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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3681/2022

JTAPI/1079/2023 du 05.10.2023 ( OCPM ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;DOMICILE EFFECTIF;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LEI.61.al1.leta; LEI.61.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2022

JTAPI/1079/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jean ORSO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1958, à B______, France, est ressortissant français.

2.             Il est arrivé en Suisse le 1er juin 2012 et a par la suite été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C) le 31 mai 2017.

3.             Il était administrateur unique de la société C______ SA, à Genève, du 12 octobre 2012 au 22 novembre 2022, date du prononcé de la faillite de ladite société, ayant pour but « investissements ainsi que prise de participations dans toutes société, notamment dans le domaine de l'immobilier industriel ; octroi de prêts directs à des sociétés ; développement de toutes entreprises dans le domaine industriel et commercial ».

4.             Par formulaire reçu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) le 24 juillet 2014, M. A______ a annoncé son changement d'adresse.

Résidant auparavant à la rue D______, 1______ il avait déménagé le 15 juillet 2014 à la rue E______, 2______, c/o Monsieur F______.

5.             Le 18 décembre 2017, par l’intermédiaire de C______ SA, il a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.

6.             Selon le rapport d'enquête de l'OCPM du 7 mars 2018, effectuée aux fins de déterminer si M. A______ résidait effectivement à l’adresse c/o M. F______, rue E______, 2______, il était relevé que le nom de l'intéressé ne figurait sur aucune boîte aux lettres. Contactée téléphoniquement, Madame G______ avait indiqué que l'intéressé n'avait jamais habité chez eux et qu’il disposait uniquement d'une adresse postale.

7.             Par courriel du 27 mars 2018, sur demande de l’OCPM, M. A______ a indiqué résider à la rue H______, 3______.

8.             Par formulaire reçu par l’OCPM le 4 avril 2018, M. A______ a annoncé son changement d'adresse.

Résidant auparavant c/o M. F______, rue E______, 2______, il avait déménagé le 1er janvier 2018 à la rue H______, 3______, c/o I______ Sàrl, représentée par Monsieur J______.

9.             Par courrier du 9 août 2018, l’OCPM a sollicité de M. A______ la production de tout justificatif permettant d’établir sa présence en Suisse depuis juillet 2014. Selon leurs informations, sa dernière adresse à Puplinge n’était qu’une adresse postale.

10.         Par courriel du 10 août 2018, constatant que son permis n’avait toujours pas été renouvelé, M. A______ a informé l’OCPM avoir de gros problèmes de santé qui ne cessaient de s'amplifier depuis plus de trois ans, ce qui ne lui permettait pas de se consacrer correctement à son travail. Il allait devoir subir une intervention chirurgicale suivie d'une période de convalescence d'une durée indéterminée. A cet effet, il allait devoir retourner en France et y rester quelques temps car le médecin qui le suivait était là-bas. Par ailleurs, l'intervention et la prise en charge de son séjour et des soins post-intervention étaient beaucoup moins coûteux en France voisine que sur Genève et il y allait être mieux pris en charge par une de ses assurances. Après cela, il allait devoir être assisté au quotidien pendant une certaine durée, pouvant aller à plusieurs mois. Son ex-épouse, qui résidait en France, pouvait lui assurer cette tâche à condition de ne pas avoir à se déplacer. Il allait donc retourner là-bas pendant un certain temps. Dès lors, il souhaitait savoir combien de temps il pouvait quitter Genève sans perdre les avantages liés à son permis.

11.         Selon le rapport d'enquête de l'OCPM du 26 septembre 2018, effectuée aux fins de déterminer si M. A______ résidait bien à l’adresse rue H______, 3______, il était relevé qu’il n'avait pas été possible de localiser le bureau de I______ Sàrl. À cette adresse, la plupart des locaux étaient occupés par des études d'avocats. Il n'y avait que peu de logements. Selon les registres de la régie, le bail dont M. J______ était titulaire était celui d'un local ou dépôt, il ne s'agissait en aucun cas d'une habitation ou d'un lieu qui s'y prêtait.

12.         Par courrier non-daté, transmis à l'OCPM par courriel du 19 octobre 2018, M. A______ a indiqué devoir prochainement subir une opération assez lourde aux deux jambes et plus tard, dans l'automne, une intervention chirurgicale interne dont il ne connaissait pas encore l'importance. Il allait être absent pendant plusieurs semaines. Le spécialiste qui le suivait depuis une vingtaine d'années étant en France, c'était là qu'il allait se faire opérer et qu'il allait passer sa convalescence. Du fait de ses problèmes de santé consécutifs, en partie en tout cas, à un grave accident de la vie survenu il y avait plus de 25 ans, il avait une santé morale et physique assez fragile. Bien qu'il avait initialement été convenu avec M. F______ que ce dernier lui mettrait une partie de son appartement sis rue E______, 2______ à sa disposition, le locataire principal ayant changé d'avis, il y disposait pendant un laps de temps que d'une adresse postale, ce qui, finalement, lui convenait. En effet, il intervenait beaucoup en Suisse alémanique et à l'étranger pour le compte de C______ SA et avait besoin que quelqu'un soit en mesure de retirer des avis, répondre pour son compte en son absence et le décharger de toutes ces tâches administratives. Il avait donc été hébergé chez Monsieur K______ au chemin des L______, 4______. Actuellement, il avait pris une location à la rue H______, 3______, mais allait prochainement emménager à la route des M______, 5______.

13.         Selon le rapport d'enquête de l'OCPM du 19 décembre 2018, effectuée aux fins de vérifier si M. A______ résidait bien à l’adresse c/o M. K______, route des M______, 5______, il était relevé que le nom de M. K______ figurait sur une boîte aux lettres ainsi que sur la porte palière d'un logement au 1er étage. Interrogé sur place, M. K______ a déclaré que l'intéressé n'avait jamais habité chez lui mais qu'il y disposait d'une adresse postale.

14.         Par courriels des 6 et 7 mars 2019, sur demande de l’OCPM, M. A______ a confirmé résider c/o M. K______, route des M______, 5______.

15.         Par courrier du 28 mars 2019, intitulé « Dénonciation », Monsieur N______, au nom de la société O______ SA, propriétaire de l'immeuble, a informé l'OCPM que M. K______, anciennement domicilié route des M______, 5______ et résidant actuellement en France, continuait à mettre cette adresse, qu'il avait occupé jusqu'à mi-janvier 2019, à disposition de plusieurs personnes, dont notamment M. A______, dans le but de les aider à obtenir frauduleusement des permis de séjour.

16.         Par courrier du 4 avril 2019, reçu le 8 avril 2019, faisant suite à son dernier courrier, M. N______ informait l'OCPM avoir fait la connaissance de M. A______, lequel avait eu un contrat de sous-location établi frauduleusement par M. K______. Étant donné que l'appartement de ce dernier était devenu vacant, une partie de ce logement avait pu être louée en bonne et due forme à M. A______, à partir du 1er avril 2019, lequel était de ce fait, officiellement domicilié dans l'immeuble.

17.         Selon le rapport d'enquête de l'OCPM du 20 octobre 2021, effectuée aux fins de vérifier si M. A______ vivait bien à l'adresse route des M______, 5______, il était relevé que le nom de l'intéressé figurait sur une boîte aux lettres. Sur présentation d'une photo de l’intéressé à une personne du voisinage, celle-ci ne l'avait pas reconnu. Une autre personne du voisinage, M. N______, avait notamment déclaré qu'il l'avait hébergé quelque temps (sans plus d'information) et qu'il n'était plus domicilié chez lui depuis trois semaines à un mois.

18.         Selon le rapport d'enquête domiciliaire du 13 avril 2022, il ressortait des informations obtenues de l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) que M. A______ était propriétaire, en France, de trois biens immobiliers à son nom, soit au P______, à Q______ et à R______. La propriété située à R______ était louée, l'intéressé ayant déclaré l'encaissement d'un loyer au cours de l'année 2000. Selon les informations obtenues du centre des impôts fonciers de B______, l'adresse d'envoi principale enregistrée pour M. A______ par leur service était route de S______, 6______.

Il était constaté sur place que le nom de l'intéressé figurait sur une boîte aux lettres à l'adresse route des M______, 5______. Selon le contrôle d'adresse effectué auprès de la poste suisse, M. A______ recevait toujours et de façon correcte sa correspondance postale à cette adresse. Sur présentation d'une photo format passeport de l'intéressé, aucune des trois entreprises occupant l'immeuble n'a su reconnaître ou affirmer connaître M. A______. Egalement interrogé sur place, Monsieur T______, résidant à la même adresse depuis 2014, avait déclaré ne pas connaître l'intéressé ni l'avoir vu à cette adresse. Contacté par téléphone, Monsieur U______, nouvel administrateur de O______ SA, a notamment déclaré n'avoir jamais eu connaissance de M. A______ à cette adresse. Il n'était toutefois pas impossible que l'ancien administrateur, M. N______, eût, auparavant, délivré, à son nom ou au nom de la société, des baux à loyer pour rendre service à certaines personnes dans le but d'obtenir une adresse postale à cette adresse.

En conclusion, M. A______ ne résidait effectivement pas, à ce jour, à la route des M______, 5______ (adresse de convenance). En effet, d'après le centre des impôts foncier de B______, ce dernier vivait, visiblement depuis 2013, à la route de S______, 6______.

19.         Par courrier du 10 février 2022, sur demande de l'OCPM, sous la plume de son conseil, M. A______ a notamment exposé travailler pour C______ SA, dont l'activité était plutôt hors de Genève. Divorcé, il avait passé du temps avec son amie, Madame V______, jusqu'en 2021, laquelle avait un domicile et une résidence à Genève et dans le canton de Vaud. Ils ne vivaient pas ensemble en permanence, chacun avait son domicile et résidence séparés. Très occupé et souvent en déplacement pour les affaires de son employeur, notamment à Saint-Gall, en Valais et à l'étranger, Mme V______ effectuait une partie de ses paiement personnels et gardait les justificatifs. En long séjour en Asie du sud-est, son ex-campagne ne pouvait pas lui remettre ces pièces. Il payait donc par virement bancaire qu'une partie de ses charges et factures personnelles.

20.         Le 21 avril 2022, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation d'établissement et d'enregistrer un départ de Suisse à compter du 15 janvier 2015 à tout le moins.

Il ressortait du dossier qu'il n'avait pas été en mesure de justifier à satisfaction de droit avoir établi et maintenu le centre de ses intérêts en Suisse depuis son arrivée annoncée le 1er juin 2012, et plus particulièrement depuis sa prise de résidence c/o M. F______ le 15 juillet 2014.

Il remplissait donc les conditions de l'art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

En effet, il n'avait jamais vécu aux adresses indiquées à l'OCPM depuis le mois de juillet 2014. Les justificatifs fournis permettaient de constater d'une activité professionnelle sur sol Suisse, mais en aucun cas d'une vie établie et régulière à Genève. Les personnes indiquées comme étant ses logeurs avaient toutes déclaré dans un premier temps qu'il ne disposait chez eux que d'une adresse postale, pour revenir ensuite à plusieurs reprises sur leurs déclarations.

21.         Par courrier du 20 août 2022, dans le délai prolongé à trois reprises par l'OCPM, sous la plume de son conseil, M. A______ a formulé ses observations. Il a produit diverses pièces.

Il avait changé de domicile en raison de modifications de situation de ses logeurs et parce qu'il ne pouvait pas dévoiler sa relation avec Mme V______, laquelle était mariée, souhaitant la maintenir confidentielle. En effet, entre 2012 et 2021, il avait vécu de fait en concubinage avec celle-ci, de sorte qu'il ne passait pas beaucoup de temps dans ses domiciles successifs.

Il avait son domicile et sa résidence à Genève depuis juin 2012. Si, en raison d'un changement d'avis du locataire principal, l'adresse c/o M. F______ (rue E______, 2______) ne constituait qu'une adresse postale, il habitait en effet chez M. K______ sis chemin des L______, 4______. Ce dernier ayant par la suite eu d'autres projets, il avait ensuite élu domicile à la rue H______, 3______. Plus tard, M. K______ lui avait mis à disposition une pièce à la route des M______, 5______. Enfin, vivant de fait avec Mme V______, à Genève et sur le canton de Vaud, il n'avait pas besoin d'avoir son propre appartement.

S'agissant des achats quotidiens comme la nourriture, c'était principalement Mme V______ qui s'en chargeait, le couple ayant opté pour une répartition des tâches « à l'ancienne », l'homme générant des revenus et la femme s'occupant du ménage. Cela expliquait les achats de services peu fréquents, à Genève ainsi qu'à l'étranger, ce d'autant qu'il avait pour habitude de payer principalement en espèces. Ainsi, il faisait des retraits aux distributeurs bancaires ou utilisait des espèces générées par son activité et non encore versées sur le compte.

Concernant les poursuites, étant affilié à une assurance internationale, il avait suspendu le paiement à son assurance-maladie suisse, W______ SA, laquelle refusait de résilier son contrat. Un différend était alors survenu, toutefois les poursuites engagées avaient été soldées par la suite.

Les problèmes de santé qu'il avait rencontrés étaient liés à des accidents qu'il avait eus et les opérations avaient été pratiquées en France par le spécialiste qui le suivait depuis une vingtaine d'années. Si la convalescence avait pu avoir lieu en France, c'est parce qu'il avait longtemps été invalidé par l'opération et ne pouvant rien faire seul. Il avait provisoirement reçu l'aide de son ex-épouse au domicile de cette dernière en France. Il n'était pas envisageable que Mme V______ assumât ce rôle, ne pouvant se trouver à plein temps aux côtés de son compagnon, cela pour des raisons évidentes liées à son statut matrimonial. Avant ses récents problèmes de santé, il n'était jamais malade. Il bénéficiait toutefois d'interventions et soins plus ou moins réguliers auprès du même service d'orthopédie et du même chirurgien en France depuis octobre 1998, ceci à la suite de graves accidents (deux fractures de la colonne vertébrale et une fracture en hélice de la jambe gauche). En début 2022, il s'était vu diagnostiquer un diabète et surtout une maladie du cœur. Il avait récemment subi une intervention cardiaque à la clinique X______ dans le service du Docteur Y______. Il était actuellement suivi par le Docteur Z______, ancien chef de clinique à AA______, et par le Docteur BB______, cardiologues établis à Genève.

Il était effectivement propriétaire de biens immobiliers en France. Le bien du P______ était loué, celui de R______ ne lui appartenait plus depuis 2012, ayant cédé sa part à son ex-épouse suite au prononcé du divorce. Il n'était pas résident du bien sis route de S______, 6______, étant précisé qu'il avait hérité de la part agricole dudit bien en 2012. Ce bien était inhabitable et avait été en grande partie immédiatement cédé à ses deux enfants.

Il avait par ailleurs annoncé son lieu de domicile en Suisse à l'AFC. Enfin, le bon résultat obtenu au test de naturalisation était une preuve forte de sa résidence en Suisse.

22.         Selon l'extrait du registre des poursuites du 19 septembre 2022, M. A______ faisait l'objet de deux poursuites ouvertes par W______ SA pour un montant total de CHF 4'449.40.

23.         Par décision du 6 octobre 2022, l'OCPM a constaté la caducité de l'autorisation d'établissement de M. A______ et enregistré un départ de Suisse à compter du 15 janvier 2015.

Concernant l'argument avancé selon lequel il aurait hérité de la part agricole située à la route de S______, 6______, il n'avait produit aucun document justificatif permettant de conclure qu'il n'avait pas annoncé son domicile légal à cette adresse au centre des impôts foncier de B______. Les informations détenues permettaient donc de conclure que son domicile se trouvait bien en France.

En outre, il n'avait pas démontré avoir effectué des achats du quotidien en Suisse au cours des huit à dix années écoulées, tels que certaines courses, nourriture, produits de première nécessité lorsqu'il logeait à Genève et non chez sa compagne, ou mettre de l'essence dans sa voiture, par exemple.

Le fait qu'il n'aurait pas honoré le paiement de son assurance-maladie étant au bénéfice d'une assurance internationale et que sa mise en poursuite aurait été réglée dans l'intervalle n'avait pas été étayé par des justificatifs. Selon l'extrait de l'office des poursuites du canton de Genève du 19 septembre 2022, il continuait à ne pas honorer le paiement de son assurance-maladie suisse.

Enfin, l'absence de justificatifs pour le paiement des loyers correspondant aux baux signés et l'explication y relative indiquant que, voyageant beaucoup, il aurait décidé de payer une partie de ce loyer en cash n'emportait pas conviction. De même, le fait qu'il était suivi par des médecins en Suisse uniquement depuis le courant de l'année 2022 (outre un passage au CC______ en 2017), alors qu'il avait déclaré avoir eu une santé physique et morale assez fragile entre 2017 et 2018, démontrait qu'il avait maintenu et maintenait à ce jour le centre de ses intérêts et sa résidence effective et principale hors de Suisse, et ce durant de nombreuses années.

24.         Par acte du 7 novembre 2022, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après : le recourant) a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de l'OCPM du 6 octobre 2022, concluant principalement à son annulation et à la délivrance d'une attestation de domicile ainsi que d'un extrait d'acte civil, nécessaires dans le cadre de sa demande de naturalisation suisse, avec suite de frais et dépens. Préalablement, il a conclu à ce que les documents et informations obtenus illégalement par l'OCPM dans le cadre de sa demande d'entraide administrative auprès des autorités françaises fussent écartés de la procédure.

L'OCPM ne pouvait pas demander et obtenir des administrations françaises des informations et documents le concernant sans son accord et n'avait donc pas respecté les formes légales.

La décision querellée constatait de manière inexacte les faits, écartant des preuves essentielles. L'autorité intimée avait persisté à nier son domicile effectif à Genève, seule ville où se trouvait le centre de ses intérêts, cela en dépit de tous les justificatifs produits attestant de sa présence en Suisse et des explications fournies. Elle avait ignoré le fait qu'il ne pouvait apporter que des preuves propres à son activité indépendante, laquelle était moins habituelle que celle d'un salarié. Elle avait également ignoré purement et strictement les témoignages de Mme V______, avec laquelle il avait entretenu une relation amoureuse entre 2010 et 2021 alors qu'elle était mariée, lesquelles revêtaient un caractère particulièrement probant, vu la nature secrète de leur liaison et leur volonté de la maintenir ainsi, eu égard aux conséquences matrimoniales pour cette dernière.

La décision attaquée procédait également d'une application erronée de la loi. Son domicile effectif et le centre de ses intérêts se trouvait en Suisse. Entre 2012 et 2021, il avait vécu de fait en concubinage avec Mme V______. Cet élément à lui seul prouvait sa résidence à Genève. En effet, Mme V______ avait des logements sur Genève et Vaud. Il avait ainsi habité de manière prépondérante avec celle-ci à Genève et dans le canton de Vaud. Ne pouvant annoncer son domicile chez sa compagne et ne voulant disposer d'un domicile distinct, il avait décidé de ne disposer que d'une chambre à Genève. Cela était également corroboré par les justificatifs qu'il avait produits, dont notamment les extraits DD______ faisant état de mouvements bancaires au 31 décembre 2021. De plus, il était titulaire d'un permis C lui permettant de s'absenter près de six mois sans mettre en péril la titularité dudit permis. Il n'avait jamais atteint cette limite temporelle ni caché à l'autorité intimée être régulièrement en déplacement professionnel. Ayant précédemment tenu compte de ce mode de vie et étant parfaitement au courant de ses changements de domicile successifs, l'OCPM avait régulièrement renouvelé son permis. Il n'avait d'ailleurs jamais été aussi bien intégré à Genève que ces dernières années, preuve en était qu'il avait obtenu 45 sur 45 au test de connaissances dans le cadre de la procédure de naturalisation, en un temps record.

Il a produit diverses pièces, dont notamment :

-          un contrat de sous-location avec la société I______ Sàrl, représentée par M. J______, portant sur une chambre privative d'environ 20 m2, avec accès à une salle de bain, située dans les locaux de la société sis rue H______, 3______, du 1er janvier au 31 décembre 2018, pour un loyer mensuel de CHF 150.- ;

-          un document établi par la société I______ Sàrl, représentée par M. J______, le 1er octobre 2021 attestant qu'elle avait sous-loué à M.  A______ un local avec accès salle de bain dans l'immeuble situé à la rue H______, 3______ du 1er janvier au 31 juillet 2018, pour un loyer mensuel de CHF 550.- ;

-          un contrat de sous-location avec M. K______ portant sur une chambre dans son appartement sis route des M______, 5______, dès le 15 octobre 2018, pour un loyer mensuel de CHF 750.- ;

-          un document établi par M. K______ le 8 décembre 2021 attestant qu'il avait hébergé M. A______ à son domicile, chemin des L______, 4______ du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 et qu'il lui avait ensuite sous-loué une partie de son appartement à la route des M______, 5______ du 15 octobre 2018 au 31 mars 2019, pour un loyer mensuel de CHF 750.- ;

-          un contrat de bail à loyer avec O______ SA, représentée par M. N______, portant sur un appartement sis route des M______, 5______, du 1er janvier au 31 décembre 2021, pour un loyer mensuel de CHF 1'500.- ;

-          un document établi par O______ SA, représentée par M. N______, le 4 octobre 2021 attestant qu'elle avait loué un appartement à M. A______ dans l'immeuble sis route des M______, 5______, du 1er janvier au 31 décembre 2021, avec un loyer mensuel de CHF 1'500.-. Auparavant, du 1er avril 2019 au 31 décembre 2020, il occupait un appartement à la même adresse sur la base d'un bail renouvelable trimestriellement ;

-          une quittance de M. N______ du 28 février 2022 par laquelle ce dernier attestait avoir reçu de la part de M. A______ les loyers de CHF 1'500.- durant la durée du bail, par paiement en mains propres, pour la location d'un appartement sis route des M______, 5______ ;

-          une attestation établie par Mme V______ à Manille le 8 février 2022 par laquelle celle-ci attestait que M. A______, son compagnon pendant des années, lui remettait régulièrement des montants pour leurs dépenses courantes et aussi pour le paiement de certaines de ses charges personnelles qu'elle effectuait pour lui au vu de ses occupations et déplacements ;

-          une attestation établie par Mme V______ à Manille le 2 mars 2022 par laquelle celle-ci confirmait avoir été la compagne de M. A______ entre 2010 à 2021 et avoir payé ses factures personnelles vu qu'il était très occupé. Durant ces années, ils avaient passé beaucoup de temps ensemble, à Genève et dans le canton de Vaud où elle habitait. Elle pouvait ainsi attester que le centre des intérêts de son compagnon avait toujours été en Suisse, essentiellement à Genève, et qu'il ne s'absentait que pour des raisons professionnelles en conservant son domicile à Genève ;

-          un relevé de propriété établi par le centre des impôts foncier de B______, état au 7 avril 2022, dont il ressortait que M. A______ était propriétaire d'un bien-fonds sis route de S______, 6______ ;

-          cinq photographies d'une grange en démolition correspondant à la propriété sise route de S______, 6______, dont l'une comportait la mention manuscrite « Maison de la fille de M. A______, en cours de démolition » ;

-          un relevé de compte de C______ SA attestant de divers mouvements de comptes pour la période allant du 1er mars 2014 au 4 mars 2022 ;

-          un extrait de relevé de compte client chez EE______ au nom de C______ SA pour la période du 1er mars 2014 au 4 mars 2022 ;

-          copie du permis de circulation pour un véhicule automobile de la marque FF______ immatriculé GE 7______ au nom de C______ SA ;

-          une attestation du 3 septembre 2021 certifiant que M. A______ était au bénéfice d'une couverture d'assurance responsabilité civile privée auprès de GG______ SA ;

-          des certificats d'assurance pour l'assurance obligatoire auprès de W______ SA pour les années 2014 à 2018 ;

-          un décompte de participation auprès de W______ SA au 30 septembre 2022.

25.         Le 9 janvier 2023, se référant à la décision querellée dans son intégralité, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les moyens développés ainsi que les preuves offertes n'étant pas de nature à modifier sa position.

Il a produit son dossier.

26.         Lors de l’audience de comparution personnelle du 30 mars 2023, le recourant a confirmé ses explications concernant ses contrats de location successifs. En particulier, en 2018, il avait résidé à la route des M______ dans un appartement qu'il avait sous-loué à M. K______. Il avait en même temps eu un bureau avec une salle de bain à la rue H______ dans lequel il avait également dormi car c'était plus agréable que la route des M______. La première moitié de l'année 2018, il avait plutôt vécu à la rue H______, mais c'était exigu, raison pour laquelle il avait ensuite habité à la route des M______ où il il disposait d'un quatre pièces.

Il n'avait jamais habité en France depuis 2014 hormis en 2018, lorsque, pour des questions de santé, il avait habité quelque temps chez son ex-femme à R______. Elle lui avait mis à disposition un petit appartement. Il ne se rappelait pas combien de temps il était resté en France à cette occasion.

De fin 2012 à 2021, il habitait également chez Mme V______, laquelle avait un logement au quai HH______, 8______ à Nyon et un logement à Genève à la place II______, 9______. Il n'était pas question de laisser des affaires chez elle, il venait en fin de semaine. Son appartement à la route des M______ était joli et vaste pour une personne seule, mais l'environnement était sinistre. Il avait plus de plaisir à passer du temps chez sa campagne. Lorsqu'il était en compagnie de cette dernière, c'était elle qui payait la plupart du temps ses dépenses. Il payait par ailleurs beaucoup en cash.

Depuis 2015, il avait également un domicile à Sion où il se rendait quand il travaillait dans le canton du Valais. C'était son lieu de vie en semaine.

Il estimait utile d'entendre M. N______. Il le voyait plus ou moins régulièrement quand il était à Genève. Il pouvait contacter d'autres amis ou personnes qu'il avait côtoyés dans le cadre de ses activité professionnelles qui pourraient témoigner du fait que son lieu de vie était à Genève durant la période 2014 à 2021. Quant à Mme V______, elle avait quitté la Suisse pour les Philippines en 2021.

À l'issue de l'audience, un délai au 28 avril 2023 a été imparti au recourant pour déposer des observations complémentaires utiles et une liste de témoins éventuels.

27.         Le 24 mai 2023, dans le délai prolongé à deux reprises, le recourant a produit une liste de témoins ainsi que leurs adresses. Il se réservait le droit de déposer des observations complémentaires à l'issue de l'audition des témoins.

28.         Lors de l'audience du 26 juin 2023, MM. K______ et N______, convoqués en qualité de témoins, ne se sont pas présentés.

Le tribunal a informé les parties de la tenue d'une nouvelle audience le 23 août 2023. Il a informé le recourant, représenté par son conseil, qu'il était autorisé à venir à l'audience accompagné de Mme V______, pour autant que cette dernière se trouvât en Suisse, pour être auditionnée à titre de renseignements.

À l'issue de l'audience, un délai au 24 mai 2023 a été imparti au recourant pour transmettre la confirmation des adresses des témoins indiqués dans sa liste du 24 mai 2023.

29.         Le 6 juillet 2023, le recourant a confirmé les adresses des témoins.

30.         Par courrier reçu le 21 juillet 2023, faisant référence à la convocation à l'audience du 26 juin 2023, M. N______ a informé le tribunal habiter désormais la Côte d'Ivoire. Il n'était pas en Suisse et, pour ce motif, ne pouvait se présenter par devant le tribunal. Il restait toutefois à disposition du tribunal d'une autre façon que par présentation personnel.

31.         Le 22 août 20223, se référant à la convocation à l'audience du 23 août 2023, le recourant a informé le tribunal du fait que, se trouvant en Côte d'Ivoire, M. N______ ne pouvait revenir en Suisse qu'en novembre prochain. Mme V______, qui se trouvait loin de la Suisse, pouvait cas échéant s'organiser pour une audience ultérieure. Il ne savait pas si M. K______ serait présent ou non à ladite audience. Enfin, son conseil était malade depuis le lundi 21 août et doutait pouvoir participer à l'audience du lendemain selon certificat médical joint. Ainsi, il sollicitait le report de ladite audience en novembre 2023, les témoignages étant essentiels pour ses droits. Il pouvait également produire des pièces attestant de son séjour à Genève au cours des années concernées.

Il a notamment produit un courriel de M. N______ du 21 août 2023, dont il ressort qu'il était loin de la Suisse, « probablement au moins jusqu'à fin novembre ».

32.         L'audience du 23 août 2023 a été annulé par le tribunal.

33.         Par courrier du 22 août 2023, le tribunal a fixé un délai aux parties pour se déterminer sur une éventuelle suspension de l'instruction de la cause d'entente entre les parties jusqu'à fin novembre 2023, correspondant au retour en Suisse de M. N______.

34.         Le 1er septembre 2023, le recourant a acquiescé à une suspension de l'instruction jusqu'à fin novembre 2023.

35.         Le 4 septembre 2023, l'OCPM s'est opposé à la suspension de la procédure. Non seulement M. N______ n'apportait aucune garantie de son retour en Suisse depuis la Côte d'Ivoire pour le mois de novembre 2023 et apparaissait évasif quand à cette possibilité, mais en sus les éléments présents au dossier permettaient de conclure au bien-fondé de la décision entreprise. Il sollicitait ainsi la continuation de la procédure, laquelle était, au vu des circonstances, également commandée par l'économie de procédure.

36.         Le 11 septembre 2023, le tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

37.         Le 15 septembre 2023, le recourant a maintenu sa demande d'audition des témoins.

38.         Le contenu des pièces du dossier sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le recourant sollicite l'audition de Mme V______ et des MM. N______ et K______ en qualité de témoins.

6.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

7.             En l'espèce, si le tribunal a, dans un premier temps, estimé nécessaire et utile de procéder à l'audition des Mme V______ et MM. K______ et N______, il se justifie d'y renoncer vu les difficultés organisationnelles rencontrées et l'issue du litige. En effet, MM. K______ et N______, convoqués en qualité de témoins, ne se sont pas présentés à l'audience du 26 juin 2023. En outre, il apparaît que Mme V______ et M. N______ résident actuellement à l'étranger (respectivement aux Philippines et en Côte d'Ivoire). De même, le tribunal ne dispose pas de l'adresse de M. K______, les courriers adressés au diverses adresses connues du tribunal étant revenus en retour. Pour le surplus, le dossier contient en l'état les éléments utiles permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le recours. Dans ces circonstances, il ne sera pas donnée suite à l’offre de preuve formulée par le recourant tendant aux auditions sollicitées.

Partant, il sera renoncé à ces actes d'instruction, en soi non obligatoires.

8.             À titre préalable, il convient de traiter la conclusion du recourant requérant la délivrance d'une attestation de domicile ainsi que d'un extrait d'acte civil, nécessaires dans le cadre de sa demande de naturalisation suisse.

9.             L'objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/353/2023 du 4 avril 2023 consid. 2.1), qui délimite son cadre matériel admissible.

10.         En vertu du principe de l’unité de la procédure, la contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/376/ 2016 du 3 mai 2016 consid. 2b et les références citées).

11.         En l'occurrence, la décision de l'OCPM du 6 octobre 2022, qui fait l'objet du présent recours et qui définit le cadre du litige, se détermine sur la caducité de l'autorisation d'établissement du recourant.

Dès lors, la conclusion tendant à la délivrance d'une attestation de domicile ainsi que d'un extrait d'acte civil sera déclarée irrecevable puisqu'elle porte sur une question qui ne fait pas partie de l'objet du litige.

12.         Le recourant conteste la caducité de son autorisation d’établissement constatée par l’OCPM.

13.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

14.         En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.

15.         L’art. 6 al. 5 annexe I ALCP, selon lequel les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité du titre de séjour, prévoit, pour un ressortissant d’un État membre de la communauté européenne au bénéfice d’une autorisation d’établissement UE/AELE et absent de Suisse durant plus de six mois au sens de l’art. 61 al. 2 LEI, une réglementation semblable à celle de la LEI, raison pour laquelle c’est cette dernière qui trouve application (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1110/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.2 ; ATA/593/2018 du 12 juin 2018 consid. 4a).

16.         Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse.

Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEI).

Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEI, ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 OASA).

17.         Cette extinction s’opère de iure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

18.         Si l'étranger se constitue un domicile à l'étranger et y rentre les week-ends, mais qu'il séjourne en Suisse toute la semaine pour y exercer une activité indépendante, il y maintient la présence physique nécessaire au maintien de son autorisation d'établissement (ATF145 II 322 consid. 2.5).

Selon la jurisprudence (ATA/1793/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3c), un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier.

19.         Une autorisation ne peut subsister lorsque l’étranger passe l’essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s’il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n’est pas interrompu lorsque l’étranger revient en Suisse avant l’échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d’affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2).

20.         Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (cf. ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3 ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

21.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, Il incombe à l'administré d'établir les faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle. En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

22.         En l'espèce, le tribunal retient qu'il n'a pas été établi à satisfaction de droit que le recourant a définitivement quitté la Suisse à compter du 15 juillet 2014. Les éléments retenus dans les divers rapports d'enquête ne suffisent en effet pas pour retenir qu'un tel départ a véritablement eu lieu.

Le fait d'être propriétaire de trois biens immobiliers situés dans l'arrondissement de B______ en France et d'avoir annoncé une adresse d'envoi principale au centre des impôts fonciers de B______ ne signifie pas encore que le précité y est réellement domicilié ; l'autorité intimée ne l'a du moins pas démontré. Il est parfaitement envisageable qu'un ressortissant français doive annoncer une adresse en France pour les impôts fonciers, même s'il est domicilié à l'étranger. Les photographies produites par le recourant font par ailleurs état d'une grange en démolition inhabitable correspondant à la propriété en question sise à Q______.

De même, le fait que, en 2018, le recourant a subi des interventions médicales prodiguées par un médecin spécialiste en France voisine et qu'il y a ensuite passé plusieurs semaines en convalescence au domicile de son ex-épouse, ne signifie pas encore qu'il y maintien le centre de ses intérêts et sa résidence effective et principale. Le recourant n'avait ni l'obligation ni la nécessité de demeurer à son domicile genevois ; bien au contraire, compte tenu de son état de santé, il est logique qu'il s'était fait soigner par le médecin spécialiste qui le suivait déjà avant son installation en Suisse et qu'il passait plus de temps auprès de sa famille, son ex-épouse étant disposée à lui offrir le soutien nécessaire. Pour le surplus, il n'a pas été établi à satisfaction de droit que le recourant avait quitté la Suisse pour une période supérieure à six mois sans interruption, les documents produits (contrats de bail et attestations des bailleurs/sous-bailleurs) attestant du reste le contraire.

Ensuite, le fait qu'il n'était pas possible de localiser le bureau de la société I______ Sàrl à l'adresse rue H______, 3______ ne permet pas d'affirmer avec certitude que le recourant n'y était pas domicilié, ce d'autant qu'il ressort du rapport d'enquête que le bail dont M. J______ était titulaire figurait bien dans les registre de la régie. En outre, la sous-location a fait l'objet d'un contrat écrit dont il ressort qu'un local avec accès à une salle de bain a été mis à disposition du recourant.

S'agissant de l'adresse sise route des M______, 5______ l'absence de locataires pouvant reconnaître ou affirmer connaître le recourant n'implique nullement que ce dernier n'était effectivement pas domicilié à cette adresse. Cette absence peut s'expliquer du fait que, comme cela ressort de ses explications, le recourant se trouvait régulièrement hors du canton dans le cadre de l'exercice de ses activités professionnelles et qu'il avait pour habitude de résider chez sa campagne en fin de semaine, à Genève ou dans le canton de Vaud.

Les déclarations faites par M. K______ à l'inspecteur quand à une absence de cohabitation avec le recourant à son adresse sise route des M______, 5______ corroborées ensuite par celles de M. N______, font certes nourrir des doutes sérieux quant à un domicile effectif à cette adresse. Le recourant a toutefois produit le contrat de sous-location avec M. K______ ainsi qu'une attestation écrite de ce dernier affirmant l'avoir hébergé à son domicile pour les périodes concernées. Il a, en outre, également produit le contrat de bail subséquent avec M. N______, une attestation de ce dernier affirmant avoir loué l'appartement en question au recourant pour les périodes concernées ainsi qu'une quittance par lequel ce denier atteste avoir reçu les loyers du recourant, par paiement en mains propres, pour la durée du bail. À cela s'ajoute que le nom du recourant figure bien sur une boîte aux lettres à cette adresse et que selon le contrôle d'adresse effectué auprès de la poste suisse, le recourant y reçoit toujours et de façon correcte sa correspondance postale.

En outre, le tribunal constate que le recourant est assuré depuis le 1er janvier 2014 auprès d'une assurance-maladie suisse et qu'il est au bénéfice d'une couverture d'assurance responsabilité civile privée individuel suisse, des indices forts qui laissent penser que celui-ci est effectivement domicilié à Genève.

À cela s'ajoute que le recourant a produit des relevés téléphoniques pour la période de 2014 à 2022, un relevé de compte de C______ SA attestant de mouvements pour la période du 1er mars 2014 au 4 mars 2022 ainsi que des documents attestant de la détention d'un véhicule automobile à Genève depuis mars 2012, avec une assurance véhicule suisse, ce qui constitue également des indices forts qui laissent penser qu'il est effectivement domicilié en Suisse. Si ces relevés et documents ont certes été établis au nom de la société, en étant l'administrateur unique, il est parfaitement envisageable que le recourant en était l'utilisateur effectif.

Dans ces circonstances, il sera retenu que l'autorité intimée n'était pas fondée à constater la caducité de l'autorisation d’établissement du recourant sur la base de l'art. 61 al. 2 LEI.

23.         Au vu de ce qui précède, la question de savoir si l'autorité intimée pouvait obtenir des administrations françaises, du registre foncier, des informations et documents le concernant sans l'accord du recourant, peut rester ouverte.

24.         Le recours sera donc admis et la décision litigieuse annulée.

25.         Le dossier sera renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle restitue au recourant son permis d'établissement.

26.         Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant. Son avance de frais de CHF 500.-, versée à la suite du dépôt du recours, lui sera restituée (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Une indemnité de procédure de CHF 1'200.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

27.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 6 octobre 2022 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 6 octobre 2022 ;

4.             renvoie le dossier à l'office cantonal de la population pour la suite à y donner au sens des considérants ;

5.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

6.             ordonne la restitution au recourant de son avance de frais de CHF 500.- ;

7.             alloue à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève, pour lui l'office cantonal de la population et des migrations, une indemnité de procédure de CHF 1'200.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière