Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2000/2023

JTAPI/879/2023 du 17.08.2023 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RETARD
Normes : LPA.17; LPA.72
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2000/2023 LCI

JTAPI/879/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 août 2023

 

dans la cause

 

Mesdames A______, B______ et C______ et Monsieur D______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DES CONSTRUCTIONS ET DE LA MOBILITÉ

E______

 


EN FAIT

1.             Le 10 mai 2023, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré à la Ville de Genève (ci-après : la ville), une autorisation portant sur la création d’une plate-forme pour skate-park temporaire (cinq ans) sur la parcelle n° 1______, sise ______ (DD 2______).

2.             Cette autorisation a été publiée dans le Feuille d’avis officielle du même jour.

3.             Par courrier recommandé du 12 juin 2023, reçu le 13 juin 2023, Madame A______, écrivant en son nom propre, a indiqué au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) avoir été « à quelques minutes en retard » pour la dépose d’un recours contre la DD 2______.

Ses collègues et elle-même avaient travaillé d’arrache-pied pendant des heures incalculables en délaissant leur vie pour faire parvenir au tribunal des recherches d’informations et ainsi apporter des points qui leur semblaient manquants à l’autorisation de construire.

4.             Par acte déposé le 10 juin 2023 à 00h27 à la Poste Les Pâquis « My Post 24 » - recommandé n° 3______ -, et reçu le 14 juin 2023 par le tribunal, Mesdames A______, B______ et C______ et Monsieur D______ ont recouru auprès du tribunal contre l’autorisation DD 2______, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

5.             La ville s’est déterminée sur le recours le 27 juin 2023, concluant à son irrecevabilité pour cause de tardiveté.

6.             Le 11 juillet 2023, le département a également conclu à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté.

7.             Par courrier du 6 juillet 2023, reçu le 11 juillet suivant, M. D______ a précisé les circonstances de l’envoi du recours.

Mme A______ était arrivée à l’automate de la poste quelques minutes avant minuit. Malgré plusieurs tentatives, il lui avait été impossible d’introduire l’adresse du tribunal car elle n’était pas reconnue par la machine.

Elle lui avait téléphoné à 00h02 et il avait, ainsi que Mme C______, confirmé l’exactitude de l’adresse. Monsieur F______ avait alors rejoint Mme A______ à l’automate pour constater que l’adresse n’était effectivement pas acceptée par ce dernier. Il avait finalement essayé de « forcer l’adresse », ce que Mme A______ n’avait pas fait de peur que l’envoi n’arrive pas à destination.

La manœuvre avait ainsi pu aboutir à 00h23, sans que Mme A______ et M. C______ eurent la certitude que le colis ne s’égarerait pas.

Très affectée par les conséquences de cet incident, Mme A______ avait relaté les faits de manière confuse dans sa lettre du 12 juin 2023. Elle s’était ainsi présentée dans les temps à l’automate de la poste même si elle disposait d’une marge réduite étant donné l’important travail qu’avaient dû fournir les requérants jusqu’à la dernière minute.

Dans un cadre professionnel, il serait peut-être possible de considérer l’obstacle rencontré comme insignifiant. Cependant, de leur point de vue, une appréciation uniquement fondée sur des critères d’expérience tendrait à empêcher une personne de bonne foi mais novice de faire valoir des arguments pertinent et utiles à la collectivité, lesquels étaient partagés par un grand nombre d’habitants.

Selon eux, il serait regrettable que le respect formel de la règle en matière de délai leur soit opposé alors que le projet contrevenait à de nombreux engagements pris par la ville en matière écologique mais également à plusieurs obligations.

8.             Par courrier du 11 juillet 2023, reçu le lendemain, Mme C______ a transmis un document établi par la Poste relatif au recommandé n° 3______ contenant notamment les informations suivantes : « 10.06.2023 00:23 600: Transmis par l’expéditeur » et « 10.06.2023 00:27 100: Dépôt 4______ Genève Les Pâquis My Post 24».

9.             Le 12 juillet 2023, Mme C______, en complément à ses courriers des 6 et 11 juillet précédents, a indiqué au tribunal avoir utilisé l’automate My Post de la rue ______ pour envoyer le second courrier. Elle n’avait pas eu à « forcer » l’adresse comme avait dût le faire Mme A______ la nuit du 9 juin à la rue des Pâquis. Elle estimait dès lors que cela confirmait que le problème survenu lors de l’envoi du recours était dû à un dysfonctionnement de la machine.

10.         Le tribunal a informé les parties, le 14 juillet 2023, qu’en l’état de la procédure, plus aucune écriture ne sera acceptée et que tous les délais qui avaient été impartis aux parties, excepté le délai au 17 juillet 2023 pour s’acquitter du paiement de l’avance de frais, étaient suspendus.

11.         Par courrier du 14 juillet 2023, E______ a demandé à intervenir dans la procédure.

 

 

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté devant la juridiction compétente, l’acte de recours, qui contient la désignation de l’acte attaqué et les conclusions des recourants est recevable au sens des art. 64 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Comme cela ressortira des considérants suivants, il n’en va toutefois pas de même concernant la condition du respect du délai de recours au sens de l’art. 62 LPA.

3.             Conformément à l’art. 72 LPA, la juridiction de recours peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours manifestement mal fondé.

4.             Une décision administrative finale - comme en l’espèce - peut faire l’objet d’un recours dans un délai de trente jours, lequel commence à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche. Les délais en jours fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 17 al. 1, art. 57 let. a, art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b LPA).

5.             La notification d’une décision est valable pendant les féries judiciaires et intervient au jour où elle a eu lieu. Le délai ne peut toutefois commencer à courir et le premier jour du délai de recours est celui qui suit la fin des féries (ATF 132 II 153).

6.             Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

7.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/614/2021 du 8 juin 2021 consid. 4a). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 8b ; ATA/286/ 2020 du 10 mars 2020).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d’égalité de traitement et d’intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l’irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d’un délai n’est en principe pas constitutive d’un formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2015 du 12 novembre 2015 consid. 2.3 ; ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 8b).

8.             Il appartient à l’administré qui réclame ou qui recourt d’établir qu’il l’a fait dans le respect du délai légal (ATA/899/2015 du 1er septembre 2015 ; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 2.2.6.7 p. 304).

9.             Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés (ATA/286/2020 du 10 mars 2020). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/463/2018 du 8 mai 2018).

10.         Depuis l'été 2015, la Poste a procédé à l'installation, dans des gares mais également dans les principaux centres urbains, de plusieurs dizaines d'« automates postaux » dénommés « MyPost 24 » (cf. http:// mypost24.post.ch/). Il s'agit de véritables offices postaux automatisés permettant notamment de recevoir et d'expédier des colis et autres envois en suivi ; comme tels, ils sont actifs en permanence, 24/24h, autrement dit jusqu'à minuit. Les conditions générales de ce service (https://www.post.ch/-/media/ post/agb/agb-pickpost-mypost24.pdf; consulté le 3 mars 2017) confirment qu'il s'agit là de véritables services postaux, en tous points analogues à ceux délivrés dans un office de poste « ordinaire ». Ils permettent dès lors de démontrer la remise à un « bureau de poste suisse » au sens de l'art. 17 LPA, ce que le Tribunal fédéral a implicitement admis d'ores et déjà à plusieurs reprises en déclarant recevables des recours postés par ce biais (par exemple : TF 8C 318/2016 du 9 décembre 2016, consid. 1). Il appartient toutefois à l'utilisateur de les utiliser correctement, et d'anticiper l'éventuel dérangement de l'appareil, voire l'absence de casier disponible (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 17 n. 308 p. 86).

11.         En l’espèce, le délai pour recourir contre l’autorisation de construire DD 2______ publiée dans la Feuille d’avis officielle du 10 mai 2023 arrivait à échéance le 9 juin 2023 à minuit, ce que les parties ne contestent pas.

Comme cela ressort du document établi par la Poste relatif au recommandé n° 3______, ledit numéro de recommandé a été généré le 10 juin 2023 à 00h23 et le colis contenant le recours déposé dans l’automate à 00h27 le même jour.

Le recours a donc été déposé à la Poste suisse au-delà du délai légal de recours.

Or, il appartenait aux recourants de prendre toutes les précautions nécessaires afin d’être en mesure de déposer leur recours dans un bureau de poste avant minuit le 9 juin 2023 ; en se rendant, selon leurs dires, « quelques minutes avant minuit » le 9 juin 2023 devant un automate de MyPost 24 et ayant dû effectuer plusieurs tentatives pour entrer l’adresse du tribunal et pouvoir déposer formellement leur recours dans la boite de l’automate, ils n’ont pas fait preuve de la diligence requise et cette situation, certes regrettable, ne constitue manifestement pas un cas de force majeure.

12.         Partant, le recours, manifestement tardif, est déclaré irrecevable, ce que le tribunal est à même de constater sans autres échanges d'écritures.

13.         S’agissant de la demande d’intervention formulée par E______, le tribunal constate qu’en l’occurrence, la précitée n’a plus d’intérêt actuel à solliciter son intervention dans le cadre d’un recours déclaré irrecevable, la possibilité d’intervenir dans une procédure – mécanisme prévu par l’art. 147 al. 2 LCI - étant directement dépendante de l’existence d’un recours remplissant les conditions de recevabilité idoines.

14.         Partant, eu égard à l’irrecevabilité du recours, il sera constaté que la requête d’intervention est devenue sans objet, de sorte qu’elle sera écartée.

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 350.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de cette avance de CHF 550.- leur sera restituée. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 10 juin 2023 par Mesdames A______, B______ et C______ et Monsieur D______ contre la décision du département du territoire du 10 mai 2023 ;

2.             constate que la demande d’intervention à la présente procédure formée le 14 juillet 2023 par E______ est devenue sans objet ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 350.- ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 550.-

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière