Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/834/2021

JTAPI/948/2021 du 17.09.2021 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;RETRAIT DE PERMIS;FAUTE GRAVE;EXCÈS DE VITESSE
Normes : LCR.16c; OSR.1.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/834/2021 LCR

JTAPI/948/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 septembre 2021

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me François MEMBREZ, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VEHICULES

 

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le recourant) est titulaire du permis de conduire pour la catégorie B depuis le 21 mars 1995.

2.             Aux termes d’un rapport de renseignements établi par la police genevoise le 20 octobre 2020, il a été contrôlé par un radar fixe alors qu'il circulait à 80 km/h au volant d'un véhicule automobile le 11 juin 2020 à 10h47 à la hauteur du n° 36 de la route de Saint-Julien, à Carouge, « en localité », sur un tronçon sur lequel la vitesse était limitée à 50 km/h, en direction de l'avenue des Communes-Réunies (Grand-Lancy). Marge de sécurité déduite, le dépassement retenu s’élevait ainsi à 25 km/h.

3.             Le 15 octobre 2020, il a rempli et signé un formulaire intitulé « Reconnaissance d’infraction - procès-verbal d’audition », à teneur duquel il a admis être l’auteur de cette infraction.

4.             Par courrier du 10 novembre 2020, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) lui a fait savoir que les autorités de police lui avaient transmis le rapport précité et qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale. Un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour produire ses observations écrites.

5.             Il n'a pas donné suite à cette invitation.

6.             Par ordonnance pénale du 4 janvier 2021, le Ministère public l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 500.- pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

Non contestée en temps utile, cette ordonnance est assimilée à un jugement entré en force (cf. art. 354 al. 3 et 357 al. 2 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0).

7.             Par décision du 2 février 2021, prise en application de l'art. 16c LCR, l'OCV a retiré son permis de conduire pour une durée de trois mois.

8.             Par acte du 4 mars 2021, il a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, dont il a requis l'annulation, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce qu'un avertissement soit prononcé à son égard, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au SCV « afin qu'il examine le dossier sous l'angle d'une infraction moyennement grave ». A titre préalable, il a sollicité la tenue d'un transport sur place.

L'autorité intimée avait estimé à tort que « puisque la vitesse était limitée à 50 km/h, l'on se trouvait en localité ». La vitesse maximale autorisée ne définissait en effet pas elle-même si l'on se trouvait en localité ou hors localité.

Le n° 36 de la route de Saint-Julien à Carouge était situé sur une route prioritaire, après le tunnel du même nom en direction de Carouge, et hors localité. Il n'y avait pas d'habitation à cet endroit, où se trouvaient uniquement des bâtiments administratifs et artisanaux, ni passage pour piétons. La configuration des lieux ne présentait en rien les caractéristiques d'une localité. « La preuve que le numéro 36 de la route de Saint-Julien [était] situé hors localité [était] qu'il n'y a pas d'habitation qui le jouxte, d'une part, et que le périmètre de la circulation différenciée en cas de pic de pollution, qui définit les lieux en localité de la Ville de Genève ainsi qu'une partie des communes de Carouge, Cologny, Vernier et Lancy, ne comprend pas la route de Saint-Julien, en direction de Lancy, à partir du débouché du tunnel de Carouge, d'autre part ».

Or, selon la jurisprudence, hors localité, ce n'était qu'à partir de 30 km/h de dépassement que le conducteur commettait une infraction grave. Tel n'était donc pas son cas, puisque l'excès lui étant reproché était de 25 km/h.

Seul un avertissement aurait ainsi dû lui être infligé, ou tout au plus un retrait de son permis de conduire limité à un seul mois.

9.             Dans ses observations du 3 mai 2021, l'OCV a conclu au rejet du recours et produit son dossier, se limitant à relever que sa décision était conforme au droit et que le recourant avant été condamné pénalement en raison des mêmes faits.

10.         Par courrier du 3 juin 2021, sous la plume de son conseil, le recourant a indiqué qu'il ne souhaitait pas répliquer, dans la mesure où l'autorité intimée n'avançait aucune argumentation contredisant celle qu'il avait formulée dans son recours.

11.         A teneur des informations disponibles sur le système d'information du territoire genevois (SITG ; carte interactive « mobilité »), le n° 36 de la route de Saint-Julien se situe peu après le panneau indicateur « Carouge » [« début de localité sur route principale » (4.27)] et une signalisation limitant la vitesse maximale à 50 km/h, placés à la sortie du tunnel de Carouge, sur la route du Val d'Arve, peu avant l'intersection - réglée par des feux - permettant de rejoindre la route de Saint-Julien. Un panneau indicateur « Gd-Lancy » (4.27) et une nouvelle signalisation limitant la vitesse maximale à 50 km/h sont ensuite placés à la hauteur du n° 50 de la route de Saint-Julien en direction de l'avenue des Communes-Réunies.

EN DROIT

1.            Le tribunal est compétent pour statuer en première instance sur les recours portant, comme en l’espèce, sur les décisions prises par l'OCV en application de la LCR (art. 115 et 116 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.            Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par le destinataire de la décision querellée, le recours est recevable (art. 57, 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3.            L'exécution d’un transport sur place est sollicitée par le recourant. Or, il n'existe pas un droit à l'accomplissement d'un tel acte d'instruction (cf. ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; 112 Ia 198 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C 61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012) et celui-ci n'apparaît pas nécessaire, le dossier contenant les éléments utiles permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige, ce dernier pouvant se faire une idée précise du lieu de commission de l'infraction en cause avec des outils disponibles en ligne (SITG en particulier ; cf. à cet égard not. ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1)

4.            Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5.            Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

6.            Commet en particulier une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

La qualification du cas grave au sens de cette disposition correspond à celle de l’art. 90 al. 2 LCR (cf. ATF 132 II 234 consid. 3 ; 123 II 37 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B.264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 3.1 ; 6A.80/2004 du 31 janvier 2005 consid. 3.1 ; ATA/392/2010du 8 juin 2010 consid. 6 ; ATA/456/2009 du 15 septembre 2009 consid. 8c).

7.            Selon la jurisprudence, la signalisation routière est valable et obligatoire pour les usagers lorsqu'elle a été mise en place sur la base d'une décision et d'une publication conforme de l'autorité compétente (ATF 126 II 196 consid. 2b ; 126 IV 48 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/1218/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5c). Lorsque la validité formelle de la signalisation n'est pas contestée, les usagers de la route ne sont légitimés à mettre en doute ni son opportunité, ni même sa légalité matérielle (ATF 126 II 196 consid. 2b ; ATA/1218/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5c), sans quoi la sécurité et la fluidité du trafic pourraient s'en trouver gravement compromises (ATF 100 IV 71 consid. 2 ; ATA/1218/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5c) ; chacun doit en effet pouvoir compter sur le respect, par autrui, de la signalisation en place, en particulier en ce qui concerne les limitations de vitesse. Il n'est fait exception à ce principe que de manière très restrictive, lorsque la signalisation n'est pas suffisamment visible (arrêt du Tribunal fédéral 6A.11/2000 du 7 septembre 2000 ; ATA/1218/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5c) ou lorsqu'elle prête en soi à confusion au point qu'un usager attentif et de bonne foi ne saurait plus quel comportement adopter (ATF 126 IV 48 consid. 2b ; ATA/1218/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5c).

8.            De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, selon la jurisprudence constante, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence, notamment, d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités (ATF 132 II 234 consid. 3.1 s. et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2017 du 1er octobre 2018 consid. 2.1). 

Cette jurisprudence ne dispense toutefois pas l'autorité de tout examen des circonstances du cas concret. D'une part, l'importance de la mise en danger et celle de la faute doivent être appréciées, afin de déterminer quelle doit être la durée du retrait, la durée minimale du retrait ne pouvant toutefois pas être réduite (art. 16 al. 3 LCR). D’autre part, il y a lieu de rechercher si des circonstances particulières ne justifient pas de considérer néanmoins le cas comme plus grave ou, inversement, comme de moindre gravité, cette dernière hypothèse pouvant notamment être réalisée lorsque le conducteur avait des motifs sérieux de penser qu'il ne se trouvait plus dans la zone de limitation de vitesse. Dans cette mesure, une appréciation purement schématique du cas, fondée exclusivement sur le dépassement de vitesse constaté, violerait le droit fédéral (ATF 126 II 196 consid. 2a ; 124 II 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_580/2017 du 1er octobre 2018 consid. 2.1 ; 1C_125/2016 du 26 octobre 2016 consid. 3.1).

L'autorité pourra également renoncer au retrait du permis de conduire en présence de circonstances analogues à celles qui justifient de renoncer à une peine en application de l'art. 54 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (atteinte subie par l'auteur de son acte) ou encore des art. 17 ss CP (arrêts du Tribunal fédéral 1C_125/2016 du 26 octobre 2016 consid. 3.1 ; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 consid. 2.1 et les références citées).

9.            A teneur de l'art. 1 al. 4 de l'ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR - RS 741.21), l’expression « à l’intérieur des localités » ou « dans les localités » désigne une zone qui commence au signal « début de localité sur route principale » (4.27) ou « début de localité sur route secondaire » (4.29) et se termine au signal « fin de localité sur route principale » (4.28) ou « fin de localité sur route secondaire » (4.30), alors que l’expression « à l’extérieur des localités » ou « hors des localités » désigne une zone qui commence au signal « fin de localité sur route principale » ou « fin de localité sur route secondaire » et se termine au signal « début de localité sur route principale » ou « début de localité sur route secondaire ».

10.        L'art. 16c al. 2 let. a LCR prévoit qu'après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum. Si le conducteur a des antécédents (ce qui n'est pas le cas en l'occurrence), la durée minimum du retrait est supérieure (cf. art. 16c al. 2 let. b, c, d et e LCR).

11.        Selon l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur, ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Cette dernière règle, qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5).

12.        En l'occurrence, le recourant ne conteste pas avoir dépassé la vitesse maximale autorisée de 25 km/h au volant de son véhicule sur un tronçon limité à 50 km/h et l'argumentation qu'il développe au sujet de la qualification du lieu où sa vitesse excessive a été contrôlée est sans pertinence. Comme relevé plus haut, le n° 36 de la route de Saint-Julien se trouve en effet dans une zone située peu après un panneau indicateur « Carouge », qui marque l'entrée de la localité à la sortie du tunnel de Carouge (d'où il arrivait visiblement, à teneur de son acte de recours) et une signalisation limitant la vitesse maximale à 50 km/h. Il est ainsi incontestable qu'il circulait à l'intérieur d'une localité (art. 1 al. 4 OSR). Il s'ensuit que l'excès de vitesse litigieux constitue une violation grave des règles de la circulation sous l’angle de l'art. 16c al. 1 let. a LCR. Le recourant a d'ailleurs été reconnu coupable d’infraction grave aux règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) par le Ministère public le 4 janvier 2021.

Le dossier ne contient aucun élément qui permettrait éventuellement de considérer le cas comme de moindre gravité. Le recourant n'en fait au demeurant pas état.

Cela étant, l'OCV ne s'est pas écarté du minimum légal prévu par l'art. 16c al. 2 let. a LCR en fixant à trois mois la durée de retrait du permis de conduire du recourant. Etant liée par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, il n'a en aucune mesure excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

La décision querellée est donc parfaitement conforme au droit.

13.        Ne reposant sur aucun motif valable, le recours sera rejeté.

14.        Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, en application de l'art. 87 al. 1 LPA et du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). Ce dernier n'a pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.            déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2021 par Monsieur A______ contre la décision prise à son égard par l'office cantonal des véhicules le 2 février 2021 ;

2.            le rejette ;

3.            met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______, lequel est couvert par son avance de frais du même montant ;

4.            dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

 

 

La greffière