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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3935/2023

JTAPI/1332/2023 du 29.11.2023 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75; LEI.76; LEI.76.ala
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3935/2023 MC

JTAPI/1332/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 novembre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Garance STACKELBERG, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1995 (alias B______, né le ______ 1986) et originaire du Nigéria, a été interpellé le 30 mars 2023 à la Plaine de Plainpalais à Genève, après avoir été observé par la police en train de procéder à un échange avec une autre personne. Suspectant une transaction de stupéfiants, les forces de l'ordre ont arrêté les protagonistes. Le tiers a d'emblée remis aux policiers une boulette de cocaïne d'un poids total de 0,5 grammes tout en expliquant qu'il venait de l'acheter à un homme de type africain en échange de la somme de CHF 30.-. Il a également reconnu M. A______, sur planche photographique, comme étant cette personne.

2.             Les contrôles de sécurité ont permis de déterminer que M. A______ était porteur de CHF 138.25, EUR 15.-, ainsi que d'un passeport pour réfugié hongrois avec sa photo au nom de B______, né le 14 février 1986, Nigéria.

3.             Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a nié vendre de la drogue. Il a expliqué avoir pris la fuite après la transaction, car il n'avait pas compris avoir affaire à la police. S'agissant de sa situation personnelle, il a expliqué être arrivé à Genève pour la première fois en 2022 en provenance de Hongrie, vouloir s'installer en Suisse et n'avoir pas de liens particuliers avec le canton de Genève.

4.             Prévenu d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (trafic de stupéfiants), au code pénal suisse (empêchement d'accomplir un acte officiel), et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (séjour illégal), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

5.             Le 31 mars 2023, l’intéressé, après avoir été entendu par le procureur, a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public, en référence aux éléments de son arrestation.

6.             Le jour-même, M. A______ a fait l'objet d'une décision d'interdiction de pénétrer dans le territoire du canton de Genève pour une durée de douze mois prise à son encontre par le commissaire de police, l'intéressé disposant d'un délai de 24 heures, dès sa libération, pour quitter ce territoire.

7.             Le 24 avril 2023, l'intéressé a été interpellé à Genève pour avoir importé et être en possession de 247 grammes brut de cocaïne, pour ne pas avoir respecté une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève et pour infractions à la LEI.

8.             Maintenu en arrestation provisoire durant la procédure pénale liées aux éléments de son arrestation, il a été jugé le 17 novembre 2023 par le tribunal de police qui l'a déclaré l'intéressé coupable d'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 let. b, c, d et al. 2 let. a), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 ancien code de procédure pénale du 29 septembre 1977 (CPP-GE - E 4 20)) et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 232 jours de détention avant jugement, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, et a simultanément ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. o du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)).

9.             Par ordonnance séparée, le tribunal de police a ordonné le maintien de M. A______ en détention pour motifs de sûreté jusqu'au 27 novembre 2023.

10.         Le 27 novembre 2023, l'intéressé s'est vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire par l'office cantonal de la population et des migrations, après que la possibilité de s'exprimer, conformément à son droit d'être entendu, lui ait été donnée.

11.         A la même date, à sa sortie de prison, il a été remis en mains des services de police.

12.         Le 27 novembre 2023, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée deux mois, retenant comme motif de sa détention, notamment, le fait qu'il avait été condamné pour crime. Cette décision mentionne par ailleurs que les services de police avaient d'ores et déjà entrepris les démarches nécessaires en vue de l'exécution de l'expulsion de M. A______ en procédant, le 23 novembre 2023, à une demande de réadmission en Hongrie en faveur de l'intéressé.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait à son renvoi en Hongrie.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

14.         Entendu par le tribunal le 28 novembre 2023, M. A______ a déclaré notamment qu’il était arrivé en Europe pour la première fois en 2015 en entrant en Hongrie. Il y avait déposé une demande d’asile qui lui avait permis d’obtenir un permis de réfugié en 2016. Sur question de son conseil, il acceptait de quitter la Suisse pour retourner en Hongrie, raison pour laquelle il n’avait pas fait appel du jugement pénal (du 17 novembre 2023). Lorsqu’il avait été arrêté le 24 avril 2023, il n’avait pas du tout l’intention de venir à Genève, puisqu’on lui avait interdit de le faire. Il s’agissait d’un simple transit avant de parvenir à Milan. Pour lui, il s’agissait d’un trajet direct Paris-Milan et il ignorait qu’il passait par Genève.

La représentante du commissaire de police a indiqué que l’identité de M. A______ découlait du test AFIS auquel il avait été soumis. La demande de réadmission avait quoi qu’il en soit mentionné les deux noms et les autorités n’avaient pas effectué de recherche d’identité plus approfondie dans la mesure où cela ne semblait pas conditionner la réponse des autorités hongroises. Celles-ci n’avaient pas donc pas été consultées, ni les autorités nigériennes, afin de vérifier l'identité de l'intéressé. L’authenticité des papiers établis au nom d’B______ n'avait pas non plus été vérifiée. Dans l’hypothèse où ces documents s’avéreraient falsifiés et où les autorités hongroises ne reconnaitraient pas non plus la personne concernée sous l’identité de A______, ce dernier serait expulsé vers le Nigéria. Aucune démarche n'avait été engagée en vue d’un renvoi vers une autre destination, étant précisé que les accords bilatéraux avec la Hongrie prévoyaient que celle-ci devait répondre dans un délai de 7 jours et que l’exécution du renvoi devait avoir lieu dans les 7 jours suivants cette réponse. Les autorités hongroises avaient encore été relancées le matin du 28 novembre 2023.

Le conseil de l'intéressé a souligné le fait que l’identité de B______ était déjà présente en mars 2023 étant donné la production de pièce d’identité à ce nom. Il a relevé en outre que son mandant était connu sous le nom de M. A______ par le biais du test AFIS depuis son audition du 30 mars 2023.

La représentante du commissaire de police a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 27 novembre 2023 à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 27 novembre 2023 à son encontre et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce que cette dernière soit assortie de mesures de substitution et encore plus subsidiairement à ce que la durée de la détention n’excède pas 10 jours.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 27 novembre 2023 à 14h45.

3.             En l'espèce, M. A______, par le biais de son conseil, conteste que sa situation puisse entraîner l'application des art. 75 al. 1 let. g et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, sur lesquels est fondée la décision litigieuse. Dès lors qu'il a déposé une demande d'asile en Hongrie, il considère que c'est en réalité l'art. 76a LEI qui doit s'appliquer. Il convient d'examiner cette question préalablement à celle de la légalité de la détention, dont les conditions dépendent de la disposition légale applicable.

4.             L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP).

5.             L'infraction instituée par l'art. 19 al. 2 let. a LStup est un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_442/2012 du 11 mars 2013 consid. 3.2 ; ATA/795/2023 du 19 juillet 2023 consid. 3.7 ; ATA/882/2022 du 30 août 2022 consid. 3c). Il n'est pas nécessaire que le jugement pénal rendu en première instance soit définitif (ATA/769/2023 du 14 juillet 2023 consid. 3.2 ; ATA/451/2023 du 28 avril 2023 consid. 4.2 ; ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).

6.             A teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'Etat Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi (let. a), que la détention est proportionnée (let. b) et que d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du règlement [UE] n° 604/2013) (let. c).

7.             Selon l'art. 76a al. 2 LEtr, il est à craindre que l'étranger entende se soustraire à l'exécution du renvoi s'il a été condamné pour crime (let. h).

8.             Dans un jugement du 14 avril 2022 (JTAPI/386/2022), le tribunal a examiné si les normes Dublin étaient applicables à une personne qui avait été mise au bénéfice de la protection internationale.

9.             Il a rappelé en substance que selon l'art. 18 ch. 1 du Règlement (UE) n° 604/2013 (ci-après : le Règlement), l'État membre responsable envers du présent Règlement est tenu de :

10.         a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre;

11.         b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre;

12.         c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre;

13.         d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre.

14.         Le tribunal a constaté qu'à teneur de cette disposition, il n'existe aucune obligation de reprise en charge pour une personne qui, aux termes de l'art. 2 let. f du Règlement, est considérée comme « bénéficiaire d'une protection internationale », ce par quoi il faut entendre un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a obtenu la protection internationale au sens de l'art. 2 point a) de la directive 2011/95/UE. Dans le jugement JTAPI/386/2022, le tribunal est ainsi arrivé à la conclusion que la détention prévue par l'art. 76a LEI n'est pas applicable.

15.         Ce jugement a certes été annulé par la chambre administrative de la Cour de justice (ATA/502/2022 du 13 mai 2022), mais au motif que le statut de la personne concernée, au bénéfice d'une protection subsidiaire spécifique octroyée par l'Italie, ne correspondait pas au statut de bénéficiaire d'une protection internationale au sens de l'art. 2 let. f du Règlement. Ainsi, l'art. 76a LEI lui était applicable. A contrario, cet arrêt confirme cependant l'interprétation faite par le tribunal au sujet de l'inapplicabilité de l'art. 76a LEI à l'égard d'une personne qui est réellement bénéficiaire d'une protection internationale.

16.         Dans le cas d'espèce, M. A______ est au bénéfice d'une telle protection, comme cela ressort du document de voyage, apparemment délivré par les autorités hongroises, en possession duquel il a été appréhendé le 30 mars 2023. Ce document mentionne en effet qu'il est détenu par une "person enjoying refugee protection". D'ailleurs, M. A______ a confirmé devant le tribunal qu'il avait obtenu l'asile en Hongrie en 2016. Ainsi, conformément à ce qui précède, l'art. 76a LEI lui est inapplicable. Il est à cet égard sans conséquence que la demande de réadmission de M. A______ ait été formulée par la Division Dublin, séjour et réinstallation du secrétariat d'Etat aux migrations.

17.         L'impossibilité de prononcer une détention au sens de l'art. 18 du Règlement ne signifie pas pour autant qu'aucune détention ne serait admissible en vertu des dispositions de droit interne d'un État partie aux Accords Dublin, étant relevé que l'art. 36 ch. 1 du Règlement prévoit que les États membres peuvent établir entre eux, sur une base bilatérale, des arrangements administratifs relatifs aux modalités pratiques de mise en œuvre du Règlement afin d’en faciliter l’application et d’en accroître l’efficacité. Selon la let. b de cette disposition, ces arrangements peuvent porter sur une simplification des procédures et un raccourcissement des délais applicables à la transmission et à l’examen des requêtes aux fins de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs.

18.         La Suisse et la Hongrie ont signé un tel accord (Accord
entre le Conseil fédéral suisse et
le Gouvernement de la République de Hongrie relatif
à la réadmission et à la remise de personnes à la frontière, conclu le 4 février 1994 et entré en vigueur par échange de notes le 8 juin 1995 – RS 0.142.114.189), dont l'art. 3 al. 1 traite spécifiquement de la réadmission des ressortissants d'États tiers qui se sont vu reconnaître la qualité de réfugié par l'une des deux parties.

19.         Il en découle que le droit interne suisse s'applique à une personne dont le statut l'exclut du champ d'application du Règlement, par le biais d'un accord bilatéral expressément autorisé par le Règlement lui-même.

20.         En conclusion, ce sont bien les art 75 al. 1 let. h. et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI qui s'appliquent au cas d'espèce.

21.         La légalité de sa détention doit donc être examinée à l'aune des conditions posées par ces dispositions légales, dont le contenu a été rappelé plus haut.

22.        En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision d'expulsion du territoire suisse prononcée par le Tribunal de police par jugement du 17 novembre 2023 et valable durant 5 ans. En outre, cette juridiction, dans le même jugement, l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 2 let. a LStup et donc de crime.

23.        Sur le principe, les conditions de la détention administrative au sens des dispositions légales susmentionnées sont donc réalisées, sans qu'il importe dès lors d'examiner si les autres motifs sur lesquels le commissaire de police a également fondé sa détention sont réalisés.

24.        Le tribunal ne peut suivre M. A______ au sujet de l'illégalité dont serait entachée la décision litigieuse du fait que le dossier le concernant lui attribue deux identités différentes et que l'autorité intimée n'aurait pas cherché à l'identifier de manière précise. Il convient en effet de garder à l'esprit que la détention administrative a pour but essentiel de permettre l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un ressortissant étranger et que dès lors, hormis les conditions spécifiques prévues par telle ou telle disposition de la LEI (qui sont réalisées en l'espèce comme cela a été indiqué ci-dessus), la seule condition à respecter dans tous les cas est la possibilité d'exécuter le renvoi ou l'expulsion (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités). Or, on ne voit pas – et M. A______ ne l'explique pas non plus – en quoi l'existence de ses deux identités empêcherait sa réadmission en Hongrie, puisque l'une des deux correspond à celle sous laquelle les autorités de ce pays lui ont délivré des documents reconnaissant sa qualité de réfugié (sous réserve de la découverte éventuelle du fait qu'il s'agirait de documents falsifiés). Les circonstances en raison desquelles M. A______ est connu sous ce nom dans le système AFIS n'ont à ce stade aucune importances, puisqu'elles ne semblent a priori pas de nature à empêcher sa réadmission en Hongrie.

25.        On ne saurait pas davantage suivre M. A______ au sujet du grief qu'il adresse aux autorités chargées de l'exécution de sa réadmission, qui ne se seraient pas assurées que cette dernière serait possible en Hongrie, et dont il tire la conclusion que sa réadmission serait impossible. En effet, on voit mal quelle démarche les autorités suisses auraient pu entreprendre dans cette perspective auprès des autorités hongroises, sinon précisément celle consistant à leur demander la réadmission du précité. L'incertitude, à ce stade, sur la réponse des autorités hongroises, ne saurait en tous les cas être assimilée à un cas d'impossibilité de la réadmission au sens de la jurisprudence (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1; arrêt 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités).

26.        Enfin, par la bouche de son conseil, M. A______ reproche également aux autorités chargées de son départ de Suisse de n'avoir pas vérifié son identité auprès des autorités nigérianes. On voit mal en quoi l'absence d'une telle démarche remettrait en cause sa détention administrative, dès lors que son renvoi vers le Nigeria apparaît a priori impossible, étant donné son statut de réfugié de ce pays.

27.        Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

28.        Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

29.        Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

30.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

31.        En l'espèce, compte tenu de l'absence de tout lien de M. A______ avec la Suisse, du fait qu'il n'a pas respecté l'interdiction prononcée contre lui le 31 mars 2023 de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour douze mois, ainsi que du profond mépris pour l'ordre juridique dont témoignent les faits pour lesquels l'a condamné le Tribunal de police le 17 novembre 2023, on ne saurait raisonnablement s'attendre à ce que M. A______ respecte désormais ses obligations, notamment celle de quitter la Suisse. Sa détention apparaît donc comme le seul moyen d'assurer l'exécution de cette expulsion.

32.        Il y a par ailleurs un intérêt public évident à l'exécution de cette mesure, qui l'emporte sur l'intérêt privé de M. A______ à ne pas être privé de sa liberté.

33.        Quant au devoir de diligence des autorités chargées de son expulsion, celles-ci ont agi en temps utile, étant donné le délai de sept jours (ch. 4.3 de l'Arrangement concernant l'application de l'Accord – RS 0.142.114.189) dans lequel les autorités hongroises sont tenues de se déterminer sur la réadmission de M. A______.

34.        Enfin, la durée de la détention, qui est de deux mois, n'apparaît pas a priori contraire au principe de proportionnalité. Contrairement à la conclusion prise par M. A______, il n'y a pas lieu de réduire cette durée à 10 jours, laquelle correspondrait à la durée minimale nécessaire pour sa réadmission si les délais de réponses des autorités hongroises (7 jours, qui ont débuté en l'occurrence avant la détention administrative) et d'exécution de la réadmission (7 jours en vertu du ch. 4.3 de l'Arrangement concernant l'application de l'Accord – RS 0.142.114.189) étaient respectés. Or, on ignore à ce stade non seulement si les autorités hongroises répondront favorablement, mais également si M. A______ acceptera de monter à bord du vol devant le ramener en Hongrie (voire si un événement imprévisible empêchera ce vol). La durée de la détention doit donc permettre à l'autorité compétente de disposer du temps nécessaire pour, cas échéant, requérir dans les délais légaux la prolongation de la détention de M. A______ au-delà de la date à laquelle sa réadmission devrait normalement avoir lieu. En outre, il n'y a pas lieu, à ce stade, de réduire la durée de la détention, car l'éventualité de l'échec de sa réadmission à brève échéance correspond à un ensemble d'hypothèses qui justifient que les autorités compétentes disposent d'une marge raisonnable pour procéder à une nouvelle tentative de renvoi, sans être d'emblée contraintes de requérir une prolongation de la détention.

35.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

36.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 27 novembre 2023 à 14h55 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 26 janvier 2024 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière