Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/419/2023

JTAPI/50/2024 du 23.01.2024 ( OCPM ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;DÉCISION DE RENVOI;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; ALCP.4; ALCP.6; ALCP.24; OLCP.16
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/419/2023

JTAPI/50/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son propre nom et en celui de ses enfants mineurs B______, C______ et D______, ainsi que Monsieur E______, représentés par Me Zoubair TOUMIA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur E______, ressortissant égyptien né le ______ 1976, a bénéficié d’une autorisation de séjour de courte durée du 1er mars au 5 novembre 2002, puis d’un permis de séjour pour études jusqu’au 15 octobre 2008, et enfin d’un permis de séjour pour regroupement familial valable jusqu’au 9 novembre 2011, suite à son mariage avec une ressortissante suisse le ______ 2009.

2.             Le couple s’est séparé le ______ 2010 et le divorce a été prononcé par le Tribunal de première instance le ______ 2013.

3.             Par décision du 7 juillet 2014, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M. E______, aux motifs que la vie commune avait duré moins de trois ans et qu’il n’existait pas de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite de son séjour en Suisse, et lui a imparti un délai au 30 septembre 2014 pour quitter le territoire.

4.             Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) du 11 juin 2015 (JTAPI/1______), puis par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 28 juin 2016 (ATA/2______) et enfin par arrêt du Tribunal fédéral du 13 septembre 2016 (2C_3______).

5.             Le 16 mars 2017, M. E______ a déposé une requête intitulée « Requête et demandes d’autorisations de séjour » auprès de l’OCPM.

6.             Par décision du 7 novembre 2017, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la requête précitée, traitée comme une demande de reconsidération de sa décision du 7 juillet 2014, dont il a confirmé les termes, impartissant à l’intéressé un nouveau délai au 30 novembre 2017 pour quitter la Suisse.

7.             Cette décision a été confirmée par jugement du tribunal du 2 février 2018 (JTAPI/4______, puis par arrêt de la chambre administrative du 18 septembre 2018 (ATA/5______). Le recours déposé par M. E______ auprès du Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable le 29 octobre 2018 (2C_6______).

8.             Par la suite, plusieurs délais de départ lui ont été impartis pour quitter la Suisse, mais M. E______ ne les a pas respectés.

9.             Le 19 septembre 2019, M. E______ a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante auprès de l’OCPM.

10.         Par courrier du 15 janvier 2020, l’OCPM a informé M. E______ que suite à l’entrée en force de la décision de renvoi du 7 juillet 2014, il n’était plus autorisé à séjourner et à travailler en Suisse et qu’il était tenu de quitter le territoire d’ici au 20 janvier 2020.

11.         Par décision du 2 mars 2020, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante en faveur de M. E______.

12.         Par jugement du 8 juillet 2022, le Tribunal de police a reconnu M. E______ coupable notamment de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, d’infraction à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, de séjour illégal pour la période du 20 janvier 2020 au 10 mai 2021, d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation pour la période du 2 mars 2020 au 4 septembre 2020, d’emploi d’étrangers sans autorisation et de trouble la tranquillité publique et l’a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 600.-.

13.         Selon l’extrait de son casier judiciaire daté du 12 décembre 2022, M. E______ fait l’objet, depuis le 7 juin 2022, d’une nouvelle enquête pénale concernant l’emploi d’étrangers sans autorisation.

14.         Madame A______, ressortissante marocaine née le ______ 1986, est arrivée en Suisse au bénéfice d'une autorisation de travail de courte durée valable du 31 août au 30 septembre 2009, pour une activité de danseuse de cabaret.

15.         Appréhendée en séjour illégal en Suisse en juin 2011, l’OCPM (anciennement l’office cantonal de la population) a, par décision exécutoire nonobstant recours du 6 octobre 2011, prononcé son renvoi de Suisse avec un délai de départ au 30 novembre 2011.

16.         Lors de son audition par la police le 30 juin 2011, Mme A______ a notamment indiqué être en couple avec M. E______.

17.         Par requête du 29 novembre 2011, Mme A______ a sollicité de l'OCPM la délivrance d'un titre de séjour pour cas de rigueur.

Issue d'une famille modeste, elle avait été contrainte par son père à se prostituer au Maroc, avant d'être forcée par le responsable du cabaret dans lequel elle avait été engagée en Suisse à consommer de l'alcool et à se prostituer à nouveau. Son père, qui avait abusé d'elle sexuellement, l'avait mariée de force, contre paiement d'une somme d'argent, à un ressortissant saoudien alors qu'elle était âgée de seize ans. Elle avait subi de la part de son époux des viols, des orgies, des abus sexuels et des humiliations, avant d'être placée en détention en Arabie Saoudite durant quatre mois en 2008, sous prétexte qu'elle se serait livrée à la prostitution. Elle avait été condamnée dans ce même pays, puis avait été expulsée vers le Maroc. Afin d'échapper à la « domination destructrice » de son père, elle était arrivée en Suisse en juillet 2009 au bénéfice d'un permis L. Elle s'était constitué un cercle d'amis à Genève, parlait couramment le français et avait participé à un colloque genevois sur les mariages forcés en 2011.

18.         Le 5 juin 2012, une autorisation révocable en tout temps a été délivrée à Mme A______ en vue de travailler en qualité de serveuse dans un restaurant pour un salaire mensuel brut de CHF 3'600.-.

19.         Il ressort du rapport d’enquête domiciliaire du 4 juillet 2012 que Mme A______ vivait alors à Genève en concubinage avec M. E______.

20.         Le ______ 2015 est née à Genève l’enfant B______, fille de Mme A______ et de Monsieur F______, ressortissant français titulaire d'un permis d'établissement (permis C). Initialement de nationalité marocaine, B______ a obtenu la nationalité française à la suite de la reconnaissance de paternité de M. F______ le ______ 2016.

21.         Selon un document du 20 mars 2017 du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE), Mme A______ était alors seule titulaire de l'autorité parentale sur B______.

22.         Le 28 mars 2017, Mme A______ a sollicité la délivrance en sa faveur et celle de sa fille B______ d’une autorisation de séjour fondée sur l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), subsidiairement sur l’existence d’un cas de rigueur. Sa dépendance à l'aide sociale n'était due qu'à un concours de circonstances et elle avait toujours assumé son entretien financier de manière indépendante précédemment.

Selon une attestation de l'Hospice général du 17 mai 2018, Mme A______ a perçu, du 1er juillet 2015 au 31 octobre 2016, une aide financière complète et une aide en nature. Elle n'avait plus bénéficié d'aucune aide depuis le 1er novembre 2016 et restait débitrice d'un montant de CHF 3'237.85 au titre de participation aux frais de santé en novembre et décembre 2016, ainsi que janvier 2017, nonobstant diverses requêtes de remboursement et mises en demeure.

D'après un extrait de poursuites du 17 mai 2018, Mme A______ faisait l'objet de poursuites et d'actes de défaut de biens pour un total de plus de CHF 70'000.-.

23.         Le ______ 2018, est né à Genève l’enfant C______, de nationalité égyptienne, issu de la relation entre Mme A______ et son compagnon, M. E______.

24.         Selon un extrait du registre des poursuites du 12 mars 2019, Mme A______ faisait l'objet de trente-sept actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 38'644.56 et d'une saisie sur salaire de CHF 910.- par mois.

25.         Par décision du 15 avril 2019, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A______ et à ses enfants, compte tenu de sa situation financière instable, de ses dettes et de l’absence de cas d’extrême gravité, et a prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai au 15 juillet 2019 pour quitter le territoire.

26.         Le recours déposé le 16 mai 2019 auprès du tribunal contre la décision précitée a été rejeté par jugement du 28 avril 2020 (JTAPI/7______).

27.         Le ______ 2020 est née à Genève l’enfant D______, de nationalité égyptienne, issu de la relation entre Mme A______ et M. E______.

28.         Par arrêt du 4 mai 2021 (ATA/8______), la chambre administrative a admis partiellement le recours interjeté par Mme A______ contre le jugement du tribunal du 28 avril 2020 et renvoyé la cause à l’OCPM pour nouvelle instruction au sens des considérants, la situation financière de l’intéressée ayant entre-temps évolué et l’OCPM n’ayant pas fait d’examen approfondi quant à l’exigibilité du renvoi de Mme A______ et de ses enfants, notamment au vu de son statut de femme seule, ancienne prostituée, avec trois enfants de deux pères différents et n’étant pas mariée.

29.         Le 4 mai 2022, faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM du 22 janvier 2022 et une relance du 20 avril 2022, Mme A______ a transmis ses décomptes de chômage pour les mois de novembre 2021, janvier et février 2022, ainsi que la copie de son passeport et de ceux de ses enfants.

30.         Par courrier du 31 mai 2022, le conseil de Mme A______ a informé l’OCPM représenter désormais également M. E______. Ce dernier, vivant dans le même logement que Mme A______ et leurs enfants, dont ils détenaient l’autorité parentale conjointe, souhaitait être intégré à la demande en cours, sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), dès lors qu’ils formaient une famille.

Ils vivaient en Suisse depuis respectivement treize ans et vingt ans, avaient toujours travaillé et contribuaient tous deux au budget du ménage et à l’entretien de leurs trois enfants. Après leur long séjour en Suisse, ils n’avaient plus d’attaches avec leurs pays d’origine respectifs et ne pouvaient pas vivre dans le pays d’origine de l’un ou de l’autre.

Ils ont produit le relevé de compte de la société G______ Sàrl pour l’année 2021.

31.         Selon l’extrait du registre des poursuites du 23 juin 2022, Mme A______ a des poursuites pour un montant total supérieur à CHF 120'000.- et 82 actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 117'548.95.

32.         Les 15 juillet et 10 août 2022, Mme A______ a transmis à l’OCPM ses décomptes de chômage pour les mois de décembre 2021 et avril à juin 2022.

33.         Par courrier du 23 août 2022, l’OCPM a informé Mme A______ et M. E______ de son intention de refuser de leur délivrer, ainsi qu’à leurs enfants, une autorisation de séjour et de prononcer leur renvoi de Suisse. Un délai leur était imparti pour faire valoir leur droit d’être entendu.

34.         Par courrier du 30 novembre 2022, dans le délai prolongé à deux reprises à leur demande, Mme A______ et M. E______ ont usé de ce droit.

Le principe de l’unité familiale au sens de l’art. 8 CEDH devait conduire à l’admission de tous les revenus du foyer dans le cadre de l’examen de leur demande. Il convenait dès lors de prendre en compte le fait que M. E______ pouvait réaliser un revenu et contribuer aux charges de la famille. Les refus d’autorisation de travail à l’encontre de M. E______ ne pouvaient être utilisés contre eux. Par ailleurs, leur vie en couple depuis de longues années et la naissance de leurs enfants communs devaient être considérés comme une modification notable des circonstances. Au surplus, les dettes et les condamnations dont ils faisaient l’objet ne sauraient prévaloir, dans la pesée des intérêts en présence, sur leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Sous l’angle de la proportionnalité, un avertissement et/ou une convention d’intégration constituaient des mesures plus adéquates.

35.         Par décision du 3 janvier 2023, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A______, à M. E______ et aux enfants B______, C______ et D______, et a prononcé le renvoi de Mme A______ et de ses enfants, un délai de départ au 3 avril 2023 leur étant imparti. M. E___ ayant déjà fait l’objet d’une décision de renvoi antérieur, laquelle était définitive et exécutoire, il lui incombait de se soumettre à cette décision et de quitter la Suisse immédiatement.

Dès lors que le couple vivait maritalement depuis plusieurs années à la même adresse, qu’il avait deux enfants en commun et que M. E______ demandait à ce que la demande soit traitée sous l’angle d’une unité familiale, une seule et même décision pour l’ensemble de l’unité familiale pouvait être rendue, et ce bien que le couple ne soit pas juridiquement marié.

Il n’avait pas été démontré à satisfaction de droit que Mme A______ remplissait les conditions afférentes à la jurisprudence Zhu Chen en lien avec les art. 6 ALCP et 24 annexe I de l’ALCP. Elle réalisait un revenu mensuel net moyen de CHF 4'343.40, provenant de prestations de l’assurance chômage suite à la faillite de la société G______ Sàrl dont elle était la gérante avec M. E______, et ses charges incompressibles s’élevaient à CHF 5'379.-. Tenant compte des allocations familiales perçues, elle avait réalisé un revenu mensuel net de CHF 4'343.40.- au cours des huit derniers mois, présentant ainsi un budget déficitaire de CHF 1'035.60.-. Sa situation financière ne pouvait être qualifiée de stable et pérenne. Par ailleurs, sa dette accumulée auprès de l’office des poursuites s’était péjorée de plus de CHF 7'000.- en sept mois. Elle ne disposait par conséquent pas de moyens financiers lui permettant d’assurer sa prise en charge et celle de ses trois enfants de façon autonome. Il n’avait pas non plus été démontré à satisfaction de droit qu’elle se trouvait dans une situation personnelle d’extrême gravité. Si elle vivait en Suisse depuis treize ans, elle y était arrivée dans un but strictement temporaire à l’âge de vingt-trois ans. Elle avait donc vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Maroc, années considérées comme déterminantes dans la construction de la personnalité. Tant son instabilité professionnelle que les nombreuses et importantes créances cumulées au fil des années constituaient non seulement un défaut d’intégration important, mais également au motif de révocation au sens de l’art. 62 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). En outre, Mme A______ ne pouvait ignorer, au moment de fonder une famille, quelle était la situation administrative et de séjour de son compagnon. Ce dernier ne bénéficiant d’aucun droit de séjour en Suisse et faisant l’objet d’une décision de renvoi, il était possible que la famille dut être amenée à quitter la Suisse et à retourner s’établir dans l’un des pays d’origine des membres du couple.

Quant à M. E______, il faisait l’objet d’une décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour et de renvoi de Suisse définitive et exécutoire, de sorte que la demande le concernant devait être considérée comme une demande de reconsidération. La relation que ce dernier entretenait avec Mme A______ depuis l’année 2011 et avec laquelle il vivait depuis l’année 2012 était un fait qui aurait pu être évoqué bien avant dans la procédure et qui ne pouvait être considéré comme étant un fait nouveau.

Compte tenu du fait que Mme A______ invoquait la reconnaissance d’un droit au sens de la jurisprudence Zhu Chen, il convenait d’entrer en matière sur la demande de réexamen et d’inclusion de M. E______ en reconnaissance d’un droit à la protection de la famille au sens de l’art. 8 CEDH en lien avec les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), s’agissant d’un élément important. Toutefois, dans la mesure où l’intéressée ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en application de la jurisprudence précitée et des dispositions de l’ALCP, et qu’elle ne pouvait se prévaloir d’aucun droit de séjour en Suisse, l’OCPM ne pouvait donner une suite favorable à la demande de M. E______.

De plus, M. E______ avait fait fi, à réitérées reprises, des décisions qui avaient été prises à son encontre, décisions entrées en force depuis plusieurs années. Ce n’était que du fait qu’il s’était soustrait aux différentes décisions de renvoi qu’il se trouvait toujours sur le territoire, ayant en outre continué à exercer une activité lucrative sans aucune autorisation, alors qu’il faisait l’objet d’une interdiction formelle d’exercer une telle activité en Suisse. Il n’avait enfin pas obtempéré à sa dernière injonction de quitter la Suisse dans un délai au 20 janvier 2020 et ce n’était donc que par son comportement de mépris et une absence de volonté de respecter la législation suisse et les décisions administratives prises à son égard qu’il se trouvait encore sur le territoire helvétique. Force était de constater qu’il ne remplissait pas les conditions relatives à la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité et qu’il ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’art. 8 CEDH.

Concernant les enfants, et pour les mêmes motifs que s’agissant de M. E______, l’OCPM ne pouvait donner une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour les concernant sous l’angle du cas de rigueur dans le cadre de la protection de la famille, ni de l’art. 24 annexe I de l’ALCP pour B______ ou des dispositions du regroupement familial prévu par l’art. 44 LEI. Ils ne pouvaient pas non plus bénéficier d’un permis en relation avec M. E______, celui-ci ne pouvant prétendre à la délivrance d’une quelconque autorisation de séjour.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants, il convenait de retenir que B______, C______ et D______ étaient respectivement âgés de six ans, quatre ans et deux ans, que deux d’entre eux n’étaient pas encore scolarisés et que B______ n’avait pas encore atteint l’âge de l’adolescence, de sorte que leur intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. Ils étaient par ailleurs en bonne santé. Leur réintégration dans le pays d’origine de l’un de leurs parents ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables.

36.         Par acte du 6 février 2023, sous la plume de leur conseil, Mme A______ et M. E______ ont formé recours contre la décision précitée auprès du tribunal, concluant à son annulation, à l’octroi d’une autorisation de séjour en leur faveur et en faveur de leurs enfants, à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à la suspension de l’exécution du renvoi de M. E______, sous suite de frais et dépens.

Au fond, ils ont fait valoir en substance que l’OCPM avait constaté de manière inexacte et incomplète les faits pertinents. En effet, contrairement à ce qu’il avait retenu, le budget de la recourante n’était pas déficitaire. La décision querellée violait par ailleurs les art. 4 et 6 ALCP en lien avec les art. 24 annexe I de l’ALCP et 16 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203), ainsi que l’art. 8 CEDH en lien avec les art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 96 LEI. Les liens affectifs et la situation sociale, familiale et économique des recourants devaient être considérés dans leur ensemble, dès lors qu’ils formaient une famille. Dans ce cadre, il devait également être tenu compte de la capacité de gain du recourant dans le calcul du budget du ménage pour apprécier la condition des moyens financiers suffisants. L’OCPM avait également fait une mauvaise application des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA. La recourante n’avait pas choisi l’illégalité mais était demeurée en Suisse en raison des craintes qu’elle avait pour sa vie en cas de retour au Maroc. Elle avait été menacée de mort par son père et ses déclarations avaient été confirmées par plusieurs membres de sa famille. L’OCPM ne s’était pas prononcé sur ces menaces, qu’il fallait considérer comme hautement probables, et ne les avait pas prises en compte en cas de retour des recourants au Maroc. Il n’avait pas non plus tenu compte du fait qu’en tant que femme seule et ancienne prostituée, il serait difficile à la recourante de vivre convenablement au Maroc. Ce faisant, l'OCPM avait violé leur droit d’être entendu et commis un abus de pouvoir d’appréciation.

37.         Le 16 février 2023, l’OCPM a transmis ses dossiers au tribunal, accompagnés de ses observations. Il s’opposait à la restitution de l’effet suspensif ainsi qu’à l’octroi de mesures provisionnelles en faveur du recourant et concluait au rejet du recours.

Au fond, les arguments soulevés par les recourants n’étaient pas de nature à modifier sa position. Tel qu’opportunément détaillé dans la décision querellée, la recourante ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant de prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour sur la base de la jurisprudence Zhu Chen, en lien avec l’art. 6 ALCP et l’art. 24 annexe I de l’ALCP.

Les recourants reprochaient à l’OCPM d’empêcher le recourant de travailler et ainsi de permettre à la recourante de bénéficier de ressources suffisantes pour tirer un droit de la jurisprudence susmentionnée. Il convenait toutefois de rappeler et souligner que le recourant faisait l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi de Suisse. Il était dès lors logique qu’il ne l’ait pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse.

La recourante ne remplissait pas non plus les conditions relatives au cas de rigueur. Les faits en lien avec les menaces qu’auraient proférées son père remontaient à 2009 alors que la prénommée était jeune, sans enfants et sans compagnon. Si, par impossible, il devait être retenu que sa réintégration au Maroc serait compliquée ou pas possible, force était de reconnaître qu’il pouvait être attendu d’elle qu’elle rejoigne le recourant, son compagnon et père de ses enfants, en Égypte, et qu’ils y poursuivent leur vie de famille.

Quant au recourant, son séjour s’étant déroulé dans l’illégalité, faisant fi de la décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire prononcée à son endroit, il ne saurait en être tenu compte. Son intégration était mauvaise dès lors qu’il était établi qu’il ne respectait pas l’ordre juridique et ne se soumettait pas aux décisions des autorités. Partant, il ne saurait prétendre à l’application de l’art. 31 OASA en sa faveur.

Enfin, la décision querellée ne contrevenait pas à l’art. 8 CEDH dans la mesure où aucun des membres de la famille ne pouvait se prévaloir d’un droit de séjour durable en Suisse.

Au surplus, les relations familiales pourraient se poursuive dans l’État de destination de l’un ou l’autre des parents.

38.         Dans le délai prolongé au 3 mars 2023, les recourants ont répliqué sur la question de l’effet suspensif.

39.         Par décision du 22 mars 2023 (DITAI/9______), le tribunal a rejeté la demande d'effet suspensif. Cette décision a été confirmée sur recours par arrêt de la chambre administrative du 23 mai 2023 (ATA/10_____).

Sur recours, le Tribunal fédéral a admis la demande de restitution de l'effet suspensif par jugement du 20 juillet 2023 (2C_11_____).

40.         Le 12 mai 2023, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

Leur fils C______ avait des difficultés de santé et était suivi par le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, unité de guidance infantile, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) depuis le 6 mars 2023. Il était également inscrit en 1P à l'école publique pour l'année scolaire 2023-2024.

L'enfant B______ était en 3P.

Mme A______ était suivie par la doctoresse H______ depuis mai 2023. Elle était toujours au chômage, mais touchait des prestations cantonales en cas de maladie. Ses revenues étaient donc identiques. Elle recevait également un montant de CHF 1'000.- par mois à titre d'allocations familiales pour ses trois enfants.

À l'appui de leur réplique, ils ont produit un nouveau chargé de pièces comprenant notamment un certificat médical concernant leur fils C______ ainsi qu'une attestation de suivi médical concernant la recourante.

41.         Le 2 juin 2023, l'OCPM a dupliqué.

Concernant le recourant, la naissance de ses enfants, soit le choix de fonder une famille, était postérieure à la décision de renvoi prononcée à son encontre. Il ne pouvait ainsi pas se prévaloir de sa propre faute et du fait accompli.

S'agissant du reste de la famille, le certificat médical produit au sujet d'C______ n'imposait pas la présence de son père et indiquait uniquement qu'il était suivi par l'unité de guidance infantile, sans précision complémentaire. Le début de sa scolarité en 1P, à compter de la rentrée 2023-2023, n'apportait pas un regard différent sur la situation de la famille.

42.         Le 13 octobre 2023, le tribunal a procédé à l'audition des parties.

a.              M. E______ a confirmé qu'il n'était pas marié en Egypte et qu'il avait divorcé de Mme I______ en 2007 ou en 2009. Il a également déclaré qu'il était capable d'exercer une activité professionnelle et pensait pouvoir gagner entre CHF 5'000.- et CHF 5'200.- par mois. Il cherchait actuellement du travail dans la restauration (service ou bar). La promesse d'embauche produite concernait un emploi d'intermédiaire entre des clients arabes et la société J______ SA. Il n'avait aucun revenu et ne touchait pas d'aide sociale. C'était son frère qui l'aidait en cas de besoin. Il pourrait trouver une activité professionnelle dès le jour où il aurait une autorisation de séjour.

b.             Mme A______ a indiqué qu'elle percevait des prestations cantonales en cas de maladie (ci-après: PCM) depuis novembre-décembre 2022 car elle avait des problèmes de santé. Elles étaient versées en remplacement des prestations de l'assurance chômage. On l'avait envoyé faire une expertise médicale afin de mettre à jour sa situation de santé. Son indemnité des PCM était fondée sur une indemnité de CHF 231.- par jour et elle percevait CHF 1033.- par mois d'allocation familiale en sus. Elle avait été au chômage de décembre 2021 à décembre 2022. Précédemment, elle aurait géré un établissement de discothèque orientale, lequel appartenait à M. E______, et son salaire était de CHF 6'000.- net.

Elle ne souhaitait pas parler de sa situation en cas de retour au Maroc. Elle avait fait sa vie en Suisse. Elle avait des problèmes de santé suite à son accouchement en 2020. Elle avait subi une erreur médicale et avait des séquelles. Son fils avait été diagnostiqué autiste, mais elle n'avait pas de documents à produire à ce sujet.

c.              Le conseil des recourants a déclaré qu'il n'avait à ce jour pas obtenu copie de la décision indiquant que la recourante était en incapacité totale de travailler. Ses clients avaient formulé une demande en vue de mariage mais elle avait été refusée par l'OCPM. Le dernier salaire assuré de sa cliente était de CHF 6'510.- brut. Il n'avait obtenu aucune attestation médicale ni du médecin généraliste ni du psychiatre ni du gynécologue de sa cliente malgré ses demandes, qu'il comptait réitérer. Le psychologue d'C______ devait lui transmettre un rapport médical car il suspectait un trouble autistique et des investigations allait être menées. Il produirait les documents médicaux dès qu'il les aurait reçus.

d.             Sur question du tribunal, la représentante de l'OCPM a indiqué qu'elle ne pouvait pas se prononcer sur le calcul qui avait été fait dans le cadre de la décision en ce qui concernait la situation financière de la recourante ; elle pouvait se renseigner à ce sujet. Elle devait notamment déterminer sur quel salaire l'OCPM s'est basé. Concernant les possibilités de renvoi tant au Maroc qu'en Egypte, aucune nouvelle démarche n'avait été entreprise par l'OCPM. Elle sollicitait l'octroi d'un délai pour se déterminer sur les conditions d'un renvoi en Egypte ou au Maroc, lequel a été accordé par le tribunal au 3 novembre 2023.

43.         Le 30 octobre 2023, l'OCPM s'est déterminé suite à l'audience du 13 octobre 2023.

Le détail du calcul opéré par l'OCPM concernant les revenus de la recourante, bruts et nets, pour les mois de novembre 2021 à juin 2022, dans sa décision du 3 janvier 2023, était joint en annexe. En substance, une moyenne sur huit mois avait été réalisée. Les charges avaient été ensuite calculées selon les normes CSIAS. La différence entre les deux était de CHF 1'035.60.- en budget déficitaire. Les poursuites avaient augmenté de CHF 7'007.85.- en sept mois, soit exactement ce qu'il manquait au budget du foyer (CHF 1'000.- par mois).

S'agissant de la question de l'exigibilité du renvoi, elle ne se posait pas, dès lors que le couple vivait maritalement depuis onze ans et élevait ensemble trois enfants, dont deux nés du couple. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle l'OCPM avait examiné l'art. 8 CEDH pour le recourant et rendu une décision unique pour toute la famille, quand bien même le couple n'était pas marié. Le renvoi au Maroc, respectivement en Egypte, concernerait ainsi l'ensemble de la famille dans toute son unité, de sorte que la question du renvoi d'une femme seule, mère célibataire et ancienne prostituée ne se posait plus.

44.         Le 8 janvier 2024, les recourants ont transmis leurs observations finales.

Il convenait de prendre en compte l'unité familiale pour calculer les charges et les revenus de la famille, et ainsi de prendre également en compte la potentielle capacité de gain du recourant. L'autorité intimée ne prenait pas en compte les allocations familiales touchées par la recourante, lesquelles étaient versées à part. Si le recourant n'était pas empêché de travailler par l'OCPM, il pourrait toucher un revenu mensuel brut de CHF 5'000.-, lequel permettrait de couvrir les charges de la famille. En outre, depuis le 16 septembre 2023, la famille habitait dans un appartement de 4 pièces pour un loyer de CHF 1'248.-.

La mise à jour du consulting n'avait toujours pas été effectuée malgré l'injonction de la Chambre administrative en ce sens dans son arrêt du 4 mai 2021. La question de l'exigibilité du renvoi de la recourante continuait donc à se poser.

Un rapport établi par l'Office médico-pédagogique (ci-après: OMP) du 20 juillet 2023 s'agissant de la situation de l'enfant C______ montrait un grand retard dans les capacités de communication, de la vie quotidienne, de la socialisation ainsi que de la motricité. L'état de santé de cet enfant était extrêmement sensible et fragile en raison du trouble du spectre autistique diagnostiqué. Il ne pourrait bénéficier des soins nécessaires s'il était renvoyé avec sa famille au Maroc ou en Egypte, pays dans lesquels il n'existait pas de soins adaptés à sa situation ni des écoles spécialisées permettant de lui garantir un bon développement. Une admission provisoire pouvait ainsi entrer en ligne de compte.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCPM du 3 janvier 2023, refusant de délivrer une autorisation de séjour à la recourante, ressortissante marocaine, et ses trois enfants, ressortissants français et égyptiens, ainsi qu'au recourant, ressortissant égyptien, et prononçant leur renvoi de Suisse.

4.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Au cours de la procédure de recours, il n'est tenu compte des faits nouveaux que si la juridiction y est en général autorisée, si la décision ne sortit ses effets que dès la date de la décision sur recours et si l'économie de procédure l'impose. Le rôle de l'autorité de recours consiste non seulement à contrôler la solution qui a été adoptée, mais aussi à imposer celle qui est propre à mettre fin à la contestation (ATF 98 Ib 178 ; 92 I 327 ; 89 I 337). Or, en faisant abstraction des faits survenus après la décision attaquée, l'autorité de recours ouvrirait la porte à de nouvelles procédures et risquerait donc de laisser subsister le litige, sans contribuer toujours utilement à le trancher (André GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. II, 1984, p. 932). Statuant sur les recours de droit administratif, le Tribunal fédéral prend en compte les faits nouveaux notamment dans le domaine de la police des étrangers (ATF 105 Ib 165 consid. 6b ; 105 Ib 163).

À plusieurs reprises, la chambre administrative a tenu compte, d'office ou sur requête, de faits qui s'étaient produits après que la décision de première instance a été rendue (ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4b).

7.             Tout d'abord, les recourants invoquent une violation des art. 4 et 6 ALCP en lien avec les art. 24 Annexe I ALCP, 16 de l'OLCP et 61 al. 1 LPA. Pour examiner la condition des moyens financiers suffisants, l'autorité intimée auraient dû prendre en considération la situation familiale des recourants dans leur ensemble en incluant M. E______ et la contribution de celui-ci au ménage. Puis, si un droit de séjour dérivé ne devait pas être reconnu à la mère sur cette base-là, les recourants font valoir que leur situation remplirait les conditions d'un cas d'extrême gravité.

8.             Dans ce contexte, il convient en premier lieu d'examiner l'application de l'ALCP à la situation de séjour de la recourante, ressortissante d'un état tiers et mère d'une fille de nationalité française. En cas d'inapplication de l'ALCP in casu, référence doit être faite à la LEI et à l'OASA.

9.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI).

Ainsi, la LEI n'est applicable aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne (CE) et aux membres de leur famille que si l'ALCP n'en dispose pas autrement ou si ladite loi prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEI).

10.         En l'espèce, la fille de la recourante, B______, est de nationalité française, de sorte qu'il y a lieu d'examiner la question de l'application de l'ALCP au présent cas.

11.         L'art. 6 ALCP garantit aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante, conformément aux dispositions de l'Annexe I ALCP relatives aux non-actifs (art. 24 Annexe I ALCP).

12.         Selon l'art. 24 par. 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans l'État de résidence et qui ne bénéficie pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions de l'ALCP reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

Les parties contractantes peuvent, quand elles l'estiment nécessaire, demander la revalidation du titre de séjour au terme des deux premières années de séjour.

13.         L'art. 24 par. 2 Annexe I ALCP précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle et, le cas échéant, à celle des membres de leur famille, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Lorsque cette condition ne peut s'appliquer, les moyens financiers du demandeur sont considérés comme suffisants lorsqu'ils sont supérieurs au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État d'accueil.

14.         Le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions prévues au par. 1 (art. 24 par. 8 Annexe I ALCP).

15.         Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après: normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide sociale (ATF 142 II 35 consid. 5.1 ; 135 II 265 consid. 3.3). Il importe peu, pour apprécier la situation économique du requérant, que ce dernier génère lui-même ses moyens financiers ou que ceux-ci lui soient procurés par un tiers (ATF 144 II 113consid. 4.1 et 4.3 ; 142 II 35 consid. 5.1 ; 135 II 265 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_840/2015 du 1er mars 2016 consid. 3.1).

16.         Conformément aux concepts et aux normes CSIAS, sont compris dans les besoins de base : les frais de logement (y compris les charges usuelles), les frais médicaux de base (y compris les franchises et les frais de traitements dentaires nécessaires) et un forfait pour l'entretien (pt. A.6).

17.         Pour le canton de Genève, les normes CSIAS renvoient à la loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 qui a été abrogée et remplacée par la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01). La prestation mensuelle de base s'élève, pour une personne seule, à CHF 1'031.-. Ce montant est multiplié par 1,86 pour une famille de trois personnes (art. 2 al. 1 let. b RIASI).

À teneur de l'arrêté du Conseil d'État du 18 octobre 2023, la prime cantonale de référence dans le cadre de la prise en charge de la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins pour les bénéficiaires de l'aide sociale est de CHF 564.- par mois pour les adultes.

18.         Les moyens financiers des ressortissants UE/AELE ainsi que des membres de leur famille sont réputés suffisants s'ils dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en fonction des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » (directives CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, suite à la demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle (art. 16 al. 1 OLCP). La provenance des ressources financières n'est pas pertinente (ATF 142 II 35 consid. 5.1 ; 135 II 265 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.2). Les conditions posées à l'art. 24 § 1 annexe I ALCP servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 précité consid. 3.4.2). Les moyens financiers dont doit bénéficier l'enfant ressortissant communautaire au sens de l'art. 24 § 1 annexe I ALCP peuvent provenir d'une activité lucrative exercée par son parent gardien, ressortissant extra-communautaire, en Suisse, quand bien même l'exercice de cette activité est normalement soumis à des mesures de limitation en raison de la nationalité étrangère dudit parent (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-8145/2010 du 18 avril 2011 consid. 4 et 5). En revanche, la condition des ressources suffisantes prévue à l'art. 24 § 1 annexe I ALCP ne saurait être considérée comme réalisée, si cela implique la délivrance d'une autorisation de séjour UE/AELE avec activité lucrative aux parents gardiens de l'enfant ressortissant communautaire à laquelle ceux-ci n'ont pas droit en application de l'ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_375/2014 du 4 février 2015 consid. 3.4).

19.         Les ATF 142 II 35 et 135 II 265 précités se réfèrent notamment à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne dans la cause Zhu et Chen (arrêt du 19 octobre 2004 C-200/02 Zhu et Chen, Rec. 2004 I-09925) qui, dès lors qu'il est postérieur à la date de signature de l'ALCP, ne doit pas être pris en considération en vertu de l'art. 16 par. 2 ALCP ; toutefois, dans le but d'assurer une situation juridique parallèle entre les Etats membres de la Communauté européenne, d'une part, et entre ceux-ci et la Suisse, d'autre part, le Tribunal fédéral s'inspire de tels arrêts, pour autant que des motifs sérieux ne s'y opposent pas (cf. ATF 144 II 113 consid. 4.1 ; 143 II 57 consid. 3.6 et les références citées ;). Le Tribunal fédéral s'est rallié à la jurisprudence Zhu et Chen (ATF 144 II 113consid. 4.1 ; ATF 142 II 35 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_606/2013 du 4 avril 2014 consid. 3.2 et les références citées). Selon celle-ci, la législation européenne relative au droit de séjour, et en particulier la Directive 90/364/CEE, confère un droit de séjour de durée indéterminée au ressortissant mineur en bas âge d'un Etat membre qui est couvert par une assurance-maladie appropriée et qui est à la charge d'un parent, lui-même ressortissant d'un Etat tiers, dont les ressources sont suffisantes pour que le premier ne devienne pas une charge pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil (arrêt Zhu et Chen, pt 41 ; ATF 144 II 113consid. 4.1). Cette pratique permet en outre au parent qui a effectivement la garde de cet enfant de séjourner avec lui dans l'Etat membre d'accueil (arrêt Zhu et Chen, pt 46 s. ; cf. ATF 144 II 113consid. 4.1 ; ATF 142 II 35 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_943/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.1 in fine ; 2C_375/2014 du 4 février 2015 consid. 3.3 et les références citées).

20.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29) dans les buts suivants : tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs. Selon l'art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral fixe les conditions générales et arrête la procédure.

21.         Selon l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration.

22.         Selon l'art. 31 al. 1 OASA, applicable jusqu'au 31 décembre 2018, une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment : de l'intégration du requérant (a) ; du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (b) ; de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (c) ; de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (d) ; de la durée de la présence en Suisse (e) ; de l'état de santé (f) ; des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (g).

23.         Selon la jurisprudence, l'art. 30 al. 1 let. b LEI a repris la notion de l'ancien art. 13 let. f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, désormais abrogée ; RO 1986 p. 1791, 2007 p. 5528), la notion de situation personnelle d'extrême gravité étant la même (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1627/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c).

24.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/722/2020 du 4 août 2020 consid. 6b ; ATA/702/2020 du 4 août 2020 consid. 4e ; ATA/685/2020 du 21 juillet 2020 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (au sujet de l'art. 13 let. f OLE : ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/722/2020 précité consid. 7b ; ATA/685/2020 précité consid. 3c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_608/2020 du 27 juillet 2020 consid. 4.1 ; ATA/722/2020 précité consid. 7b ; ATA/685/2020 précité consid. 3c). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 138 II 229 consid. 3.1 ; 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110, 113 consid. 2 ; ATA/722/2020 précité consid. 7b ; ATA/685/2020 précité consid. 3c).

25.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; ATA/722/2020 précité consid. 7c ; ATA/685/2020 précité consid. 3d).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/722/2020 précité consid. 7d ; ATA/685/2020 précité consid. 3d ; s'agissant spécifiquement de l'aide sociale : arrêt du Tribunal fédéral 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.2).

26.         Par ailleurs, bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; 130 II 493 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/722/2020 précité consid. 7d ; ATA/90/2020 du 28 janvier 2020 consid. 7d ; ATA/1053/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4e).

27.         D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et qu'il y a seulement commencé sa scolarité, on considère en principe qu'il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine par le biais de ses parents et que son intégration au milieu socioculturel suisse n'est pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du Tribunal fédéral 2C_686/2019 du 3 octobre 2019 consid. 6.1 ; 2C_997/2015 du 30 juin 2016 consid. 3.1 ; ATA/684/2020 du 21 juillet 2020 consid. 7g. Voir aussi, de manière plus générale concernant les enfants : ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 123 II 125 consid. 4a-4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 6.3).

28.         Selon les directives du SEM, la reconnaissance d'un cas de rigueur implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence sont très précaires par rapport à celles que connaissent généralement les autres étrangers. Il s'agit d'examiner si l'on peut raisonnablement exiger de l'étranger - aux plans personnel, économique et social - qu'il rentre dans son pays d'origine pour s'y réinstaller. Pour ce faire, sa situation future sera comparée à celle qui est la sienne en Suisse. Cependant, la réglementation relative aux cas de rigueur ne vise pas à protéger l'étranger de situations de conflit, d'abus des autorités ou de situations analogues qui rendraient l'exécution d'un renvoi illicite, inexigible ou impossible. Dans ce cas, la question d'une admission provisoire doit être examinée (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 31 août 2020, ch. 5.6 [ci-après : directives SEM]).

29.         Le renvoi d'un étranger en application de l'art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du TAF E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/801/2018 du 7 août 2018 consid. 10c et l'arrêt cité). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

30.         L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017,
p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêts du TAF 2010/54 consid. 5.1 ; E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (arrêts du TAF 2007/10 consid. 5.1 ; E-4024/2017 du 6 avril 2018 consid. 10 ; D-6827/2010 du 2 mai 2011 consid. 8.2 ; ATA/801/2018 précité consid. 10d).

31.         En l'espèce, l'OCPM considère que, d'une part, la recourante ne pouvait se prévaloir d'un droit de séjour dérivé de celui de sa fille aînée, faute de disposer de moyens financiers suffisants ; et d'autre part, que les conditions du cas d'extrême gravité n'étaient pas remplies pour l'ensemble des membres de la famille.

S'agissant des l'examen de la situation des recourants, en particulier de la recourante et sa fille aînée, ressortissante française, sous l'angle de l'ALCP, deux conditions au sens de l'art. 6 ALCP, renvoyant notamment à l'art. 24 § 1 let. a Annexe I ALCP, doivent principalement être remplies afin de pouvoir bénéficier d'un titre de séjour, à savoir : disposer de moyens financiers suffisants pour ne pas dépendre de l'aide sociale pendant le séjour et avoir une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques.

Sous l'angle de la situation financière des recourants, il faut tout d'abord relever que la capacité du recourant de contribuer financièrement aux frais du ménage n'est pas déterminante sous cet angle, dès lors que cette situation hypothétique nécessite au préalable l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative, conformément à la jurisprudence précitée. S'agissant de la recourante, sur la base des décomptes de la caisse genevoise de chômage de novembre 2021 à juin 2022, l'OCPM a effectué une moyenne des revenus effectivement touchés par la recourante et a retenu un revenu net moyen de CHF 4'343.40.-, allocations familiales incluses. En revanche, l'OCPM n'a pas pris en compte le fait que les décomptes de la CCGC mentionnent la prise en compte d'un salaire annuel de CHF 78'108.- comme base de calcul de son droit aux indemnités-chômage, soit une moyenne mensuelle de CHF 6'509.-, comme l'avait relevé la chambre administrative dans son arrêt du 4 mai 2021. S'agissant des charges, en application de la méthode fondée sur les normes CSIAS, l'OCPM a retenu un montant total de CHF 5'379.- (forfaits entretien quatre personnes selon les normes CSIAS : CHF 2'110.- ; loyer : CHF 2'350.- ; assurance maladie trois enfants et un adulte : CHF 919.-), lequel correspondait à l'ancienne situation de la recourante. Sur cette base, l'OCPM a retenu un déficit budgétaire mensuel de CHF 1'035.-. Or, il ressort des éléments produits en cours de procédure que si les revenus de la recourante sont aujourd'hui issu des indemnités PCM, lui conférant une capacité de gain mensuelle maximale théorique de CHF 4'753.- (CHF 6'510 x 73.70%), ses charges ont diminué. En effet, la famille a changé de logement et supporte désormais un loyer de CHF 1'248 depuis le 16 septembre 2023, soit une différence de l'ordre de CHF 1'102.-. Il en résulte que la situation actuelle de la recourante s'est notablement modifiée, compte tenu de son état de santé l'empêchant d'exercer un emploi et de la diminution des charges, de sorte que le tribunal n'est à ce jour plus en mesure de confirmer les éléments retenus par l'OCPM à l'appui de la décision litigieuse, tant sous l'angle de l'ALCP que de la LEI s'agissant de la condition des moyens suffisants.

Quoiqu'il en soit, sous l'angle de l'exigibilité du renvoi des recourants, la chambre administrative avait également annulé la précédente décision à l'encontre de la recourante au motif que l'autorité intimée n'avait pas approfondi cette question et l'éventuelle nécessité d'une admission provisoire. En particulier, l'OCPM n'avait pas pris en compte la situation personnelle de celle-ci au regard des mœurs culturelles et sociales prévalant au Maroc, alors même que dans son consulting du 19 juillet 2013, le SEM avait relevé qu'il serait difficile pour la recourante, en tant que femme seule, sans famille, sans mari et ancienne prostituée, de vivre dans des conditions convenables dans son pays d'origine. En outre, la chambre administrative a clairement laissé entendre que depuis le consulting de 2013, la situation de la recourante, désormais mère de trois enfants de deux pères différents était susceptible de constituer un obstacle supplémentaire. Or, dans la décision querellée, l'OCPM se contente d'indiquer que les recourants, bien que formellement non mariés, doivent être traités à l'instar d'un couple marié et que leur renvoi est dès lors possible alternativement au Maroc ou en Egypte. Hormis le fait que l'OCPM s'est à nouveau prononcé sur la situation de la recourante sans être en main d'un consulting actualisé à son sujet, cette autorité n'a manifestement pas concrètement examiné la question de l'exigibilité du renvoi de la recourante en Egypte, pays d'origine de son conjoint. Il est par ailleurs manifestement insuffisant d'affirmer que la question de l'exigibilité du renvoi de la recourante au Maroc ne se poserait plus, dès lors qu'il s'agit désormais du renvoi de l'ensemble de la famille, sans examiner au préalable la situation concrète de chacun de ses membres au regard des habitudes culturelles et sociales du pays concerné. En effet, si l'OCPM considère la situation du couple comme une unité familiale, cela n'implique pas que celle-ci sera acceptée en cas de retour au Maroc ou en Égypte. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le couple reste non formellement marié et que les enfants sont issus de deux pères biologiques différents. Il importe dès lors d'effectuer un examen circonstancié des possibilités de renvoi des recourants et leur famille. À cela s'ajoute que selon le rapport de l'OMP du 20 juillet 2023, C______, le fils des recourant, a été diagnostiqué avec un autisme infantile ou trouble du spectre autistique en lien avec ses déficits dans la communication et les interactions sociales. Dans cette mesure, on ne saurait également affirmer de manière générale que le renvoi est exigible, sans avoir examiné concrètement les possibilités de prise en charge d'C______ en cas de renvoi au Maroc ou en Egypte. En effet, le tribunal de céans a déjà admis s'agissant d'enfant atteint de TSA, et dont le renvoi au Maroc était envisagé, nécessitait de la stabilité et que tout changement péjorerait son état psychique et physique, particulièrement un déménagement avec des modifications de son cadre de vie et des soins, ce qui avait conduit à l'admission partielle du recours (JTAPI/1144/2023 du 19 octobre 2023).

Le tribunal n'est ainsi pas en mesure d'examiner si les recourants peuvent, sans autre, être renvoyés dans l'un des deux pays d'origine respectifs, comme l'affirme l'OCPM. C'est donc à tort que l'autorité intimée n'a pas approfondie cette question avant de prononcer la décision querellée, conformément à l'injonction de la chambre administrative sur ce point dans son jugement du 4 mai 2021 (ATA/8______).

32.         Au vu de ces éléments, il convient d'annuler la décision et de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants qui précèdent. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner la validité du reste de la décision de l'OCPM.

33.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux recourants (art. 87 LPA).

34.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2023 par Madame A______, agissant en son propre nom et en celui de ses enfants mineurs B______, C______ et D______, ainsi que Monsieur E______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 3 janvier 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution aux recourants de l’avance de frais de CHF 500.- ;

4.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière