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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1097/2020

JTAPI/866/2021 du 01.09.2021 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;SANCTION ADMINISTRATIVE;MANDATAIRE
Normes : LCI.1.al1.letc; LCI.1.al6; LCI.137; LPAI.6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1097/2020 LCI

JTAPI/866/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er septembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Bruno MEGEVAND, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             La commune de B______ (ci-après : la commune) est propriétaire de la parcelle n° 1______, rue de la C______ sur laquelle est érigé un bâtiment occupé par la mairie.

2.             Le 21 mars 2018, la commune soit pour elle, Monsieur D______, a obtenu du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une autorisation de construire DD 1______, visant la transformation de la mairie et la suppression du logement de service. Le mandataire désigné était Monsieur A______, architecte auprès de la société E______ SA.

3.             Cette décision était notamment conditionnée au respect du préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 17 octobre 2017, lequel rappelait que ce bâtiment, construit dès son origine en 1851-1852 pour abriter la mairie et l'école du village de B______, avait fait l'objet d'une transformation importante par les architectes F______ père et fils en 1978-1979. Aujourd'hui, la partition des espaces, l'essentiel du choix des interventions et de la nature des revêtements étaient les témoins de cette opération. Au vu de cette situation et du projet proposé, la commission s'était déclarée généralement positive quant au projet de transformation et d'aménagement des espaces intérieurs. Elle avait pris note que le programme, destiné à une double occupation liée aux activités de l'administration et de la population du village, nécessitait certains aménagements pour faciliter l'accès aux bâtiments pour les personnes à mobilité réduite. En ce sens, elle n'émettait pas d'objection pour la mise en place d'un emmarchement et de rampe d'accès prévues sur les façades Ouest et Est, de même qu'elle préavisait favorablement la création des deux portes d'accès proposées. Considérant la situation et l'intérêt patrimonial de ce bâtiment singulier au cœur du village, l'intervention sur l'enveloppe du bâtiment et sur les marquises, exprimées de manière légère et réversible, devraient faire l'objet d'une étude et de détails soignés à mettre au point avec le service. Enfin, la nature et l'épaisseur des murs ainsi que la présence de solives anciennes formant les structures intérieures ne justifiaient pas la mise en place systématique d'une isolation intérieure qui pourrait, à terme, occasionner des dégâts liés à la modification du climat dans ce bâtiment du XIXe siècle.

Le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) rappelait que dans la zone protégée, il souhaitait la mise en œuvre de matériaux traditionnels et de teintes adaptées au contexte. Dans le cas précis, la CMNS demandait notamment que soit soumis au SMS pour approbation, avant commande des travaux, l'ensemble des détails constructifs ainsi que les choix de teintes et de matériaux liés au traitement général de l'enveloppe, à la réalisation des marquises et des rampes d'accès, des menuiseries, des aménagements extérieurs etc. S'agissant de l'isolation intérieure des murs de façade, la commission souhaitait que soit transmis au service, pour approbation avant la commande des travaux, un concept d'intervention ainsi que des détails constructifs garantissant la pérennité de l'édifice.

4.             L'avis d'ouverture de chantier signé par l'entreprise générale G______ SA et la commune de B______ indique que la date de début des travaux était prévue le 27 août 2018. Selon le descriptif sommaire de travaux intérieur, il est indiqué " Rénovation intérieure complète, nouvelle dalle sur salle polyvalente". Le mandataire désigné est M. A______.

5.             Par courrier du 31 mai 2019, le département s'est adressé à M. A______, lui indiquant que lors d'un constat effectué sur place le 10 janvier 2019 par l'un de ses inspecteurs, il était apparu que le plancher en bois du premier étage avait été démoli et reconstruit en plancher métallique, sans autorisation. Les éléments précités, au sujet desquels le département n'avait été saisi d'aucune requête en autorisation de construire, étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). En effet, conformément à l'autorisation de construire DD 1______ ainsi qu'au préavis du 17 octobre 2017, ces éléments auraient dû être soumis au préalable au SMS avant toute possibilité d'intervention. Un délai de 10 jours lui était imparti pour communiquer ses observations et explications quant aux faits constatés. Toute mesure et/ou sanctions demeuraient expressément réservées.

6.             Par courrier du 12 juin 2019 adressé au DT, M. A______ a exposé que la commune et l'entreprise générale G______ SA, au vu de l'état du plancher du premier étage (à l'emplacement de l'ancien logement) et suite aux conseils du bureau d'ingénieurs H______ SA, avaient décidé de la démolition « partielle » du plancher et de la construction d'un plancher métallique « identique » au plancher existant au rez-de-chaussée du bâtiment. Le 27 août 2018, il avait informé la commune et l'entreprise générale que cette modification n'était pas conforme à l'autorisation de construire. Afin de ne pas arrêter le chantier, la commune de B______ avait adjugé dans l'urgence les travaux du nouveau plancher.

Lui-même avait été, tout au long du chantier, en contact permanent tant avec l'office des autorisations de construire qu'avec le SMS. Il avait transmis, à la demande de ce service un dossier photographique de l'état du plancher concerné qui, à son avis, n'était pas d'origine et en très mauvais état ainsi que les rapports des ingénieurs civils attestant que ce plancher ne pouvait pas, à un endroit précis, être conservé.

Tant le maître d'ouvrage que l'entreprise générale souhaitaient vivement régulariser la situation, le cas échéant en déposant un dossier auprès de l'office selon les plans d'exécution réalisés par l'entreprise générale.

7.             En date du 22 novembre 2019, une visite sur place été organisée avec la conservatrice cantonale des monuments afin qu'elle puisse se rendre compte de l'impact des travaux réalisés.

Sur la base du constat effectué à cette occasion, il avait été décidé pour des raisons de proportionnalité (les travaux étant quasiment achevés) de ne pas ordonner une remise en état du plancher en bois.

8.             Par décision du 14 février 2020, le département a infligé une amende administrative de CHF 20'000.- à M. A______ pour avoir réalisé des travaux sans droit, lesquels étaient difficilement réversibles, en ne respectant pas l'autorisation de construire DD 1______, à savoir la destruction complète de la structure primaire d'un bâtiment en site protégé, en l'occurrence l'entier du plancher d'origine au-dessus de la grande salle.

Le département lui reprochait, compte tenu de son statut de professionnel de l'immobilier, de l'avoir mis devant le fait accompli, l'absence de tentative de sauvegarde ou de recherche d'une solution alternative, la décision délibérée unilatérale du mandataire et du requérant de procéder à une démolition et à une reconstruction non autorisée, sans consultation des instances concernées, la réalisation de travaux non autorisables et contraires aux prescriptions pour la préservation des monuments (remplacement d'un plancher bois par une structure métallique), la dissimulation des faits jusqu'à la découverte fortuite lors d'une phase ultérieure des travaux, la dévaluation irréversible d'un bâtiment recensé en note 3 et faisant partie intégrante de la substance bâtie du village protégé de B______ ; la gravité des faits entrepris, de surcroît par le représentant d'une communauté publique ; le fait que seule la restitution d'un plancher en bois permettrait de rétablir la cohérence constructive et d'assimiler le remplacement des travaux autorisables ; les implications non souhaitées telles que les importants gaspillages que produirait une mise en conformité correspondant à des travaux autorisés, à savoir la démolition des dalles métal existantes et des constructions aux niveaux supérieurs en vue de la restitution d'un plancher en bois.

Suite à une visite sur place le 22 novembre 2019 par la conservatrice cantonale des monuments de l'office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS), en présence d'un architecte du SMS, des mandataires (architecte et ingénieur civil) et du maître d'ouvrage (mairie de B______) et compte tenu des enjeux et de la problématique patrimoniale des travaux réalisés sans droit et concernés par la présente procédure d'infraction, le département avait renoncé, exceptionnellement et en application du principe de proportionnalité à ordonner une remise en état du plancher en bois.

9.             Par courrier du 5 mars 2020 adressé à M. A______, le maire de la commune, lui a indiqué qu'il assumait, en sa qualité de maire, la responsabilité pleine et entière du possible problème avec les autorités cantonales, en particulier avec le département et l'informait que la commune prendrait en charge toutes sanctions si par impossible elle devait être confirmée ainsi que tous les frais et honoraires d'avocat qu'elle l'invitait à mandater au plus vite. Il l'enjoignait à recourir contre la décision en question et d'appeler en cause la commune. Il entendait, en sa qualité de maire et de représentant du maître d'ouvrage, intervenir dans cette procédure en qualité de partie.

10.         Par acte mis à la Poste le 17 mars 2020, M. A______ a recouru, sous la plume de son conseil, contre la décision précitée. Ce recours, adressé au Tribunal de première instance (ci-après TPI), a été transmis par cette juridiction au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 19 mars 2020. Par pli recommandé du 19 mars 2020, parvenu au greffe du tribunal le 23 mars 2020, le recourant lui a transmis son recours ainsi qu'un chargé de pièces, expliquant que deux exemplaires avaient été déposés par erreur le 17 mars 2020 auprès du TPI, comment l'attestait le récépissé de la poste. Préalablement, il sollicitait l'appel en cause de la commune, soit pour elle, son maire, M. D______, afin qu'elle intervienne formellement comme partie à la procédure. Principalement, il a conclu à l'annulation de la décision précitée; subsidiairement à ce que l'amende infligée soit fixée à CHF 500.- au maximum, le tout sous suite de frais et dépens.

La commune s'était engagée à assumer toute la responsabilité de ce qu'elle espérait être un simple malentendu, à sa place, prenant en charge le cas échéant les honoraires d'avocat et l'amende si par impossible celle-ci devait être, assurément réduite, mais confirmée dans son principe, la décision à venir lui devenant ainsi opposable.

Si les travaux réalisés avaient été entrepris sans autorisation, les travaux étaient conformes aux prescriptions légales. En effet, le caractère inutilisable de la partie du plancher démoli n'était pas discutable au regard des constatations entreprises par les ingénieurs, lesquelles étaient versées à la procédure. La solution de remplacement choisie, soit l'installation d'une dalle mixte métallique, l'avait été sur des bases techniques objectives - en tant qu'elle constituait la meilleure option pour la destination des locaux et pour assurer un renforcement adéquat de la structure même du bâtiment - mais également pour assurer la cohérence de la construction dans sa globalité, en tant que cette technique était déjà présente, respectivement avait été autorisée, dans une partie du rez-de-chaussée du bâtiment. En outre, la dalle mixte métallique concernée permettait d'assurer une cohérence visuelle dans l'ensemble du bâtiment une fois les travaux terminés. Il n'existait aujourd'hui aucune différence visible entre les surfaces de l'étage soutenues par le plancher existant qui avait pu être conservé sur les 2/3 et celles soutenues sur 1/3 par la dalle mixte. Partant, si la démolition partielle du plancher et son remplacement par une dalle mixte métallique - éléments non prévisibles au moment de la demande d'autorisation de construire - n'avaient pas été formellement autorisés, ces travaux étaient néanmoins conformes aux prescriptions légales.

Les faits démontraient que les autorités, en l'occurrence principalement le SMS, avaient été dûment informées de la problématique rencontrée dès le mois de novembre 2018. En effet, lors de sa visite sur place, le 22 novembre 2018, Monsieur I______ n'avait pu que constater la présence de la dalle mixte métallique, celle-ci n'étant pas encore couverte. Les parties avaient évidemment échangé à ce sujet. C'était dès lors à tort que le département parlait de découverte fortuite voire de dissimulation de la part du recourant ou du maître d'ouvrage. De la même manière, la collaboration entre le recourant, la commune et les autorités avait toujours été empreinte de transparence. Toutes les parties avaient œuvré de manière constructive afin que la réhabilitation projetée soit une réussite, principalement pour que l'esprit du bâtiment soit conservé de la meilleure manière qui soit et les erreurs effectuées à la fin des années 1970.

Il avait considéré en toute bonne foi que la situation était sous contrôle, l'autorité ayant été informée en toute transparence des démarches qui avaient dû être effectuées en dehors du périmètre de l'autorisation délivrée. À réception du courrier du département du 31 mai 2019, il avait immédiatement et à nouveau apporté toutes les informations utiles et indiqué qu'il se conformerait aux injonctions de l'autorité, le maître d'ouvrage et l'entreprise générale souhaitant vivement régulariser la situation, le cas échéant en déposant un dossier selon les plans d'exécution réalisée par l'entreprise générale. Ce courrier était resté lettre morte jusqu'à la notification de la décision querellée quelques huit mois plus tard. Il avait toujours considéré de bonne foi qu'il serait remédié à la situation dans le cadre de cette collaboration constructive

11.         En date du 22 mai 2020, le département s'est déterminé sur la requête d'appel en cause concluant à son rejet.

12.         En date du 3 juin 2020, le recourant a répliqué sur cette question.

13.         Par décision du 25 juin 2020 (DITAI/245/2020), le tribunal a rejeté la demande d'appel en cause de la commune de B______. Cette décision est définitive.

14.         En date du 19 juin 2020, le département s'est déterminé sur le recours. Il a conclu à son rejet et à la confirmation de l'amende prononcée.

Le recourant en sa qualité de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) devait assumer la direction des travaux.

S'il n'était pas contesté que les travaux autorisés avaient été mis en œuvre conformément aux conditions énoncées dans le préavis de la CMNS du 17 octobre 2017, il était en revanche faux de prétendre que le remplacement du plancher litigieux avait fait l'objet d'un quelconque échange avec son représentant. Ce n'était qu'une fois les travaux réalisés et la dalle métallique posée que ce dernier avait été informé de la situation et que les documents qu'il avait requis-pour comprendre ce qui avait amené le recourant ainsi que la commune à vouloir les entreprendre lui avaient été adressés. À ce moment, il n'y avait déjà plus de possibilités pour la CMNS de prendre en considération cette problématique afin de l'analyser et de proposer des solutions en adéquation avec le plan de site n° 3______, lequel précisait que s'agissant des bâtiments maintenus, dont notamment la mairie, les structures porteuses de même que les éléments dignes de protection devaient être sauvegardés (art. 4 de son règlement). Cela sans oublier que ces travaux auraient de toute manière dû faire l'objet d'une demande d'autorisation de construire, qui aurait pu être déposée sous la forme d'une demande complémentaire ce que le recourant, comme il avait d'ailleurs reconnu, n'était pas sans savoir.

Alors que le recourant prétendait dans son courrier du 12 juin 2019 qu'il savait qu'une autorisation de construire était nécessaire pour la réalisation de ces travaux et qu'il en avait informé le maître d'ouvrage, ainsi que l'entreprise générale, il était surprenant que ce dernier vienne aujourd'hui affirmer qu'en « collaborant et en échangeant pleinement et en confiance avec le représentant de la CMNS, il avait considéré en toute bonne foi que la situation était sous contrôle, l'autorité ayant été informée, encore une fois en toute transparence, des démarches qui avaient été effectuées, en dehors du périmètre de l'autorisation délivrée». En sa qualité de MPQ, il aurait dû prendre les mesures adéquates lorsque la situation avait été constatée afin que le chantier soit interrompu et que les discussions puissent être mises en œuvre avec l'instance de préavis susmentionnée, en vue du dépôt d'une demande complémentaire. D'ailleurs, contrairement à ce qu'il indiquait, d'autres solutions comme par exemple la reconstitution à l'identique de ce plancher en bois aurait pu être discutées avant que la décision ne soit prise de le remplacer par une dalle métallique.

Concernant la quotité de l'amende, il était faux de prétendre que l'amende légalement la plus élevée avait été infligée alors que les travaux étaient conformes aux dispositions légales applicables. Ceci était contredit par l'art. 4 du règlement susmentionné qui imposait la sauvegarde des éléments porteurs des bâtiments maintenus mais cela également était également contesté par la CMNS qui avait pris la décision de dénoncer cette situation à l'autorité intimée lorsqu'elle en avait eu connaissance, ce qui tendait à démontrer qu'elle y était opposée.

Le DT avait fixé le montant de l'amende à CHF 20'000.- notamment pour prendre en considération le fait que le comportement du recourant n'avait dans ce dossier de loin pas été optimal, puisqu'alors qu'il était en contact permanent avec le représentant de la CMNS, il aurait dû l'informer de cette situation avant que les travaux ne soient entrepris et que la perte de cette substance primaire n'intervienne, afin notamment qu'une tentative de sauvegarde soit mise en œuvre ou la recherche d'une solution alternative discutée.

Au vu des connaissances qu'il avait du dossier et notamment du fait que la CMNS avait émis des conditions strictes au niveau des travaux à exécuter, il était difficilement compréhensible que le recourant ne l'ait pas consultée préalablement. Il ne pouvait se cacher derrière le fait que la commune et l'entreprise générale auraient décidé de mettre en œuvre immédiatement ces travaux alors que légalement, c'était lui qui vis-à-vis du département assumait la responsabilité de la direction des travaux.

S'il n'était pas d'accord avec les instructions données, il aurait dû en informer le représentant de la CMNS afin que ce dernier puisse directement intervenir auprès du maître d'ouvrage et de l'entreprise générale. Enfin, la fixation de la quotité de l'amende prenait également considération le fait qu'une remise en état du plancher en bois détruit ne pouvait plus être imposée pour des raisons de proportionnalité.

15.         Le 22 juillet 2020, le recourant a répliqué persistant pour l'essentiel dans son argumentation.

Contrairement à ce que prétendait le département, les travaux de remplacement partiel du plancher auraient pu être autorisés.

Il avait écrit le 12 juin 2019 à l'OAC qu'il souhaitait régulariser la situation en déposant un dossier selon les plans d'exécution réalisés par l'entreprise générale, mais aucune suite n'avait été donnée à ce courrier.

Depuis que le représentant de la CMNS avait eu connaissance de ces travaux le 10 novembre 2018, aucune protestation de cette instance ne s'était manifestée. Le bâtiment de la mairie n'était ni à l'inventaire ni classé. S'il présentait un intérêt patrimonial, il ne fallait pas oublier qu'il avait fait l'objet de travaux de transformation importants à la fin des années 1970, y compris le remplacement de certains planchers. La conservation de la partie du plancher qui avait fait l'objet des travaux litigieux n'était plus possible vu sa dégradation avancée, sans parler du fait que l'affectation des locaux nécessitait une dalle devant supporter une charge non négligeable. Le plancher ne pouvant ainsi être maintenu, il avait été remplacé en adoptant la même solution technique que celle déjà présente, respectivement autorisée, sur une partie du rez-de-chaussée du bâtiment. Ceci démontrait que les travaux litigieux étaient conformes aux prescriptions légales, de sorte que l'OAC n'aurait pas dû fixer le montant de l'amende au maximum admissible selon l'art. 137 al. 2 LCI.

C'était à tort que le département lui reprochait de n'avoir pas pris les mesures nécessaires et failli à ses obligations vis-à-vis du département. Dès qu'il avait eu connaissance de ce que les travaux projetés allaient au-delà de l'autorisation de construire, il avait demandé à l'entreprise générale de justifier la nécessité du remplacement d'une partie du plancher du premier étage par une attestation du bureau d'ingénieurs, de manière à pouvoir présenter ce document à la CMNS. Deux semaines plus tard, alors que cette attestation ne lui était pas parvenue, l'entreprise procédait à la démolition du plancher. Il ne voyait pas quelle mesure il aurait pu prendre pour prévenir l'exécution des travaux litigieux. Confiant dans le fait que ces travaux étaient nécessaires, il n'avait pas cherché à les cacher et lors de la première visite du représentant de la CMNS ayant suivi la pose du nouveau plancher métal métallique, cet élément de l'ouvrage avait pu être constaté. Partant, il avait respecté son devoir d'information tant envers le maître d'ouvrage et l'entreprise générale qu'envers le département. En outre, n'ayant pas la gestion du chantier, sa situation était problématique s'il ne recevait pas du maître d'ouvrage ou de l'entrepreneur général les informations et documents nécessaires, si bien que le chantier avançait sans qu'il soit en mesure de transmettre ces informations et documents à l'OAC.

16.         Le 24 août 2020, le département a présenté sa duplique, persistant dans ses conclusions.

Si le recourant savait le 27 août 2018 que le plancher du premier étage ne pouvait être conservé, il lui aurait appartenu en sa qualité de directeur des travaux au sens de l'art. 6 LCI et d'interlocuteur privilégié de cette personne, de prendre les devants avant que les travaux ne soient réalisés et que l'instance de préavis spécialisée ne soit mise devant le fait accompli.

Il ressortait du dossier que l'instance de préavis n'aurait jamais accepté la solution mise en place, d'autres alternatives comme par exemple la reconstitution à l'identique de ce plancher en bois pouvant être prises en considération.

Le recourant ne pouvait se retrancher derrière le fait que c'était la commune et l'entreprise générale qui auraient décidé de mettre en œuvre les travaux pour se dédouaner de toute responsabilité alors que légalement il avait l'obligation d'assumer la responsabilité des travaux.

S'il n'avait pas la maîtrise de ce chantier, il aurait dû sans délai informer le représentant de la CMNS afin que celle-ci puisse directement intervenir auprès du maître d'ouvrage ou de l'entreprise générale en vue d'empêcher la réalisation de ces travaux.

17.         Le 23 décembre 2020, le tribunal a procédé à l'audition des parties ainsi que de M. D______, maire de B______ et de M. I______, architecte conservateur auprès du SMS jusqu'au 31 octobre 2020, en qualité de témoins.

Le recourant a souligné d'entrée de cause que pour cette rénovation, il avait été était mandaté pour la direction architecturale, mais non pour la direction des travaux. Le département avait connaissance du fait qu'il y avait une entreprise générale.

Son conseil a attiré l'attention du tribunal sur la pièce 26 de son chargé, soit la lettre de M. A______ au département du 18 novembre 2018, laquelle rappelait les rôles et responsabilités de l'entreprise générale et d'E______ SA.

Le recourant a expliqué que le 27 août 2018, il avait reçu les plans d'exécution de l'entreprise générale mentionnant notamment la modification du plancher, lequel était dessiné en rouge. Il avait immédiatement averti l'entreprise générale que ce plan contrevenait à l'autorisation de construire.

Il a rappelé que les travaux devaient être conduits avec célérité, dès lors que les employés de la mairie étaient provisoirement installés dans un container. Son seul contact sur le chantier était avec l'entreprise générale à l'exclusion des autres corps de métier. Avant de s'adresser au SMS, il avait besoin d'un courrier de l'ingénieur expliquant la problématique du plancher. Le 10 septembre 2018, le plancher avait été démoli alors qu'il n'avait reçu le courrier de l'ingénieur que le 2 octobre 2018.

Il était en contact permanent avec M. I______ pour régler toutes les questions pouvant se poser au sujet de la rénovation du bâtiment. Lors d'un entretien téléphonique avec ce dernier, au sujet de la marquise, il l'avait informé qu'il était envisagé de relier cette marquise au plancher métallique proposé par l'ingénieur. À cette date, le plancher était commandé mais ni posé ni autorisé. M. I______ lui avait indiqué qu'il viendrait sur place et il était venu le 10 novembre 2018.

M. I______ a quant à lui indiqué qu'il avait eu un téléphone avec M. A______ qu'il datait du 6 décembre 2018. Lorsque le recourant avait évoqué la pose de la marquise, ils avaient discuté de la manière dont elle serait accrochée au bâtiment. Le recourant lui avait alors expliqué qu'il y aurait un problème pour la fixer à une certaine hauteur étant donné qu'il y aurait une dalle métallique à la place du plancher. Selon son souvenir, il s'était rendu sur place en janvier 2019.

Le recourant a souligné que le rendez-vous avait eu lieu le 10 novembre 2018.

Après avoir examiné les pièces 13 et 14 du chargé du recourant, M. I______ s'est souvenu que lors du rendez-vous du mois de novembre et selon le PV de séance, ils avaient réglé plusieurs questions mais en tout cas pas celle relative au plancher. En revanche, il avait dû observer que le plancher en bois avait été démoli, la dalle n'était pas encore posée. Au sujet de ce plancher, il avait dû dire à M. A______ qu'il convenait de trouver une solution pour son remplacement avant de poursuivre les travaux. Il lui avait demandé de lui fournir les éléments qu'ils avaient évoqués à savoir tous les éléments et pièces justifiant cette démolition.

M. A______ a indiqué que lors de la visite de M. I______ en novembre, le plancher avait été démoli. Il lui semblait que la structure métallique périphérique était déjà installée. À son souvenir, le plancher avait finalement dû être posé à la fin du mois de novembre 2018. M. I______ lui avait annoncé qu'il [M. I______] devrait informer le département de la démolition du plancher constatée.

Le recourant a exposé que le 2 octobre 2018, il avait reçu une attestation du bureau d'ingénieur concernant la nécessité de remplacer le plancher, laquelle était totalement insatisfaisante dès lors que les explications étaient incomplètes. Il avait reçu des explications complémentaires de l'ingénieur le 4 juin 2019 puis le 11 mars 2020.

M. I______ a encore indiqué que selon un courriel du 10 décembre 2018, qu'il versait à la procédure, il avait annoncé au département des travaux non conformes, réalisés sans l'accord des monuments et des sites, soit la démolition des planchers anciens et la construction d'une dalle en lieu et place de ceux-ci, et il lui avait demandé de prononcer un ordre d'arrêt de chantier. Enfin, il avait rappelé qu'il avait demandé différents éléments d'explication au mandataire dans le but d'une régularisation des travaux.

M. A______ a expliqué qu'il n'avait pas demandé à l'entreprise générale d'arrêter les travaux de remplacement du plancher. Il ne s'estimait en effet pas légitimé pour le faire. Il insistait sur le fait que le département, par l'intermédiaire de M. I______, avait été informé de la démolition du plancher non conforme à l'autorisation de construire dès novembre 2018. Le département aurait alors pu prononcer un ordre d'arrêt de chantier. Il avait quant à lui fait au mieux pour tenter de régulariser la situation.

Le représentant du département a rappelé que selon les pièces du dossier, le 21 juin 2018 M. A______ savait que le plancher devait être modifié. Il se référait à la pièce 19 du chargé du recourant.

M. I______ a insisté sur le fait que c'était lorsque M. A______ lui avait parlé de l'installation de la marquise qu'il avait compris que le plancher allait ou avait dû être modifié, dès lors que la solution technique proposée impliquait forcément une modification par rapport à ce qui avait été prévu.

Le représentant du département a indiqué qu'il était exact que le courriel du 10 décembre 2018 de M. I______ suggérant au département de prononcer un arrêt de chantier n'avait pas été suivi d'effets. Il rappelait que les ressources du département étaient limitées et que toutes les infractions ne pouvaient être contrôlées simultanément.

M. D______ a expliqué que selon lui le chantier avait été mené en toute transparence avec le département. Il n'avait jamais été question de cacher quoi que ce soit. Dans son esprit, même s'il n'était pas architecte, il lui avait paru indispensable de procéder à la modification du plancher pour éviter que la maison ne s'écroule. La situation était urgente. Il connaissait bien le fonctionnement de la CMNS, lui-même en ayant fait partie comme représentant des communes.

M. I______ après avoir pris connaissance des pièces 26 et 27 du chargé du recourant a indiqué qu'il n'avait pas reçu le courrier de M. A______ du 18 novembre 2018 au département, ni l'avis d'ouverture de chantier. Il avait effectué son travail sur la base des plans visés ne varietur et de l'autorisation de construire délivrée. Il était exact que son interlocuteur sur le chantier était M. A______.

M. A______ a enfin souligné qu'il travaillait en Suisse depuis plus de trente ans qu'il était passionné par les questions liées à la restauration de bâtiments anciens. Il avait notamment œuvré pour celle de l'hôtel d'Angleterre. Aussi, il avait été fortement blessé par l'amende qui lui avait été notifiée et en particulier par les affirmations selon lesquelles il aurait dissimulé des faits et causé la dévaluation irréversible du bâtiment. En effet, sur ce chantier, il avait particulièrement eu à cœur de restaurer le bâtiment dans le respect du patrimoine. D'ailleurs, il lui était apparu que le résultat final a été apprécié par le mandant et les administrés.

18.         Le 11 février 2021, le DT a écrit au tribunal qu'il persistait dans ses conclusions.

19.         Le 9 mars 2021, le recourant a produit des observations. L'instruction de la cause avait permis d'établir que dès le mois d'octobre ou dès le 8 novembre 2018 au plus tard, il avait informé en toute transparence le SMS de la problématique rencontrée dans le processus de rénovation du bâtiment. Par son courrier du 10 décembre 2018, M. I______ avait requis du département qu'il prononce un ordre d'arrêt de chantier, lequel de l'aveu du DT n'avait pas été suivi d'effet. Partant, il était indiscutable que l'allégation du département selon laquelle les faits auraient été « dissimulés » jusqu'à la découverte fortuite par lui des faits était erronée.

M. I______ avait reçu l'ensemble des documents, y compris les compléments requis, réclamés le 5 janvier 2019 qui devaient lui permettre d'examiner le dossier la semaine suivante. Rien ne laissait ainsi présager dans les discussions collaboratives entre le SMS et le recourant la position qui serait celle du département une année plus tard.

Il résultait de l'instruction du recours que l'existence d'une faute même sous la forme d'une négligence n'était pas établie, puisqu'il avait pu démontrer qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires dans le cadre de son mandat, en informant de manière régulière et transparente son interlocuteur au sein de l'autorité intimée. Aussitôt qu'il eut connu la nécessité de remplacer une partie du plancher en bois, non prévue dans la demande d'autorisation, il avait réclamé et obtenu des informations utiles auprès des ingénieurs qu'il avait immédiatement transmises à M. I______. Il n'avait pas commis de faute et avait accompli sa mission dans le respect des règles. Enfin, le département soutenait à tort qu'en sa qualité d'architecte, il aurait dû faire cesser immédiatement les travaux lorsqu'il eut connu qu'un plancher avait été partiellement démoli et qu'il serait remplacé par une structure métallique conformément aux préconisations des ingénieurs. En effet, le département lui-même alors qu'il avait été invité à prononcer un ordre de cesser les travaux ne l'avait pas prononcé.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Le recourant conteste le principe et subsidiairement le montant de l'amende de CHF 20'000.- infligée à son encontre par le département.

5.             Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. c LCI).

6.             Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation ait été délivrée. Si les travaux portent sur une démolition, ils ne peuvent commencer avant l'entrée en force de l'autorisation s'y rapportant (art. 1 al. 7 LCI).

7.             Dès que les conditions légales sont réunies, le DT est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI), mais aucun travail ne doit être entrepris préalablement (art. 1 al. 6 LCI).

8.             En l'espèce, il est constant que les travaux démolition du plancher n'ont fait l'objet d'aucune autorisation.

9.             L’art. 6 LCI dispose que la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2).

10.         De façon générale, la police des constructions institue donc un système d'autorisation dans lequel les architectes mandataires jouent un rôle central. Ainsi prévoit-elle aussi que toute demande d'autorisation doit être établie et signée par une personne inscrite au tableau des MPQ (art. 2 al. 3 LCI).

11.         Le cercle de ces mandataires est défini par la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40), qui stipule, à son article premier, que l’exercice indépendant de la profession d’architecte ou d’ingénieur civil ou de professions apparentées sur le territoire du canton de Genève est restreint, pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l’État.

12.         En vertu de l’art. 6 LPAI, le MPQ – reconnu par l’État (art. 1 al. 1 LPAI) – est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1). Il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (al. 2).

13.         Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, La profession d’architecte en droit public, in Le droit de l’architecte, 3ème éd., 1986, p. 487 ss n. 510).

14.         Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de cette loi était d’atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérant à l’intérêt privé –opposé – des particuliers. Il peut s’agir d’assurer aux mandants, à l’instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d’une certaine qualité nécessitée par la nature ou l’importance des intérêts du mandant. Il peut s’agir aussi de l’intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l’esthétique et de la protection de l’environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l’aspect général des lieux. Il peut s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204).

15.         Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4d ; ATA/118/2013 du 26 février 2013). La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) n’a ainsi jamais annulé une amende fondée sur la LCI au motif qu’elle devait être décernée au propriétaire et non à l’architecte (ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/836/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/632/2007 du 11 décembre 2007).

16.         En l’espèce, le recourant fait grand cas du fait qu'il n'était pas chargé de l'exécution du chantier, laquelle était confiée à une entreprise générale ce dont il avait averti le département par courrier du 18 novembre 2018. Or, il n'en demeure pas moins que dans le cadre de la rénovation autorisée, le recourant a agi en qualité de MPQ, ce qui résulte d'ailleurs également de l'avis d'ouverture de chantier. Il répond donc envers les autorités des manquements dans la direction de la réalisation des travaux et des violations des dispositions rappelées ci-dessus. Il sera pour le surplus relevé que le courrier du 18 novembre 2018 précité est intervenu après la réalisation des travaux présentement litigieux.

17.         Selon l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application, ainsi qu'aux ordres du DT (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive, ainsi que l'établissement, par le MPQ ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI).

18.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7b ; ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018).

19.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité ; ATA/19/2018 précité). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute.

20.         Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (ATA/19/2018 précité).

21.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures
(art. 47 al. 2 CP ; ATA/19/2018 précité).

22.         Le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour fixer la quotité de l'amende. La juridiction de céans ne le censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/440/2019 précité ; ATA/945/2018 du 18 septembre 2018 ; ATA/19/2018 précité).

23.         Selon la casuistique en la matière, le département a infligé à un propriétaire une amende de CHF 30'000.-, réduite à CHF 20'000.- par les juridictions de recours, pour des travaux d'agrandissement sans autorisation, notamment par l'excavation du sous-sol et la création du jardin d'hiver, ainsi que par la transformation d'une grange en atelier (ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

La chambre administrative a par ailleurs confirmé une amende réduite par le tribunal à CHF 15'000.- prononcée à l'encontre d'une contrevenante qui avait procédé sans autorisation à la rénovation totale de sa maison entraînant des modifications irrémédiables sur un bâtiment de très forte valeur patrimoniale (ATA/1151/2015 du 27 octobre 2015).

Le tribunal de céans a confirmé une amende de CHF 20'000.- infligée à un architecte pour avoir entrepris des travaux ayant atteint la substance ancienne d'un bâtiment sis en zone protégée, et ce de manière irréversible (JTAPI/28/2020 du 9 janvier 2020).

La chambre administrative a rétabli une amende de CHF 50'000.- prononcée par le département - réduite à CHF 30'000.- par le tribunal - à l'encontre d'un architecte ayant réalisé des travaux, sur un bâtiment en zone protégée, notamment la création de deux logements en duplex au sous-sol et rez-de-chaussée, l'abaissement de la terrasse sur la cour intérieure du niveau rez inférieur au niveau du sous-sol et des modifications des façades et de la toiture, non conformes aux autorisations de construire délivrées (ATA/206/2020 du 25 février 2020).

24.         Selon la doctrine, une fois qu'est entrée en force l'autorisation requise a posteriori, la construction initialement formellement illicite est pleinement régularisée. Son statut est dès lors assimilable à celui de n'importe quelle construction licite dès l'origine. En particulier, le seul fait que la construction ait été formellement illégale ne suffit pas à la priver de l'application, cas échéant, de l'art. 24c de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). La régularisation complète de la construction n'empêche pas, toutefois, de sanctionner le procédé suivi par le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public, Notions, mesures administratives, sanctions, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223).

25.         Dans un dossier où il avait été constaté que huit villas avaient subi plusieurs modifications en fin de construction par rapport au projet autorisé et qu'il manquait une servitude de distances et vues droites sur les parcelles voisines, le Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative, a retenu qu'il convenait d'appliquer dans cette affaire l'art. 137 al. 2 LCI. En effet, l'architecte en question avait par la suite obtenu une autorisation complémentaire pour ces travaux et constitué une servitude de distance. Il s'agissait dès lors de travaux entrepris sans autorisation mais qui étaient conformes aux prescriptions légales (ATA/132/1999 du 2 mars 1999).

Dans une autre affaire concernant des travaux effectués sans autorisation aux premier et deuxième étages d'un immeuble, le Tribunal administratif a également retenu que l'art. 137 al. 2 LCI était applicable dans ce dossier. En effet, le département avait, après le dépôt d'une demande d'autorisation de construire portant sur ces travaux, délivré une autorisation de construire (ATA/567/2005 du 16 août 2005).

26.         Dans un arrêt concernant des travaux importants de rénovation d'une maison effectués sans autorisation, la chambre administrative a cette fois considéré que l'art. 137 al. 1 LCI était applicable. En effet et même si une autorisation de construire avait finalement été délivrée, l'amende infligée ne sanctionnait pas les travaux tels qu'autorisés, mais les travaux effectués antérieurement sans autorisation, avant les modifications réalisées pour la mise en conformité et l'obtention de l'aval du département (ATA/1151/2015 du 27 octobre 2015).

Plus récemment encore, la chambre administrative a considéré dans l'espèce qu'elle avait à juger que même si les travaux litigieux avaient fait l'objet d'une autorisation de construire complémentaire, c'était uniquement pour des motifs de proportionnalité qu'ils avaient été autorisés. Ils demeuraient toutefois non conformes aux prescriptions légales, de sorte que l'art. 137 al. 1 LCI était applicable et le maximum légal du montant de l'amende s'élevait ainsi à CHF 150'000.- (ATA/206/2020 consid. 4g précité confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16 octobre 2020).

27.         En l'espèce, le recourant reconnait lui-même que des travaux sortant du cadre de l'autorisation de construire délivrée le 21 mars 2018 ont été réalisés, ce qui contrevient à l'art. 1 al. 1 LCI. Le fait d'avoir averti ses interlocuteurs, à savoir la commune requérante et l'entreprise générale, que la démolition partielle du plancher et la construction d'un plancher métallique telle qu'envisagées suite aux conseils du bureau d'ingénier, d'une part et d'autre part, le fait d'avoir discuté de ces modifications, une fois réalisées, avec le SMS n'est d'aucun secours pour le recourant, lequel, MPQ et actif à Genève depuis de nombreuses années, et donc particulièrement aguerri aux procédures d'autorisation de construire, savait qu'aucuns travaux du type de ceux effectués ne pouvaient être réalisés sans avoir été dûment autorisés. Si les travaux pouvaient présenter une certaine urgence, compte tenu de la délocalisation du personnel de la mairie, il n'en demeure pas moins que la procédure visant l'obtention d'une autorisation complémentaire aurait dû être suivie.

Le recourant a ainsi assurément commis une faute en ne respectant pas les dispositions précitées de la LCI qu'il connaissait.

Le principe de l'amende est ainsi fondé.

28.         Il reste à examiner la quotité de l'amende.

29.         Le recourant soutient que les travaux étaient autorisables, dès lors qu'ils étaient conformes aux prescriptions légales. Partant, le DT aurait excédé son pouvoir d'appréciation en fixant l'amende au maximum légal (art. 137 al. 2 LCI).

Si le dossier en mains du tribunal ne permet pas de considérer que la partie du plancher démoli n'était pas inutilisable comme le soutient le recourant et d'infirmer que son remplacement était nécessaire, aucun élément ne permet au tribunal d'exclure qu'une autre option pour sa reconstruction aurait été préférable. En tout état, à teneur du dossier aucune autorisation de construire complémentaire n'a été délivrée à ce jour et les travaux exécutés ne sont tolérés que pour des motifs de proportionnalité. Il sied à cet égard de relever que les travaux ont entrainé une perte irrémédiable de la substance du bâtiment dont l'intérêt patrimonial a été rappelé par la CMNS dans son préavis du 28 mars 2019 et alors même que le plan de site n° 3______ du village de B______ prévoit à son art. 4 que les structures porteuses des bâtiments maintenus, dont fait partie la mairie, de même que les éléments dignes de protection doivent être sauvegardés. Partant, ils demeurent non conformes aux prescriptions légales.

Au vu de ces éléments, l'art. 137 al. 1 LCI est applicable au cas d'espèce et le maximum légal du montant de l'amende s'élève ainsi à CHF 150'000.-.

30.         La faute du recourant doit être sanctionnée avec sévérité en raison notamment du rôle central qu'il est censé tenir, en sa qualité de MPQ, dans le cadre de l'exécution conforme des autorisations délivrées par le DT et de ses connaissances professionnelles en la matière. Sa faute est grave, le bâtiment, objet des travaux exécutés sans autorisation, étant sis en zone protégée et les travaux litigieux ayant porté atteinte à la substance du bâtiment, et ce de manière irréversible. Il a par ailleurs mis le département devant le fait accompli ; le fait que le SMS, lors de discussions en cours de chantier dès le mois de novembre 2018, a été mis au courant de la problématique rencontrée avec le plancher ne valant à l'évidence pas autorisation pour réaliser les travaux. Enfin, le recourant ne fait aucunement état de difficultés financières qui l'empêcheraient de s'acquitter du montant de l'amende infligée.

Cependant, le tribunal estime qu'il doit également être tenu compte dans la fixation du montant de l'amende du fait que le recourant a rapidement pris contact avec le SMS en vue d'évoquer la problématique lorsqu'il a constaté que la modification du plancher avait été réalisée, de sorte que contrairement à ce que lui reproche le département, le recourant n'a pas dissimulé ces faits et c'est à tort que le DT évoque leur découverte fortuite en janvier 2019 par l'un de ses inspecteurs puisque M. I______ qui comme vu précédemment en a eu connaissance fin octobre ou début novembre 2018 et a relayé l'information le 10 décembre 2018 auprès du service de l'inspection de la construction afin que celui-ci prononce immédiatement un ordre d'arrêt des travaux.

Il doit également être tenu compte de ce que le recourant n'a aucun antécédent.

En prenant en considération l'ensemble des circonstances, le tribunal estime ainsi que la quotité de l'amende fixée à CHF 20'000.- apparaît disproportionnée et il la réduira à CHF 15'000.-.

Le recours sera dès lors partiellement admis.

En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 100.-, lui sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'autorité intimée, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 14 février 2020 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             dit que l'amende fixée par la décision du département du territoire du 14 février 2020 est ramenée à CHF 15'000.- ;

4.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 800.-, et ordonne la restitution, en sa faveur, du solde de son avance de frais de CHF 900.- , soit CHF  100.-;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser au recourant une indemnité de CHF 700.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Julien PACOT et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière