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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/467/2023

JTAPI/522/2023 du 10.05.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;PERSONNE RETRAITÉE;ABSENCE D'ACTIVITÉ LUCRATIVE;CAS DE RIGUEUR;ÉTAT DE SANTÉ;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.28; OASA.25.al1; LEI.30; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/467/2023

JTAPI/522/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 mai 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par B______ SARL, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1964 et divorcée depuis 2003, est ressortissante de Russie.

2.             Sa fille, Madame C______, née le ______ 1989, a été mise au bénéfice d’un permis C au titre de regroupement familial, après avoir épousé Monsieur D______, ressortissant suisse, né le ______ 1984. Le couple réside à Genève avec leur fille Viktoria, née le ______ 2013.

3.             Par lettre datée du 3 mars 2022 adressée à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), Mme A______, sous la plume d’un mandataire, a sollicité l’octroi d’un permis de séjour à l’année, sans activité lucrative.

A l’appui de sa requête, elle a exposé venir depuis 2012 en Suisse, à intervalles réguliers et pour des séjours de courte durée, afin de visiter sa fille, son beau-fils et sa petite-fille. Elle disposait d'un montant équivalent à CHF 415.- mensuels à titre de rente, d'un montant de CHF 400.- de rendement de fonds de placement et d'un avoir en banque s'élevant à CHF 96'000.-. De plus, elle était propriétaire d'un appartement de 4 pièces dans la région de Moscou qu'elle serait prête à vendre, tout comme la voiture et le garage dont elle était propriétaire. Ses frais de séjour seraient intégralement pris en charge par sa fille, étant précisé qu'elle serait logée en Suisse gratuitement chez cette dernière et son beau-fils.

Elle a joint un chargé de pièces relatives à, notamment, ses biens immobiliers, sa rente et la situation financière de sa fille et de son beau-fils.

4.             Par courriers datés des 9 mars et 5 mai 2022, Mme A______, sous la plume de son conseil, a adressé des pièces complémentaires à l’OCPM.

5.             Par courrier du 3 octobre 2022, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de lui refuser l’octroi d’une autorisation de séjour.

Elle ne remplissait pas les conditions de séjour pour rentière au sens de l’art. 28 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005
(LEI - RS 142.20), ne disposant pas d’une rente suffisante pour subvenir à ses besoins en Suisse. Le seul fait d'être propriétaire d’un appartement, d’une voiture et d'un garage ne constituait pas une garantie suffisante faute d'espèces disponibles. En outre, sa fille et son beau-fils s’étaient engagés à la prendre en charge financièrement, étant relevé que cette prise en charge financière restait sujette à caution dès lors qu’elle provenait de leurs salaires dont eux-mêmes n’étaient pas certains de pouvoir bénéficier toute leur vie. Elle n'avait au surplus pas démontré qu'elle disposait d'attaches particulières avec la Suisse en dehors de la présence de sa fille, son beau-fils, sa petite-fille et la famille de son beau-fils. Si elle avait effectivement effectué de nombreux séjours en Suisse depuis la naissance de sa petite-fille, elle n’avait pas de liens avec la Suisse qui lui étaient propres, établis par le développement d'intérêts socio-culturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple). Enfin, sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle. Elle avait vécu en Russie toute son enfance, son adolescence et sa vie professionnelle, années qui apparaissent comme essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Elle disposait d’attaches familiales dans son pays d'origine ainsi que du réseau social acquis durant sa carrière professionnelle. De plus, en bonne santé, rien n'indiquait qu'elle se retrouverait dans une situation de détresse personnelle en demeurant en Russie.

Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.

6.             Dans le délai prolongé au 10 novembre 2022 pour faire valoir son droit d’être entendu, Mme A______, sous la plume de son conseil, de sa fille et de son beau-fils, a détaillé sa situation financière. Les revenus provenant de son patrimoine et des autres sources de revenus totalisaient par mois un montant d'environ CHF 1'465.-, correspondant à CHF 415.- de rente, CHF 600.- de loyer pour son appartement si elle le mettait en location et CHF 400.- de rendement de son fond de placement. Ces revenus étaient réguliers et ne dépendaient en aucun cas d'éléments extérieurs. En cas de réponse positive de l’OCPM à sa demande, elle vendrait tous ses biens en Russie et disposerait, par ce biais, d'un montant d'environ CHF 271'000.-. Ses frais de séjour en Suisse s’élèveraient à environ CHF 1'370.- par mois. Elle serait logée gracieusement chez Madame E______, la mère de son beau-fils. Le total de ses avoirs couvrirait ainsi un peu plus de 16 ans de séjour en Suisse, sans compter les aides ponctuels de sa fille et de son beau-fils. A ce montant, viendraient s’ajouter les fonds propres en CHF 60'000.- (compte épargne) de sa fille et son mari, dont les revenus avaient en outre augmenté. Monsieur F______, le père de son beau-fils pourrait également se porter garant.

S’agissant de ses liens avec la Suisse, elle avait travaillé jusqu'à fin janvier 2020 en Russie, soit jusqu'à l'âge de sa retraite officielle. Avant cette date-là, elle passait tous ses congés (environ 28 jours de vacances annuels) en Suisse. En mars 2020, elle était venue en Suisse et y était restée 5 mois, en raison notamment des restrictions de voyage liées au Covid19. A son retour en Russie en août 2020, la situation sanitaire internationale s'étant dégradée, elle n’avait plus pu obtenir de visa, jusqu’en juin 2022, pour venir en Suisse. Elle y séjournait depuis fin août 2022. Son visa actuel était valable pour 5 ans et lui autorisait 90 jours consécutifs sur le territoire suisse, tous les 180 jours. Elle avait fait de nombreuses excursions en Suisse et s’était inscrite à l'Université Ouvrière de Genève (UOG), afin d’apprendre le français. Elle était également en liste d'attente au CEFAM, organisation meyrinoise d'appui et d'intégration pour les femmes migrantes. Au fur et à mesure de ses visites, elle avait noué des liens, notamment au sein du voisinage de sa fille et de sa belle-mère. Elle se trouvait enfin dans une situation de détresse du fait de ses problèmes santé. Ainsi, en mai 2017, elle avait été victime d’une crise vasculaire cérébrale. Bien qu’elle suive désormais un traitement médical, cette situation pourrait se reproduire, sans que personne ne puisse l’aider. Elle souffrait également de différentes allergies ayant conduit à son hospitalisation. En janvier 2020, elle a fait une forte réaction lors de son séjour à Genève. Lors de ses deux récents séjours à l'hôpital, elle s’était retrouvée seule et sans soutien, ce qui avait fortement affecté son moral. Elle était isolée en Russie, son activité professionnelle intense ne lui ayant pas permis de nouer de liens spécifiques et durables avec des voisins, sa famille éloignée (deux cousines) ou d'autres personnes ni de s'adonner à des activités sociales. De ce fait, elle ne disposait pas d'attaches familiales en Russie. Sa seule famille était sa fille et sa petite-fille et son unique centre d'intérêt se situait en Suisse. Elle craignait enfin que la situation géopolitique puisse changer de telle sorte que sa fille et sa famille ne puisse plus la revoir. Les versements bancaires vers la Russie n’étaient plus possible par Swift. Les vols à destination ou depuis la Russie étaient rares, chers et souvent complets. Cette situation était extrêmement préoccupante et pesait fortement sur toute la famille.

Elle a joint des pièces en lien notamment avec sa situation financière, ses frais de séjour, la situation financière de sa fille et de son beau-fils, sa bonne intégration et sa santé.

7.             Par décision du 10 janvier 2023, l’OCPM a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de Mme A______ reprenant, en substance, les motifs avancés dans son courrier d’intention.

L’intéressée ne remplissait pas les conditions d'une autorisation de séjour pour rentière. Le montant de sa rente mensuelle en Russie, de ses rendements et de ses avoirs en banque ne permettaient pas d'exclure le risque de dépendance à l'aide sociale, et ce même en prenant en compte le fait qu'elle disposerait d'un logement en Suisse à titre gratuit. De même, la propriété de son bien immobilier ne constituait pas une garantie suffisante, quand-bien même sa valeur était estimée à plus de CHF 150'000.-, dans la mesure où ce bien n'avait pas été vendu. Par ailleurs, ses garants (sa fille et son beau-fils) n'avaient pas démontré avoir des moyens financiers suffisants pour la prendre en charge à long terme. Rien ne permettait en effet de garantir que leurs revenus ne diminueraient pas ou que leurs charges n'augmenteraient pas à l'avenir. Leurs revenus n'apportaient dès lors pas une garantie suffisante pour exclure le risque qu’elle ne tombe pas à l'aide sociale jusqu'à la fin de ses jours. Propriétaire de plusieurs bien en Russie et y ayant vécu toute sa vie, il était manifeste qu'elle disposait de liens importants avec ce pays, plus forts que ceux qu'elle avait avec la Suisse où elle n'avait effectué que de courts séjours dans le cadre de visites familiales. Sa récente volonté de participer à une organisation genevoise et son inscription à un cours de français et d'intégration ne suffisaient pas à démontrer qu'elle avait des liens personnels particuliers avec la Suisse, en dehors de la présence de sa fille, son beau-fils et sa petite-fille. Si elle indiquait ne plus avoir de réseau familial en Russie, elle s’était tout du moins constitué un réseau social durant sa longue carrière professionnelle. De plus, en bon état de santé générale, rien n'indiquait qu'elle se retrouverait dans une situation de détresse. Les difficultés économiques ou autres problèmes d'organisation liés à la situation géopolitique en Russie ne sauraient être assimilés à un handicap ou une maladie grave rendant irremplaçable l'assistance des proches. L'exception aux mesures de limitation n’avait enfin pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d’origine.

8.             Par acte posté le 10 février 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de transmettre le dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM).

Agée de plus de 55 ans, elle avait pris l'engagement de respecter l'ordre juridique suisse, de ne plus exercer d'activité lucrative tant en Suisse qu'à l’étranger et d’y transférer le centre de ses intérêts. Elle disposait des moyens financiers nécessaires, ce d'autant que la totalité de ses frais usuels de vie seraient pris en charge. Ces moyens avaient été chiffrés et démontrés par pièces. A cet égard, il ne pouvait lui être reproché de n’avoir pas vendu ses biens avant que l’autorisation requise lui soit délivrée. Les revenus de sa fille et de son beau-fils étaient bons et ce dernier était par ailleurs engagé sur le plan politique, ce qui garantissait le respect de la parole donnée quant à la prise en charge des frais liés à sa présence chez eux et avec eux. Compte tenu de la situation sanitaire, la renvoyer en Russie aurait pour conséquence de l'isoler complétement et de la priver de toute relation avec sa fille et la famille de celle-ci. Si elle ne pouvait prétendre à des liens forts existants, ces derniers étaient néanmoins en devenir. Elle serait enfin appelée à jouer un rôle sur le plan économique et social, dans le sens où en se mêlant à la vie quotidienne de sa fille et des siens, elle permettrait à ces derniers d'exercer une activité lucrative, dégagés de tout souci de présence permanente à domicile.

9.             Dans ses observations du 30 mars 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours pour les motifs déjà exposés dans sa décision.

Même dans l’hypothèse où les conditions de l’art. 28 LEI seraient réalisées, la recourante n’aurait pas un droit à la délivrance d’un titre de séjour en Suisse.

10.         Invitée à répliquer, Mme A______ a informé le tribunal, par courrier du 20 avril 2023, persister dans ses conclusions et rester dans l’attente de sa décision.

11.         Ce courrier a été transmis à l’OCPM pour information.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite l'octroi d'une autorisation de séjour pour rentiers.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de la Russie.

7.             Tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d'activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (art. 10 al. 1 LEI). L'étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l'autorité compétente du lieu de résidence envisagé (art. 10 al. 2 LEI). L'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI).

8.             À teneur de l'art. 28 LEI, un étranger qui n'exerce plus d'activité lucrative peut être admis aux conditions suivantes :

a. il a l'âge minimum fixé par le Conseil fédéral ;

b. il a des liens personnels particuliers avec la Suisse ;

c. il dispose des moyens financiers nécessaires.

9.             Selon l'art. 25 al. 1 OASA, l'âge minimum pour l'admission des rentiers est de 55 ans.

À teneur de l'al. 2 de cette disposition, les rentiers ont des attaches personnelles particulières avec la Suisse notamment :

a. lorsqu'ils peuvent prouver qu'ils ont effectué dans le passé des séjours assez longs en Suisse, notamment dans le cadre de vacances, d'une formation ou d'une activité lucrative ;

b. lorsqu'ils ont des relations étroites avec des parents proches en Suisse (parents, enfants, petits-enfants ou frères et sœurs).

10.         Les conditions de l'art. 28 LEI étant cumulatives, une autorisation de séjour pour rentier ne saurait être délivrée que si l'étranger satisfait à chacune d'elles. Cette disposition reprend la réglementation de l'art. 34 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, RO 1986 1791 [cf. le Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3542-3543, ad art. 28 du projet de loi ; Marc SPESCHA, in : SPESCHA et al., Migrationsrecht, Kommentar, 4e éd., Zurich 2015, p. 108 n. 1 ad art. 28 LEtr]).

11.         Par ailleurs, il convient de rappeler que, même dans l'hypothèse où toutes les conditions prévues à l'art. 28 LEI (disposition rédigée en la forme potestative ou « Kann-Vorschrift ») seraient réunies, l'étranger n'a pas un droit à la délivrance (respectivement à la prolongation) d'une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit (cf. ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; 131 II 339 consid. 1 et les références citées).

12.         S'agissant de la notion de liens personnels particuliers avec la Suisse, au sens de l'art. 28 let. b LEI et de l'art. 25 al. 2 let. a et b OASA, le Tribunal administratif fédéral a jugé de manière constante que la simple présence de proches sur le territoire suisse n'était pas en soi de nature à créer des attaches suffisamment étroites avec ce pays sans que n'existent en outre des relations d'une autre nature avec la Suisse. En effet, bien plus que des liens indirects, c'est-à-dire n'existant que par l'intermédiaire de proches domiciliés en Suisse, il importe que le rentier dispose d'attaches en rapport avec la Suisse qui lui soient propres, établies par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple), car seuls de tels liens sont en effet de nature à éviter que l'intéressé ne tombe dans un rapport de dépendance vis-à-vis de ses proches parents, voire d'isolement, ce qui serait au demeurant contraire au but souhaité par le législateur quant à la nature de l'autorisation pour rentier (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2207/2018 du 15 février 2019 consid. 6.6 et les références citées, voir également le consid. 4.4.8).

13.         Selon les Directives et circulaires du SEM, Domaine des étrangers, état au 1er mars 2022 (ci-après : directives LEI), qui ne lient pas le juge, mais dont ce dernier peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elle respecte le sens et le but de la norme applicable (cf. notamment ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3c), un rentier est réputé disposer des moyens financiers nécessaires si ceux-ci dépassent le montant donnant droit (à un résident suisse) au versement de prestations complémentaires pour lui-même et éventuellement pour les membres de sa famille. Autrement dit, il devra être quasiment certain d'en bénéficier jusqu'à sa mort (rentes, fortune), au point que l'on puisse pratiquement exclure le risque qu'il en vienne à dépendre de l'assistance publique (décision du 15 février 2001 du Service des recours du DFJP, aujourd'hui remplacé par le Tribunal administratif fédéral, en relation avec l'ancien art. 34 OLE). Les promesses, voire les garanties écrites, visant à garantir la prise en charge du rentier faites par des membres de sa famille qui résident dans notre pays ne suffisent pas dans tous les cas, dans la mesure où, en pratique, leur mise à exécution reste sujette à caution. Les moyens financiers mis à disposition par des tiers doivent présenter les mêmes garanties que s'il s'agissait des propres ressources du requérant (par ex. garantie bancaire). Lorsque les moyens financiers du rentier sont insuffisants, les exigences qualitatives quant aux prestations de soutien par des tiers sont d'autant plus élevées (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6310/2009 consid. 9.4; Directives LEI, ch. 5.3).

14.         En l'espèce, s'il n'est pas contesté que la recourante a atteint l'âge minimal requis pour être admise en qualité de rentière, l'on ne saurait en revanche reprocher à l'autorité intimée d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que celle-ci ne disposait pas de moyens financiers répondant aux exigences de l'art. 28 let. c LEI. La capacité à pouvoir assumer son propre entretien est d'autant plus importante que la venue en Suisse de la personne concernée doit se concevoir indépendamment de la présence de proches ou de connaissances susceptibles de lui offrir un soutien. Dans le cas de la recourante, les ressources dont elle dispose aujourd’hui à titre personnel sont de l'ordre de CHF 815.- par mois et ne lui permettent donc aucunement de subvenir seule à ses besoins à Genève. Si la recourante indique qu’elle pourrait compléter ce revenu d’un montant de CHF 600.- tiré de la location de son appartement, force est de constater qu’il s’agit à ce jour d’un revenu purement hypothétique. Quant aux engagements pris par sa fille et son beau-fils de prendre entièrement en charge ses frais de séjour, ils ne permettent pas d'arriver à une autre conclusion, ce moyen n'étant pas considéré comme des ressources propres. Faisant usage de son large pouvoir d'appréciation en la matière, l'autorité intimée était ainsi légitimée à considérer cette aide matérielle et financière comme ne présentant pas des garanties suffisantes sous l'angle du critère d'autonomie de l'art. 28 let. c LEI.

Concernant ses liens personnels particuliers avec la Suisse, la recourante expose y venir régulièrement depuis 2012, pour des séjours de courtes durées, afin de visiter sa fille unique, sa petite fille, son gendre et la famille de ce dernier. Elle indiquait avoir fait de nombreuses excursions en Suisse, s’être inscrite, en 2022, à l’UOG afin d’apprendre le français et être en liste d'attente au CEFAM. Ces éléments ne permettent toutefois pas de considérer qu'elle se serait constitué des attaches d'une intensité particulière avec la Suisse, la simple présence de proches sur le territoire n'étant en particulier pas, en soi, de nature à créer de telles attaches. Faute de justifier de liens personnels ou socioculturels indépendants de ses proches qu'elle se serait constitués lors de ses séjours répétés en Suisse depuis 2012, il appert que son souhait de venir habiter à Genève est essentiellement motivé par sa volonté de pouvoir demeurer auprès de sa fille et la famille de cette dernière. Or, comme rappelé ci-dessus, la notion de liens particuliers personnels avec la Suisse ne se résume pas à la présence à Genève de parents proches, mais doit résulter d’attaches importantes que l’intéressée doit avoir nouées personnellement et indépendamment de ces derniers.

Deux des conditions cumulatives de l’art. 28 LEI n’étant pas remplies, il s’ensuit que la requête fondée sur cette disposition doit être rejetée.

15.         Subsidiairement, comme cela ressort d’ailleurs de la motivation de la décision attaquée, il convient également d’examiner le présent état de fait sous l’angle d'un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

16.         À teneur de l'art. 30 al. 1 LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (let. b).

17.         L'art. 31 al. 1 OASA, qui comprend une liste des critères à prendre en considération pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité, précise que, lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'Etat de provenance (let. g).

18.         Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi (respectivement au renouvellement ou à la prolongation) d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière les conditions mises à la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. La reconnaissance d'une situation d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 4.5 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et références citées).

19.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l'intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid.4.6 et les références citées ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

20.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'une raison personnelle majeure lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une dérogation aux conditions d'admission. De même, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle dérogation. De plus, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les réf. cit. ; arrêt du TAF C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4 et les réf. cit.). Ainsi, en l'absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_216/2009 du 20 août 2009 consid. 4.2 ; 2A.575/2006 du 19 février 2007 consid. 4.3 ; ATAF C-2610/2012 du 13 août 2014 consid. 6.2 ; ATA/701/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5b ; ATA/619/2014 du 12 août 2014 consid. 10).

Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et qu'une personne qui ne se prévaut, dans le cadre d'une demande de dérogation aux conditions d'admission au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/206 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1).

21.         En l'espèce, la recourante allègue se trouver dans un état de détresse personnelle du fait de ses problèmes de santé. Elle était par ailleurs isolée en Russie n’y disposant notamment plus d’aucune famille hormis deux cousines. Elle craignait enfin que la situation géopolitique dans ce pays ne lui permette plus de revoir sa famille. Les vols à destination ou depuis la Russie étaient rares, chers et souvent complets et les versements bancaires par Swift n’étaient plus possibles.

Si l’on peut comprendre, sur le plan humain, que pour une femme divorcée, âgée de 58 ans et désormais retraitée, la perspective de devoir vivre dans son pays d'origine loin de sa fille unique, de son gendre et de sa petite-fille peut être difficile, il n'en demeure pas moins que, sous l'angle juridique, l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité obéit à des critères beaucoup plus restrictifs. Or, ni les séjours ponctuels de la recourante en Suisse, ni ses problèmes de santé tels qu’ils ressortent du dossier, ni la situation géopolitique en Russie ne sauraient suffire, loin s’en faut, à justifier une dérogation aux conditions d’admission normalement prévues. L’on rappellera que la recourante dispose de moyens financiers lui permettant de vivre et de se faire soigner convenablement dans son pays d’origine, qu’elle y a toujours vécu, y était active professionnellement et s’y est ainsi manifestement constitué un réseau social. Elle pourra en outre continuer à maintenir des liens avec sa fille, sa petite fille et son gendre, notamment par le biais de visites touristiques d'une durée de plusieurs mois, comme elle l'a fait jusqu'à présent. Ni son état de santé, ni son âge, ni la situation en Russie ne l'empêchent de voyager et sa fille et sa famille pourront également lui rendre régulièrement visite. L'exception aux mesures de limitation n’avait enfin pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d’origine.

Dès lors, à l’instar de l’autorité intimée, il y a lieu de considérer que la recourante ne se trouve pas dans une situation particulière telle qu’un retour dans son pays d’origine comporterait pour elle de graves conséquences. Sa présence en Suisse relève essentiellement de motifs de convenance personnelle.

22.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision litigieuse confirmée.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
(RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 10 janvier 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier