retrait de permis prononcé par l'OCV. Il estime que son infraction devait être qualifiée de moyennement grave dans la mesure où il n'avait pas commis de délit de fuite, contrairement à ce qu'avait retenu la CPAR dans son jugement du 18 janvier 2023. Il reconnaissait en revanche être le responsable de la chute du cycliste.

4.             Lorsque la qualification juridique d'un acte ou la culpabilité est douteuse, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale soit achevée par un jugement entré en force ; fondamentalement, en effet, c'est au juge pénal qu'il appartient de se prononcer sur la réalisation d'une infraction (ATF 129 II 312 consid. 2. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1). Les autorités administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne peuvent en principe pas s’écarter des constatations de fait d’une décision pénale entrée en force. La sécurité du droit commande en effet d’éviter que l’indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 109 Ib 203 consid. 1 ; 96 I 766 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_636/2013 du 7 août 2013 consid. 2.1 ; 1C_567/2011 du 12 mars 2012 consid. 3.1 ; 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).

5.             L’autorité administrative ne peut dès lors s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n’ont pas été prises en considération par celui-ci, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; 123 II 97 consid. 3c/aa ; 119 Ib 158 consid. 3c/aa ; 105 Ib 18 consid. 1a ; 101 Ib 270 consid. 1b ; 96 I 766 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_567/2011 du 12 mars 2012 consid. 3.1 ; 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).

Tout en rappelant que l’autorité administrative n’est pas liée par le jugement pénal pour les questions de droit, en particulier pour l’appréciation de la faute, le Tribunal fédéral a précisé que malgré son indépendance, l’autorité administrative se doit d’éviter le plus possible des décisions contradictoires, ce qui requiert qu’elle se rattache à l’appréciation du juge pénal si celle-ci est soutenable, même si elle-même aurait apprécié la faute différemment (arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2012 du 15 janvier 2015).

6.             Aux termes de l'art. 26 al. 1 LCR, chacun doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

7.             À teneur de l'art. 51 LCR, en cas d'accident où sont en cause des véhicules automobiles ou des cycles, toutes les personnes impliquées devront s'arrêter immédiatement. Elles sont tenues d'assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation (al. 1). S'il y a des blessés, toutes les personnes impliquées dans l'accident devront leur porter secours ; quant aux autres personnes, elles le feront dans la mesure qu'on peut exiger d'elles. Ceux qui sont impliqués dans l'accident, mais en premier lieu les conducteurs de véhicules, avertiront la police. Toutes les personnes impliquées, y compris les passagers, doivent prêter leur concours à la reconstitution des faits. Ces personnes ne pourront quitter les lieux sans l'autorisation de la police, sauf si elles ont besoin de secours, si elles doivent en chercher ou quérir la police (al. 2). Si l'accident n'a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse. En cas d'impossibilité, il en informera sans délai la police (al. 3).

8.             Selon l'art. 92 LCR (« violation des obligations en cas d'accident »), est puni de l'amende quiconque viole, lors d'un accident, les obligations que lui impose la présente loi (al. 1). Est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire le conducteur qui prend la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d'un accident de la circulation (al. 2).

9.             Selon la jurisprudence, la notion de fuite implique que le conducteur s'éloigne des lieux de l'accident ou se rend indisponible, violant ainsi son obligation de prêter son concours à la reconstitution des faits. De manière générale, il importe peu qu'il puisse être aisément identifié ou non (ATF 130 Ib 101 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_977/2014 du 17 août 2015 consid. 3.1).

10.         En l'espèce, par ordonnance pénale du 15 novembre 2019, le MP a déclaré le recourant coupable de lésions corporelles simples, de dommages à la propriété et de violation des obligations en cas d'accident au sens de l'art. 92 al. 2 LCR. Cette ordonnance a été maintenue par décision du MP du 11 mars 2020.

Suite à l'opposition du recourant, celui-ci a été condamné, par jugement du Tribunal de police du 12 août 2022, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 160.- l'unité pour les infractions retenues dans l'ordonnance pénale précitée.

Ce jugement a été confirmé, suite à l'appel du recourant, par la CPAR le 18 janvier 2023. Elle a notamment retenu que le recourant ne pouvait pas justifier son départ des lieux de la chute du cycliste par le fait qu'il lui semblait que cette dernière était légère, toute chute pouvant causer des lésions, voire des lésions graves. De plus, son propre collègue, qui le suivait en scooter, avait jugé nécessaire de s'assurer de l'état du cycliste. Par ailleurs, le fait qu'il ait déposé une main courante, dont le contenu ne figurait pas au dossier, ne suffisait pas pour considérer que les devoirs en cas d'accident avaient été remplis, la police devant pouvoir intervenir sur place.

Ce dernier jugement n'a pas été contesté, de sorte qu'il est entré en force.

Aucun élément ne permet au tribunal de céans de s'écarter de l'appréciation de la CPAR, laquelle est au demeurant conforme à la jurisprudence précitée. De plus, le recourant n'apporte aucun nouvel élément, se contentant de vouloir substituer sa propre appréciation des faits à celle retenue par la CPAR.

11.         Reste toutefois à examiner la gravité des infractions.

12.         Lorsque la procédure prévue par la loi sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d’élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

13.         Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

14.         La définition d'une infraction moyennement grave découle du fait qu'elle ne peut être considérée ni comme légère au sens de l'art. 16a al. 1 let. a LCR, ni comme grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR.

15.         Commet notamment une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque (let. a) ou prend la fuite après avoir blessé ou tué une personne (let. e).

16.         La notion de délit de fuite décrite à l'art. 16c al. 1 let. e LCR est identique à celle de l'art. 92 al. 2 LCR (cf. André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, n. 2.5 ad art. 16 LCR p.932 ; Yvan JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière (LCR) du 19 décembre 1958, 2007, n. 232 p. 207, note de bas de page n. 295 et les références citées). Le conducteur auteur d'un délit de fuite encourra donc systématiquement un retrait d'admonestation de son permis de conduire (cf. Ibid., n. 232 p. 207).

17.         En l'espèce, le recourant a définitivement été condamné par la CPAR pour infraction à l'art. 92 al. 2 LCR (cf. consid. 10), laquelle tombe également sous le coup de l'art. 16c al. 1 let. e LCR. Il a ainsi commis une infraction grave aux règles de la circulation routière.

18.         Selon l'art. 16c al. 2 let. a LCR, le permis de conduire est retiré pour trois minimum après une infraction grave.

19.         Selon l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur, ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Cette dernière règle, qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels - ou autres - particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5).

20.         En l'occurrence, l'OCV ne s'est pas écarté du minimum légal prévu par l'art. 16c al. 2 let. a LCR en fixant à trois mois la durée du retrait de permis du recourant. Étant lié par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, il ne pouvait tenir compte des besoins professionnels évoqués par le recourant dans une plus grande mesure et a donc parfaitement appliqué les règles en vigueur.

21.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 29 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière