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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3212/2021

JTAPI/288/2022 du 22.03.2022 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);RÉNOVATION D'IMMEUBLE;BAIL À LOYER
Normes : Cst.29.al2; LDTR.1; LDTR.3; CO.256.al1; LCI.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3212/2021 LDTR

JTAPI/288/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 mars 2022

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par l'ASLOCA, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

C______ SÀRL et D______ SÀRL, représentées par Me Blaise GROSJEAN, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             D______ Sàrl (ci-après : la propriétaire) est propriétaire d'un appartement de cinq pièces au sixième étage de l'immeuble érigé sur la parcelle n° 1______ de la commune de E______, à l'adresse 2______, F______.

2.             Selon le contrat de bail à loyer du 31 janvier 2014, Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les locataires ou les recourants) étaient locataires de cet appartement depuis le 16 février 2014, moyennant un loyer annuel initial de CHF 48'000.-. En raison des nuisances engendrées par les travaux du G______, le loyer a toutefois été réduit à CHF 40'800.- (15 %), pendant une période initiale de vingt-deux mois, prorogée jusqu'au 31 décembre 2017, selon avenants des 17 octobre 2015 et 20 octobre 2016.

Il ressort de l'avis de fixation officiel que le loyer initial des locataires a été fixé sur la base de l'art. 269a let. a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), à savoir « les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier ».

Le précédent locataire était sorti le 31 août 2013 dudit appartement.

3.             Le 4 octobre 2017, l'Association genevoise des locataires (ci-après : Asloca) a, au nom et pour le compte des locataires, dénoncé au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : le département ou le DT), le fait que d'importants travaux de rénovation auraient été réalisés dans l'appartement sans avoir été préalablement autorisés. Le loyer était passé de CHF 37'440.- à CHF 48'000.- par année.

4.             Le 11 octobre 2017, une représentante du département a constaté sur place que l'agencement, le carrelage et la faïence de la cuisine avaient été remplacés et qu'une armoire encastrée avait été supprimée. Le lavabo de la salle de bain avait été changé. Les parquets avaient été poncés et vitrifiés, les plinthes étaient neuves et les murs, les plafonds, les radiateurs et les boiseries avaient été repeints.

5.             Le 16 octobre 2017, le DT a invité la propriétaire à lui faire part de ses observations et à produire les documents utiles relatifs aux travaux réalisés sans autorisation.

6.             Le 27 octobre 2017, la propriétaire a adressé les justificatifs suivants au département :

-          une facture du 19 août 2013, pour une intervention de dépannage par l'entreprise DEP SA, suite à un dégât d'eau provenant du WC d'un montant de CHF 118.80 ;

-          une facture du 12 octobre 2013 de l’entreprise H______ Sàrl (ci-après : H______), pour des travaux de parquets d'un montant de CHF 4'590.95 (réparation à plusieurs endroits - usure, ponçage et vitrification, ponçage fin, une couche de fond et deux couches de vernis, chambre et salon, poncés et imprégnés des seuils en bois, réparation suite au dégât d'eau, reprise du parquet) ;

-          une facture du 1er novembre 2013 de H______, pour des travaux de peinture d'un montant de CHF 20'235.-, réalisés dans : le hall (plafond, murs, plinthes), la chambre de droite 1 (plafond, corniches, murs, boiseries, plinthes de 30 cm, cadres et portes deux faces, cadres et fenêtre, 2 x armoires, radiateur et tuyaux), le salon (plafond, corniches, murs, boiseries, cadres et portes deux faces, cadres et fenêtre, radiateur et tuyaux, plinthes de 30 cm), la chambre 2 (plafond, boiseries, cadres et portes deux faces, cadres et fenêtre, radiateur et tuyaux, plinthes de 30 cm, armoire deux portes intérieure et extérieure complet), la chambre 3 (plafond, corniches, murs, boiseries cadres et portes deux faces, cadres et fenêtre, radiateur et tuyaux, plinthes de 30 cm), la cuisine (plafond et murs, boiseries, cadres et portes deux faces, cadres et fenêtre, 2 x armoires, radiateur et tuyaux) ainsi que la reprise de la peinture de deux volets et la peinture de la barrière garde-corps ;

-          une facture du 18 février 2014 de l'installateur sanitaire, se chiffrant à CHF 1'357.20 concernant, dans la cuisine, la pose et le raccordement de la batterie d'évier, de la bonde et du siphon ainsi que du bouchonnage de la conduite du lave-vaisselle et, dans la salle de bains, la pose d'un meuble lavabo avec raccordement du siphon et de la robinetterie ;

-          une facture du 5 mai 2014 de H______, de CHF 11'968.-, concernant un agencement de cuisine (évacuation de la cuisine existante, fourniture et pose d'un nouvel agencement, selon plans fournis, plan de travail en granit, pose d'appareils électroménagers, soit cuisinière, four encastré et vitrocéramique, hotte intégrée, évier) ;

-          une facture du 5 mai 2014 de H______, de CHF 3'030.-, concernant des travaux de carrelage dans la cuisine.

Enfin, un double vitrage a été installé en 2015 sur tout l’immeuble pour un montant de CHF 150'000.-.

7.             Le 23 novembre 2017, l'Asloca s'est enquise de l'avancement de l'instruction de l'affaire.

8.             Le département lui a répondu le 1er décembre 2017 qu'au titre de dénonciatrice, elle ne pouvait être informée du suivi et de l'issue de la procédure d'infraction.

9.             Après avoir, à réitérées reprises, demandé au département des nouvelles de la procédure, l'Asloca lui a, par courrier du 23 novembre 2018, imparti un délai au 20 décembre 2018 pour statuer.

10.         Le 29 novembre 2018, le département a ordonné à la propriétaire de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire (I/3______), réservant au surplus toute mesure et/ou sanction justifiée par la situation.

11.         Le 6 décembre 2018, la propriétaire a déposé une requête en autorisation de construire, laquelle a été enregistrée sous la référence APA 4______. La société C______ Sàrl (ci-après : C______) en était la requérante principale.

12.         En date du 10 décembre 2018, dans le cadre de l'instruction du dossier, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a considéré que les travaux concernés étaient des travaux d'entretien selon l'art. 3 al. 2 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Le coût de ceux-ci s’élevait à CHF 41'298.- (CHF 8'259.60 la pièce) et celui du remplacement obligatoire des fenêtres était de CHF 150'000.-. Ces travaux n'auraient aucune incidence sur les loyers.

13.         Par décision du 10 janvier 2019, au terme de l'instruction de la demande et au vu des préavis recueillis, le département a informé la propriétaire que les travaux relevaient de l'entretien et n'étaient pas assujettis à autorisation de construire.

14.         Le 21 janvier 2019, le département a informé l'Asloca que les travaux d'entretien réalisés n'étaient pas soumis à autorisation, de sorte que la procédure d'infraction était classée.

15.         Par courrier du 19 février 2019, adressé au département, les locataires, sous la plume de l'Asloca, ont contesté le classement de la procédure ainsi que la qualification des travaux. Si le département devait considérer son courrier du 21 janvier 2019, comme étant une décision, la présente valait alors recours. Les travaux effectués, de par leur envergure et leur coût, n'étaient pas des travaux d'entretien et devaient être soumis au contrôle de la LDTR.

16.         Le 27 février 2019, le département a transmis ce courrier au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) pour raison de compétence, lequel l’a traité comme un recours contre la décision du 10 janvier 2019 (A/5______).

17.         Par décision du 22 août 2019, le tribunal a ordonné l'appel en cause de D______ Sàrl.

18.         Par jugement du 19 mai 2020 (JTAPI/6______), le tribunal a rejeté le recours de Mme A______ et M. B______.

Il ressortait du dossier, notamment des factures produites, que l'appartement avait fait l'objet de travaux en 2013 et 2014 dans chaque pièce, à savoir dans la cuisine, dans la salle de bain et plus généralement, dans l'ensemble de l'appartement. Une partie des travaux avait été initiée suite à un dégât d'eau. Le remplacement des vitrages, résultant d’une obligation légale, ne devait pas être pris en considération.

S'agissant de la qualification des travaux, le rapport de visite du département du 11 octobre 2017 n'établissait pas que des améliorations considérables auraient été apportées au confort de l'appartement et l'OCLPF avait considéré que les travaux en question relevaient de l'entretien vu que leur coût (CHF 8'259.- la pièce) n'aurait aucune incidence sur les loyers. Les rénovations consécutives au dégât d’eau n’apparaissaient pas comme des améliorations considérables. Quant au nouvel agencement de la cuisine, bien que répondant aux attentes actuelles, il était d’un standard équivalent à l’ancienne. Ainsi, il n’apparaissait pas que le département ait outrepassé son pouvoir d’appréciation en estimant que ces travaux n'avaient pas engendré un accroissement considérable du confort existant avant travaux. Leur coût correspondait d'ailleurs aux montants considérés par la jurisprudence comme une indication de leur nature de "travaux relevant de l'entretien courant".

Enfin, l’ancien loyer était déjà supérieur aux besoins prépondérants de la population. Son augmentation n’avait dès lors par entraîné de changement qualitatif, dans l’hypothèse où l’augmentation du loyer serait liée aux coûts des travaux.

19.         Mme A______ et M. B______ ont formé recours contre ce jugement le 26 juin 2020.

20.         Par arrêt du 22 décembre 2020 (ATA/7______), en force, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis leur recours, annulé le jugement précité ainsi que la décision du DT du 10 janvier 2019 et renvoyé le dossier au DT pour instruction dans le sens des considérants et nouvelle décision.

Déterminer si l’on était en présence de travaux de rénovation soumis à autorisation (art. 3 al. 1 LDTR) ou de travaux d’entretien non assujettis à la LDTR (art. 3 al. 2 LDTR) impliquait en particulier d’identifier leur nature, leur ampleur, leur coût et leur impact éventuel sur le loyer.

En l'espèce, le locataire ayant précédé les recourants avait quitté le logement à fin août 2013 et s'acquittait du même loyer annuel depuis 2004, de CHF 37'440.-. Le loyer avait donc été augmenté de 28 % pour être fixé à CHF 48'000.- lors de la prise à bail des recourants, sur la base du critère des loyers usuels du quartier (I______). La réduction temporaire de loyer due aux travaux du G______ et le remplacement des fenêtres de l'immeuble par du double vitrage en 2015 n'étaient pas pertinents.

Avant l'emménagement des recourants, selon facture du 1er novembre 2013, la peinture avait été refaite dans l'intégralité de l'appartement, soit le hall, le salon, les trois chambres, le WC et la salle de bains (plafonds, murs, boiseries, radiateurs, tuyaux et armoires), pour un montant total de CHF 20'235.-. S'y étaient ajoutés le remplacement de l'agencement de la cuisine et la pose d'un nouveau carrelage entre-meubles et, dans la salle de bains, le remplacement d'un lavabo fissuré. Le parquet avait été réparé, poncé et vitrifié au salon et dans une chambre.

Le rapport de visite du département du 11 octobre 2017 n'établissait pas que des améliorations auraient été apportées au confort de l'appartement et l'OCLPF avait considéré que les travaux en question relevaient de l'entretien et que leur coût (CHF 8'259.- la pièce) n'aurait pas d’incidence sur les loyers. La jurisprudence considérait qu’un tel prix était une indication que les travaux relevaient de l’entretien courant.

Si le nouvel agencement de la cuisine avait sans doute apporté une amélioration dans le sens d'une remise au goût du jour, renforcée par le changement du carrelage et des faïences entre-meubles, les photographies du dossier révélaient que l'ancienne cuisine était d'un standard équivalent au moment de son installation.

Il restait néanmoins qu'une partie des travaux, qui représentait un montant global de CHF 24'943.80 aux dires de la propriétaire, aurait été initiée suite à un dégât d'eau en août 2013, ce qui serait attesté par le devis du 1er octobre 2013 qui évoquait les dégâts causés par les remontées par capillarité et la nécessité d'arracher les tapisseries et de repeindre l'ensemble des boiseries par souci de conformité entre les divers éléments, et par la facture du 12 octobre 2013 s'agissant des parquets. Or, il n'était pas possible, sur la base de ces seuls devis et facture, de retenir que l'intégralité des travaux concernés était bien en lien de causalité avec ledit sinistre. Il ne ressortait en particulier pas du dossier du département, pas plus que de celui de l'appelée en cause, si ledit sinistre avait été annoncé à la compagnie d'assurance bâtiment et dans l'affirmative, dans quelle mesure celle-ci était entrée en matière et aurait indemnisé la propriétaire. Autrement dit, si une assurance avait couvert l'intégralité ou la majeure partie des travaux en cause, il pouvait en être déduit qu'ils étaient bien la conséquence du sinistre, ce qui n'était en l'état nullement démontré. Dans le cas contraire, l'appréciation pourrait être différente et les travaux en cause qualifiés, en tout ou partie, de travaux différés.

La cause était partant renvoyée au département pour instruction sur ce point et nouvelle décision.

21.         Le 11 février 2021, la propriétaire a transmis au département plusieurs documents dans le cadre de l’instruction sur renvoi de la chambre administrative, dont notamment :

-        un rapport daté du 2 février 2021 rédigé, sur demande de la propriétaire, par H______, alors chargée des travaux de réparation suite aux dégâts d’eau de 2013. Il ressortait de ce rapport qu’ils avaient été convoqués le 12 juin 2013 pour faire une offre pour quelques retouches de peinture dans l’appartement. Ils avaient constaté le bon état général des peintures, qui avaient été photographiées et étaient jointes au rapport. Quelques retouches pouvaient enlever les légères marques sur les murs et les quelques fines fissures peu visibles au niveau des plafonds. Un devis d’un montant de CHF 1'975.- avait été envoyé. Les travaux selon ce devis n’avaient pas été réalisés car, à la sortie du locataire, un dégât d’eau avait eu lieu dans cet appartement. Le 27 septembre 2013, ils avaient été à nouveau convoqués afin de faire une offre complémentaire consécutive au dégât d’eau. Ils avaient constaté que les parquets, boiseries, murs peints en émail et murs « papiers&peintures » avaient été touchés par un sinistre, les peintures et papiers avaient été touchés par capillarité. Les peintures faites en émail partaient en gros et les papiers se décollaient à même la main. Certains parquets, notamment devant les WC dans le hall, se disloquaient comme un puzzle et de la moisissure était présente sous le parquet. Des photographies étaient jointes à l’appui de ces constatations. Étant donné les différences de teintes sur les peintures après réparation et dans le but d’avoir une uniformité dans cet appartement de standing, ils avaient repris le reste des peintures. Le coût des travaux suite au dégât d’eau avait été de CHF 20'235.- TTC au niveau des peintures car les parties non touchées par le sinistre étaient en bon état et avaient pu se raccorder facilement avec un coup de peinture. Le prix des travaux de peinture pour ce type d’appartement, lors d’une rénovation complète de ce type d’appartement, avoisinait CHF 40'000.-. Dans ce cas, l’appartement avait été régulièrement entretenu au niveau des peintures et une rénovation complète n’était pas requise. Ils avaient réparé les conséquences du sinistre et remis un coup de blanc pour l’uniformité.

-        une attestation du 11 février 2021 de la régie qui gérait l’immeuble, confirmant que les personnes en charge de sa gestion en 2013 n’avaient malheureusement pas effectué de déclaration auprès de la compagnie d’assurance de l’immeuble.

S’agissant de l’agencement de la cuisine, le rapport précité comprenait une photographie de l’ancien agencement, semblable au nouveau. Il ne s’agissait donc pas d’améliorer le confort, mais d’assurer un bon entretien.

22.         Interpellée dans ce cadre, l’OCLPF a émis un préavis en date du 8 juin 2021 avec la mention : « pas concerné ».

S’agissant des travaux de l’entretien courant, les coûts s’élevaient à CHF 22'642.- au total, soit CHF 4'528.- par pièce et concernaient l’agencement de la cuisine (CHF 11'968.-), les travaux sanitaires pour l’agencement de la cuisine (CHF 1'357.-), le carrelage (CHF 3'030.-), le parquet (CHF 259.-) et la peinture (CHF 6'028.-).

Les coûts des travaux réalisés suite aux dégâts d’eau, qui s’élevaient à un montant de CHF 18'657.-, soit CHF 3'731.- par pièce, concernaient la fuite des WC (CHF 118.-), l’entretien du parquet (CHF 4'331.-) et la peinture (CHF 14'207.-).

Le sinistre n’avait pas été déclaré auprès de la compagnie d’assurance de l’immeuble. La propriétaire n’était donc pas en mesure de fournir une pièce attestant la prise en charge de ces travaux par l’assurance.

Les pièces du dossier démontraient que les travaux susmentionnés avaient été exécutés suite aux dégâts d’eau. En effet, l’attestation du 2 février 2021 de la société H______ précisait de façon explicite que des travaux supplémentaires avaient dû être réalisés suite auxdits dégâts. En outre, le devis estimatif, envoyé à J______ Sàrl, pour les travaux de peinture avant les dégâts d’eau était de CHF 1'975.- alors qu’après les dégâts d’eau, le montant était de CHF 20'235.- (concernait uniquement la peinture). Aussi, le reportage photographique daté du 12 juin 2013 (avant les dégâts d’eau) attestait les dommages occasionnés par les dégâts d’eau.

Ainsi, au vu du dossier, il convenait de considérer que les travaux avaient été réalisés suite aux dégâts d’eau afin de remettre les lieux en l’état. Ils auraient d’ailleurs pu faire l’objet d’un remboursement par la compagnie d’assurance de l’immeuble s’ils avaient été déclarés.

Par conséquent, les travaux visés par la demande en autorisation de construire devaient être qualifiés de travaux d’entretien non différés dans le temps. Il s’agissait, en effet, de travaux d’entretien courant d’une part et, d’autre part, de remise en l’état. En effet, de par leur nature, ces travaux relevaient de l’entretien courant et leur ampleur ainsi que leurs coûts de CHF 8'259.- par pièce correspondaient aux critères retenus par la jurisprudence.

Il retenait enfin que le loyer avant les travaux était supérieur aux besoins prépondérants de la population. Dans ces conditions, l’augmentation du loyer après les travaux n’avait pas entraîné de changement qualitatif du logement, dans l’hypothèse où l’augmentation de loyer aurait été liée aux coûts des travaux. Toutefois, dans le cas présent, le bailleur a justifié l’augmentation du loyer en se basant sur le critère des loyers usuels du quartier de I______.

23.         Par décision du 9 juillet 2021, annulant et remplaçant celle du 10 janvier 2019, le DT a retenu que, au vu des divers documents transmis à l’OCLPF et du préavis dudit office émis le 8 juin 2021, les travaux n’étaient pas soumis à autorisation de construire au motif qu’ils relevaient de l’entretien.

24.         Par acte du 8 septembre 2021, Mme A______ et M. B______, sous la plume de l’Asloca, ont recouru contre cette décision auprès du tribunal. Ils ont conclu à son annulation et cela fait, à ce qu’il soit constaté que les travaux entrepris dans l’appartement étaient soumis à la LDTR et devaient faire l’objet d’une autorisation de construire conforme à cette loi, avec fixation d’un loyer maximal après travaux, le tout sous suite de frais et dépens.

Avant leur emménagement, des travaux de pose de carrelage, en complément de carreaux/faïences abîmés entre-meubles, de même que la pose d'un nouveau sol sur un carrelage existant dans les WC et à la salle de bains, la pose d'une coque acrylique sur une baignoire et la peinture des murs et plafonds de toutes les pièces permettant un rafraîchissement de l'appartement avaient été effectués selon factures et devis produits. Ces travaux ne correspondaient pas dans leur intégralité à des travaux couramment réalisés lors d'un changement de locataire, en particulier la pose des carrelages. Cela valait également pour les travaux réalisés en sus dans la cuisine, la peinture des armoires et du plan de travail ainsi que pour le remplacement de l'électroménager.

La majoration du loyer après travaux était de près de 30 %.

Le pourcentage du coût des travaux par pièce devait être relativisé en présence d’un grand logement (5 pièces et plus), les travaux importants se faisant principalement dans la cuisine et la salle de bain, nécessairement présentes dans les petits logements. Malgré une hausse relative en pourcent, l’augmentation affectait un loyer déjà très élevé et les travaux seraient amortis en 4 ans. Dans la mesure où la durée de vie d’une cuisine était estimée entre 25 et 30 ans et que la durée d’amortissement de peintures était située entre 10 et 15 ans, il était difficile de concevoir que l’augmentation de loyer ne serait que relative et viserait à financer des travaux d’entretien. Ils doutaient que les travaux étaient de purs travaux d’entretien également au motif que l’appartement était resté vacant plus de cinq mois, aucun locataire ne souhaitait le louer dans cet état et au « loyer recherché ».

En outre, l’office n’avait nullement instruit la question de l’entretien de l’appartement au fil des années mais uniquement avant leur entrée dans l’appartement. Le fait qu’une partie des travaux effectués au changement de locataire ait été rendue nécessaire en partie par un dégât d’eau ne suffisait pas à lui seul à déterminer que ces travaux ne seraient pas des travaux d’entretien différés. Enfin, s’il était manifeste que la configuration de la cuisine était restée la même avant et après les travaux, les matériaux choisis étaient de meilleure qualité et de plus belle facture.

25.         Le 19 novembre 2021, la propriétaire a présenté ses observations et a conclu préalablement à l’apport des procédures APA 4______ et A/5______ LDTR et, au fond, au rejet du recours, le tout sous suite de frais et dépens.

S’agissant de la question de savoir si les travaux de remplacement de l'agencement de la cuisine, la pose d'un nouveau carrelage entre-meuble et dans la salle de bain, le remplacement d'un lavabo fissuré, la réparation, le ponçage et la vitrification du parquet dans le salon et une pièce, étaient des travaux ayant amélioré le confort, la chambre administrative avait déjà répondu par la négative (ATA/7______, p. 17). Il y avait sur ce point autorité de chose jugée.

La seule question qui était soumise au DT était celle de savoir si les autres travaux avaient été rendus nécessaires par le dégât d'eau survenu en 2013 et si, le cas échéant, ce sinistre aurait été indemnisé par la compagnie d’assurance du bâtiment du propriétaire, ce qui indiquerait que lesdits travaux étaient bien la conséquence du premier.

Or, sur la base des preuves nouvellement fournies, le DT avait jugé que ces travaux ne pouvaient être considérés comme des travaux différés et qu’ils n’étaient dès-lors pas soumis à autorisation au sens de la LDTR.

Dans ces conditions, seul le Tribunal des baux et loyers était compétent pour juger si le loyer était abusif ou non. Pour cela, le locataire devait avoir saisi la commission de conciliation en matière de baux et loyers dans le délai de 30 jours à compter de l'entrée en possession. Le DT n'avait aucune compétence pour fixer un loyer après travaux non soumis à autorisation.

Si le tribunal devait avoir le moindre doute, il pourrait faire entendre Messieurs K______, chargé de l’entretien de ses immeubles, et L______, associés de l’entreprise H______, pourraient, au besoin, être entendus comme témoins par le tribunal.

26.         Le 22 novembre 2021, le département a transmis le dossier relatif à l’APA 4______ et a fait part de ses observations, s’en rapportant à justice quant à la recevabilité du recours et concluant au fond à son rejet sous suite des dépens de l’instance.

Les travaux litigieux correspondaient de par leur nature et leurs coûts à des travaux relevant de l’entretien conformément à la jurisprudence. À cela s’ajoutait que le loyer de l’appartement était déjà supérieur aux besoins prépondérants de la population de sorte que sa hausse n’avait pas entraîné, de ce point de vue, un changement qualitatif, dans l’hypothèse où l’augmentation de loyer serait liée aux coûts des travaux. Au vu de ces éléments et du préavis de l’instance spécialisée, il n’avait pas excédé son pouvoir d’appréciation en estimant que les travaux contestés n’étaient pas assujettis à la procédure d’autorisation de construire. Le fait que les travaux réalisés en 2013 pour un montant de près de CHF 25'000.- étaient consécutifs, pour partie, à un dégât d’eau, corroborait ce qui précédait.

Il n’avait pas à instruire la question de l’entretien de l’appartement avant leur occupation, la chambre administrative ayant précisément renvoyé le dossier pour instruction du coût des travaux consécutifs au dégât d’eau afin d’identifier si ceux-ci pouvaient être qualifiés, en tout ou partie, de travaux différés. Or, il ressortait des pièces du dossier et de l’instruction effectuée qu’un dégât d’eau avait bien eu lieu et qu’il avait nécessité des travaux. Si ce sinistre n’avait pas été annoncé à la compagnie d’assurance, les pièces produites permettaient de constater le lien de corrélation entre le sinistre et les travaux de remise en état. Ainsi, l’hypothèse des travaux d’entretien différés pouvait être écartée.

Il n’avait pas non plus à instruire l’ensemble des travaux faits au fil des années. En effet, l’arrêt de renvoi ne contenait pas une telle instruction et le fait d’avoir établi que les travaux étaient liés à un dégât d’eau permettait d’exclure cette hypothèse puisqu’ils représentaient des travaux d’entretien.

27.         Par courrier du 29 novembre 2021, le conseil de la propriétaire a confirmé au tribunal qu’il agissait également au nom et pour le compte de C______, avec élection de domicile. Il n'a pas déposé d'écritures propres concernant cette dernière.

28.         Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti pour ce faire.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             La propriétaire propose l’audition de Messieurs K______ et L______.

5.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 139 II 489 consid. 3.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2 ; 135 I 279 consid. 2.3 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.1 ; 6B_424/2013 du 5 juin 2014 consid. 2.3.2 ; 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1).

6.             Le droit d'être entendu ne confère pas le droit à une audition orale, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

7.             En l'occurrence, le tribunal dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. Procédant à une appréciation anticipée des preuves, il considère que la tenue des auditions proposées ne sera pas de nature à changer sa conviction. Il ne sera dès lors pas donné suite à l’instruction proposée.

8.             À titre préliminaire, il convient de rappeler que la décision querellée a été prise suite au renvoi de la cause par la chambre administrative au département pour instruction et nouvelle décision. L’instruction devait porter sur la question de savoir si les travaux à hauteur de CHF 24'943.80 annoncés par la propriétaire avaient été causés par le dégât d’eau, ce qui n’était alors pas démontré (ATA/7______, consid. 6 in fine).

Les recourants soutiennent que les travaux entrepris dans l’appartement seraient soumis à la LDTR et auraient dû faire l’objet d’une autorisation de construire.

9.             La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

10.         Selon l'art. 3 al. 1 let. d LDTR, sont qualifiés de transformation les travaux qui ont pour objet la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de travaux d'entretien. A teneur de l'art. 3 al. 2 LDTR, ces derniers, non assujettis à la LDTR, s'entendent des travaux courants qui font partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation ; les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.

La distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation peut être délicate à opérer. Le critère de l'accroissement du confort existant est ainsi déterminant pour distinguer des travaux de transformation des travaux d'entretien, la LDTR ne devant pas instituer un contrôle général des loyers. Il est toutefois possible de s'en écarter lorsque l'importance des travaux justifie d'assimiler les travaux de rénovation à des travaux de transformation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.1.2 et la référence citée ; 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5).

De jurisprudence constante, il est admis, s’agissant de la distinction entre travaux d’entretien et de rénovation (ou transformation) consacrés à l’art. 3 LDTR, de tenir un raisonnement en deux temps, à savoir :

-        examiner d’abord si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l’entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation. Dans le prolongement de cette distinction, la jurisprudence a admis que des travaux d’entretien sont susceptibles d’aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR en raison d’une incidence directe de ceux-ci sur le loyer du logement (ATA/328/2013 du 28 mai 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2014 du 13 février 2014) ou lorsque, n’ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l’existence de l’immeuble, ou encore parce qu’ils n’ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d’une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l’immeuble (ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/135/2011 du 1er mars 2011 et la jurisprudence citée ; A. MAUNOIR, "La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence", in RDAF 1996 p. 314 et la jurisprudence citée). On parle alors aussi de "travaux d'entretien différé dans le temps" (E. GAIDE/V. DEFAGO GAUDIN, op. cit., ch. 2.5.3 p. 193 et l'arrêt cité).

-        puis s’attacher à l’ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer, dès lors qu’il pourrait en résulter un changement d’affectation qualitatif des logements, au risque que le loyer de ces derniers ne réponde plus aux besoins prépondérants de la population (ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 et les références citées). S'agissant du cas d'espèce, il y a lieu de tenir compte du fait qu'un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population lorsque son loyer est compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'État du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, publié dans la FAO du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR, en vigueur à l’époque où les travaux ont été entrepris ; cf. ATA/440/2015 du 12 mai 2015 consid. 7), ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l’art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur (Arrêté déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 4 février 2009 - ArAppart - L 5 20.03 ; cf. ATA/440/2015 du 12 mai 2015 consid. 7), il y avait et a toujours pénurie dans toutes les catégories d'appartements de 1 à 7 pièces inclusivement.

11.         L'exécution par le bailleur des travaux de remise en état auxquels il est tenu, en vertu des art. 259a et 259b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), ne procure en général pas un confort supplémentaire au locataire, par rapport à ce qui est convenu dans le contrat de bail. Il s'agit au contraire de la suppression des défauts graves, soit de ceux qui empêchent ou qui entravent considérablement l'usage pour lequel la chose a été louée, ou des défauts de moyenne importance, soit de ceux qui restreignent l'usage prévu, mais ne l'entravent pas considérablement. Les remises en état qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de la chose louée en l'état tombent en revanche sous le coup de l'art. 3 al. 1 let. d LDTR. De même, le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 3 al. 2 LDTR est compatible avec le droit fédéral, dans la mesure où cette disposition complète l'art. 3 al. 1 let. d LDTR en décrivant certains types de travaux qui ne seraient pas soumis à autorisation. L'art. 3 al. 2 LDTR n'a qu'une valeur d'exemple et laisse la place à l'application d'autres critères, comme l'importance des travaux ou l'accroissement du confort existant. Il permet à l'autorité d'application de renoncer à soumettre à autorisation des travaux qui seraient imposés au bailleur en vertu du droit privé, respectant en cela la primauté du droit civil fédéral. En d'autres termes, les travaux d'entretien non assujettis à la LDTR sont ceux que le bailleur est tenu d'effectuer au regard de son obligation d'entretien de la chose louée prescrite par l'art. 256 al. 1 CO. Il s'agit des travaux réguliers et raisonnables qui n'ont pas été différés dans le temps et qui tendent à remédier à l'usure normale de la chose et à maintenir l'ouvrage dans son état en réparant les atteintes dues au temps ou à l'usage. Encore faut-il qu'ils n'engendrent pas un accroissement du confort existant et que leur coût total soit raisonnable (arrêt 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5 ; cf. aussi arrêt 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.1.2).

12.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le DT ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e ; ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7d ; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e).

13.         En l’espèce, le département a retenu dans la décision querellée que, au vu des divers documents transmis à l’OCLPF et du préavis de ce dernier du 8 juin 2021, les travaux n’étaient pas soumis à autorisation de construire au motif qu’ils relevaient de l’entretien.

À l’instar de l’OCLPF, suivi par le département, le tribunal retient qu’il peut être déduit du rapport de H______ et de son devis estimatif des travaux de peinture établi avant le sinistre qu’une partie des travaux correspondait à des travaux de remise en l’état rendus nécessaires par la survenance d'un dégât d'eau. De surcroît, l’auteur du rapport estimait que l’appartement avait été régulièrement entretenu au niveau des peintures et qu’une rénovation complète n’était pas nécessaire. Le fait pour la régie d’avoir omis d’annoncer le sinistre à la compagnie d’assurance de l’immeuble, bien que cela puisse paraître étonnant pour des professionnels de l’immobilier, ne permet pas de retenir que les explications ci-dessus ne seraient pas conforme à la réalité. Enfin, il ne ressort pas du dossier que ces travaux auraient dépassé la stricte nécessité de remettre en état l'appartement suite au dégât d’eau afin d'assurer le maintien de la chose louée et que le confort aurait été augmenté dans une mesure notable.

Pour déterminer le montant relatif à ces travaux de remise en l’état, la propriétaire a avancé un montant de CHF 24’943.80 comprenant les frais de dépannage WC ainsi que la totalité des frais relatifs à la peinture et au parquet. L’OCLPF a, pour sa part, retenu un montant de CHF 18'657.-, attribuant une partie des frais relatifs à la peinture et au parquet à de l’entretien courant. Le tribunal estime que ce dernier montant peut au minimum être retenu comme correspondant aux travaux de remise en l’état consécutifs au sinistre. Prenant en compte ces éléments, l’OCLPF a retenu que l’ensemble des travaux devait être qualifié de travaux d’entretien non différés dans le temps de par leur nature, leur ampleur et leur coût par pièce. Les recourants ne fournissent aucun élément probant permettant de considérer que cette appréciation serait erronée.

Par conséquent, le tribunal retiendra que le département a correctement usé de son pouvoir d’appréciation en retenant que l’ensemble des travaux, composé des travaux de remise en l’état susmentionnés et de travaux relevant de l’entretien courant, sur lesquels il n’y a pas lieu de revenir, correspondaient à des travaux d’entretien et que, de ce fait, ils n’étaient pas soumis à autorisation.

14.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

16.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, sera allouée à D______ Sàrl (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 septembre 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du 9 juillet 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, à verser à D______ SÀRL une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Manuel BARTHASSAT, Claire BOLSTERLI, François HILTBRAND, Ricardo PFISTER, juges assesseurs

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière