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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1441/2023

JTAPI/528/2023 du 10.05.2023 ( MC ) , ADMIS

REJETE par ATA/580/2023

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;PROLONGATION
Normes : LEI.79; LEI.80.al6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1441/2023 MC

JTAPI/528/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 mai 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Imed ABDELLI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1979 est originaire du Liban, mais démuni de documents d'identité, a déposé en 2000 et 2014 en Suisse deux demandes d'asile, lesquelles ont fait l'objet de décisions de rejet et de non-entrée en matière, son renvoi ayant ainsi par deux fois été prononcé.

2.             Il a été rapatrié au Liban le 27 mai 2004.

3.             En 2014, le transfert de M. A______ en Hongrie, Etat Dublin responsable, n'a pas pu être effectué en raison de la disparition de l'intéressé. Il a par ailleurs fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse, la dernière étant valable jusqu'au 22 février 2024.

4.             Le 22 mai 2019, M. A______ s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 10 juin 2019 pour quitter le territoire helvétique. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance du ______ 2019 (JTAPI/1______/2019) puis par la chambre administrative de la Cour de justice le ______ 2020 (ATA/1______/2020).

5.             M. A______ ne s'est pas conformé à cette décision et est demeuré en Suisse.

6.             Entre 2002 et 2021, M. A______ a été condamné à cinq reprises, dont une fois pour crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) – jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne du 12 juin 2002 le condamnant à cinq ans de réclusion pour infraction grave et contravention à la LStup.

7.             Faisant l'objet d'une nouvelle enquête pénale, pour - entre autres - incendie intentionnel, M. A______ a été entendu par la police le 17 août 2022 et incarcéré à la Prison de Champ-Dollon, où il a par ailleurs purgé plusieurs écrous.

Lors de son audition, il a notamment indiqué n’avoir entrepris aucune démarche en vue de repartir au Liban, de pas avoir de sources de revenu ni de passeport. Il ne souhaitait pas « mettre dans l’embarras s[m]on amie et la nouvelle adresse » où il vivait. Il recevait toujours son courrier chez la tante de Madame B______ au chemin de C______ à Genève.

8.             La demande de soutien à l'exécution du renvoi a abouti en août 2022, les autorités libanaises ayant identifié M. A______.

9.             Par acte du 15 décembre 2022, l'OCPM a mandaté les services de police aux fins d'exécuter le renvoi de M. A______.

10.         Une place sur un vol à destination de Beyrouth en faveur de M. A______ été obtenue par les autorités pour le 30 janvier 2023, à 11h45 au départ de Genève.

Cette réservation a toutefois dû être annulée en raison du fait que M. A______ devait rester en détention pénale pour une durée encore indéterminée.

11.         Une nouvelle place sur un vol a été réservée pour le 13 mars 2023, date annoncée comme étant celle de l'échéance des peines de l'intéressé. Cette réservation a cependant dû être annulée en raison de l'absence d'informations médicales.

12.         Par ordonnance pénale du 8 février 2023, M. A______ a été reconnu coupable de conduite sous retrait, de refus ou d’interdiction d’utilisation du permis de conduire, d’usage abusif de permis de conduire ou de plaque, de conduite d’un véhicule non couvert par l’assurance responsabilité civile, d’infraction à la LEI, d’empêchement d’accomplir un acte officiel, de vol d’importance mineure et d’infraction à l’art. 19a ch. 1 LStup à une peine privative de liberté de 120 jours et à des amendes.

Cette ordonnance est entrée en force.

13.         M. A______ a été libéré par les autorités pénales le 16 février 2023, libération communiquée aux services de police le même jour à 16h42.

14.         Le 16 février 2023 à 20h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Liban.

15.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

16.         Entendu par le tribunal le 20 février 2023, M. A______ a indiqué qu’il habitait chez une amie de sa fiancée à la rue de D______ ou la rue du E______, il ne savait plus et il ne connaissait pas l'adresse exacte : suite au COVID, il n’avait pas pu demeurer chez la tante de Mme B______ au chemin de C______. Il n’avait aucune source de revenu et faisait venir de l'argent du Liban. Tous ses documents d'identité étaient auprès de l'OCPM et il n’était pas en possession d’un passeport valable. Il n’avait jamais entrepris la moindre démarche pour partir au Liban parce qu’il ne pouvait plus y aller. Il a indiqué qu’il s’opposait à son renvoi au Liban et que l'interdiction d'entrer en Suisse avait été levée. Il était d'accord de quitter la Suisse, mais pas pour se rendre au Liban : il n’était toutefois pas autorisé à vivre dans un autre pays que le Liban.

Son conseil a déposé un chargé de pièces et confirmé que son client avait effectué toute sa détention pénale. Les démarches en vue de régulariser la situation de son client avaient été entreprises en 2021, mais elle ignorait où elles en étaient et quel type d'autorisation de séjour avait été sollicité. Elle a indiqué ne pas avoir d'informations comme quoi l'interdiction d'entrer en Suisse aurait été levée comme l'avait indiqué son client. Elle a confirmé que le nom de famille de son client s'écrivait bien A______.

La représentante des commissaires de police a déposé des pièces ; elle a indiqué que l’OSEARA avait besoin d'informations médicales complémentaires et qu’ils avaient interpellé le service médical de Champ-Dollon le 16 février 2023 alors que M. A______ était toujours en détention pénale afin que les informations médicales soient transmises. Elle a indiqué que c’était le même service médical que l'établissement Frambois et qu’elle pensait que les informations allaient suivre. Elle a indiqué qu’une fois qu’une place sur un vol serait réservée, il faudrait au minimum trois semaines pour qu'un laissez-passer soit délivré. Elle a précisé qu’ils avaient obtenu un tel laissez-passer pour le renvoi prévu le 30 janvier 2023.

17.         Par jugement du ______ 2023, le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 mai 2023 inclus (JTAPI/1______/2023).

18.         Par acte posté le 6 mars 2023, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et, principalement à l'annulation du jugement attaqué, à une mise en liberté immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure. Il a produit un chargé de pièces.

19.         Le 16 mars 2023, par arrêt ATA/1______/2023, la chambre administrative a rejeté le recours.

Le recourant faisait l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire, et avait été condamné pour crime en 2002, si bien qu'une mise en détention administrative était justifiée à teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum art. 75 al. 1 let. h LEI. Que la condamnation soit ancienne n'y changeait rien. Au surplus, la mise en détention du recourant pouvait également se fonder sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, dans la mesure où il s'était, en 2014, soustrait à son transfert en Hongrie en disparaissant dans la clandestinité, où il était sans domicile connu et refusait d'indiquer son lieu de résidence, et enfin où il avait confirmé à de nombreuses reprises – la dernière fois devant le tribunal – son refus catégorique de retourner au Liban.

L'intérêt public à l’exécution du refoulement du recourant était certain, celui-ci ayant notamment commis à réitérées reprises des infractions, y compris – quand bien même cette condamnation était maintenant ancienne – une infraction grave à la LStup lui ayant valu une peine de cinq ans de réclusion, mais aussi des condamnations moins graves mais plus récentes, étant précisé que la procédure pénale P/1______/2022 actuellement en cours concerne notamment des incendies intentionnels et un vol.

Au vu des circonstances mentionnées plus haut – disparition dans la clandestinité dans le passé, refus d'indiquer son lieu de résidence et refus manifesté de manière constante de retourner au Liban –, le recourant ne pouvait être suivi lorsqu'il plaidait en faveur d'une mesure de substitution à la détention, alors que l'on devait au contraire constater qu'aucune autre mesure moins incisive ne pourrait être à même d'assurer sa présence lors de son renvoi. L'impossibilité alléguée d'organiser celui-ci ne convainquait pas davantage, l'autorité intimée ayant déjà démontré être en mesure de réserver un vol à destination de Beyrouth et de se procurer un laissez-passer.

La situation au Liban, pour délétère qu'elle puisse être, n'atteignait pas le degré requis par la jurisprudence pour considérer un renvoi comme illicite ou inexigible. Quant aux risques encourus par le recourant à titre personnel, les attestations produites dataient de 2019 et étaient des plus vagues, ne mentionnant aucun nom de personne ou de parti politique susceptibles d'en vouloir à l'intégrité du recourant. Ce dernier n'expliquait pas non plus comment des privés seraient en mesure de le faire emprisonner et de confisquer ses biens – dont il n'avait pas davantage prouvé l'existence. Le seuil de vraisemblance de ce motif éventuel d'inexigibilité n'était ainsi pas atteint, ce d'autant plus que l'examen de ces questions ressortait avant tout au prononcé du renvoi, lequel était définitif et avait fait l'objet d'un examen par la chambre de céans dans l'ATA/1______/2020 du ______ 2020, à l'issue d'une procédure où les mêmes attestations avaient été produites.

Enfin, la durée de la détention prononcée par l'intimé et confirmée par le tribunal, soit trois mois, respectait le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI, étant précisé qu'il n'appartenait qu'à l'intéressé de mettre fin à sa détention administrative en acceptant de monter à bord du vol devant le reconduire dans son pays d'origine lorsqu’une place lui aura été réservée.

20.         M. A______ a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.

21.         Par requête motivée du 28 avril 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

22.         Une place sur un vol de ligne à destination du Liban a été réservée pour M.  A______ pour le 3 mai 2023 mais l'intéressé ayant refusé de prendre place à bord de ce vol, elle a dû être annulée.

23.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 9 mai 2023, M. A______ a confirmé ne pas avoir été d'accord de monter à bord du vol du 3 mai dernier sur lequel une place lui avait été réservée. Il était toujours opposé à son renvoi au Liban car il ne pouvait pas y retourner. Sur question de son conseil, il a indiqué qu'il aurait souhaité pouvoir retourner au Liban mais qu'il ne pouvait pas car il y était en danger. Il aurait bien aimé cependant pouvoir voir sa famille. La situation était difficile à supporter pour lui.

La représentante de l'OCPM a confirmé la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ déposée le 28 avril 2023 pour une durée de trois mois. Il ressortait du point 2 du dispositif de l'ordonnance du Tribunal fédéral du ______ 2023 que les requêtes de libération immédiate et d'effet suspensif étaient rejetées. Une demande de place sur un vol avec escorte policière avait été adressée au SEM le 4 mai 2023, selon pièce qu'elle déposait ce jour. Une place sur un vol pour le 24 mai prochain avait été obtenue. Elle a indiqué que les vols spéciaux étaient possibles à destination du Liban. Elle a déposé une copie du laissez-passer obtenu et encore valable jusqu'au 24 mai 2023, lequel était traduit en français, le rapport médical MEDIF relatif à M. A______ indiquant qu'il n'y avait pas de contre-indications au renvoi. Par ailleurs, pour obtenir une place sur un vol, l'OCPM avait l'obligation d'avoir un laissez-passer valable: étant donné qu'ils avaient obtenu une place pour le 24 mai 2023, le document produit était sans conteste un laissez-passer valable.

Le conseil de M. A______ a déclaré avoir écrit à l'OCPM en vue de la reconsidération de la situation de son client, mais vu la présente procédure, il lui apparaissait qu'il n'avait pas de chances de succès. Il a déposé un chargé de pièces. Le Tribunal fédéral ne s'était pas encore prononcé sur la demande de restitution d'effet suspensif au recours déposée contre l’arrêt de la chambre administrative. L'ordonnance pénale du 8 février 2023 était, à sa connaissance, en force. Son chargé de pièces comportait un courrier à la Chambre pénale d’appel et de révision relatif à une procédure P/1______/2021.Il a soulevé l'irrecevabilité des deux dernières pièces produites qui n'étaient pas en langue française. Il a conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention.

24.         Par courriel du 9 mai 2023 à 16h30, le tribunal a demandé à l’OCPM de produire une traduction libre du laissez-passer rédigé partiellement en langue arabe.

25.         L’OCPM a transmis ladite traduction qui est la suivante : « Numéro d’enregistrement 12 / Temnine El-Tahta district de Balbeck Ce laissez-passer est établi dans le but du renvoi de son détenteur au Liban d’après l’autorisation de la direction générale de la Sûreté générale no M 7 W / 4A / 15233 datée du 20.03.2023 et basée sur l’ordonnance no 6 /2937 du 06.07.200 ».

26.         Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 28 avril 2023, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

6.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7). Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1).

7.             Le conseil de l’intéressé estime que la production du rapport médical et du laissez-passer devait être déclarée irrecevable car ces deux pièces étaient rédigées en langue étrangère et non traduites.

Concernant le certificat médical, rédigé en anglais, il apparait que son contenu n’est pas contesté. Par ailleurs, vu les délais relativement courts imposés par la loi pour que le tribual statue, il apparait qu’une pièce en anglais, langue très généralement parlée, notamment par des avocats, doit pouvoir être produite sans traduction, surtout quand son contenu est succinct et peu technique comme c’est le cas en l’espèce, étant souligné que dans le cadre du recours déposé par le même conseil devant la chambre administrative une pièce rédigée en anglais, sans traduction avait été produite.

Concernant le laissez-passer dont certaines indications sont rédigées en arabe, le tribunal constate, d’une part, que le conseil de l’intéressé en a fait oralement, lors de sa plaidoirie une traduction libre, laquelle a été également été faite par l’OCPM suite à une demande du tribunal et que, d’autre part, ledit conseil s’est basé précisément sur cette pièce pour une longue partie de sa plaidoirie. Dès lors, il en a entièrement compris le sens et l’intéressé, qui parle également cette langue, aura également pu en comprendre le contenu.

Dès lors, le tribunal estime que ces pièces n’ont pas à être écartées de la procédure.

8.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

9.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

10.         Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

11.         Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4). L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne ; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF 127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

Conformément à la jurisprudence, les raisons susceptibles de conduire à la levée de la détention administrative en application de la disposition précitée doivent être importantes (« triftige Gründe »). L'exécution du renvoi doit être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers voulus peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 6.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2).

Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que l'objet de la présente procédure porte sur la détention administrative en tant que telle et non pas, en principe, sur des questions relatives au renvoi ; les objections concernant ces questions doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si une décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 LEI, car l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3 ; 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 6.1 ; 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.5).

12.         En l’espèce, la légalité de la détention a déjà été examinée et admise par le tribunal dans son jugement du ______ 2023 (JTAPI/1______/2023), confirmé par la chambre administrative (ATA/1______/2023 du ______ 2023), sans qu'un changement quelconque des circonstances pertinentes ne soit intervenu depuis. Il sera rappelé que le risque de soustraction au renvoi s’est encore accentué par le fait que l’intéressé a refusé de monter à bord du vol du 3 mai dernier sur lequel une place lui avait été réservée, et qu’il a lors de l’audience du 9 mai 2023 réaffirmé sa totale opposition à son renvoi. Le recours actuellement pendant devant le Tribunal fédéral n’y change rien, étant souligné que la requête en libération immédiate et d’effet suspensif ont été rejetés par ordonnance du ______ 2023. Par conséquent, sur ce point, il suffit de renvoyer aux motifs du jugement et de l’arrêt précités.

L'assurance de son départ effectif répond toujours à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse, étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination de son pays d'origine (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Comme cela a déjà été analysé et jugé, et sans modification des circonstances depuis, aucune autre mesure moins incisive ne peut, compte tenu des circonstances, être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement, ce d’autant plus que l’intéressé s’est encore opposé à son renvoi le 3 mai dernier et a encore réaffirmé à l’audience devant le tribunal du 9 mai 2023 qu’il était totalement opposé à son renvoi. La détention en cause n'est par conséquent toujours pas contraire au principe de la proportionnalité.

Il y a en outre lieu de retenir que le principe de diligence est toujours respecté. Les autorités ont déjà obtenu à plusieurs reprises une place sur un vol à destination du Liban, lesquelles ont toutefois dû être annulées en raison de la détention pénale toujours en cours en ce qui concerne le vol du 30 janvier 2023, en raison de l’absence d’informations médicales pour le vol du 13 mars 2023 et du fait de l’opposition de l’intéressé à prendre place à bord de l’avion pour le vol du 3 mai 2023. Les autorités ont donc dû entreprendre de nouvelles démarches qui ont conduit à l’obtention d’une place sur un vol avec escorte policière, lequel pourra avoir lieu le 24 mai 2023. Elles sont par ailleurs en possession d’un laissez-passer valable jusqu’au 24 mai 2023.

Par ailleurs, M. A______ est détenu administrativement depuis le 16 février 2023, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 al. 2 let. a LEI n'est pas encore atteinte. Elle ne le sera pas non plus à l'issue de la prolongation de trois mois sollicitée par l'OCPM. Cette durée permettra aux autorités, en cas de refus de la part de M. A______ de prendre place à bord du vol du 24 mai 2023, d’entreprendre les démarches nécessaires en vue de l’organisation d’un vol spécial.

13.         Se pose encore la question de savoir si l'exécution de son renvoi s’avère impossible, illicite ou non raisonnablement exigible, comme le soutien l’intéressé.

Les deux attestations produites par le recourant à l’audience du 9 mai 2023 concernant sa situation en cas de retour au Liban sont identiques à celles produites dans le cadre de la procédure relative au contrôle de la légalité et de l’adéquation de l’ordre de mise en détention administrative. Sur la base de ces pièces, ni le tribunal ni la chambre administrative ont estimé que le renvoi s’avèrerait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible sur cette base.

En ce qui concerne le contenu du laissez-passer, rien ne permet de retenir que l’indication « Ce laissez-passer est établi dans le but du renvoi de son détenteur au Liban d’après l’autorisation de la direction générale de la Sûreté générale no M 7 W / 4A / 15233 datée du 20.03.2023 et basée sur l’ordonnance no 6 /2937 du 06.07.200 » rendrait le renvoi non raisonnablement exigible ou illicite car préfigurant que l’intéressé s’exposerait à des dangers en cas de retour au Liban.

14.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 août 2023, inclus.

15.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 28 avril 2023 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 août 2023, inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière