Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1948/2008

ATA/879/2014 du 11.11.2014 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION ; AMENDE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.1 ; LCI.137 ; Cst.36.al3
Résumé : Rejet du recours dirigé contre une amende de CHF 20'000.-. Le recourant a entrepris, sans y avoir été autorisé préalablement, de nombreux travaux dans le cadre du développement de son manège. Alors que l'instruction s'agissant de l'autorisation de construire était encore en cours, il a poursuivi puis terminé ces travaux, bien qu'il ait déjà fait l'objet de plusieurs contrôles du département, qu'il se soit vu infliger une première amende de CHF 10'000.- et notifier plusieurs ordres d'arrêt de chantier. Compte tenu des circonstances et du comportement du recourant, le département n'a ni excédé son pouvoir d'appréciation, ni violé le principe de proportionnalité dans la fixation du montant de l'amende.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1948/2008-DCTI ATA/879/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 novembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Bruno Mégevand, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE



EN FAIT

1) M. A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille ______ de la commune de B______.

Il exploite sur cette parcelle, ainsi que sur les parcelles n° 2______ et 3______ dont le propriétaire est M. C______, le Centre hippique de B______ SA (ci-après : le manège), dont le but est l'exploitation d'un manège, d'une école d'équitation et de toutes autres activités liées au domaine équestre.

Les trois parcelles sur lesquelles est érigé le manège se situent en zone agricole.

2) Le 4 mai 2007, un inspecteur de la police des constructions du département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis lors le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département), a constaté lors d'un contrôle sur place que des travaux de terrassement étaient en cours et qu'un carrousel à chevaux avait été mis en place, le tout sans autorisation préalable.

3) Le 22 mai 2007, la police des constructions a notifié à M. A______ un ordre d'arrêt de chantier.

4) Le 25 juin 2007, le département, ayant relevé que les travaux réalisés sans autorisation consistaient en deux bâtiments affectés à des boxes pour chevaux, un carrousel, ainsi qu'une dalle en béton destinée à recevoir un couvert pour une future zone de stabulation libre, a confirmé sa décision d'arrêt de chantier et invité M. A______ à déposer une requête en autorisation de construire. Il lui laissait au surplus le soin de poursuivre les démarches entreprises en vue d'une demande de modification de zone.

5) Lors d'un nouveau contrôle sur place le 24 juillet 2007, un inspecteur de la police des constructions a constaté que le chemin communal reliant la route de D______ au chemin de E______ avait été récemment réaménagé, sur au moins toute la portion bordant le manège. Des places de parking avaient également été aménagées. La construction de deux nouveaux bâtiments (écuries) sur la parcelle n° 1______ avait été achevée. En revanche, l'arrêt des travaux semblait avoir été respecté sur les parcelles n° 2______ et 3______.

6) Par requête enregistrée le 18 août 2007 sous le n° DD 4______, M. A______ a sollicité du département la délivrance d'une autorisation de construire lui permettant de transformer son manège par la création de quinze boxes, d'un carrousel et d'un bâtiment de stabulation libre pour chevaux. Seules les parcelles n° 1______, dans son intégralité, et n° 3______, en partie, étaient concernées par ce projet.

7) Le 22 août 2007, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 10'000.- et réitéré son ordre d'arrêt de chantier, assorti de la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), dans la mesure où les travaux illicites avaient été poursuivis en dépit de l'arrêt de chantier prononcé le 22 mai 2007.

Non contestée, cette décision est entrée en force et M. A______ s'est acquitté du montant de l'amende.

8) Le 17 avril 2008, M. A______ a adressé au département du territoire de l'époque une demande de renseignements tendant à la modification du régime des zones des parcelles sur lesquelles se trouvait le manège, proposant le passage en zone sportive. Cette demande a été enregistrée sous le n° DR 5______.

9) Le 23 avril 2008, un inspecteur de la police des constructions a procédé à un nouveau contrôle sur place et constaté que des travaux de bétonnage et de revêtement étaient en cours dans l'espace situé entre le bâtiment n° ______ et les nouvelles écuries construites le long de la route de D______. Il a ordonné sur place l'arrêt immédiat des travaux.

10) Par décision du 29 avril 2008, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 20'000.-, compte tenu de la gravité de l'infraction, étant précisé que la totale désinvolture de l'intéressé et sa persistance à faire fi des injonctions du département étaient parfaitement inadmissibles. L'ordre d'arrêt de chantier était par ailleurs maintenu. Les travaux constatés le 23 avril 2008 avaient été entrepris sans autorisation et l'instruction de la requête en autorisation de construire n° DD 4______, déposée en vue de tenter de régulariser la situation d'infraction dans laquelle se trouvaient les constructions sises sur la parcelle n° 1______, n'était toujours pas terminée. Ces travaux avaient ainsi été engagés illégalement, malgré l'arrêt de chantier ordonné le 22 mai 2007, réitéré le 22 août 2007. Étant donné le non-respect de cette dernière décision, laquelle était assortie de la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, l'affaire allait être dénoncée au Procureur général.

11) Par acte du 2 juin 2008, M. A______ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation en tant qu'elle le condamnait au paiement d'une amende administrative de CHF 20'000.-. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/1948/2008.

Il avait entrepris en 2007, sans y avoir été autorisé, des travaux qu'il jugeait parfaitement indispensables au bon fonctionnement de son manège. En l'occurrence, les travaux de bétonnage constatés lors du contrôle du 23 avril 2008 étaient des travaux de très faible importance. Il ne contestait pas, en soi, le principe même de la sanction qui lui avait été infligée, mais considérait que le montant de l'amende était excessif et disproportionné, eu égard à la gravité de l'infraction commise. Dès lors que le département avait fait savoir qu'il allait dénoncer l'affaire au Procureur général, il n'était pas utile de fixer un montant si élevé de l'amende, sans rapport avec sa situation financière, pour lui faire admettre qu'il ne devait plus entreprendre de travaux dans son manège, y compris de moindre importance, sans y avoir été autorisé au préalable. Dans la mesure où l'instruction de la requête en autorisation de construire n° DD 4______ était toujours en cours, il n'était pas exclu que la situation soit régularisée à brève échéance.

La police des constructions était intervenue, pour la première fois au mois de mai 2007, sur dénonciation de la commune de B______. Le recourant se considérait victime d'une inadmissible politique d'acharnement de la part des autorités locales, lesquelles n'hésitaient pas à faire intervenir la police des constructions régulièrement et systématiquement pour contrôler le moindre de ses gestes. Le montant de l'amende qui lui était infligée en était une parfaite illustration.

12) Le 16 juin 2008, M. A______ a complété son recours, persistant dans ses conclusions.

Dans la mesure où la procédure d'autorisation de construire visant à régulariser sa situation était pendante et que les travaux entrepris, pour lesquels il était sanctionné, allaient selon toute vraisemblance être bientôt ratifiés, l'empressement avec lequel le département lui avait notifié une nouvelle amende si élevée ne se justifiait pas eu égard au résultat escompté et heurtait gravement le sentiment de justice.

Sans nier le fait qu'il avait commis une infraction, il avait le sentiment que le zèle dont faisait preuve le département à son égard découlait de l'attention soutenue que lui portaient la commune de B______ et certains de ses habitants. Il estimait ainsi que la quotité de l'amende querellée relevait davantage d'un règlement de comptes que d'une stricte application du droit.

L'ampleur, au demeurant minime, des travaux constatés le 23 avril 2008 était sans commune mesure avec celle des travaux entrepris au cours de l'année 2007. Il ne s'agissait pas de « travaux de bétonnage », mais de la pose de pavés scellés dans le sol sur une surface de l'ordre de 80 m2 seulement. Bien qu'ils n'aient pas fait l'objet d'une autorisation préalable, le département avait outrepassé son pouvoir d'appréciation en arrêtant le montant de l'amende à CHF 20'000.- et en le dénonçant simultanément au Procureur général. Son attitude ne justifiait pas davantage ce montant disproportionné.

Comme le savait le département, une requête tendant à la modification du régime de zone des parcelles sur lesquelles se trouvait le manège était actuellement à l'étude. L'objectif de cette demande était de doter le manège d'installations complémentaires et conformes à la législation sur la garde des chevaux, afin de permettre la pratique de l'équitation sportive dans des conditions officielles et optimales. Par conséquent, les travaux mineurs pour lesquels le recourant avait été lourdement sanctionné allaient être intégrés dans l'accomplissement de travaux de plus grande importance et conformes à la zone sportive souhaitée.

L'argumentation du département s'agissant du montant de l'amende était manifestement exagérée, ce d'autant que la dénonciation au Procureur général suffisait à le dissuader d'entreprendre à l'avenir des travaux dans son manège sans autorisation.

13) Le 2 juillet 2008, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire n° DD 4______ sollicitée, ayant pour objet la construction de quinze boxes, d'un carrousel et d'un bâtiment de stabulation libre pour chevaux, ainsi que l'aménagement de places de parking extérieures. L'agrandissement projeté du bâtiment existant excédait largement le seuil légal de 100 m2 de surface admissible. M. A______ n'exerçait pas la profession d'agriculteur et les constructions projetées n'étaient pas conformes à la destination de la zone agricole. De plus, ces aménagements n'étaient pas des constructions dont l'emplacement était imposé par leur destination en zone agricole. Le département fondait sa décision notamment sur les préavis défavorables émis par le service de l'agriculture et la direction de l'aménagement du territoire. Seule une modification des limites de zone pouvait conduire à l'acceptation de la requête.

14) Par décision du 2 juillet 2008 également, compte tenu du refus précité et du fait que le projet soumis à examen était déjà réalisé, le département a ordonné à M. A______ de rétablir dans leur état initial, dans un délai de nonante jours, la surface sise sur la parcelle n° 1______ sur laquelle des terrassements avaient été effectués, ainsi que la surface aménagée en places de parking le long du chemin communal sis au sud-ouest du manège. Le département a en outre ordonné à l'intéressé de démolir, dans le même délai, les deux bâtiments affectés à des boxes pour chevaux, le carrousel, les boxes pour chevaux situés au sud-ouest de la parcelle, ainsi que le bâtiment destiné à la stabulation libre sis au nord-est du manège existant. La situation litigieuse ne pouvait pas être régularisée et les constructions ne pouvaient pas être maintenues en l'état.

15) Le 31 juillet 2008, le département a conclu au rejet du recours contre sa décision du 29 avril 2008.

L'amende se justifiait dans son principe, dans la mesure où il n'était pas contesté que le recourant avait procédé illicitement à des travaux, lesquels n'avaient pas été autorisés préalablement, et refusé d'obtempérer aux deux ordres d'arrêt de chantier qui lui avaient été notifiés. Sa faute était extrêmement grave, ce d'autant que, malgré les nombreuses mesures et injonctions du département dont il avait déjà fait l'objet depuis 2007, il n'avait pas changé son comportement et qu'il ne pouvait pas ignorer qu'il agissait en contravention avec la réglementation en matière de construction. Au vu de son insoumission et de sa récidive avérée, le montant fixé à CHF 20'000.- était proportionné.

Contrairement à ce qu'alléguait le recourant, les travaux entrepris étaient multiples et importants, au point que la requête en autorisation de construire n° DD 4______ n'en couvrait pas la totalité. Sous réserve des résultats de l'instruction en cours, cette requête n'allait éventuellement pouvoir régulariser qu'une partie des travaux. L'intérêt privé du recourant devait céder le pas à l'intérêt public au respect de la loi.

16) Le 31 juillet 2008, M. A______ a interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de refus d'autorisation de construire n° DD 4______. Il a conclu à son annulation et au renvoi du dossier au département pour délivrance de l'autorisation sollicitée, ainsi que, préalablement, à la suspension de l'instruction du recours jusqu'à ce que le sort de sa requête en modification des limites de zone soit scellé. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/4432/2008.

17) Par acte du 31 juillet 2008, M. A______ a recouru auprès de l'ancien Tribunal administratif contre la décision d'ordre de démolition et de rétablissement de la situation antérieure du 2 juillet 2008, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur l'autorisation de construire, principalement à l'annulation de ladite décision. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/2827/2008.

18) Par décision du 5 août 2008, le Tribunal administratif a prononcé la suspension de la procédure n° A/2827/2008.

19) Le 7 novembre 2008, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. M. A______ contestait le montant de l'amende de CHF 20'000.-, non le fait d'avoir effectué des travaux mineurs sans autorisation. Il devait mettre en conformité les installations du manège afin d'en poursuivre l'exploitation dans le respect des législations fédérales sur la protection des animaux et sur la protection des eaux, mais également dans un souci de sécurité pour éviter que des chevaux n'aillent sur la route. Il était convoqué par la commission de recours dans le cadre du refus de l'autorisation de construire. Il ignorait la suite donnée à sa demande de renseignements en vue de la modification du régime de zones, étant précisé que la procédure de consultation était toujours en cours. Il était domicilié au Brésil.

b. Le conseil du recourant avait sollicité la suspension de la procédure n° A/4432/2008 s'agissant du refus de l'autorisation de construire dans l'attente de l'issue du processus de modification du régime de zones. À la requête du département, le recourant renonçait, en tant que besoin, à se prévaloir de la prescription s'agissant de l'amende de CHF 20'000.-. Il proposait, à titre transactionnel, de verser le jour même CHF 5'000.- en lieu et place du montant de l'amende querellée.

c. La représentante du département a précisé que l'amende de CHF 20'000.- sanctionnait la récidive et le non-respect d'un ordre du département. Elle n'était pas opposée à la suspension de la cause dans l'attente d'une décision définitive quant au refus de l'autorisation de construire. Le département ne s'était d'ailleurs pas opposé à la suspension de la procédure n° A/2827/2008 relative à l'ordre de démolition. Il ne souhaitait en revanche pas entrer en matière sur une transaction s'agissant du montant de l'amende.

20) Par la suite, le juge délégué s'est régulièrement adressé aux parties afin de s'enquérir de l'avancement des procédures concernant, d'une part, le refus d'autorisation de construire et, d'autre part, la demande de modification du régime des zones.

21) Le 11 novembre 2009, le recourant a indiqué que la procédure n° A/4432/2008 avait été suspendue par décision du 21 novembre 2008. S'agissant de la procédure non contentieuse de modification du régime de zones, les préavis recueillis à ce stade étaient favorables, voire favorables sous réserve. La commune de B______ avait toutefois préavisé négativement, ce qui avait conduit à une réponse négative, le 17 août 2009, à la demande de renseignements n° DR 5______. Des discussions avaient cependant été engagées avec la commune afin de parvenir à un accord débouchant sur une réponse positive, raison pour laquelle le maintien de la suspension des procédures pendantes paraissait indiqué.

22) Le 17 mai 2010, M. A______ a fait savoir que le processus de modification du régime des zones était toujours bloqué, vu le préavis négatif de la commune de B______. Des discussions étaient néanmoins toujours en cours avec la Mairie. Les procédures pendantes semblaient ainsi devoir rester suspendues.

23) Le 12 novembre 2010, le recourant a confirmé que le processus de modification du régime des zones demeurait bloqué, vu l'obstruction de la commune. Il ne désespérait néanmoins pas de lever cette opposition.

24) Le 26 novembre 2010, le département a pour sa part confirmé que, renseignements pris auprès de la direction générale de l'aménagement du territoire, il apparaissait que la seule demande déposée à l'époque pour un changement de zone (n° DR 5______) avait été refusée, sur préavis défavorable de la commune.

25) Le 7 juin 2011, M. A______ a indiqué avoir pris contact avec le nouveau maire de la commune pour tenter de débloquer la situation et devait le rencontrer prochainement pour une discussion sur le projet de modification du régime des zones.

26) Le 13 juillet 2011, le recourant, après avoir rencontré le nouvel exécutif communal, a fait savoir que ce dernier, de même que le conseil municipal, semblaient favorables à la modification du régime des zones. Cas échéant, les négociations dans ce sens allaient être prochainement reprises. Les procédures pendantes pouvaient ainsi rester suspendues.

27) Le 24 octobre 2011, le juge délégué a interpellé les parties quant à l'opportunité de suspendre formellement non seulement la procédure n° A/2827/2008, mais également la procédure n° A/1948/2008, à charge pour elles d'en solliciter, cas échéant, la reprise.

28) Le 11 novembre 2011, M. A______ a fait savoir que le conseil municipal de B______ avait à nouveau préavisé négativement la modification du régime des zones. Il allait néanmoins reprendre contact avec le département afin de demander la poursuite de la procédure de création d'une zone sportive avec affectation équestre.

29) Le 9 décembre 2011, le département a indiqué que, depuis son dernier courrier du 26 novembre 2010, aucun élément nouveau n'était intervenu dans le cadre de la DR 5______. Le recourant n'avait, depuis le refus du changement de zone, pas déposé de nouvelle requête en vue de la création d'une zone sportive équestre.

30) Le 18 janvier 2012, la chambre administrative a avisé les parties que la cause était gardée à juger.

31) Le 22 avril 2013, le juge délégué a confirmé aux parties qu'en l'absence d'éléments nouveaux, la cause était gardée à juger.

32) Par jugement du 28 août 2013 (JTAPI/937/2013), le TAPI a rejeté le recours de M. A______ contre le refus du département de délivrer l'autorisation de construire.

33) Le 6 janvier 2014, le juge délégué s'est enquis auprès des parties de l'avancement des procédures en cours, en particulier par-devant le TAPI, ainsi que de l'existence d'éventuels nouveaux éléments de fait pertinents.

34) Le 6 janvier 2014, le département a transmis à la chambre administrative copie du jugement n° JTAPI/937/2013 qui n'avait, à sa connaissance, fait l'objet d'aucun recours et était dès lors en force.

35) Le 13 janvier 2014, s'agissant du recours contre l'amende administrative infligée au recourant le 29 avril 2008, le département s'est rapporté à ses observations du 31 juillet 2008.

36) Le 31 janvier 2014, M. A______ a indiqué n'avoir pas recouru contre le jugement du TAPI du 28 août 2013. Il maintenait néanmoins son recours contre la décision du département du 29 avril 2008 lui infligeant une amende de CHF 20'000.-, qu'il estimait excessive pour les raisons exposées dans ses précédentes écritures. Ces considérations étant indépendantes de l'octroi subséquent d'une autorisation de construire et, le jugement du TAPI étant irrelevant, il persistait dans les conclusions de son recours.

37) Le 29 avril 2014, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010 ; art. 145 al. 1 et 150 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05 dans sa teneur au 29 avril 2008).

3) Le recourant ne conteste pas le principe de l'amende administrative qui lui a été infligée le 29 avril 2008 suite à la réalisation de travaux sans autorisation préalable, mais estime que le montant de CHF 20'000.- fixé par le département serait excessif et disproportionné.

4) Sur tout le territoire genevois, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail, modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation ou démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. a, b et c LCI).

5) a. En droit public, conformément à la jurisprudence constante, les autorités de recours examinent la question de la prescription d'office lorsqu'un particulier est débiteur de l'État (ATF 106 Ib 364 ; ATA/57/2014 du 4 février 2014 et les réf. citées). En l'occurrence, bien que ce point n'ait pas été soulevé par le recourant, la chambre de céans doit examiner d'office la question de la prescription de l'amende administrative (ATA/625/2009 du 1er décembre 2009 ; ATA/194/2004 du 9 mars 2004 et les réf. citées).

b. Conformément au principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP), qui vaut également en matière de prescription (art. 389 CP ; ATF 129 IV 49 consid. 5.1, p. 51 et les arrêts cités), le nouveau droit de la prescription ne s'applique en principe qu'aux infractions commises après son entrée en vigueur. Celles commises avant son entrée en vigueur sont soumises à l'ancien droit, à moins que le nouveau droit ne soit plus favorable à l'auteur de l'infraction (arrêts du Tribunal fédéral 2A.310/2006 du 21 novembre 2006 consid. 3 et 6P.184/2004 du 9 mars 2005 consid. 8.1).

c. L'art. 137 al. 6 LCI, dans sa teneur au moment du prononcé de l'amende administrative le 29 avril 2008, prévoyait la prescription de l'action pénale par cinq ans. Depuis le 1er septembre 2010, selon l'art. 137 al. 5 LCI, la poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans. Outre la modification de la durée de la prescription, la formulation de cette disposition a été remaniée lors des travaux législatifs dans le cadre du projet de loi du 17 janvier 2008 modifiant la LCI (PL 10'198), afin de tenir compte d'une erreur de plume liée à l'obsolescence de la norme faisant référence à la prescription de l'action pénale, alors qu'il s'agissait en réalité d'une sanction administrative (MGC 2008-2009/XI D/60 5840).

d. En l'espèce, l'infraction a été constatée le 23 avril 2008 et la sanction prononcée le 29 avril 2008. L'ancien délai étant plus favorable au recourant, il convient d'appliquer l'art. 137 al. 6 LCI dans son ancienne teneur, soit une durée de prescription de cinq ans, aujourd'hui atteinte.

En l'occurrence toutefois, le recourant a expressément, lors de l'audience de comparution personnelle du 7 novembre 2008, renoncé à se prévaloir de la prescription de l'amende administrative de CHF 20'000.- que le département lui a infligée le 29 avril 2008, ce qui a été protocolé au procès-verbal de ladite audience, notamment en raison du fait qu'il convenait d'attendre l'issue d'autres procédures avant de trancher le présent litige, de sorte qu'elle n'est pas prescrite.

6) a. À teneur de l’art. 137 al. 1 LCI, dans sa teneur au moment du prononcé de la sanction, soit le 29 avril 2008, tout contrevenant à la LCI, cas échéant aux ordres donnés par le département, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.-. Le montant maximum a été augmenté à CHF 150'000.- depuis le 1er septembre 2010. Toutefois, lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.-. Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction, la récidive étant considérée comme une circonstance aggravante (art. 137 al. 3 LCI dans sa teneur antérieure au 27 janvier 2007 et postérieure au 1er septembre 2010).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/597/2014 du 29 juillet 2014 et les réf. citées).

c. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2006, p. 252 n. 1’179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/597/2017 du 29 juillet 2014 et les réf. citées). Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 et les réf. citées).

d. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47
al. 2 CP ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014).

7) En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir fait réaliser, depuis 2007, de nombreux et importants travaux dans son manège, ce sans se trouver au bénéfice d'une autorisation de construire. Bien que la sanction administrative faisant l'objet du présent recours soit subséquente à un contrôle de la police des constructions, lors duquel des travaux de pose de pavés scellés dans le sol sur une surface de 80 m2 environ ont été constatés, soit des travaux d'importance moindre par rapport à ceux entrepris en 2007 pour lesquels le recourant avait déjà été sanctionné, il convient d'examiner le cas compte tenu de l'ensemble des circonstances.

En l'occurrence, le département a fixé le montant de la seconde amende à CHF 20'000.-, prenant en considération le fait que le recourant avait commis une infraction grave et avait récidivé, agissant en violation du droit des constructions et des ordres d'arrêts de chantier qui lui avaient été notifiés à plusieurs reprises. Sa totale désinvolture et sa persistance à faire fi des injonctions du département étaient en outre relevées.

Force est en effet de constater qu'après avoir fait l'objet de plusieurs contrôles dès 2007, après avoir été sanctionné par une première amende de CHF 10'000.- pour avoir entrepris des travaux sans autorisation, après s'être vu notifier plusieurs ordres d'arrêts de chantier et après avoir été invité à déposer formellement une requête en autorisation de construire en vue de procéder aux travaux qu'ils souhaitait réaliser, le recourant ne pouvait ignorer qu'il agissait à l'encontre des dispositions légales et réglementaires en matière de constructions. Cela ne l'a pourtant pas empêché de bâtir en moins de deux ans toutes les constructions et installations faisant l'objet de la demande en autorisation, voire au-delà, alors même que l'instruction du dossier était en cours, comme du reste celle de la demande visant à la modification du régime des zones. Le fait que le recourant se considère comme victime d'un harcèlement des autorités, en particulier municipales, ainsi que de certains habitants de la commune ne permet pas de justifier son comportement, ni d'atténuer sa faute. Enfin, dans la mesure où ni une première amende de CHF 10'000.-, ni la notification de deux arrêts de chantier n'ont suffi à dissuader le recourant de poursuivre les travaux litigieux comme il l'entendait, le département n'avait d'autre choix que de faire preuve d'une certaine sévérité à son égard.

Dans ce contexte, le département n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 20'000.-, soit un tiers du maximum prévu par la loi en vigueur lors du prononcé de la sanction, et ce montant respecte le principe de la proportionnalité.

8) Au surplus, le recourant allègue que le fait que le département ait annoncé dans sa décision du 29 avril 2008 que l'affaire serait portée devant le Procureur général, dès lors que la décision d'ordre d'arrêt de chantier du 22 août 2007 était assortie de la menace de peine de l'art. 292 CP, suffisait à le dissuader de recommencer à entreprendre des travaux sans autorisation et qu'ainsi, point n'était besoin de lui infliger en outre une amende administrative de CHF 20'000.- pour atteindre ce but.

Cet argument n'est toutefois pas relevant dès lors qu'il ne ressort pas du dossier, ni des vérifications entreprises par le juge délégué que le département aurait effectivement dénoncé le cas au Procureur général, ni que le recourant aurait été condamné pénalement pour une infraction à l'art. 292 CP.

9) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2008 par M. A______ contre la décision du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie du
29 avril 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat du recourant, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial, ARE, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :