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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/980/2022

JTAPI/878/2022 du 31.08.2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;SANCTION ADMINISTRATIVE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.137
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/980/2022 LCI

JTAPI/878/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame B______ et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______ et B______) sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ située en zone 5, sur laquelle est édifiée une villa contiguë, sise au 2______ route d’D______.

2.             Le 12 décembre 2016, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu aujourd’hui le département du territoire (ci-après : le DT ou le département) a été saisi d’une dénonciation concernant la pose d’une palissade en limite de propriété et d’un garde-corps sur ladite parcelle.

3.             Le 16 janvier 2017, un contrôle sur place a été effectué par un inspecteur du DT et les éléments dénoncés ont pu être constatés : des palissades avaient été mises en place en limite de propriété avec les parcelles nos 3______ et 4______ et un garde-corps avait été installé sur la toiture du rez-de-chaussée de la villa.

4.             Le 13 février 2017, le département a interpellé les époux A______ et B______ sur les éléments constatés dans le rapport d’enquête (I/5______), ainsi que sur la fermeture du patio qui apparaissait à l’examen orthophotos datées de 2016, soit :

-          la construction de palissades en bois en limite de propriété avec les parcelles nos 3______ et 4______ ;

-          la mise en place d’un garde-corps métallique sur la toiture du rez-de-chaussée de la villa.

Pour ces travaux, le département n’avait été saisi d’aucune requête en autorisation de construire. Il a invité les époux A______ et B______ à faire valoir leurs observations et explications éventuelles relatives aux faits mentionnés dans un délai de quinze jours.

5.             Par courriel du 14 février 2017, M. A______ a fait part de ses observations, reconnaissant l’ensemble des éléments constatés dans le rapport d’enquête.

Il s’agissait de leur première maison et ils n’étaient pas coutumiers du processus de demande d’autorisation. Leur voisin, qui était à l’origine de la dénonciation, avait lui aussi posé sur sa terrasse une palissade de 2 m. Ils avaient décidé de mettre une palissade de 1,80 m, ce qui, à sa connaissance, ne requerrait pas d’autorisation particulière, une haie étant déjà posée. Le garde-corps vitré avait été posé dans un souci de sécurité, car ils étaient les parents de trois enfants. S’agissant de la véranda, ils demanderaient une autorisation de construire.

Pour toutes ces constructions, ils étaient prêts à demander les autorisations nécessaires.

6.             Par décision du 2 mai 2017, le DT a ordonné aux époux A______ et B______ de déposer une requête en autorisation de construire dans un délai de trente jours pour régulariser leur situation.

7.             Par décision du 11 septembre 2017, le DT a refusé de leur octroyer une autorisation de construire portant sur l’installation d’une clôture et de palissades (APA 6______).

8.             Par décision du 12 septembre 2017, le DT a demandé aux époux A______ et B______ de procéder au démontage et à l’évacuation des installations litigieuses dans un délai de trente jours. Par ailleurs, une amende de CHF 1'500.- leur était infligée au vu de l’infraction commise (I/5______).

9.             Par acte du 8 octobre 2017, les époux A______ et B______ ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du DT du 12 septembre 2017.

10.         Le recours a été déclaré irrecevable pour non-paiement de l’avance de frais par jugement du 16 novembre 2017 (JTAPI/7______).

11.         Par courrier recommandé du 18 juin 2018 (I-5______), faisant suite au jugement susmentionné, le DT a demandé aux époux A______ et B______ de lui fournir, dans un délai de trente jours, un reportage photographique attestant que les travaux de remise en état avaient été complètement exécutés (palissades en limite de propriété et garde-corps sur la toiture).

12.         Par courriel du 2 juillet 2018, M. A______ a indiqué au DT ne plus habiter à ce domicile, étant séparé de son épouse depuis septembre 2017. Il proposait au département de communiquer directement avec Mme B______ concernant leur dossier.

13.         Sans nouvelles des époux A______ et B______, le DT leur a infligé une amende de CHF 500.- le 12 avril 2019 pour ne pas s’être conformés à l’ordre de remise en état. Un nouveau délai de quinze jours leur était imparti pour fournir le reportage photographique attestant de la remise en état (I-5______).

14.         En date du 24 mai 2019, le DT leur a infligé une nouvelle amende de CHF 1'000.- et un nouveau délai de trente jours leur a été octroyé pour fournir la preuve de la remise en état (I-5______).

15.         Par lettre recommandé du 20 décembre 2019, le DT a réitéré aux époux A______ et B______ son ordre de remise en conformité dans un délai de quinze jours (I-5______).

16.         Par courrier du 7 janvier 2020, M. A______ a informé le département de ses difficultés quant à la remise en état sollicitée. En raison de la procédure de divorce en cours avec Mme B______, il n’avait pas accès à leur villa de C______.

17.         Le 23 janvier 2020, le département a informé M. A______ qu’en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 1______, il demeurait perturbateur par situation de l’infraction commise et destinataire des ordres et sanctions, au même titre que Mme B______.

18.         En l’absence de suite donnée au dernier rappel du 20 décembre 2019, le DT a prononcé une amende à l’encontre des époux A______ et B______ le 5 mars 2020 de CHF 1'500.-. Un nouveau délai de quinze jours leur était imparti pour fournir le reportage photographique de la remise en état (I-5______).

19.         Le 14 octobre 2021, un nouveau constat sur place a été réalisé par un inspecteur du DT, lequel a relevé, photographies à l’appui, que le garde-corps et les palissades n’avaient pas été retirés.

20.         Le 5 novembre 2021, aucune suite n’ayant été donné au courrier du département du 5 mars 2020, celui-ci a infligé une nouvelle amende de CHF 2'000.- aux époux A______ et B______. Il leur a fixé un délai de quinze jours pour rétablir une situation conforme au droit en procédant au démontage et à l’évacuation des palissades. Un reportage photographique attestant de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai (I-5______).

Concernant le garde-corps sur la toiture au rez-de-chaussée, le rétablissement d’une situation conforme serait ordonné dans le cadre du dossier d’infraction I-8______.

21.         Par décision du 4 mars 2022, devant l’absence de nouvelles des époux A______ et B______, le département les a de nouveau sanctionnés en leur infligeant une amende de CHF 5'000.-. Un délai de trente jours leur était imparti pour démonter et évacuer les palissades et transmettre le reportage photographique demandé (I-5______).

22.         Par courrier du 17 mars 2022, Mme B______ et M. A______ ont informés le DT que les palissades avaient été retirées (photographies à l’appui) et ce depuis le mois de décembre 2021 ; toutefois, ils avaient oublié de transmettre la preuve de la remise en état.

23.         Par acte du 16 mars 2022, Mme B______ (ci-après : la recourante) a recouru auprès du tribunal contre l’amende du département du 4 mars 2022, laquelle était disproportionnée en sachant qu’elle travaillait comme infirmière aux E______ (ci-après : E______). Elle a produit les photographies prouvant la remise en état.

Elle reconnaissait leur responsabilité s’agissant du mauvais suivi du dossier : toutefois elle implorait la compréhension du tribunal pour plusieurs motifs. Le jardin avait été régularisé en décembre 2021, mais elle avait omis de transmettre les photographies au département. Il s’agissait d’une clôture de 1,80 m qui était très commune et ils ne pensaient pas devoir demander une autorisation. Ils avaient initialement soumis un recours, toutefois celui-ci coïncidait avec le départ du domicile de son époux et une période difficile qui s’en était suivie. De ce fait, ils n’avaient pas pu répondre au tribunal à temps.

24.         Par lettre recommandée du 25 mars 2022, le DT a indiqué aux recourants avoir procédé au classement du dossier I-5______ et avoir accusé bonne réception des éléments reçus datés du 17 mars 2022, attestant du rétablissement d’une situation conforme au droit.

La sanction administrative du 4 mars 2022 restait valable.

25.         Par courrier du 4 avril 2022, M. A______ a confirmé au tribunal soutenir la recourante dans son recours du 16 mars 2022 et lui donner procuration pour soutenir cette cause.

Il n’avait pas pu se rendre dans leur villa commune depuis septembre 2017 et il n’avait pas pu participer à la remise en état du jardin. Il confirmait que la remise en état avait été effectuée par son fils à la fin de l’année 2021. Il espérait que le tribunal soit sensible aux arguments de la recourante.

26.         Dans ses observations du 30 mai 2022, le DT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 4 mars 2022. Il a produit son dossier.

Au vu de l’évidence de la situation, le bien-fondé de la décision litigieuse ne faisait aucun doute. Les recourants ne s’étaient pas conformés à l’ordre du 5 novembre 2021, leur imposant de communiquer un reportage photographique attestant de la remise en état dans un délai de quinze jours.

Ce n’était que le 17 mars 2022, soit près de quatre mois après le délai imposé pour ce faire, et au demeurant postérieurement à la réception de la décision litigieuse, que la recourante avait informé le département du retrait des palissades et lui avait communiqué le reportage photographique exigé.

Dès lors, il était patent que les recourants ne s’étaient pas conformés à l’ordre du département de manière fautive. Que les travaux aient été hypothétiquement réalisés en décembre 2021 ne changeait rien à ce qui précédait, d’autant plus que, même si le reportage photographique avait été produit en décembre, soit après la prétendue réalisation des travaux, le délai de quinze jours fixé avait quoi qu’il en soit déjà été dépassé. De même, le fait que les recourants ignoraient potentiellement que la mise en place desdites installations nécessitait une autorisation de construire, n’était pas de nature à nier le bien-fondé de l’amende infligée, puisque cela ne présentait aucun lien avec le non-respect de l’ordre du département qui était sanctionné par la décision litigieuse. La décision relative à l’infraction à la loi en tant que telle (sanction au vu de la mise en place d’installations sans autorisation de construire) avait été rendue en date du 12 septembre 2017 et était en force.

De ce fait, l’amende devait être confirmée dans son principe.

S’agissant de la quotité de l’amende, l’aptitude et la nécessité de la sanction étaient données. Seule se posait la question de la proportionnalité au sens étroit de l’amende infligée. Au vu de la durée de l’infraction (première remise en état demandée en 2017) et de la persistance des recourants à ne pas se conformer aux ordres du département (six ordres non exécutés), il ressortait avec évidence qu’en infligeant une amende d’un montant de CHF 5'000.-, il n’avait pas violé le principe de proportionnalité. Dès lors, il était évident que la sanction litigieuse avait manifestement atteint le but poursuivi et qu’une amende moins importante n’aurait pas eu les effets obtenus.

Enfin, le montant de l’amende ne semblait pas propre à occasionner des difficultés financières particulières aux recourants, puisqu’ils ne les invoquaient pas. Il fallait relever que si ces derniers avaient eu d’éventuels problèmes financiers, ils n’auraient pas attendu six ordres du département et quasiment autant de sanctions administratives pour s’y conformer.

Partant, le montant de l’amende infligée, au regard de l’ensemble des éléments susmentionnés, ne prêtait pas le flanc à la critique. Le département s’était montré plus que clément au vu de l’infraction qui perdurait depuis 2017 et du nombres d’ordres non respectés.

27.         Invités à déposer une éventuelles réplique au 22 juin 2022, les recourants n’ont pas produit d’écritures dans le délai imparti.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013 consid. 6).

4.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).

Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Le juge doit vérifier si l'administration n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Dans ce cadre le principe de proportionnalité prend une place majeure. Il impose une pesée des intérêts militant pour et contre la mesure en cause (Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in La pesée globale des intérêts, Droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire, 1996, p. 189 ss).

5.             En l'espèce, les recourants contestent le montant de l’amende du 4 mars 2022 de CHF 5'000.- pour non-respect des ordres successifs de remise en état depuis 2017, reconnaissant leur part de responsabilité dans le mauvais suivi du dossier.

6.             Le département peut infliger des amendes et, en pratique, il est fréquent qu’il commence par ordonner une mesure administrative telle qu’une remise en état en réservant la prise ultérieure de sanctions, dont il décidera du principe et de la quotité en fonction du respect de la mesure administrative. Le non-respect d’un ordre de remise en état peut faire l’objet d’une sanction (Mark MULLER, L’autorisation de construire/ VI. – X., Droit genevois de la construction, 2021, p. 176).

7.             Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application ainsi qu'aux ordres du département (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI).

8.             Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La punissabilité du contrevenant exige que celui-ci ait commis une faute. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

9.             L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013).

10.         L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation à l'autorité. Par conséquent, celle-ci ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

11.         Selon la jurisprudence établie en droit pénal, le juge doit, dans sa décision, exposer les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte (art. 50 CP), de sorte que le condamné doit pouvoir connaître les aspects pertinents qui ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés. Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; cf. également ATF 141 IV 244 consid. 1.2.2). Cependant, le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 136 IV 55 consid. 5.6). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète ; cela vaut surtout lorsque la peine, dans le cadre légal, apparaît comparativement très élevée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 2.1.4). Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 127 IV 101 consid. 2c et les références citées ; plus récemment arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_111/2015 du 3 mars 2016 consid. 2.2).

12.         Même si les recourants ne contestent pas le bien-fondé de l’amende, il sied de rappeler qu’ils ne se sont pas soumis aux ordres de remise en état malgré les nombreux rappels que le département. De plus, ils ont maintenu les installations litigieuses malgré le refus d’autorisation. Il apparaît dès lors que c'est de manière fautive qu’ils ont conservé les palissades en bois durant presque cinq ans (2017 à 2021) en se soustrayant ainsi à leurs obligations. Ils ne pouvaient ignorer qu’ils s’exposeraient à une nouvelle sanction s’ils ne s’exécutaient pas dans le délai imparti, comme cela leur avait du reste été indiqué dans les différentes décisions qui leur ont été notifiées.

13.         Au vu de ce qui précède, tant les faits constitutifs des infractions que la faute des recourants étant avérés, l'amende est justifiée dans son principe.

14.         Reste à déterminer si la quotité de l’amende respecte le principe de proportionnalité.

15.         L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

16.         L'amende doit ainsi faire l'objet d'une évaluation globale, dans laquelle l'autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d'ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 ; ATA/804/2012 du 27 novembre 2012 ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 ; ATA/537/2009 du 27 octobre 2009), ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l'auteur, dont ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

17.         Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014).

18.         La jurisprudence a eu l’occasion de confirmer que dès lors qu’une première amende n’avait pas suffi à faire respecter les ordres du département, une amende ultérieure plus élevée se justifiait pleinement (ATA/879/2014 du 11 novembre 2014 consid. 7). Dans cette affaire, le recourant ne contestait pas avoir fait réaliser, depuis 2007, de nombreux et importants travaux dans son manège, ce sans se trouver au bénéfice d'une autorisation de construire. Force était de constater qu'après avoir fait l'objet de plusieurs contrôles dès 2007, après avoir été sanctionné par une première amende de CHF 10'000.- pour avoir entrepris des travaux sans autorisation, après s'être vu notifier plusieurs ordres d'arrêts de chantier et après avoir été invité à déposer formellement une requête en autorisation de construire en vue de procéder aux travaux qu'ils souhaitait réaliser, le recourant ne pouvait ignorer qu'il agissait à l'encontre des dispositions légales et réglementaires en matière de constructions. Dans la mesure où ni une première amende de CHF 10'000.-, ni la notification de deux arrêts de chantier n'avaient suffi à le dissuader de poursuivre les travaux litigieux comme il l'entendait, le département n'avait d'autre choix que de faire preuve d'une certaine sévérité à son égard et n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 20'000.-.

Par ailleurs, la chambre administrative de la Cour de Justice a également confirmé une amende de CHF 20'000.- dans le contexte d'une deuxième récidive d’un recourant (amende de CHF 2'000.- et de CHF 10'000.-) qui n'avait toujours pas respecté l'ordre de remise en état du terrain. Son comportement démontrait une certaine obstination à ne pas respecter les ordres du département depuis plus de trois ans. Une amende d'un montant plus important semblait apte à atteindre le but recherché et proportionné à la faute (ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 9).

19.         En l’espèce, les recourants ne contestent pas avoir depuis 2017 contrevenu aux différents ordres de remise en état du département, soit un total de sept ordres 2017 à 2022, et ne contestent pas non plus le bien-fondé de l’amende en lien avec ces ordres. Toutefois, ils arguent que le montant de l’amende est disproportionné puisqu’ils relèvent avoir enlevé les palissades du jardin en décembre 2019 et avoir oublié de transmettre le rapport photographique au département.

Force est de constater qu’entre le premier contrôle du 19 janvier 2017 et le second contrôle du 14 octobre 2021, se sont succédé six ordres de remise en état, assortis d’amendes allant d’un montant de CHF 500.- à 5'000.- (CHF 500.- le 12 avril 2019, CHF 1'000.- le 24 mai 2019, CHF 1'500.- le 5 mars 2020, CHF 2'000.- le 5 novembre 2021 et enfin CHF 5'000.- le 4 mars 2022).

Ce n’est qu’après avoir reçu l’amende litigieuse de CHF 5'000.- du 4 mars 2022, que la recourante a transmis au département les photographies attestant qu’en décembre 2021 les palissades avaient été enlevées. Toutefois, même si la remise en état a effectivement eu lieu en décembre 2021, le département avait octroyé aux recourants un délai de quinze jours par décision du 5 novembre 2021 pour effectuer ladite remise en état. Les recourants n’ont ainsi en tout état pas respecté ce délai et n’ont pas non plus transmis le rapport photographique demandé dans les temps. Par conséquent, ils n’ont pas respecté l’ordre du 5 novembre 2021.

Ainsi, ni une première amende de CHF 500.-, ni la notification des amendes et ordres successifs, n’ont suffi à dissuader les recourants d’enlever les palissades en bois en bordure des parcelles nos 3______ et 4______ dans les délais impartis. Par leur comportement ils ont dénoté un mépris total face aux différents ordres de remise en état et ont fait preuve d’une absence de volonté de se conformer à leurs obligations, pourtant clairement exprimées par le département. De ce fait, c’est à juste titre que ce dernier leur a infligé une amende d’un montant plus important de CHF 5'000.-, pour susciter une réaction et une mise en conformité de leur part, ce qui a finalement eu l’effet escompté.

Pour le surplus, la recourante fait valoir que le montant de l’amende paraît disproportionné en sachant qu’elle travaille comme infirmière aux E______. Le recourant ne se plaint quant à lui d’aucune difficulté financière. Toutefois, il ne ressort pas du dossier, dès lors que ces derniers n’ont pas produit la moindre pièce à cet égard, qu’une telle sanction les placerait dans une situation financière difficile. Si tel devait être le cas, ils n’auraient certainement pas attendu six ordres de remise en état pour faire valoir cette difficulté et auraient entrepris toutes les actions nécessaires pour ne pas se voir infliger de nouvelles amendes.

20.         Il résulte de ce qui précède et de la jurisprudence citée, que la sanction entreprise est proportionnée.

21.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2022 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision du département du territoire du 4 mars 2022

2.             le rejette  ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Julien PACOT et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière