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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1729/2021

JTAPI/1325/2021 du 23.12.2021 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;REGROUPEMENT FAMILIAL
Normes : LEI.44; LEI.47.al1; LEI.47.al3.letb; OASA.75
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1729/2021

JTAPI/1325/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 décembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1965, est ressortissant du Kosovo.

2.             Il est père de trois enfants : Monsieur B______, né le ______ 1997, et Mesdames C______ et D______, nées respectivement les ______ 2003 et ______ 2005.

3.             Il réside en Suisse depuis le ______ 2006, date à laquelle il a obtenu une autorisation de séjour (permis B) au titre de regroupement familial à la suite de son mariage avec Madame E______, ressortissante suisse, née le ______ 1962. Le couple s'est séparé le ______ 2009.

4.             Par décision du 29 avril 2015, l'OCPM a refusé de délivrer à Monsieur A______ une autorisation de séjour au titre de regroupement familial pour son fils B______, décision entrée en force sans avoir été contestée. L'OCPM s'est ensuite prononcé négativement sur une demande de reconsidération de cette décision, ce qui a été confirmé par jugement JTAPI/1______ rendu le ______ 2016 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal).

5.             Par jugement du ______ 2017, le Tribunal de première instance de F______ (Kosovo) a confié à Monsieur A______, selon sa traduction française, les soins, la garde et l'éducation de ses deux filles mineures.

6.             Le 29 juin 2018, une demande d'autorisation d'entrée et de séjour en faveur des filles de Monsieur A______ a été déposée auprès de la représentation diplomatique de Suisse à Pristina.

7.             Depuis le ______ 2019, Monsieur A______ est titulaire d'une autorisation d'établissement (permis C).

8.             Par courrier du 30 octobre 2020, l'office cantonal de la population et des migrations lui a fait part de son intention de refuser la demande d'autorisation d'entrée et de séjour en faveur de ses filles.

9.             Par courriel du 8 février 2021, Monsieur A______ a fait part de ses observations à l'OCPM.

10.         Par décision du 12 avril 2021, l'OCPM a refusé la demande d'entrée et de séjour pour les filles de Monsieur A______.

Il ressortait du dossier que ses filles ne remplissaient pas les conditions d'octroi d'une telle demande.

Monsieur A______ avait obtenu une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial le ______ 2006 et avait jusqu'au ______ 2011 pour formuler une demande de regroupement familial en faveur de ses filles. Or, cette demande n'avait été déposée que le 29 juin 2018 auprès de l'Ambassade de Suisse à Pristina, soit pratiquement sept ans après la limite fixée par l'art. 47 LEI.

Par ailleurs, le fait que la mère des enfants se déchargeait de ses obligations de garde envers ses enfants n'était pas une raison familiale majeure justifiant un regroupement familial à l'expiration des délais prévus à l'art. 47 LEI.

L'établissement en Suisse des enfants représentait un déracinement culturel et social. Il était donc dans leur intérêt de pouvoir continuer à vivre auprès de leurs proches au Kosovo, pays dans lequel elles détenaient toutes leurs attaches familiales et sociales. Le regroupement familial semblait motivé principalement par des arguments économiques et non par la volonté prépondérante de reconstituer une communauté familiale. À cet égard, le jugement du ______ 2017 du Tribunal de première instance de F______ (Kosovo) n'indiquait aucunement qu'il était impossible pour les filles de continuer à vivre auprès de leur mère, dans la famille de celle-ci. Ledit jugement mentionnait seulement que les mineures souhaitaient vivre avec leur père puisqu'il avait de meilleures conditions économiques concernant la garde, l'éducation et la scolarisation.

Par ailleurs, Monsieur A______ était volontairement venu s'établir en Suisse, avait épousé le ______ 2006 à Genève Madame E______. Ses filles avaient été élevées par leur mère au Kosovo, avec laquelle elles vivaient actuellement. Il avait donc eu des contacts moins étroits avec ses enfants en comparaison des contacts entretenus par leur mère qui s'occupait d'elles au quotidien au Kosovo. Aussi, il ne pouvait pas se prévaloir de ses liens affectifs et financiers avec ses enfants au sens de l'art. 8 CEDH et il lui était possible de maintenir les relations entretenues jusqu'ici en envoyant de l'argent à leur mère pour leur entretien et en continuant à leur rendre visite lors de vacances. Par conséquent, les enfants C______ et D______ ne pouvaient pas déduire de la disposition conventionnelle un droit à s'établir auprès de leur père en Suisse.

11.         Par acte du 14 mai 2021, Monsieur A______ (ci-après: le recourant) a formé recours contre la décision de l'OCPM du 12 avril 2021 auprès du tribunal de céans.

À titre préalable, il concluait à l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter son recours ainsi qu'à son audition personnelle et celles de ses filles. À titre principal, il concluait à l'annulation de la décision, à l'octroi d'une autorisation de séjour pour ses filles et à l'octroi d'une indemnité équitable. Subsidiairement, il concluait au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision.

En substance, il faisait valoir que la situation au Kosovo n'était pas viable pour ses filles, car personne ne pouvait les prendre en charge et celles-ci désiraient vivre avec leur père. Il existait donc bien une raison familiale majeure au sens de la LEI pour accorder le regroupement familial et le leur refuser était contraire au principe de la bonne foi.

12.         Par courrier du 21 juillet 2021, l'OCPM a répondu au recours, en concluant à son rejet.

Tel qu'expliqué dans la décision querellée, les intéressés ne satisfaisaient pas aux strictes conditions nécessaires à l'admission d'un regroupement familial différé au sens de l'art. 47 al. 4 LEI. Les raisons familiales majeures pouvaient être invoquées lorsque le bien de l'enfant ne pouvait être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'était l'intérêt de l'enfant, et non les intérêts économiques, qui primait. En l'occurrence, il ressortait du jugement du Tribunal de première instance de F______ (Kosovo) produit par les recourants que le transfert au recourant du droit de garde et de ce qui semblait assimilable à l'autorité parentale visait principalement un but économique et matériel. Cela était confirmé par les diverses déclarations protocolées.

13.         Par courrier du 17 août 2021, le recourant a répliqué.

Le droit de garde lui avait été confié par jugement en 2017. Ledit droit n'était pas assimilable à une autorité parentale. Il fallait dès lors le comprendre comme un réel droit de présence avec leur père qui en avait la garde. Imaginer que des buts économiques étaient l'unique et majeure justification de ce jugement allait revenir à remettre en question la compétence de l'autorité en charge de cette décision. Le bien de l'enfant regroupait en effet plusieurs aspects, dont l'aspect économique. Cela permettait notamment une meilleure éducation et de meilleures conditions générales de vie. Minimiser ces points et uniquement se concentrer sur l'intitulé « économique » dénaturait l'essence même des termes « bien de l'enfant ». Il fallait dès lors interpréter le jugement de sorte à ce que l'autorité parentale avait été confiée au recourant pour le bien des enfants, dans son sens le plus large.

14.         Par courrier du 3 septembre 2021, l'OCPM a fait savoir au tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

15.         La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             À titre préliminaire, le recourant a sollicité sa comparution personnelle, ainsi que celles de ses filles.

7.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

8.             Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

9.             Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

10.         En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder à la comparution personnelle du recourant et de ses filles. Le recourant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments, dans le cadre du recours et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures, sans qu'il n'explique quels éléments la procédure écrite l'aurait empêché d'exprimer de manière pertinente et complète. Il a au contraire pu expliquer et documenter en détails la situation actuelle de ses filles au Kosovo ainsi que les raisons qui l'amènent à penser que celle-ci fait état de raisons familiales majeures conduisant à l'octroi d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial. S'agissant de ses filles, les motivations qui les poussent à vouloir le rejoindre en Suisse et qu'elles ont exprimées avant de pouvoir se rendre compte des implications que cela pourrait avoir pour elles dans la présente procédure, ressortent déjà clairement des éléments du dossier, notamment du jugement du ______ 2017 du Tribunal de première instance de F______ (Kosovo). De ce fait, il apparait peu vraisemblable que les auditions demandées apporteraient des éléments nouveaux et pourraient amener le tribunal de céans à modifier son opinion.

Par conséquent, la demande d'instruction tendant à sa comparution personnelle et celles de ses filles, en soi non obligatoire, sera rejetée.

11.         Le recourant conteste ensuite la validité de la décision de l'OCPM portant sur le refus d'autorisation d'entrée et de séjour en faveur de ses filles.

12.         Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

13.         En l'occurrence, le recourant a déposé sa demande de regroupement familial en faveur de ses filles en juin 2018. Par conséquent, la loi (qui sera abrégée ci-après sous le terme « LEI ») dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste applicable au présent litige.

14.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

15.         Aux termes de l’art. 44 LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019, l’autorité compétente peut octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans aux conditions suivantes : a. ils vivent en ménage commun avec lui ; b. ils disposent d’un logement approprié ; c. ils ne dépendent pas de l’aide sociale.

16.         Selon l’art. 47 al. 1 LEI, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois.

17.         Les délais commencent à courir, pour les membres de la famille d’étrangers, lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou d’établissement ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI).

18.         Ces limites d'âge et ces délais visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible (ATF 133 II 6 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2 ; 2C_467/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1.2 ; 2C_201/2015 du 16 juillet 2015 consid. 3.4 ; 2C_303/2014 du 20 février 2015 consid. 6). Les délais prévus à l'art. 47 LEI ont également pour objectif la régulation de l'afflux d'étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2). Ces buts étatiques légitimes sont compatibles avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 et les autres références).

19.         Le moment déterminant du point de vue de l'âge comme condition du droit au regroupement familial en faveur d'un enfant (art. 42 ss LEI) est celui du dépôt de la demande (ATF 136 II 497 consid. 3.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2018 du 23 janvier 2019 consid. 3.1). La condition est réalisée et le droit doit être reconnu si, à ce moment, l'enfant n'a pas atteint l'âge limite. Le droit au regroupement ne disparaît pas lorsque l'enfant atteint cet âge pendant la suite de la procédure, avant que l'autorisation ne lui soit octroyée (ATF 136 II 497 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2010 du 1er octobre 2010 ; ATA/313/2019 du 26 mars 2019 consid. 7b).

20.         Le Tribunal fédéral a précisé que même si le législateur a voulu soutenir une intégration des enfants le plus tôt possible, les délais fixés par la loi sur les étrangers ne sont pas de simples prescriptions d'ordre, mais des délais impératifs, leur stricte application ne relevant dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 2.3 ; cf. aussi ATA/313/2019 du 26 mars 2019 consid. 7b).

21.         Si l’étranger avait déjà le droit au regroupement familial avant l’octroi de l’actuelle autorisation, il en est tenu compte lors du calcul du délai pour le regroupement (autorisation de séjour transformée en autorisation d’établissement). Toutefois, les étrangers ne disposant pas d’un droit au regroupement familial qui ont sollicité en vain une première autorisation de séjour en faveur des membres de leur famille peuvent, ultérieurement à la survenance d’une circonstance leur ouvrant un véritable droit au regroupement familial, former une nouvelle demande pour autant que la première ait été déposée dans les délais visés à l’art. 47 LEI et que la seconde le soit également dans ces délais (ATF 137 II 393 consid. 3.3 ; directives et commentaires du Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) (domaine des étrangers, octobre 2013, état au 1er novembre 2021 (ci-après : Directives LEI), pp. 120-121, ch. 6.10.1).

22.         En l’espèce, le recourant disposait d’un délai impératif de cinq ans depuis l’obtention de son autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial, délivrée le ______ 2006, pour requérir le regroupement familial en faveur de ses filles, C______ et D______ , qui, à cette date, étaient âgées respectivement de 3 et 1 ans. Ce délai arrivait donc à échéance le ______ 2011. Ainsi, déposée le 29 juin 2018, soit environ 7 ans après l’échéance du délai précité, la demande de regroupement familial concernée est manifestement tardive.

Au surplus, le fait que le recourant a été mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement dès le ______ 2019 n’a pas fait naître un nouveau délai pour requérir le regroupement familial à compter de cette date, dès lors que la demande de regroupement familial déposée antérieurement, soit celle faisant l’objet du présent recours, n’a pas été formulée dans le délai légal impératif prévu par la loi (cf. consid. 16 ci-dessus).

23.         Passé le délai de l'art. 47 al. 1 LEI, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI ; art. 73 al. 3 OASA ; cf. ATF 136 II 78 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3).

24.         Le désir de voir tous les membres de la famille réunis en Suisse est à la base de toute demande de regroupement familial, y compris celles déposées dans les délais, et représente même une des conditions du regroupement (cf. art. 42 al. 1, 43 al. 1 et 44 let. a LEI : « à condition de vivre en ménage commun »). La seule possibilité de voir la famille réunie ne constitue dès lors pas une raison familiale majeure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1 ; 2C_887/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.2 ; 2C_205/2011 du 3 octobre 2011 consid. 4.5). Ainsi, lorsque la demande de regroupement est effectuée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1 et les références).

25.         Aux termes de l'art. 75 OASA, de telles raisons familiales majeures peuvent être invoquées lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est notamment le cas lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine, par exemple en cas de décès ou de maladie de la personne qui en a la charge. C'est l'intérêt de l'enfant et non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse) qui prime (not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1). Il n'est fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (cf. not. ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1 ; 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.2 ; 2C_363/2016 du 25 août 2016 consid. 2.3 ; 2C_438/2015 du 29 octobre 2015 consid. 5.1 ; 2C_1129/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.2). Selon la volonté du législateur, l'octroi d'une autorisation en vue de regroupement familial, lorsque la demande déposée en ce sens intervient en dehors des délais, doit en effet rester l'exception et ne pas constituer la règle (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_513/2021 du 18 novembre 2021 consid. 3.4.1 ; 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.1.1).

26.         Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester dans son pays (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_513/2021 précité consid. 3.4.1). De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.2 ; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.5). Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.2 ; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 ; 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.2 ; 2C_1129/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.2), dès lors que plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui le menacent apparaissent importantes (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.2). Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (arrêts du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.2 ; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.5).

27.         D'une manière générale, plus le jeune a vécu longtemps à l'étranger et se trouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs propres à justifier le déplacement de son centre de vie doivent apparaître sérieux et solidement étayés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2021 précité consid. 3.4.1 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 et l'arrêt cité). Des difficultés d'intégration peuvent en effet déjà survenir à l'âge de 13 ans. Le regroupement familial différé suppose également de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme l'exige l'art. 3 par. 1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107). Enfin, les raisons familiales majeures pour le regroupement familial différé doivent être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH ; cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1 ; 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2 ; 2C_1129/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.2).

28.         Les motifs (et les preuves) susceptibles de justifier le regroupement familial différé d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine (ATF 136 II 78 consid. 4.1 ; 133 II 6 consid. 3.1 et 3.3 ; 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_513/2021 précité consid. 3.4.1 et 2C_544/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1). Dans le cadre de son obligation de collaborer, il incombe à la personne bénéficiant du regroupement familial non seulement d'affirmer les circonstances correspondantes, mais aussi de les prouver (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 et 2.2 ; arrêts 2C_493/2020 du 22 février 2021 consid. 2.5.2 ; 2C_347/2020 du 5 août 2020 consid. 3.4 ; 2C_555/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.1).

29.         La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1 ; ATA/495/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse, lorsque celui-ci a continué à assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles. Il faut toutefois réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 129 II 11 consid. 3.3.2).

30.         Les délais prévus par l'art. 47 LEI visent notamment à éviter que des demandes de regroupement familial soient abusivement déposées en faveur d'enfants qui sont sur le point d'atteindre l'âge de travailler (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1 et les arrêts cités). Ainsi, faire venir un enfant peu avant sa majorité, alors que celui-ci a longtemps vécu séparément chez son autre parent vivant à l'étranger, constitue généralement un indice d'abus du droit au regroupement familial. En effet, on peut alors présumer que le but visé n'est pas prioritairement de permettre et d'assurer la vie familiale commune, mais de faciliter l'établissement en Suisse et l'accès au marché du travail. Il faut néanmoins tenir compte de toutes les circonstances particulières du cas qui sont de nature à justifier le dépôt tardif d'une demande de regroupement familial (cf. ATF 133 II 6 consid. 3.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1). Du point de vue de l'abus de droit, seul importe le point de savoir si les relations unissant l'enfant à son (ses) parent(s) qui invoque(nt) le droit au regroupement familial sont (encore) vécues (cf. ATF 136 II 497 consid. 4.3).

31.         Les circonstances (politiques, économiques, sécuritaires, sociales, etc.) affectant l'ensemble de la population ne sauraient justifier, de manière générale, une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3819/2014 du 1er novembre 2016 consid. 6.3.3 ; C-5312/2011 du 15 janvier 2013 consid. 6.5).

32.         Au surplus, le parent qui requiert le regroupement familial doit disposer de l'autorité parentale ou au moins du droit de garde sur l'enfant (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 p. 290; cf. aussi arrêt 2C_793/2011 du 22 février 2012 consid. 2.4 et les références). En effet, le regroupement familial doit être réalisé en conformité avec les règles du droit civil régissant les rapports entre parents et enfants et il appartient aux autorités compétentes en matière de droit des étrangers de s'en assurer (ATF 136 II 78 consid. 4.8). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cet examen doit se faire sur la base des pièces produites, étant rappelé que le parent qui sollicite le regroupement familial avec son enfant est tenu de collaborer à la remise des documents permettant d'établir l'existence d'un droit à vivre avec ce dernier en Suisse sous l'angle du droit civil (cf. arrêt du TF 2C_132/2011 du 28 juillet 2011 consid. 6.2.1).

33.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

34.         Dans un arrêt récent (ATA/212/2019 du 5 mars 2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé le refus d'octroi d'une autorisation de séjour pour regroupement familial d'un jeune âgé de plus de seize ans au moment où la demande de regroupement avait été formulée par son père, installé en Suisse depuis près de treize ans. La mère du jeune homme en avait confié la garde au père au moment où le garçon avait atteint l'âge de douze ans, considérant qu'elle n'était plus en mesure de lui assurer des conditions minimales et la meilleure éducation professionnelle. Ce transfert de la garde en 2013, entériné judiciairement, n'avait cependant pas entraîné le dépôt d'une demande de regroupement par le père, dont le fils avait continué à vivre dans son pays auprès de son grand-père paternel. Durant la procédure, la mère avait également attesté du fait que son souhait de confier la garde des enfants à leur père en 2013 venait du fait que ceux-ci étaient une pierre d'achoppement avec son futur partenaire. À partir du moment où les enfants avaient été confiés à leur père, elle n'avait plus voulu s'en soucier. La chambre administrative a considéré que la demande de regroupement reposait essentiellement sur des motifs d'ordre économique et professionnel et que, même si la santé du grand-père ne lui permettait plus de s'occuper de son petit-fils, il existait un réseau familial permettant à ce dernier d'obtenir le soutien dont il avait besoin, outre l'argent que son père établi en Suisse lui faisait parvenir. Cet arrêt permet également de lire entre les lignes les doutes que la chambre administrative a nourris au sujet des motifs pour lesquels la mère avait prétendument cessé de s'occuper de ses enfants. Il souligne par ailleurs le fait que le père du garçon, à qui la garde avait pourtant été confiée, ne semblait pas s'être soucié de faire venir son fils auprès de lui dès ce moment.

35.         En l’espèce, dans son mémoire de recours ainsi que dans un courrier du 10 mars 2019 adressé à l'OCPM, le recourant a expliqué ne pas avoir déposé la demande de regroupement familial en faveur de ses filles dans le délai légal en raison du fait que leur bien-être était la seule et unique chose qui importait et qu'elles n'étaient pas prêtes à se séparer de leur mère. En outre, alors que son fils ainé B______, avait tenté de le rejoindre en Suisse courant 2013, alors âgé de 16 ans, le recourant avait expressément déclaré avoir renoncé à faire venir ses filles au même moment, celles-ci étant, à ce moment, respectivement âgées de 10 et 7 ans. Au moment du dépôt de la demande querellée, le 28 juin 2018, ses filles étaient respectivement âgées de 15 et 13 ans.

Pour le surplus, on observera que selon les justifications du jugement du ______ 2017 du Tribunal de première instance de F______ (Kosovo), le recourant a quitté de son plein gré son pays en 2006 pour venir s'établir en Suisse, puis y est par la suite resté, laissant ses enfants au Kosovo. Si ledit jugement lui confie la garde et ce qui semble matériellement assimilable à l'autorité parentale, le recourant n'a pas concrètement démontré entretenir une relation véritablement étroite, effective et prépondérante, au sens de la jurisprudence, avec ses filles, dont il a vécu séparé pendant de nombreuses années. Si, selon les éléments du dossier, il s'est effectivement rendu à plusieurs reprises au Kosovo et semble s'être enquis de la situation de ses filles, il n'apparait pas que son rôle ait été à ce point décisif pour régler leur existence sur les questions essentielles. Au demeurant, il ne le démontre pas. Au contraire, il ressort du dossier que ses filles ont toujours vécu auprès de leur mère ainsi que des frères de celle-ci, et ce même actuellement. En outre, selon les déclarations du recourant, il n'avait pas choisi de déposer une demande de regroupement familial car ses filles n'étaient pas prêtes à quitter leur mère. Il apparait que bien que la mère ne dispose formellement plus de l'autorité parentale et de la garde sur ses filles, la relation qu'elle entretient avec ces dernières peut être considérée comme prépondérante.

De surcroît, le tribunal relève qu'il ressort de la traduction française du jugement du Tribunal de F______(Kosovo) du ______ 2017 que le recourant avait « des meilleures conditions de vie, de scolarisation et [d]e bien-être des enfants », étant précisé que ses filles ne s’opposaient pas à ce que leur garde soit confiée à leur père, qui bénéficiait de « meilleures conditions économiques ». Au vu de ces circonstances, il y a lieu de penser que la demande de regroupement familial litigieuse avait principalement pour but de donner à Mesdames C______ et D______ l'opportunité de suivre une formation en Suisse et de leur assurer de meilleures conditions socio-professionnelles, et non pas uniquement d'être réunies avec leur père, dont elles ont vécu séparées depuis 2006. Or, un tel motif, certes compréhensible, ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 47 al. 4 LEI. Il ne saurait être pris en compte dans le cadre du regroupement familial, dont le but n'est pas d'assurer aux enfants un avenir plus favorable en Suisse, ni de contourner la loi. Ainsi, contrairement à ce que prétend le recourant, le fait que ce jugement lui octroie la garde de ses filles ne tend pas à reconnaître, sur cette base, un droit au regroupement familial. Il importe à cet égard de relever que ce jugement peut être mis en œuvre par un retour du recourant au Kosovo auprès de ces filles et qu'il est donc faux de soutenir que les autorités suisses interféreraient avec les pouvoirs des autorités du Kosovo. A l'inverse, ces dernières ne peuvent pas non plus imposer une solution impliquant que les autorités suisses se voient obligées de délivrer une autorisation de séjour aux filles du recourant. Ce n'est d'ailleurs nullement ce que prévoit le jugement en question.

S'agissant de solutions alternatives de prise en charge de ses filles dans leur pays d'origine, celles-ci ont vraisemblablement toujours vécu dans le village de G______ (Kosovo), chez les frères de leur mère, au moins depuis le départ de leur père en Suisse. Si, selon le jugement du ______ 2019, leur mère s'était déclarée n'être plus à même de subvenir aux besoins de ses filles, ces dernières disposent selon toute vraisemblance d'un tissu familial et social autre qu'uniquement leur mère, en sus du soutien financier de leur père, ce qui leur permettra vraisemblablement de subvenir à leurs besoins. En effet, si la garde et l'autorité parentale ont effectivement été confiées au père depuis juin 2017, ses filles vivent toujours actuellement au Kosovo avec leur mère, au sein de la famille de celle-ci.

Par ailleurs, aussi compréhensibles qu'ils soient, les arguments relatifs à la volonté des membres d’une famille de vivre ensemble ne sauraient être suffisants pour justifier un regroupement familial différé, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus.

Enfin, concernant la situation personnelle de ses filles, il sied de relever que Mme C______ , actuellement âgée de 18 ans, a vécu jusqu’à présent au Kosovo. Elle y a ainsi passé toute son enfance et son adolescence, périodes déterminantes pour la formation de la personnalité. Elle y a également effectué toute sa scolarité et y possède vraisemblablement l’ensemble de ses attaches. S’il n’est pas contesté que le recourant, nonobstant son domicile à Genève, a toujours maintenu un lien avec elle, il n’en demeure pas moins que le cercle de vie de cette dernière se trouve au Kosovo. Enfin, rien ne laisse à penser qu’en tant que jeune adulte, elle ne pourrait pas continuer à mener sa vie au Kosovo indépendamment du lieu de résidence de son père, comme elle l’a d’ailleurs fait depuis sa naissance. S'agissant de Mme D______, actuellement âgée de 15 ans, celle-ci a également vécu jusqu'à présent au Kosovo. Elle y a passé toute son enfance et le début de son adolescence. Elle y a également effectué sa scolarité et y possède vraisemblablement, tout comme sa sœur, l'ensemble de ses attaches. Ainsi, un déplacement du lieu de vie de Mmes C______ et D______ à Genève aurait pour conséquence de leur faire quitter leur pays d’origine et la vie qu’elles sont en train de s’y créer, pour venir vivre dans un pays dans lequel elles ne se sont apparemment jamais rendues auparavant, selon les déclarations du recourant. Il sied également de relever que rien ne démontre qu'elles maîtrisent le français, ce qui, vu leur âge et leur niveau de scolarité respectif, rendrait d'autant plus difficile leur intégration à Genève.

36.         En conclusion, c’est à juste titre que l’autorité intimée n'a pas retenu de raison personnelle majeure justifiant un regroupement familial différé dans la situation du cas d'espèce.

37.         Toutefois, selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_786/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1 et les références citées). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d'établissement), par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ; arrêts 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 1.1 ; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5).

L'art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un Etat déterminé : la Convention ne garantit en effet pas le droit d'une personne d'entrer ou de résider dans un Etat dont elle n'est pas ressortissante ou de n'en être pas expulsée (cf. ATF 144 I 91 consid. 4.2 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée ; cf. ATF 143 I 21 consid. 5.1). Toutefois, le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 CEDH, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (cf. ATF 145 I 227 consid. 3.1 ; 141 II 169 consid. 5.2.1 ; 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.1).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible aux conditions de l'art. 8 par. 2 CEDH. La mise en oeuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue un but légitime au regard de cette disposition conventionnelle (ATF 137 I 284 consid. 2.1 ; 135 I 153 consid. 2.2.1). Le refus d'octroyer une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 par. 2 CEDH ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce, résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence, fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 137 I 284 consid. 2.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_492/2018 du 9 août 2018 consid. 4.2). Cette condition correspond aux exigences de l'art. 96 al. 1 LEI (ATF 140 I 145 consid. 4.3).

Cela étant, un droit effectif au regroupement familial ne peut découler de l'art. 8 CEDH qu'à condition que les exigences y relatives fixées par le droit interne soient respectées (cf. ATF 137 I 284 consid. 1.3 et 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6 ; 2C_555/2017 du 5 décembre 2017 consid. 3 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1 et les références). Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, une personne qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1 ; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1 ; 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Notamment, le regroupement familial doit avoir été demandé dans les délais prévus à l'art. 47 LEI et ne doit pas intervenir en violation claire des intérêts et des relations familiales de l'enfant, la relation antérieure entre l'enfant et le parent qui requiert le regroupement devant faire l'objet d'une appréciation, et il ne doit pas y avoir d'abus de droit (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; 2C_176/2015 du 27 août 2015 consid. 2.1 ; 2C_303/2014 du 20 février 2015 consid. 4.1).

38.         En l'occurrence, concernant Mme C______, le tribunal constate que celle-ci est majeure et qu’aucun élément ne laisse à penser qu’elle se trouverait dans un rapport de dépendance quelconque, au sens de la jurisprudence précitée, avec son père. S'agissant de Mme D______, vu les développements qui précèdent, bien que mineure, il n'apparait pas que la relation qu'elle entretient avec son père soit aussi étroite et intense que l'exige la jurisprudence.

Par conséquent, ni le recourant, ni ses filles ne sauraient se prévaloir valablement de leur droit au respect de la vie familiale pour en déduire un droit à séjourner en Suisse. En tout état, dans la mesure où le recourant aurait été libre de déposer sa demande de regroupement en temps utile, mais ne l'a pas fait, il n'apparaît pas disproportionné d'attendre de lui et de ses filles qu'ils continuent à vivre leur relation comme ils l'ont fait jusqu'ici, en faisant notamment usage des moyens de communication modernes ou de séjours au Kosovo ou en Suisse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.6).

En outre, compte tenu des développements qui précèdent, force est de constater qu'en vertu de la législation suisse, ses filles ne disposent d’aucun droit à obtenir un titre de séjour sur le sol helvétique. Par conséquent, conformément à la jurisprudence précitée, il ne serait pas concevable qu’elles bénéficient, par le biais du droit conventionnel, d’un droit à séjourner en Suisse, étant rappelé que le droit au respect de la vie familiale n’est pas absolu et que la mise en œuvre d’une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue précisément un but légitime susceptible de justifier une ingérence dans ce domaine, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus.

39.         Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande de regroupement familial formulée en faveur de Mmes C______ et D______.

40.         En conclusion, le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

41.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 100.-, sera restitué au recourant. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

42.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 mai 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 12 avril 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 700.- et ordonne la restitution du solde de son avance de frais, soit CHF 100.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière