Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2285/2023

JTAPI/67/2024 du 29.01.2024 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS
Normes : LCR.16.al2; LCR.16.al3; LCR.16a.al1.leta; LCR.16c.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2285/2023 LCR

JTAPI/67/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Par décision du 6 juillet 2022, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé le retrait du permis de conduire de Monsieur A______ pour une durée d'un mois, en raison d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée en localité de 18 km/h en date du 23 juin 2019 et du non-respect d'un panneau de signalisation « stop » et inattention et pour avoir roulé sur le pied d'un piéton le 11 janvier 2021.

2.             Par courrier du 24 mars 2023, l'OCV a informé M. A______ avoir eu connaissance par les autorités de police d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée en date du 17 juin 2022, ce qui pouvait aboutir à une mesure administrative, telle que notamment un retrait du permis de conduire. Il était dès lors invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours ouvrables.

3.             Selon le dossier de l'OCV, le véhicule immatriculé GE 1______ et conduit par M. A______ avait été contrôlé le 17 juin 2022 sur l'autoroute Genève-Lausanne, dans le district de Nyon, au moyen d'un appareil de contrôle, à une vitesse de 124 km/h sur un tronçon où la vitesse maximale autorisée était de 80 km/h. Déduction faite d'une marge de sécurité de 4 km/h, le dépassement de la vitesse prescrite était de 40 km/h.

4.             Il convient en outre de préciser que ce dépassement de la vitesse maximale autorisée a fait l'objet d'une ordonnance pénale rendue par le Ministère public de l'Arrondissement de la Côte le 6 février 2023, reconnaissant M. A______ coupable d'infraction contre l'art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

5.             A teneur du dossier, M. A______ ne s'est pas prononcé suite au courrier de l'OCV du 24 mars 2023.

6.             Par décision du 5 juin 2023, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______, toutes catégories, sous catégories et catégorie spéciale F, pour une durée de trois mois, sous déduction de la durée subie en exécution de la décision du 6 juillet 2022. Cette décision représentait une décision d'ensemble, incluant les faits qui avaient eu lieu les 23 juin 2019, 11 janvier 2021 et 17 juin 2022. C'était la plus grave des infractions qui servait de base afin de déterminer la mesure qui devait être imposée. Il s'agissait de celle commise le 17 juin 2022, qui était une infraction grave pour laquelle la durée minimale du retrait s'élevait à trois mois. Il pouvait justifier d'un besoin professionnel du permis de conduire, mais ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) faisant apparaître différentes occurrences dont il sera question ci-dessous. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'OCV prononçait une mesure qui ne s'écartait pas du minimum légal.

7.             Par acte du 6 juillet 2023, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'OCV pour instruction complémentaire puis nouvelle décision.

Étant précisé qu'il était chauffeur de taxi, il s'est plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu, puisqu'il ne ressortait pas de la décision attaquée qu'il avait été invité à se déterminer sur les faits du 17 juin 2022.

En outre, la décision attaquée fondait sa réputation sur le fait qu'il avait reçu deux avertissements par décisions des 8 novembre 2007 et 18 octobre 2018, neuf retraits du permis de conduire prononcés par décisions des 22 mai 1995, 5 août 1997, 12 novembre 1998, 3 mars 1999, 12 mars 1999, 27 juin 2002, 4 novembre 2005, 29 mai 2009 et 6 juillet 2012, ainsi qu'un retrait du permis de conduire à titre préventif prononcé par décision du 5 juillet 2013, mesure révoquée par décision du 6 février 2014. Sur les neuf retraits que l'OCV avait pris en compte, cinq dataient des années nonante, un de 2002, un de 2005, un de 2009 et un de 2012. Aucun ne datait ainsi de moins de 10 ans. Au regard du principe selon lequel les données relatives au retrait de permis devaient être supprimées après un délai de 10 ans, l'OCV n'aurait pas dû pouvoir se fonder sur ces données, qui donnaient d'emblée de lui une image négative. Seul l'avertissement prononcé le 18 octobre 2018, dont la durée d'inscription était de cinq ans, et dont l'effacement devait avoir lieu en octobre 2023, semblait maintenir active l'inscription des différents retraits de permis. Le fait de refléter des mesures vieilles de près de 30 ans en raison d'un simple avertissement s'écartait pourtant de manière évidente du principe de proportionnalité. L'autorité n'aurait ainsi pas dû pouvoir constater une absence de bonne réputation.

Enfin, sous réserve de la consultation du dossier qui était encore en mains de l'OCV, il apparaissait probable que celui-ci avait opéré une qualification des faits particulièrement sévère en prenant en compte des informations sur ses antécédents, auxquelles l'autorité n'aurait pas dû avoir accès. Ainsi, la procédure judiciaire permettrait de revoir la qualification de l'infraction sans prendre en compte des éléments qui n'auraient pas dû figurer dans son dossier.

8.             Par écritures du 8 septembre 2023, l'OCV a contesté la violation du droit d'être entendu de M. A______, rappelant que par courrier du 23 (recte : 24) mars 2023, il avait été invité à se prononcer avant la décision litigieuse. S'agissant des inscriptions des mesures administratives dans le SIAC, la loi prévoyait que les données relatives à l'annulation du permis de conduire à l'essai étaient effacées dix ans après la délivrance d'un nouveau permis de conduire, mais également que si une nouvelle mesure était enregistrée, les données concernant l'ensemble de celles qui avaient déjà été prises n'étaient effacées qu'après l'échéance des dernières périodes de conservation prescrites. Dans le cas d'espèce, comme il avait commis des nouvelles infractions donnant lieu à inscription dans le SIAC, les dernières périodes inscrites ne pouvaient pas encore être effacées. L'OCV était ainsi légitime à mentionner les antécédents de M. A______.

9.             Par écritures du 4 octobre 2023, celui-ci a répliqué en soulignant que les nouvelles infractions mentionnées par l'OCV faisaient l'objet de la décision litigieuse, soit une décision intervenant plus de dix ans après le dernier retrait de permis. Par conséquent, ces faits ne pouvaient pas empêcher l'effacement des anciennes infractions dans le SIAC.

10.         Le 12 octobre 2023, l'OCV a indiqué renoncer à présenter des observations complémentaires.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant fait tout d'abord grief à la décision litigieuse d'avoir été prise en violation de son droit d'être entendu.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1 ; 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 31 ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le contenu du droit d’être entendu et les modalités de sa mise en œuvre sont déterminés en premier lieu par les dispositions de droit cantonal de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2016 du 15 juillet 2017 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Il est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision.

5.             En l'occurrence, il découle du dossier que l'autorité intimée a interpellé le recourant par courrier du 24 mars 2023 en l'invitant à se prononcer avant qu'une décision ne soit prise à son encontre. Quand bien même il n'a pas répondu, il a néanmoins eu l'opportunité d'exercer son droit d'être entendu.

6.             Par conséquent, le grief de violation de ce droit devra être rejeté

7.             Sur le fond, le recourant ne conteste pas l'excès de vitesse commis le 17 juin 2022, pour lequel il a d'ailleurs été déclaré coupable de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, par ordonnance pénale du 6 février 2023 contre laquelle il ne prétend pas avoir fait opposition et qui est donc aujourd'hui définitive et exécutoire.

8.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

9.             L'art. 16 al. 3 LCR prévoit expressément que la durée minimale du retrait du permis de conduire ne peut être réduite. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une telle règle s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur (ATF 132 II 234 consid. 2 ; arrêt 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015). Ainsi, si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale ne peut cependant pas être réduite (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_188/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/648/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/552/2012 du 21 août 2012).

Cette dernière règle qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5 ; 1C_478/2016 du 10 octobre 2016 consid. 2 ; 1C_32/2015 du 18 juin 2015 consid. 6.1 ; 1C_333/2014 du 22 septembre 2014 consid. 4.4 ; 1C_593/2013 du 25 juin 2013 consid. 2 ; 1C_188/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.1 ; 1C_526/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

10.         Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet une infraction moyennement grave, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Commet en revanche une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

11.         De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l’excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d’autoroute, etc. (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 et les références citées).

Ainsi, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2 ; 124 II 259 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2 ; ATA/25/2015 du 6 janvier 2015 consid. 5a).

12.         En l’espèce, la vitesse autorisée a été dépassée de 40 km/h, marge de sécurité déduite, hors localité, sur un tronçon limité à 80 km/h.

Dans cette mesure, compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, le recourant a commis une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR, comme l'a retenu à juste titre la décision querellée.

13.         Après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR).

14.         Dans le cas d'espèce, en se contentant de prononcer une durée du retrait du permis de conduire de trois mois, c'est-à-dire une durée correspondant au minimum prévu par la loi en cas d'infraction grave aux règles de la circulation routière, l'OCV n'a fait qu'appliquer la sanction obligatoirement prévue en pareil cas. Il est rappelé que, conformément aux principes jurisprudentiels rappelés plus haut (cf. consid. 9), aucune des circonstances dont le recourant pourrait se prévaloir, notamment quant à ses besoins professionnels, ne peut conduire à une diminution de la sanction en dessous du seuil minimal prévu par la LCR.

15.         Pour ce motif, il est sans pertinence de déterminer si l'autorité intimée était ou non autorisée à tenir compte des antécédents du recourant inscrits dans le SIAC, puisqu'en tout état, ils n'ont concrètement pesé d'aucun poids dans la décision litigieuse qui se limite à la durée du retrait minimum prévu par la loi même dans les cas où l'ensemble des circonstances sont favorables.

16.         Le recours sera ainsi rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 juillet 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 5 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière