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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/969/2021

JTAPI/220/2022 du 08.03.2022 ( DSES ) , REJETE

REJETE par ATA/695/2023

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;DISSIMULATION(CHOSES; FAITS);PRESTATION D'ASSISTANCE
Normes : Cst.29.al2; LEI.63.al1.leta; LEI.62.al1.leta; LEI.63.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/969/2021

JTAPI/220/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mars 2022

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Roxane SHEYBANI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1983, est ressortissante ukrainienne.

2.             Elle a bénéficié d’une autorisation de séjour de courte durée de type L, valable du 1er janvier au 31 mars 2004, en vue de travailler en qualité d’artiste de cabaret dans le canton.

3.             Par requête du 17 avril 2004, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’un titre de séjour afin de suivre des cours de français auprès de l’école B______. Arrivée en Suisse le 5 janvier 2004, elle avait l’intention de retourner en Ukraine au terme de ses études, prévu le 30 mars 2005.

À teneur du curriculum vitae joint, elle avait fréquenté une université en Ukraine, de septembre 2000 à mai 2003, et avait travaillé, en qualité de « Consultant Manager », dans un hôtel en Ukraine de juin à novembre 2003.

4.             Suite à cette requête, Mme A______ s’est vue délivrer un permis de séjour temporaire pour études, valable du 21 juin 2004 au 30 juin 2005.

5.             Faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM, l’école B______ a précisé, par courriel du 31 mai 2005, que Mme A______ avait fréquenté son établissement du 19 avril au 25 mai 2004.

6.             Par décision du 29 juillet 2005, l’OCPM a révoqué l’autorisation de séjour de Mme A______ et lui a imparti un délai au 29 octobre 2005 pour quitter la Suisse.

7.             Suite à l’attestation établie le 24 août 2005 par l’école B______, à teneur de laquelle Mme A______ avait suivi des cours intensifs de français de janvier à juillet 2005 et s’était réinscrite pour la période allant de septembre 2005 à juin 2006, l’OCPM, revenant sur sa décision du 29 juillet 2005, a informé la précitée de la prolongation de son titre de séjour, jusqu’au 30 juin 2006 au plus tard, terme prévu de ses études.

8.             Par formulaire du 16 mai 2006, Mme A______ a informé l’OCPM de son déménagement, dès le 1er mai 2006, à la rue de C______.

9.             Par formulaire du 10 juin 2006, Mme A______ a informé l’OCPM de son départ du canton, dès le 30 juin 2006, à destination du canton de Vaud, étant précisé que l’arrivée de cette dernière a été confirmée à l’OCPM par le service du contrôle des habitants vaudois à compter du 10 juillet 2006.

10.         Le 21 juin 2006 a été célébré dans le canton de Vaud le mariage de Mme A______ et de Monsieur D______, ressortissant français titulaire d’un permis d’établissement et alors domicilié dans le canton de Vaud.

Il ressort du registre informatisé Calvin de l’OCPM que M. D______ a été marié à deux reprises à Genève avant d’épouser Mme A______, ces deux unions s’étant soldées par un divorce.

11.         Suite à cette union, Mme A______ s’est vue délivrer une autorisation de séjour UE/AELE de type B, dont la validité a été régulièrement prolongée jusqu’au 20 juin 2011.

12.         Le 4 octobre 2007, le service du contrôle des habitants vaudois a informé l’OCPM que Mme A______ avait quitté le canton de Vaud le 30 septembre 2007 à destination du canton de Genève, à l’adresse rue de C______.

13.         Mme A______ a confirmé à l’OCPM son arrivée à l’adresse genevoise précitée, par formulaire du 31 octobre 2007.

14.         Par requête du 8 juin 2010, l’entreprise E______SA a annoncé à l’OCPM l’engagement de Mme A______ pour une durée indéterminée, en qualité d’auxiliaire de restauration, à hauteur de vingt-et-une heures hebdomadaires, moyennant un salaire horaire brut de CHF 21.-.

15.         Par requête du 15 avril 2011, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM le renouvellement de son titre de séjour.

16.         Deux procès-verbaux de saisie et d’actes de défaut de biens ont été émis, le 20 avril 2011, par l’office des poursuites, pour des montants de respectivement CHF 5'722.05 et CHF 7'989.10 en faveur de F______SA, à l’encontre de Mme A______.

17.         Le 27 juin 2011, Mme A______ s’est vue délivrer une autorisation d’établissement, dont le délai de contrôle était fixé au 20 juin 2016.

18.         Par formulaire du 9 novembre 2011, Mme A______ a informé l’OCPM de son déménagement, à compter du 1er novembre 2011, de la rue C______ à l’avenue G______, étant précisé que ce changement d’adresse concernait également son époux.

19.         Figurent notamment au dossier de l’OCPM relatif à Mme A______ :

-          des certificats médicaux établis par le Docteur H______ les 18 janvier 2012, 20 février et 15 mai 2013, à teneur desquels l’affection médicale dont souffrait Mme A______ n’était pas compatible avec les horaires irréguliers appliqués dans le domaine de la restauration, de sorte qu’il avait recommandé à cette dernière de chercher un autre emploi que celui de serveuse ;

-          des certificats d’incapacité totale de travail de Mme A______ pour les périodes allant du 20 février 2013 sans mention de date de fin, puis du 1er avril 2014 au 3 juillet 2014, étant précisé qu’elle avait été hospitalisée du 12 juin au 3 juillet 2014 ;

-          des certificats de travail selon lesquels elle avait travaillé du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2010 pour l’établissement I______ en tant qu’aide au service, du 3 juin 2010 au 31 octobre 2011 comme auxiliaire de restauration pour le compte de E______SA ; une attestation de formation « Perfecto » dans la branche « Service » et de réussite de l’examen final y relatif établi en décembre 2012 par J______ ; un contrat de stage du 12 au 31 décembre 2014 d’aide-vendeuse au sein de la boutique K______; quatre courriers de refus, datés du 30 décembre 2013 au 10 juin 2014 adressés à Mme A______ suite à des postulations effectuées par cette dernière dans le domaine de la vente.

20.         Par pli du 25 novembre 2013, l’OCPM a requis auprès de Mme A______ la transmission des justificatifs relatifs à son adresse actuelle ainsi qu’une déclaration écrite confirmant le ménage commun avec M. D______.

Cet envoi, adressé par pli postal à l’adresse rue de C______, a été retourné à l’expéditeur, l’enveloppe y relative portant la mention « Le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

21.         Par courrier du 28 janvier 2014, Mme A______ a informé l’OCPM, sous la plume de son conseil, qu’elle souhaitait introduire une demande unilatérale en divorce. Ne connaissant pas le domicile de M. D______, dont elle était séparée et sans nouvelles depuis plus de deux ans, elle a demandé à cet office de lui communiquer son adresse ou une attestation de départ, pensant que ce dernier avait quitté le territoire genevois.

22.         Entendue dans les locaux de l’OCPM lors d’un entretien le 4 février 2015, Mme A______ a indiqué séjourner à l’adresse avenue G______. Elle avait quitté la rue de C______ durant l’été 2011, ce changement d’adresse ayant été annoncé à l’OCPM en novembre 2011. La raison pour laquelle elle était inconnue de la régie en charge de l’immeuble sis rue de C______ était qu’elle n’était plus domiciliée à cette adresse. Elle avait rencontré M. D______ en 2005, par le biais d’amis communs, puis avait emménagé chez ce dernier, dans le canton de Vaud, début 2006. Sa famille et sa belle-famille, qui ne vivaient pas en Suisse, n’étaient pas présentes lors de la célébration du mariage, excepté le frère de M. D______ et son épouse, qui étaient leurs témoins de mariage, avec un ami de M. D______. Son époux n’était pas très proche de sa famille et, excepté le frère de ce dernier, elle avait rencontré son père, à une reprise, et son fils, Monsieur L______, qui ne l’appréciait pas beaucoup. Son époux ne connaissait aucun membre de sa famille, dès lors qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de se rendre en Ukraine, mais il avait parlé au téléphone à plusieurs reprises avec sa mère. Le couple s’était définitivement séparé en 2012, étant précisé que M. D______ passait beaucoup de temps en France. Ce dernier avait quitté le domicile conjugal, soit l’appartement à la rue de C______, en 2011 pour aller, d’après celui-ci, vivre en France.

Informée par l’OCPM qu’il ressortait des informations à sa disposition que son mariage était « en réalité un mariage de complaisance et qu’il a[vait] été célébré contre versement d’argent », Mme A______ a répondu que ceci était « absolument faux ». Elle était vraiment amoureuse de M. D______ mais, au vu des absences de Suisse de celui-ci, ils avaient jugé préférable de se séparer. Interrogée par l’OCPM quant au fait qu’il avait été informé que le précité avait quitté définitivement la Suisse depuis 2008, elle a répondu que cette allégation était, à nouveau, fausse. À compter de 2011, son époux se rendait régulièrement en France, pour des séjours ne dépassant pas un mois, afin, selon ses explications, d’y chercher un emploi, dès lors qu’il n’arrivait pas à trouver de travail en Suisse. En 2012, elle n’avait plus eu aucune nouvelle de lui, jusqu’à ce que l’avocat de ce dernier lui indique qu’il était d’accord d’entamer une procédure de divorce à l’amiable. Questionnée quant à la façon dont son mariage avait pu perdurer après 2008 alors que M. D______ ne vivait plus en Suisse, Mme A______ avait répondu qu’il arrivait au précité de s’absenter de Suisse, mais jamais pour de longues périodes, sans qu’elle ne puisse indiquer les dates exactes. Elle était actuellement assistée par les services sociaux et était également tombée malade. Très motivée pour retrouver un emploi, elle pensait que ses recherches y relatives devraient bientôt aboutir. Depuis son arrivée en Suisse, elle était retournée en Ukraine en 2010 et fin 2014. Elle n’avait aucune famille sur le sol helvétique. Elle n’avait jamais vraiment eu de contacts avec son père et sa mère était décédée en 2011. Elle n’avait ni frère ni sœur en Ukraine, mais uniquement des grands-parents. Après s’être vue rappeler la teneur des art. 90 (obligation de collaborer) et 118 LEI (comportement frauduleux à l’égard des autorités), elle a confirmé ses déclarations.

23.         Par courriel du 5 mai 2015 rédigé en anglais, Madame M______, ressortissante australienne établie dans son pays, faisant suite à un courrier de demande de renseignements que lui avait adressé l’OCPM le 18 décembre 2014, a expliqué que M. D______ avait vécu avec elle en Australie depuis la première semaine d’avril 2008 jusqu’en octobre 2013, étant précisé qu’ils s’étaient mariés le 2 juillet 2008. Elle a communiqué à l’OCPM l’adresse actuelle de M. D______ en Australie ainsi que son n° de téléphone, tout en précisant que le fils de ce dernier était également résident australien depuis début avril 2008. Elle a en outre indiqué que M. D______ avait été marié avec une « jeune fille en Suisse » juste avant leur union en Australie. Toutefois, M. D______ n’avait « jamais vécu avec cette fille », avec laquelle il s’était marié « pour les papiers ». Le précité avait agi de la sorte « comme faveur à son amie, et il a[vait] été payé pour ses services ». L’argent relatif à ce service avait été transféré à M. D______ par le biais du compte bancaire de son fils à Genève et avait ensuite été retiré en Australie. En parallèle, M. D______ avait perçu des indemnités-chômage de la part des autorités suisses durant environ six mois après son arrivée en Australie, étant précisé qu’il avait été chômeur, tant en Suisse qu’en Australie.

24.         Par jugement du 26 mai 2016 entré en force de chose jugée le 10 juin 2016, le divorce de Mme A______ et de M. D______ a été prononcé par le Tribunal de première instance.

25.         Par formulaire K (« Renouvellement/prise d’emploi/changement d’employeur ») du 23 août 2016, Mme A______ a requis le « renouvellement » de son autorisation d’établissement.

26.         Le 23 août 2016, un nouveau délai de contrôle a été fixé au 20 juin 2021, s’agissant de la validité de l’autorisation d’établissement « membre de la famille d’un citoyen UE/AELE » de la précitée.

27.         Par courrier du 20 novembre 2020, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de proposer au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, devenu le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS ou le département), la révocation de son autorisation d’établissement, en application des art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

La partie « En fait » de ce courrier d’intention précisait notamment que cet office avait appris, par courrier du 14 décembre 2012, que M. D______ s’était installé en Australie dès début 2008 auprès de Mme M______, qu’il avait épousée le 2 juillet 2008 en Australie, sans attendre que son divorce avec Mme A______ ne soit prononcé. Mme M______ avait également confirmé que M. D______ avait épousé Mme A______ contre rémunération, afin de rendre service à l’un de ses amis. Il ressortait d’un rapport d’enquête de l’OCPM du 17 avril 2013 que Mme A______ et son époux n’avaient jamais vécu à l’adresse alléguée, soit rue de C______, leurs noms étant inconnus de la régie en charge de cet immeuble et ne figurant nulle part à cette adresse. Faisant suite à une demande de renseignements du 25 novembre 2013, Mme M______ avait précisé, par courriel du 15 mai 2015, que M. D______ avait vécu avec elle dès début avril 2008 jusqu’en octobre 2013 et qu’elle était au courant que son époux avait contracté un mariage de complaisance en 2006 afin de percevoir des prestations de l’aide sociale depuis l’Australie, ces prestations ayant été versées par Mme A______ sur un compte intermédiaire détenu par le fils de M. D______, pendant une période de six mois en 2008.

Mme A______ remplissait les conditions objectives de révocation de son autorisation d’établissement, dans la mesure où elle émargeait durablement à l’aide sociale et avait intentionnellement dissimulé un fait essentiel, soit le départ de son époux de Suisse et la fin de leur vie commune dès le 1er avril 2008. Si l’OCPM avait eu connaissance de la séparation intervenue en avril 2008, il n’aurait pas prolongé l’autorisation de séjour de Mme A______, eu égard à l’absence d’une durée de trois ans de vie commune et de raisons personnelles majeures. En outre, tout portait à croire que le mariage de Mme A______ et de M. D______ avait pour unique but d’obtenir un avantage lié à la législation sur l’immigration.

Même si l’intérêt public à préserver la Suisse d’une personne violant les prescriptions légales et portant atteinte au bien-être économique du pays était important, l’intérêt privé de Mme A______ à demeurer en Suisse après seize ans de séjour primait cet intérêt public. Par conséquent, l’OCPM avait l’intention de lui donner exceptionnellement une ultime chance pour qu’elle s’adapte enfin à l’ordre public suisse et acquiert une indépendance économique et de lui octroyer une autorisation de séjour, en application de l’art. 63 al. 2 LEI, moyennant un avertissement formel au sens de l’art. 96 al. 2 LEI. Dans cette hypothèse, l’approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) à l’octroi d’une autorisation de séjour demeurerait expressément réservée.

Ce courrier d’intention est demeuré sans suite.

28.         Par décision du 18 janvier 2021, l’OCPM a constaté la caducité de l’autorisation d’établissement de M. D______ et enregistré son départ de Suisse au 1er octobre 2008, soit six mois après son établissement en Australie.

Reprenant en substance les éléments de faits mentionnés dans son courrier d’intention adressé à Mme A______ le 20 novembre 2020, l’OCPM a également précisé que le délai de contrôle de l’autorisation d’établissement de M. D______ était arrivé à échéance le 22 avril 2014 et qu’aucune demande de renouvellement n’avait été formulée. Par courrier du 9 novembre 2020 resté sans suite, l’OCPM avait informé le précité de son intention de constater la caducité de son autorisation d’établissement et de retenir son départ de Suisse au 1er octobre 2008. Il ressortait des pièces au dossier que M. D______ ne séjournait plus en Suisse depuis le 1er avril 2008, date à compter de laquelle il s’était établi en Australie. De plus, il ne disposait d’aucune adresse valable à Genève depuis le 1er octobre 2007, date de son prétendu retour à Genève en provenance du canton de Vaud. Vu l’absence de nouvelles de la part du précité depuis 2008, il avait été rendu vraisemblable qu’il résidait en Australie à ce jour.

Cette décision, qui a fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle du 18 janvier 2021, est désormais entrée en force, en l’absence de recours.

29.         Il ressort de l’attestation établie le 26 janvier 2021 par l’Hospice général (ci-après : HG), que Mme A______ a bénéficié de l’aide sociale depuis le 1er décembre 2013, pour un montant total estimé à CHF 273'851.20 jusqu’au 28 février 2021.

30.         Par décision du 12 février 2021, l’OCPM a révoqué l’autorisation d’établissement UE/AELE de Mme A______, en application des art. 63 al. 1 let. a LEI en lien avec l’art. 62 al. 1 let. b (sic) LEI et de l’art. 63 al. 1 let. c LEI.

Considérant qu’elle vivait une union conjugale réelle et effective avec son époux à Genève le 27 juin 2011, l’OCPM avait délivré une autorisation d’établissement UE/AELE à cette dernière. Or, il apparaissait que, depuis 2008 déjà, même si son mariage avait pu, à un certain moment, constituer une véritable union conjugale avec M. D______, elle ne faisait plus ménage commun avec ce dernier, qui avait quitté la Suisse le 1er octobre 2008. Dès lors, ne pouvant ignorer de bonne foi que la réalité de l’union conjugale constituait un élément essentiel pour l’octroi d’une autorisation d’établissement en sa faveur et en ne renseignant pas l’OCPM sur ce point, elle avait dissimulé des faits importants et trompé intentionnellement l’autorité afin d’obtenir frauduleusement la délivrance d’une autorisation d’établissement, en se prévalant d’une union conjugale qui n’existait pas. D’autre part, elle était assistée de manière continue par l’HG depuis le 1er décembre 2013, et n’avait pas démontré l’existence de raisons susceptibles de justifier une si longue absence d’intégration économique, telle qu’une incapacité de travail notamment. Elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration réussie, n’ayant jamais intégré durablement le marché de l’emploi helvétique et rien n’indiquant non plus qu’elle avait noué des contacts sociaux étroits en Suisse.

À titre exceptionnel, cet office était toutefois disposé à lui donner une ultime chance de s’intégrer et d’acquérir une indépendance financière durable, en ce sens que l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur était favorablement préavisé auprès du SEM, l’approbation de cette autorité demeurant expressément réservée. Enfin, en application de l’art. 96 al. 2 LEI, un avertissement formel lui était adressé. Si elle devait encore émarger à l’aide sociale à l’échéance de son autorisation de séjour, le renouvellement de celle-ci pourrait être refusé.

31.         Par acte du 15 mars 2021, sous la plume de son conseil, Mme A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision, concluant, principalement, à son annulation, subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de produire le rapport d’enquête du 17 avril 2013 et les déclarations de Mme M______ mentionnées dans la décision attaquée et à ce qu’une expertise médicale relative à sa capacité de travail soit ordonnée puis, ceci fait, à ce qu’un délai de trente jours lui soit accordé pour se déterminer sur les documents produits, sous suite de frais et dépens.

Une violation de son droit d’être entendu était à déplorer. La décision attaquée se fondait exclusivement sur le rapport d’enquête du 17 avril 2013, sur les déclarations de Mme M______ et sur l’enregistrement, le 18 janvier 2021, du départ de Suisse de M. D______ à la date du 1er octobre 2008. L’autorité intimée avait déduit de ces éléments qu’elle n’avait plus vécu en ménage commun avec son ex-époux depuis le 1er octobre 2008. Or, si les éléments précités avaient été évoqués dans le cadre du projet de décision du 20 novembre 2020 - époque à laquelle elle n’était pas assistée d’un conseil et, pour le surplus, hospitalisée – ni le rapport d’enquête ni les déclarations de Mme M______ ne lui avaient été transmis. Quant à l’enregistrement a posteriori du prétendu départ de Suisse de son ex-époux, il n’était pas allégué dans la décision entreprise. Dès lors, elle avait été privée de son droit à se déterminer sur les pièces fondamentales à l’origine de la décision attaquée, de s’exprimer sur les conclusions qu’en tirait l’autorité intimée et de proposer des preuves contraires.

L’allégation de dissimulation de faits essentiels tombait à faux. L’établissement des faits, selon lequel l’union conjugale effective avec son ex-époux n’aurait pas réellement existé et à teneur duquel son ex-époux aurait quitté la Suisse le 1er octobre 2008, n’était pas conforme à la réalité. En effet, l’autorisation d’établissement du précité avait été renouvelé le 29 avril 2009, soit postérieurement à son prétendu départ de Suisse. En outre, l’allégation selon laquelle elle-même et son ex-époux n’auraient jamais vécu rue de C______, fondée sur le rapport d’enquête du 17 avril 2013, était démentie par les pièces jointes, en particulier des correspondances envoyées à son ex-époux ou au couple à cette adresse, notamment leur avis de taxation du 27 septembre 2010, un pli de l’OCAS du 11 février 2010, des factures de redevances BILLAG des 1er juillet, 1er avril et 1er octobre 2009, des factures de télévision numérique des 14 septembre et 15 décembre 2009, un acte de défaut de biens notifié le 22 septembre 2008 précisant « débitrice présente domicile suite à un avis de saisie », une amende d’ordre du 27 avril 2011, des ordonnances pénales des 6 et 10 août 2011, une police d’assurance-maladie en Suisse valable dès le 1er janvier 2012, des factures médicales allant d’avril à juin 2011, un courrier de N______ du 31 mars 2011, un courrier du Tribunal pénal du 19 juin 2012 et une correspondance de la Justice de paix du 11 juin 2012. Ces éléments démontraient qu’elle-même et son époux vivaient une union conjugale réelle et effective à Genève quand elle avait été mise au bénéfice d’une autorisation d’établissement le 27 juin 2011.

Sa dépendance à l’aide sociale n’aurait pas dû exister et relevait d’une appréciation erronée de sa situation. Souffrant de troubles neuropsychiatriques depuis de nombreuses années, elle avait été suivie par les Docteurs H______, O______ depuis 2011 et P______ dès 2017. Ces troubles la contraignaient à des hospitalisations régulières, notamment du 12 juin au 3 juillet 2014, du 22 août au 4 septembre 2017, du 5 au 26 septembre 2017, du 12 avril au 3 mai 2018, du 9 juillet au 6 août 2018, du 19 février au 11 mars 2020 et du 16 novembre au 15 décembre 2020. Elle avait dû être hospitalisée en urgence, à tout le moins à cinq reprises, aux environs du 20 août 2017 (tentative de défenestration), le 19 novembre 2019 (bout de verre planté dans l’abdomen suite à une chute), le 24 décembre 2019 (plaie au crâne suite à une chute), le 18 octobre 2020 (tentative de suicide) et le 16 novembre 2020. Par conséquent, elle était manifestement en incapacité de travailler depuis de nombreuses années. Elle avait demandé à son assistante sociale pourquoi il ne lui avait pas été recommandé de formuler une demande de rentes d’assurance-invalidité (ci-après : AI) dès le début de son suivi et sa question avait été transmise au service juridique de l’HG. Le 12 mars 2021, l’assistante sociale du service psychiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) l’avait assistée pour déposer une demande de rente AI, dont elle aurait dû bénéficier depuis de nombreuses années. Par conséquent, au vu de l’évolution probable de sa situation suite à cette demande, sa dépendance à l’aide sociale ne pouvait être considérée comme durable.

Plusieurs pièces étaient jointes à ce recours, notamment, en sus des documents mentionnés ci-dessus :

-          Un courrier adressé le 17 octobre 2017 au Dr P______ par le Dr O______, pour la fondation Q______, à teneur duquel elle suivait la recourante depuis décembre 2013, étant précisé qu’elle était également suivie, depuis son hospitalisation, par le secteur psychiatrique. Cette patiente avait tendance aux abus médicamenteux, de sorte que la médication était désormais prescrite par le secteur psychiatrique. La patiente avait effectué « un long travail » avec son assistante sociale jusqu’à présent « dans l’idée d’une réinsertion professionnelle » et avait suivi plusieurs cours de formation et des stages de réinsertion, étant toutefois précisé que « l’instabilité des comorbidités » rendait ce projet difficile ;

-          Un certificat médical établi le 9 mars 2021 par le Dr P______ indiquant avoir rédigé, depuis le 18 août 2017, des certificats mensuels d’arrêt de travail à 100 % pour la recourante.

32.         Par pli du 13 avril 2021, la recourante a produit un courrier que l’HG lui avait adressé, suite à sa requête, le 17 mars 2021, précisant que, pendant la période d’aide, elle avait remis à cette institution des certificats médicaux faisant état d’incapacités de travail pour les périodes suivantes : février 2013, avril et mai 2014, du 12 juin au 3 juillet 2014 (clinique de R______), de fin mai à fin juin 2014, du 22 au 23 juin 2017, du 27 au 30 juin 2017, du 22 août au 4 septembre 2017, du 5 au 26 septembre 2017 (clinique de R______), d’octobre à novembre 2017, de janvier à février 2018, du 12 avril au 3 mai 2018 (clinique de R______), de mai à juillet 2018 (clinique S______ dès le 9 juillet 2018, pour une durée non précisée), août 2018, octobre 2018, de décembre 2018 à janvier 2019, de mars à novembre 2019, de janvier à août 2020, de février au 11 mars 2020 (clinique de Q______), d’octobre à novembre 2020 et de janvier à mars 2021.

33.         Dans ses observations du 14 mai 2021, le DSPS a conclu au rejet du recours, tout en confirmant les termes de la décision attaquée.

Le dossier de la recourante était disponible en tout temps pour consultation au siège de l’OCPM. La recourante avait été informée, par courrier d’intention du 20 novembre 2020, qu’il considérait que M. D______ avait quitté la Suisse en avril 2008 et le fait qu’elle n’avait pas été renseignée quant à l’intention de constater la caducité du permis d’établissement de son ex-époux n’avait pas affecté son droit d’être entendu.

La dissimulation de faits essentiels avait été démontrée. Les documents produits par la recourante en lien avec une présence de M. D______ sur le territoire suisse jusqu’en 2012 n’avaient aucune incidence sur l’appréciation selon laquelle ce dernier avait déplacé sa résidence hors de Suisse au plus tard le 1er avril 2008. La décision constatant le départ de Suisse de M. D______ au 1er avril 2008 et prononçant la caducité du titre de ce dernier avec effet au 1er octobre 2008 avait été valablement notifiée par voie de publication et le précité n’en avait pas sollicité la reconsidération. Le lien conjugal étant considéré comme vidé de son contenu deux ans après la fin de la vie commune, les conditions légales n’étaient pas remplies lors de la délivrance de l’autorisation d’établissement en faveur de la recourante le 27 juin 2011.

Les problèmes de santé psychique de la recourante pouvaient expliquer l’ampleur du recours à l’aide sociale depuis le 22 juin 2017 mais rien ne permettait de retenir qu’elle avait été durablement incapable de travailler du 1er décembre 2013 au 22 juin 2017, sauf durant trois mois en 2014. De plus, elle n’avait entrepris aucune démarche pour sortir de sa dépendance à l’aide sociale.

34.         Par correspondance du 3 juin 2021, le conseil de la recourante, faisant suite à la remise, la veille, d’une copie complète du dossier de la procédure, a indiqué au tribunal que ni le courrier de Mme M______ à l’OCPM du 14 décembre 2012, ni le rapport d’enquête du 17 avril 2013, ni la correspondance du 18 décembre 2014 à laquelle Mme M______ semblait faire suite ne figuraient au dossier.

35.         Par pli du 2 juillet 2021, le tribunal a informé le conseil de la recourante que suite à sa demande il s’était vu adressé par le Conseiller d’État en charge du DSPS, par pli du 15 juin 2021, des documents figurant au dossier de l’ex-époux de la recourante. L'expéditeur précisait que, faute d’accord de ce dernier, ces documents ne sauraient être soumis à la consultation de la recourante.

En application de l’art. 45 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), le tribunal a précisé que ces documents pouvaient être rangés en deux catégories. La première concernait des échanges de courriers et de courriels entre autorités cantonales et fédérales et avec le Consulat général de Suisse à Sydney, dont le contenu n’apportait, selon le tribunal, aucun élément pertinent dans le dossier et qui relevaient essentiellement des tentatives effectuées pour instruire le dossier de M. D______. La seconde catégorie était constituée, d’une part, d’un rapport d’enquête effectuée par l’OCPM à la rue de C______ par l’OCPM le 17 avril 2013 « indiquant l’absence du nom de M. D______ sur les boîtes aux lettres et portes palières de l’immeuble dans lequel il prétendait habiter et l’absence de domicile conjugal connu auprès de l’administration fiscale suite à un retour poste et, d’autre part, d’une lettre rédigée en anglais le 13 décembre 2012 par Mme M______ ». Cette lettre indiquait en substance que la précitée avait épousé M. D______ le 2 juillet 2008. Elle savait, car il le lui avait expliqué, qu’à l’époque des préparatifs de leur mariage, il était marié en Suisse avec une jeune femme d’Europe de l’Est. Il avait consenti à cette union, contre paiements, pour rendre service à un ami marié qui souhaitait pouvoir faire vivre son amie (« girlfriend ») en Suisse. Lorsque le gouvernement australien lui avait demandé de produire un certificat d’état civil (« Certificate Marriage Status ») de son État de résidence principal (qui était alors la Suisse), il s’était procuré un certificat français, pays dans lequel il n’avait vécu que brièvement, vingt ans plus tôt. Par ailleurs, il avait déjà été marié à trois reprises en Suisse (les noms des deux premières épouses étant mentionnés, l’identité de la troisième – vraisemblablement la recourante – étant ignorée). Mme M______ précisait encore avoir subi de la part de M. D______ des « menaces constantes en raison du fait qu’elle cherchait à mettre fin à l’union conjugale. Ce n’était que lorsqu’il était devenu éligible pour des indemnités de chômage en Australie qu’elle avait réussi à se libérer de lui ».

Un délai au 26 juillet 2021 a été imparti à la recourante pour se déterminer sur les éléments précités.

36.         Par réplique du 25 juin 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Alors que le courrier de Mme M______ à l’OCPM du 14 décembre 2012 et le rapport d’enquête du 17 avril 2013, qui constituaient des pièces essentielles, auraient dû être portés à sa connaissance, ces pièces n’apparaissaient pas même au dossier. Partant, elle avait été empêchée de se déterminer sur des éléments pertinents et de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur leur résultat avant qu’une décision ne soit prise à son encontre. Soit elle aurait dû pouvoir participer à la procédure ayant mené à la décision de constat de caducité de l’autorisation d’établissement de son ex-époux, soit l’état de fait retenu dans cette décision ne pouvait lui être opposé.

L’argument selon lequel les pièces produites par ses soins n’avaient aucune incidence sur la véracité du départ de M. D______ de Suisse n’était nullement motivé, violant son droit d’être entendu. En outre, cette appréciation des preuves dérogeait de celle préconisée par le Tribunal fédéral, selon laquelle les documents administratifs constituaient des indices sérieux de l’existence d’un domicile et faisaient naître une présomption à cet égard. Quant à la remise en question de sa vie conjugale, l’absence de confrontation entre ses déclarations et celle de Mme M______ était à déplorer. De même, les raisons pour lesquelles les déclarations de Mme M______ revêtiraient une force probante accrue par rapport aux siennes n’étaient pas indiquées. En outre, aucun élément au dossier n’attestait du prétendu mariage de la précitée avec M. D______, que l’autorité avait néanmoins tenu pour acquis, alors même que cette hypothèse aurait pour conséquence que l’État australien aurait avalisé une polygamie.

Il ne lui appartenait pas de prouver tous ses jours d’incapacité depuis de nombreuses années et l’instruction que l’autorité avait l’obligation de mener devait permettre de déterminer si elle était dépendante de l’aide sociale. S’agissant de son évolution financière probable à long terme, elle n’aurait plus besoin de l’aide sociale dès la reconnaissance de son invalidité. Cette invalidité n’étant pas encore établie, elle avait produit de nombreux certificats médicaux, qui constituaient « un faisceau d’indices » de l’inadéquation de sa prise en charge par l’assistance sociale en lieu et place de l’AI. Pour le surplus, l’allégation selon laquelle aucun élément ne permettait de retenir qu’elle avait été durablement incapable de travailler entre le 1er décembre 2013 et le 22 janvier 2017 était inexacte et contredite par le courrier de l’HG du 17 mars 2021 et par les certificats médicaux joints. Compte tenu des circonstances et de son évolution financière probable à long terme, elle n’était pas dépendante de l’aide sociale au sens de la jurisprudence.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          Des certificats médicaux datés des 20 mars, 17 avril, 15 mai, 12 juin, 10 juillet, 19 août, 13 novembre et 11 décembre 2013 et 10 janvier, 5 février, 7 et 30 avril, 6 et 12 juin 2014 faisant état d’une incapacité totale de travail depuis le 20 février 2013 ;

-          Des courriers de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) adressés le 27 avril 2021 à ses différents médecins en lien avec le dépôt d’une demande de prestations AI.

37.         Dans ses observations du 20 juillet 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions, tout en précisant que, faute d’indiquer quel intérêt privé ou public serait en jeu et en quoi celui-ci primerait sur son propre intérêt ou serait lésé par une consultation, la restriction de la consultation des pièces concernées, non motivée, violait son droit d’être entendu, l’art. 45 LPA et le principe de proportionnalité.

38.         Par courrier du 17 septembre 2021, le DSPS a produit le préavis favorable du Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : PPDT) quant à la transmission à la recourante des documents envoyés au tribunal en juin 2021, moyennant caviardage des données personnelles de tiers autres que celles relatives à M. D______.

39.         Par pli du 21 septembre 2021, le tribunal a transmis à la recourante les documents concernés, caviardés uniquement en ce qui concernait le nom de deux personnes désignées par Mme M______ dans son courrier du 10 décembre 2012, et lui a imparti un délai au 4 octobre 2021 pour se déterminer à ce sujet.

40.         Par écriture du 4 octobre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions, tout en précisant que la mise à disposition tardive et partielle de pièces ne pouvait réparer la violation de ses droits procéduraux.

Le courriel adressé par Mme M______ le 15 mai 2015 en réponse à une demande de renseignements de l’OCPM du 25 novembre 2013 ne figurait toujours pas à la procédure. Ce courriel d’importance majeure fondait ainsi une décision impactant directement ses droits, sans qu’elle n’y ait jamais eu accès, ni pu participer à son administration. De plus, les déclarations de Mme M______, tout comme la lettre du Consulat général de Suisse en Australie à cette dernière, étaient rédigées en anglais sans traduction, alors même que le DSPS disposait d’un délai suffisant pour procéder à cette traduction, de sorte que ces pièces ne pouvaient lui être opposées. En tout état, ni le rapport d’enquête du 17 avril 2013, ni le courrier de Mme M______ du 15 mai 2015, ni les déclarations de cette dernière n’étaient accessibles avant la prise de la décision querellée et une réparation par l’autorité de recours était exclue.

41.         Par correspondance du 22 octobre 2021, le Conseiller d’État en charge du DSPS a informé le tribunal, suite à la requête de ce dernier, que, conformément à la réponse du PPDT du 18 octobre 2021 jointe, le préavis du 31 août 2021 pouvait être étendu au certificat de mariage de Mme M______ et de M. D______.

42.         Par pli du 25 octobre 2021, le tribunal a transmis à la recourante copie du courriel de Mme M______ du 5 mai 2015 et du certificat de mariage de cette dernière et lui a imparti un délai pour se déterminer à ce propos.

43.         La recourante a confirmé ses conclusions, par pli du 25 novembre 2021.

La production tardive des deux pièces précitées ne modifiait pas le fait qu’elle n’avait pas pu prendre part à la procédure constatant la caducité de l’autorisation d’établissement de M. D______. L’autorité intimée prétendait à tort lui avoir permis de se prononcer sur la décision de son ex-époux dans le projet de décision du 20 novembre 2020, puisque le prétendu départ de ce dernier lui avait alors été présenté comme un fait établi. La transmission progressive de pièces par le DSPS confirmait qu’elle aurait dû participer à leur administration, respectivement y avoir accès dès le départ. En tout état, le prétendu certificat de mariage produit était un acte étranger non-apostillé, de sorte que le tribunal n’était pas lié par ce document.

La rétrogradation de son autorisation d’établissement en une autorisation de séjour ne respectait pas le principe de proportionnalité, au vu notamment de l’absence d’avertissement antérieur. Enfin, la décision attaquée était juridiquement viciée puisqu’elle soumettait l’octroi d’une autorisation de séjour à l’approbation du SEM, alors que, conformément à la jurisprudence fédérale, la rétrogradation était une décision cantonale uniforme qui n’était pas soumise à une telle approbation, le risque étant de se retrouver sans aucun titre de séjour si l’autorisation de séjour n’était pas délivrée faute d’accord du SEM.

44.         Par courrier du 26 novembre 2021, le tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions du département de la sécurité, de la population et de la santé relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite la réalisation d’une expertise médicale relative à sa capacité de travail.

6.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 484 consid. 2.1).

Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2).

7.             En l'espèce, le dossier contient tous les éléments pertinents permettant au tribunal de se déterminer sur l'issue du litige. En effet, l’autorité intimée ne conteste pas, à teneur de ses observations du 14 mai 2021, le fait que les problèmes de santé de la recourante puissent expliquer le recours à l’aide sociale par cette dernière depuis juin 2017. En outre, une expertise a posteriori de la situation médicale de la recourante avant cette date, dans le cadre de la présente procédure, apparaît peu utile, étant rappelé que l’examen d’une demande AI est actuellement pendante devant l’OCAS et que la précitée a produit de nombreux certificats médicaux, relatifs notamment à la période antérieure à juin 2017. En conséquence, il n'y a pas lieu de donner suite à cette demande d’instruction, en soi non obligatoire.

8.             Le recourante se prévaut, dans un premier grief, d’une violation de son droit d’être entendu, eu égard au fait qu’elle n’avait pas eu accès aux documents sur lesquels le DSPS s’est fondé pour prononcer la décision attaquée, qu’elle n’avait pas été informée de l’enregistrement a posteriori du prétendu départ de Suisse de son ex-époux au 1er octobre 2008, pas plus que de la fin alléguée de leur vie commune au 1er avril 2008 ni de la révocation du permis d’établissement de son ex-époux, à l’issue d’une procédure à laquelle elle n’avait pas pu participer.

9.             Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité, garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Sa garantie implique que l'administré soit informé de l'objet de la procédure et du contenu prévisible de la décision susceptible d'être prise à son égard (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 1529, p. 519 et les références citées). En tant que droit de participation, il englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références).

L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

Il s’agit d’une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1).

10.         La violation du droit d'être entendu peut être réparée devant une instance de recours lorsque celle-ci dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée (ATF 135 I 279 ; 133 I 201 et la jurisprudence citée ; ATA/565/2013 du 28 août 2013 consid. 12). Une réparation devant l’autorité de recours doit rester cependant l’exception (ATF 135 I 279) et n’entre pas en ligne de compte lorsque la violation du droit d'être entendu est grave (ATF 126 I 68 ; 125 V 368). Une exception à ce principe est reconnue lorsque l’annulation de la décision et le renvoi à l’autorité inférieure entraînerait une procédure purement formelle et un retard inutile incompatible avec l’intérêt de la partie concernée à un traitement rapide de la cause (ATF 133 I 201 ; 132 V 387 ; ATA/565/2013 précité consid. 12 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 526 n. 1555).

A notamment été considéré comme une atteinte particulièrement grave aux droits procéduraux le prononcé d'une décision de renvoi de Suisse sans inviter d'une quelconque façon la personne concernée à s'exprimer sur cette décision ni lui remettre le formulaire ad hoc de l'office fédéral des migrations (ATA/251/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 consid. 8).

11.         Une réparation de la violation du droit d’être entendu peut toutefois se justifier, même en présence d’un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l’intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 138 I 97 consid. 4.1.6.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 ; 1C_502/2016 du 21 février 2018 consid. 2.1.1 et les références citées). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 consid. 6a).

12.         En l’espèce, le tribunal constate que le courrier d’intention adressé à la recourante par l’OCPM le 20 novembre 2020, par le biais duquel cet office l’informait de son intention de proposer au DSPS la révocation de son autorisation d’établissement, indique de manière claire et précise les éléments pris en compte pour en déduire que l’intéressée avait potentiellement dissimulés des faits essentiels à l’autorité. Ainsi, la recourante s’est vue informée que l’OCPM avait appris, par plusieurs correspondances de Mme M______, que, dès début avril 2008 et jusqu’en octobre 2013, M. D______ avait vécu en Australie en compagnie de la précitée, qu’il avait épousée dans ce pays le 2 juillet 2008. Le courrier d’intention précité indiquait également que Mme M______ avait confirmé que M. D______ avait épousé la recourante contre rémunération, afin de rendre service à un ami, et qu’il ressortait du rapport d’enquête de l’OCPM du 17 avril 2013 que la recourante et son ex-époux n’avaient jamais vécu rue de C______, leurs noms étant inconnus de la régie et ne figurant nulle part à cette adresse. Par conséquent, force est de constater que la recourante a été informée par l’OCPM des éléments sur lesquels il envisageait de fonder sa décision, cas échéant. Un laps de temps d’environ deux mois et demi s’est écoulé entre l’envoi de ce courrier et le prononcé de la décision querellée, de sorte que la recourante aurait eu tout le loisir, même si elle n’était alors pas assistée d’un conseil, de solliciter des précisions quant à ces allégations ou de requérir la consultation de son dossier afin de prendre connaissance des pièces concernées, étant précisé que la recourante n’allègue pas qu’une telle consultation lui aurait été refusée. Or, in casu, aucune suite n’a été donnée à ce courrier par la recourante. Quant à l’allégation de cette dernière selon laquelle elle était hospitalisée lors de l’envoi de ce courrier, il ressort des déclarations dans le cadre de son recours qu’elle avait effectivement été hospitalisée le 16 novembre 2020 à T______. Dès lors que le courrier d’intention est daté du 20 novembre 2020 et qu’il ne ressort pas des pièces au dossier qu’elle serait demeurée hospitalisée jusqu’au prononcé de la décision attaquée plus de deux mois plus tard, ce motif aurait tout au plus été susceptible de justifier l’octroi, sur requête de la recourante, d’une prolongation de délai pour se déterminer avant qu’une décision ne soit prise à son encontre, mais ne saurait en aucun cas être valablement invoqué pour en déduire une violation de son droit d’être entendu.

Pour le surplus, le tribunal relève que la recourante a été entendue, en février 2015, dans les locaux de l’OCPM et que cet office l’a, à cette occasion déjà, questionnée quant au fait qu’elle était inconnue de la régie en charge de l’immeuble sis rue de C______ et l’a informée qu’il ressortait des informations à sa disposition que son union était un « mariage de complaisance » et que son ex-époux avait définitivement quitté la Suisse en 2008. Elle a ainsi eu l’occasion de répondre à ces allégations, ce qu’elle a d’ailleurs fait. Elle n’a cependant nullement demandé durant son audition sur quels moyens de preuve ces allégations étaient fondées, ce qui apparaît quelque peu surprenant, tout comme le fait qu’elle n’ait pas sollicité, à ce moment-là déjà, la transmission, ou à tout le moins la consultation, des preuves sur lesquelles l’OCPM fondait ses dires.

De plus, les documents sur lesquels le DSPS a fondé la décision querellée ont été transmis à la recourante durant la présente procédure de recours, seuls les noms des anciennes épouses de M. D______ ayant été caviardés afin de protéger la vie privée de ces dernières. La recourante s’est vue impartir un délai, après chacune de ces transmissions, afin de se déterminer sur ces documents, en proposant notamment des preuves contraires, ce qu’elle a d’ailleurs fait en produisant, en annexe de son recours, des correspondances adressées à son ex-époux ou au couple à l’adresse rue de C______ postérieurement à avril 2008, dans le but de contredire l’allégation du DSPS selon laquelle il aurait quitté la Suisse à cette date.

Dans le même sens, le tribunal constate que la décision de révocation relative à M. D______ figure dans le dossier de l’OCPM relatif à la recourante qui a été versé à la présente procédure de recours. En outre, tous les éléments de faits en lien avec le précité dont la recourante prétend ne pas avoir eu connaissance figurent dans cette décision. Par conséquent, une fois encore, la recourante aurait eu le loisir de procéder à la consultation de son propre dossier, dans lequel figurait la décision de révocation prononcée à l’encontre de son ex-époux, laquelle contenait les renseignements dont elle indique ne pas avoir eu connaissance. Pour le surplus, aucun élément ne justifiait qu’elle participe à la procédure relative à la révocation de l’autorisation d’établissement son ex-époux. L’objet du litige de cette autre procédure était le titre d’établissement de son ex-époux et elle ne pouvait se prévaloir, dans ce cadre, de la qualité de partie au sens de l’art. 7 LPA. Par ailleurs, ce sont les circonstances particulières du cas d’espèce, et non la révocation du titre du précité en tant que tel, qui ont conduit à la révocation de son propre permis d’établissement. À titre d’exemple, si M. D______ avait vu son autorisation d’établissement révoquée en raison d’une condamnation à une peine privative de liberté de longue durée, la situation administrative de la recourante n’aurait nullement été impactée par cette décision. Ainsi, rien ne justifiait que la recourante, qui n’est pas directement impactée par la décision de révocation relative à son ex-époux - même si celle-ci, désormais entrée en force, peut être utilisée comme moyen de preuve dans le cadre de la présente procédure au même titre que pourraient l’être d’autres décisions judiciaires, à l’instruction desquelles elle n’aurait pas obligatoirement participé - soit partie à la procédure y relative.

Pour le surplus, l’absence de confrontation entre ses déclarations et celles de Mme M______ ne consacre pas davantage une violation du droit d’être entendu, la recourante ayant eu l’opportunité de se déterminer à ce propos dans le cadre de la présente procédure. Enfin, la recourante ne saurait valablement se prévaloir du fait que les correspondances de Mme M______, rédigées en anglais, n’étaient pas accompagnées d’une traduction en français, étant rappelé que leur contenu lui a, en grande partie, été résumé en français par le tribunal, par pli du 2 juillet 2021.

En conclusion, mal fondé, le grief de violation du droit d’être entendu est rejeté. Pour le surplus, dès lors que le tribunal est à même d'examiner l'ensemble des griefs formulés par la recourante et que le DSPS n'a pas statué en opportunité, il convient de retenir, en tout état, qu’une éventuelle violation du droit d'être entendu de l'intéressée ne constituerait pas une atteinte particulièrement grave à ses droits procéduraux et qu'elle a été réparée dans le cadre de la présente procédure.

13.         Sur le fond, la recourante se prévaut d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, les conditions de révocation de son autorisation d’établissement n’étant pas remplies.

14.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l'Accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, et, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

15.         En l'occurrence, la recourante étant ressortissante ukrainienne, le recours interjeté par cette dernière ne peut être examiné que sous l'angle de la LEI. En effet, dès lors qu'elle n'est pas une ressortissante d'une partie contractante, elle ne peut se prévaloir d'aucun droit découlant de l'ALCP (cf. art. 2 ALCP et 7 Annexe I ALCP).

16.         Conformément à l’art. 23 al. 2 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203), qui s’applique aux ressortissants d’États tiers autorisés à séjourner en Suisse conformément aux dispositions sur le regroupement familial de l’ALCP (art. 2 al. 2 OLCP), l’art. 63 LEI est applicable lors de la délivrance d’une autorisation d’établissement UE/AELE, ce qui est le cas en l’espèce, la recourante s’étant vue délivrer une autorisation « membre de la famille d’un citoyen UE/AELE ».

17.         À teneur de l'art. 63 al. 1 let. a LEI, l'autorisation d'établissement peut notamment être révoquée aux conditions de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, c'est-à-dire si l'étranger a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d'autorisation.

Les fausses déclarations qui portent sur des éléments déterminants pour l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement conduisent à la révocation de celle-ci. Il ne doit toutefois pas être établi que l'autorisation aurait avec certitude été refusée si l'autorité avait obtenu une information correcte. Quant à la dissimulation de faits essentiels, au même titre que pour les fausses déclarations, il faut que l'étranger ait la volonté de tromper l'autorité. Cela est notamment le cas lorsqu'il cherche à provoquer, respectivement à maintenir, une fausse apparence sur un fait essentiel (ATF 142 II 265 consid. 3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_656/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.1).

L'étranger est donc tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI). Il doit en particulier spontanément indiquer si la communauté conjugale sur laquelle son droit de séjour repose n'est plus effectivement vécue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1 ; 2C_299/2012 du 6 août 2012 consid. 4.1 ; 2C_15/2011 du 31 mai 2011 consid. 4.2.1). Un comportement trompeur est aussi donné si l'étranger a, durant la procédure d'octroi de l'autorisation de droit des étrangers, sciemment tu ou activement caché que l'union matrimoniale était vouée à l'échec, ou s'il invoque un mariage dénué de substance dès ses débuts, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale (cf. ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 2.2).

Le silence ou l'information erronée doivent avoir été utilisés de manière intentionnelle dans le but d'obtenir une autorisation. Il en va d'autant plus ainsi que la tromperie n'a pas à être causale, en ce sens qu'il n'est pas nécessaire qu'elle ait joué un rôle décisif dans l'octroi de l'autorisation. En outre, il importe peu que l'autorité eût pu, en faisant preuve de la diligence nécessaire, découvrir par elle-même les faits dissimulés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2018 du 17 mai 2018 consid. 6.1 et l'arrêt cité).

Selon les directives et commentaires du SEM (domaine des étrangers, octobre 2013, état au 15 décembre 2021 (ci-après : Directives LEI), ch. 8.3.1.1), qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018), une révocation est cependant exclue lorsque l’autorité a délivré l’autorisation, alors qu’elle était parfaitement au courant du comportement discutable de l’étranger (ancien droit : arrêts 2A.46/2002 du 23 mai 2002 consid. 3.4; 2C_682/2012 consid. 4.1).

18.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.3.1).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

19.         En l’occurrence, il ressort des déclarations écrites de Mme M______, répétées à deux reprises, dans son courrier du 13 décembre 2012 puis dans son courriel du 5 mai 2015 à l’attention de l’OCPM, que M. D______ faisait ménage commun avec elle en Australie depuis début avril 2008. Mme M______ donne également, par le biais de ces deux écritures, des informations précises s’agissant de la vie privée de M. D______. Ainsi, elle est au courant que ce dernier était marié, juste avant leur propre union, avec une jeune femme originaire de l’Europe de l’Est. Elle est également en mesure d’indiquer que M. D______ avait été, avant cela, marié à deux autres reprises à Genève, tout en indiquant les noms de ces deux femmes ainsi que les dates approximatives de ces unions. Or, l’ensemble de ces informations s’avèrent exactes, à teneur du registre informatisé Calvin de l’OCPM notamment. Quant aux déclarations de Mme M______ selon lesquelles elle avait fait ménage commun avec M. D______ en Australie dès 2008, elles sont corroborées par le certificat de mariage australien produit par ses soins, à teneur duquel les précités s’étaient unis le 2 juillet 2008 en Australie. À ce titre, le fait que ce document, émis par une autorité étrangère, ne porte pas d’apostille n’est pas déterminant au regard de l’objet du litige, dès lors qu’il ne constitue qu’un indice parmi d’autres de la vraisemblance des déclarations de Mme M______. Par conséquent, aucun élément ne permet de douter de la véracité des propos de cette dernière.

A contrario, il convient de constater que les explications de la recourante, selon lesquelles elle aurait fait ménage commun avec son ex-époux à Genève jusqu’en 2011 ne reposent sur aucun élément au dossier. En effet, les factures, correspondances et divers documents administratifs produits par la recourante en annexe de son recours prouvent tout au plus que ce dernier avait indiqué une adresse dans ce canton en vue de recevoir son courrier mais ne sont pas de nature à démontrer la présence physique de son ex-époux avec elle à Genève de 2009 à 2012. En outre, la recourante indique elle-même, dans le cadre de son audition par l’OCPM, que son époux passait beaucoup de temps à l’étranger, soit, selon les explications qu’il lui avait fournies, en France. Il sera également relevé que, questionnée par l’OCPM durant l’entretien dans les locaux de cet office quant à la façon dont son mariage avait pu perdurer après 2008 alors que son ex-époux ne vivait plus en Suisse, la recourante s’était contentée de répondre qu’il arrivait au précité de s’absenter de Suisse, mais jamais pour de longues périodes. Elle n’a toutefois pas été en mesure d’indiquer les dates exactes auxquelles son ex-époux n’avait pas séjourné en Suisse durant leur union conjugale. Même si elle a déclaré que ces séjours réguliers à l’étranger ne dépassaient pas une durée d’un mois, il n’en demeure pas moins qu’elle a elle-même précisé à l’OCPM que c’était en raison des absences de Suisse de son ex-époux que le couple s’était séparé, ce qui démontre que lesdites absences ont eu lieu à une fréquence assez élevée pour, selon les explications de la recourante, mettre fin à leur union. Pour le surplus, le départ de Suisse de M. D______ au 1er octobre 2008 ressort d’une décision de l’OCPM désormais entrée en force, à l’encontre de laquelle l’intéressé n’a interjeté aucun recours. Il sera enfin relevé que le résultat du contrôle domiciliaire effectué par l’OCPM le 17 avril 2013 ne saurait être déterminant, dès lors qu’il a été effectué à l’adresse rue C______, alors que la recourante avait informé cet office, en novembre 2011, de son déménagement à une autre adresse.

En conclusion et même si le doute est permis, le tribunal considère qu’il convient, au vu de l’ensemble des éléments au dossier et du développement qui précède, d’octroyer un poids prépondérant aux déclarations de Mme M______, qui sont confirmées par les éléments au dossier, par rapport à celles de la recourante, qui ne sont fondées sur aucun élément concret pertinent.

Partant, en omettant d’indiquer à l’OCPM qu’elle ne faisait plus ménage commun à Genève avec son époux, à tout le moins depuis le 1er octobre 2008, ce alors même qu’elle a été questionnée sur ce point lors de son audition par l’OCPM du 4 février 2015, qu’elle ne pouvait ignorer l’importance de sa situation conjugale sur son statut administratif en Suisse et que son attention avait été attirée, à cette occasion, sur son obligation de collaborer ainsi que sur les conséquences d’un comportement frauduleux à l’égard des autorités, la recourante a dissimulé des faits essentiels à l’autorité compétente en matière de titre de séjour, conformément à la jurisprudence précitée, en vue d’en tirer un avantage quant à son statut administratif en Suisse. En conclusion, les conditions de révocation d’un permis d’établissement prévues par l’art. 62 al. 1 let. a LEI, applicable via l’art. 63 al. 1 let. a LEI, sont remplies.

20.         S'agissant du second motif de révocation fondant la décision litigieuses, l'art. 63 al. 1 let. c LEI prévoit que l'autorisation d'établissement peut être révoquée lorsqu'un étranger ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale.

21.         Pour apprécier si une personne se trouve dans une large mesure à la charge de l'aide sociale au sens de cette disposition, il faut tenir compte du montant total des prestations déjà versées à ce titre. Pour évaluer si elle tombe d'une manière continue à la charge de l'aide sociale, il faut examiner sa situation financière à long terme. Il convient en particulier d'estimer, en se fondant sur la situation financière actuelle de l'intéressé et sur son évolution probable, y compris au regard des capacités financières des membres de sa famille, s'il existe des risques que, par la suite, il continue de se trouver à la charge de l'assistance publique. La question de savoir si et dans quelle mesure la personne dépend de l'aide sociale par sa faute ne concerne pas le motif de révocation envisagé à l'art. 63 al. 1 let. c LEI, mais est un critère entrant en considération au stade de l'examen de la proportionnalité de la mesure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2020 du 21 août 2020 consid. 3.3 ; 2C_653/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7.1 ; 2C_831/2017 du 4 avril 2018 consid. 4.1 s.).

Une période de deux ou trois ans constitue en principe la durée minimale à partir de laquelle il peut être admis que l'autorité disposera de suffisamment de recul pour apprécier ou non le caractère durable et important de la dépendance de l'étranger de l'aide sociale (cf. ATF 119 Ib 1 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.4).

Le Tribunal fédéral a par exemple jugé que les critères de l'importance et du caractère durable de la dépendance à l'aide sociale étaient réunis dans les cas d'un recourant ayant perçu un montant de CHF 143'361.- sur douze ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.4), d'une famille de cinq personnes ayant perçu plus de CHF 210'000.- d'aide sociale sur une période d'environ onze ans (arrêt du Tribunal fédéral 2A.692/2006 du 1er février 2007 consid. 3.2.1), d'un recourant à qui plus de CHF 96'000.- avaient été alloués sur neuf années (ATF 123 II 529 consid. 4), d'un couple assisté à hauteur de CHF 80'000.- sur une durée de cinq ans et demi (ATF 119 Ib 1 consid. 3a) et d'un couple ayant obtenu CHF 50'000.- en l'espace de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2008 du 9 avril 2009 consid. 3.3).

22.         En l’espèce, il ressort de l’attestation établie en janvier 2021 par l’HG que la recourante émargeait alors à l’aide sociale depuis le 1er décembre 2013, pour un montant total estimé à CHF 273'851.- jusqu’au 28 février 2021. Dès lors qu’environ douze mois se sont écoulés depuis le terme précité et que la recourante, à teneur des éléments au dossier, dépend toujours de l’aide sociale à ce jour, la somme précitée n’a pu aller qu’en augmentant. Ainsi, force est de constater que la recourante émarge à l’aide sociale, pour un montant important, ce depuis plus de huit ans. Par conséquent, conformément à la jurisprudence mentionnée ci-dessus, le caractère durable et important de la dépendance à l’aide sociale de la recourante est démontré.

Quant à l’évolution de sa situation financière, aucun élément actuellement au dossier ne permet de démontrer en l’état qu’elle est vouée à s’améliorer. En effet, le dépôt, en mars 2021 selon les déclarations de la recourante, soit il y a moins d’un an, d’une demande d’octroi de prestations AI, laquelle est actuellement en cours d’instruction, ne saurait démontrer qu’une sortie de l’aide sociale est assurée à court ou moyen terme, faute de décision positive de l’OCAS allant dans ce sens. À ce titre, les allégations de la recourante selon lesquelles les certificats médicaux produits constitueraient un faisceau d’indices tendant à démontrer l’existence d’une incapacité de travail n’emportent pas conviction. En effet, la précitée a produit des courriers relatifs à des postulations effectuées par ses soins en décembre 2013 et juin 2014, ce qui démontre qu’elle s’estimait, à cette époque, en mesure d’exercer une activité lucrative. Dans le même sens, la recourante a précisé, lors de l’entretien à l’OCPM du 4 février 2015, être très motivée pour retrouver un emploi, tout en précisant que ses recherches dans ce sens devraient bientôt aboutir, ce qui démontre, une fois encore, qu’elle s’estimait apte à exercer une activité lucrative, à tout le moins à ce moment-là. Enfin, le courrier adressé par le Dr O______ au Dr P______ le 17 octobre 2017 précise que la recourante avait effectué un long travail jusqu’à ce jour avec son assistante sociale dans l’idée d’une réinsertion professionnelle. Par conséquent, eu égard aux éléments qui précèdent, il ne saurait être retenu, sur la seule base des certificats médicaux au dossier et en l’absence de décision de l’OCAS quant à l’octroi ou non d’une indemnité AI, que l’évolution de la situation financière de la recourante est, en l’état, favorable.

Pour le surplus, il ressort des éléments au dossier que les problèmes de santé de la recourante ne sauraient, en tout état, expliquer à eux seuls la dépendance à l’aide sociale depuis de nombreuses années. En effet, aucun certificat médical d’incapacité de travail n’a été versé au dossier pour la période s’étendant de juillet 2014 à juillet 2017, alors que l’intéressée a pourtant bénéficié de l’aide sociale durant ces trois années.

En conclusion, dans une telle situation d'incertitude financière, notamment quant à l'octroi d'une rente AI, l'évolution favorable de la situation financière de la recourante demeure très douteuse. Partant, il ne peut être reproché à l'OCPM d'avoir procédé à une application incorrecte de la loi ou d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que les conditions de révocation prévues par l’art. 63 al. 1 let. c LEI étaient remplies.

23.         La révocation d'une autorisation d'établissement doit être proportionnée (art. 5 al. 2 Cst. ; art. 96 LEI ; art. 8 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101).

L'examen de la proportionnalité de la mesure imposé par l'art. 96 LEI se confondant avec celui qui est prévu à l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 ; 135 II 377 consid. 4.3), il n'est pas nécessaire de se demander si la recourante peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH sous l'angle de la protection de son droit à la vie privée ou de la protection de son droit à une vie familiale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_68/2020 du 30 avril 2020 consid. 5.1 ; 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 6.1) Quant à l'art. 5 al. 2 Cst., il est concrétisé par l'art. 96 LEI, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire un examen distinct de la proportionnalité sous cet angle (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_794/2020 du 31 août 2021 consid. 6.1 ; 2C_329/2020 du 10 juin 2020 consid. 7.1 ; 2C_68/2020 du 30 avril 2020 consid. 5.1 ; 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 6.1).

Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l'éventuelle faute commise par l'étranger, son degré d'intégration, la durée de son séjour en Suisse et les conséquences d'un renvoi (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 5.1 ; 2C_338/2019 du 28 novembre 2019 consid. 5.3.3 et les arrêts cités).

L'importance de la durée du séjour doit toutefois être relativisée, lorsque cette durée a été rendue possible par de fausses déclarations ou par la dissimulation de faits essentiels et, partant, par un comportement contraire à l'ordre public suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 4.1 ; 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 5.1 ; 2C_338/2019 du 28 novembre 2019 consid. 5.3.3 ; 2C_261/2018 du 7 novembre 2018 consid. 5.2 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 5.2). En effet, dans un tel cas, c'est bien parce que l'étranger a fait de fausses déclarations ou qu'il a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d'autorisation qu'il a pu séjourner (longuement) en Suisse. Il est donc légitime d'accorder, en pareilles circonstances, une importance moindre à la durée du séjour (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 4.2). Par ailleurs, lorsque l'étranger a pu s'intégrer à la faveur de titres de séjour obtenus en trompant les autorités, une bonne intégration ne pèse également qu'un faible poids dans la balance des intérêts à effectuer et ne peut en tout cas pas justifier à elle seule la prolongation du séjour en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 4.2 ; 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 5.1 ; 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 6.2 et les arrêts cités).

24.         En l’espèce, la recourante séjourne en Suisse depuis dix-huit ans, ce qui constitue sans conteste une longue durée. Toutefois, ce critère ne revêt pas une importance décisive, puisque le motif en raison duquel la recourante a obtenu un titre de séjour, puis une autorisation d’établissement, soit son union conjugale avec son ex-époux, a pris fin en octobre 2008 au plus tard, comme vu ci-dessus, soit avant même la délivrance de l’autorisation d’établissement en juin 2011.

L’on ne se trouve en outre pas dans le cas particulier récemment évoqué par le Tribunal fédéral, qui a jugé qu'une intégration qualifiée d'excellente pouvait jouer un rôle dans un cas où ladite intégration résultait des nombreuses années antérieures durant lesquelles l'étranger a séjourné et a travaillé régulièrement dans le pays (cf. arrêts 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 5.1 ; 2C_338/2019 du 28 novembre 2019 consid. 5). En effet, si, dans le présent cas, la recourante n’a fait l’objet d’aucune condamnation pénale, elle émarge cependant depuis de nombreuses années à l’aide sociale et n’a jamais été durablement intégrée sur le marché de l’emploi genevois, sans que son état de santé ne puisse expliquer totalement cette situation, au vu de l’état actuel du dossier et de l’absence de décision d’octroi de prestations AI, comme vu plus haut. À ce propos, il sera relevé qu’il appartenait à la recourante, si elle estimait devoir bénéficier de prestations AI en lieu et place de l’aide sociale, de déposer une requête dans ce sens auprès des autorités compétentes. Or, ce n’est qu’en mars 2021, soit après le prononcé de la décision de révocation querellée, dans le cadre de laquelle cette dépendance à l’aide sociale était précisément retenue à son encontre, qu’elle indique avoir déposé une telle demande. Elle n’invoque toutefois nullement que des éléments indépendants de sa volonté l’auraient empêchée de déposer une telle requête plus tôt, étant rappelé qu’elle dépendait de l’aide sociale depuis plus de huit ans lorsqu’elle a finalement saisi l’OCAS. Pour le surplus, le fait que, selon elle, l’HG ne lui ait pas recommandé de déposer une requête AI plus tôt ne saurait justifier sa propre inaction, dès lors que, en l’absence de curatelle ou d’autres mesures de protection de l’adulte, c’était à elle qu’il appartenait de prendre l’initiative de telles mesures, tout en conservant la possibilité de se faire assister dans ce cadre, ce qu’elle n’a d’ailleurs pas manqué de faire lors du dépôt de la requête en mars 2021. En outre, il n’apparaît pas que les liens que la recourante a créés en Suisse, où elle ne possède aucune famille, dépasseraient en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu d’un étranger y ayant passé un nombre d'années équivalent. Elle ne peut du reste pas se prévaloir d’une intégration sociale exceptionnelle, aucune allégation de relations particulières créées avec des personnes séjournant en Suisse n’ayant été formulée. Quoi qu’il en soit, même une bonne intégration ne pèserait que d'un faible poids dans la balance des intérêts en présence et elle ne peut pas justifier, à elle seule, le maintien d’une autorisation d’établissement en Suisse, lorsque l'étranger a pu, comme en l'espèce, s'intégrer à la faveur d’un titre de séjour obtenu sur la base de dissimulation de fait essentiels et émarge depuis de longues années à l’aide sociale, pour un montant très important.

Sous l'angle de l'intérêt public, il faut rappeler que le législateur suisse poursuit une politique migratoire restrictive et qu'il existe un intérêt public à ce que les règles sur le séjour qui en découlent soient respectées, afin d'éviter que ce but ne soit vidé de sa substance. Il y a donc un intérêt public important à ce que des étrangers ne puissent être récompensés de leurs mensonges en pouvant conserver une autorisation de séjour qu'ils ont obtenue sur la base de fausses déclarations ou de la dissimulation de faits essentiels (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 4.7).

En conclusion, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, il apparaît que c’est à bon droit que l’autorité intimée a retenu que les conditions de révocation de l’autorisation d’établissement de la recourante étaient remplies.

25.         L’autorité intimée s’est engagée, dans la décision attaquée, à préaviser favorablement l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de la recourante auprès du SEM, en application de l’art. 63 al. 2 LEI, lequel prévoit que l’autorisation d’établissement peut être révoquée et remplacée par une autorisation de séjour lorsque les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI ne sont pas remplis.

26.         Conformément à la jurisprudence, une rétrogradation au sens de l'art. 63 al. 2 LEI n'entre pas en considération lorsque les conditions d'une révocation de l'autorisation d'établissement sont réunies, c'est-à-dire lorsqu'il existe un motif de révocation au sens de l'art. 63 al. 1 LEI et que la mesure mettant fin au séjour est proportionnée. D'après le texte clair de la disposition, la rétrogradation n'est en effet admissible que lorsque les critères d'intégration de l'art. 58a LEI ne sont pas réunis et non pas lorsque la personne concernée a réalisé un motif de révocation et que le renvoi se révèle proportionné (arrêts du Tribunal fédéral 2C_264/2021 du 19 août 2021 consid. 5.2 ; 2C_268/2021 du 27 avril 2021 consid. 6 ; 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 6.1 ; 2C_782/2019 du 10 février 2020 consid. 3.3.4 ; 2C_58/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.2 ; 2C_450/2019 du 5 septembre 2019 consid. 5.3 ; cf. également Rapport explicatif du 2 août 2018 sur la modification de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA; RS 142.201] relatif à la modification du 16 décembre 2016 de la loi fédérale sur les étrangers, p. 13 ad art. 62a OASA).

27.         En l’occurrence, compte tenu du fait que la décision attaquée prononce la révocation du permis d’établissement de la recourante en application des art. 63 al. 1 let. a LEI, en lien avec l’art. 62 al. 1 let. b LEI, et de l’art. 63 al. 1 let. c LEI, le remplacement de cette autorisation d’établissement par une autorisation de séjour en application de l’art. 63 al. 2 LEI n’entre pas en ligne de compte, conformément à la jurisprudence précitée.

Par conséquent, il y a lieu de retenir que l’autorité intimée, faisant usage de son pouvoir d’appréciation, a décidé, à titre discrétionnaire, de soumettre le cas de la recourante au SEM avec un préavis favorable, étant rappelé que, conformément à l’art. 85 al. 3 OASA, l’autorité cantonale compétente en matière d’étranger peut soumettre pour approbation une décision au SEM afin qu’il vérifie si les conditions prévues par le droit fédéral sont remplies.

S’agissant spécifiquement de la proportionnalité de la soumission du cas de la recourante au SEM avec un préavis favorable en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour, la recourante soutient que l’autorité aurait plutôt dû lui octroyer, en lieu et place de cette mesure, un avertissement. Toutefois, le tribunal rappelle que s’agissant du choix de la mesure la plus adéquate au cas d’espèce, il n’est pas prévu de mesures « en cascade ». La loi ne prévoit pas que la révocation soit obligatoirement précédée d’un avertissement ou d’une rétrogradation. La mesure à prendre doit être dans tous les cas proportionnés (Directives LEI, ch. 8.3).

Par conséquent, dès lors que la loi ne prévoit nullement qu’une mesure de révocation doit obligatoirement être précédée d’un avertissement, cet argument tombe à faux. En outre, au vu des éléments du cas d’espèce, notamment la dépendance durable de la recourante à l’aide sociale et le fait que son union conjugale a pris fin en 2008, il n’apparaît pas que le prononcé d’un éventuel avertissement à l’encontre de la recourante, antérieurement au prononcé de la décision attaquée, aurait permis à cette dernière de modifier sa situation personnelle à court ou moyen terme, celle-ci perdurant depuis plusieurs années déjà. Par conséquent, au vu de ces éléments, l’absence d’avertissement prononcé à son encontre n’a pas violé le principe de proportionnalité.

L’’argument de la recourante selon lequel la rétrogradation fondée sur l’art. 63 al. 2 LEI, ne serait, selon la jurisprudence fédérale, pas soumise à l’approbation du SEM, dès lors qu’elle constituerait une décision cantonale uniforme, tombe à faux. En effet, il ressort du développement ci-dessus que la soumission du cas de la précitée au SEM ne repose non pas sur le mécanisme de rétrogradation prévu à l’art. 63 al. 2 LEI, qui ne peut trouver application en l’espèce, mais sur le pouvoir discrétionnaire de l’autorité intimée de soumettre un cas à l’autorité fédérale compétente avec un préavis favorable. Par conséquent, la recourante ne peut valablement invoquer la jurisprudence relative à cette disposition légale.

Au vu de ce qui précède, le tribunal donne acte à l’autorité intimée de ce qu’elle s’engage, dans la décision attaquée, à préaviser favorablement l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de la recourante auprès du SEM.

28.         Il convient encore de souligner que la décision litigieuse ne prononce pas le renvoi de Suisse de la recourante, de sorte que les conditions d'une admission provisoire n'ont pas eu à être examinée. Pour ce motif, le tribunal n'a donc pas à se prononcer sur le rôle que la guerre qui se déroule actuellement en Ukraine pourrait jouer à cet égard.

29.         En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

31.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

32.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 mars 2021 par Madame A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 12 février 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière