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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1458/2021

JTAPI/889/2021 du 02.09.2021 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : décision de renvoi;autorisation de séjour
Normes : LEI.64.al1.leta; LEI.5; LEi.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1458/2021

JTAPI/889/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 septembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1990, est ressortissant de Colombie.

2.             Le 19 novembre 2020, il a été interpellé par le corps des gardes-frontière, à B______. Il était dépourvu de titre de séjour suisse mais en possession d’un titre de séjour espagnol, valable jusqu’au 22 novembre 2024. Il résidait à C______, en France.

3.             Le 12 mars 2021, il a été interpellé par le corps des gardes-frontière, toujours à B______, démuni de titre de séjour suisse.

Lors de son audition, il a déclaré être arrivé en Suisse en avion depuis H______ (Espagne), en septembre 2018 pour y travailler. Il a reconnu résider et exercer une activité lucrative en Suisse sans autorisation. Il résidait chez son bailleur, à D______. Il travaillait comme peintre en bâtiment auprès de E______, entreprise sise à F______. Il avait commencé à y travailler en mars 2019. Il était payé mensuellement par versements sur son compte bancaire et travaillait quarante heures par semaine pour un salaire d'environ CHF 3'750.- par mois. Il payait des impôts et son employeur avait fait des demandes pour l’AVS mais n'avait pas sollicité d’autorisation de travail. Son père vivait en Colombie et le reste de sa famille en Espagne.

Il « attendait juste d’avoir un titre de séjour pour régulariser [sa] situation et n’avait rien fait de mal ». Il n’avait pas d’autres liens en Suisse que son travail.

À l’issue de son audition, il a été informé avoir été dénoncé au Ministère public pour séjour et activité sans autorisation.

4.             Par décision du 21 avril 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de l’intéressé de Suisse et lui a imparti un délai 4 mai 2021 pour quitter le territoire, l’exécution de son renvoi paraissant licite, possible et raisonnablement exigible.

Cette décision était motivée par son absence de visa ou de titre de séjour valables et par le dépassement de la durée maximale de séjour sur le territoire des États membres de Schengen (trois mois sur une durée de six mois). Il avait reconnu résider à Genève depuis le 12 septembre 2018 et y travailler sans autorisation depuis le 1er mars 2019.

5.             Par acte du 27 avril 2021, sous la plume de son conseil, A______ (ci-après : le recourant) a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant, sur mesures provisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif au recours et à la suspension de l’exécution du départ jusqu’à ce que l’OCPM ait statué sur sa demande de permis de séjour ou jusqu’à droit jugé sur le recours et, au fond, principalement, à l'annulation de la décision entreprise et subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCPM pour qu’il statue sur sa « demande d’autorisation de séjour », sous suite de frais et dépens. Il sollicitait également un délai pour compléter son recours.

Il était titulaire d'un titre de séjour espagnol, où sa famille vivait depuis 2010. Il était arrivé en Suisse en 2017. Il aimait la ville et avait décidé d’y rester, s'y étant créé une nouvelle famille auprès de Mme G______. Il travaillait pour la société E______, en qualité d’ouvrier auxiliaire depuis le 1er octobre 2019 pour un salaire brut de CHF 4'469.-. Il souhaitait obtenir un CFC de peintre, mais devait d’abord régulariser sa situation.

Une demande d'autorisation de séjour allait prochainement être déposée auprès de l’OCPM. Il avait donc un intérêt prépondérant à rester en Suisse, afin que l’OCPM statue sur sa requête. L’exécution de son renvoi de Suisse compromettrait toutes les chances de faire valoir ses droits. Il n’existait aucun intérêt prépondérant visant à l’éloigner du territoire, car il ne représentait aucune menace pour la sécurité et l’ordre juridique suisse. Le fait qu’il ait été interpellé une fois par les « services de police » n’y changeait rien.

L’admission de sa demande de mesures provisionnelles ne conduisait pas à anticiper un jugement définitif au fond. S’il était renvoyé, sa future demande d’autorisation de séjour et de travail serait vaine, ce qui n’était pas souhaitable du point de vue du respect de ses droits fondamentaux.

6.             Dans ses observations du 3 mai 2021, l’OCPM s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif par voie de mesures provisionnelles et a conclu au rejet du recours, le recourant n’ayant pas démontré que son intérêt privé primait l’intérêt public au maintien du caractère exécutoire nonobstant recours de la décision entreprise, lequel était d’ailleurs prévu par la loi.

Il avait pris note que le recourant souhaitait déposer prochainement une demande d’autorisation de séjour, mais celui-ci devait attendre la décision de l’OCPM à l’étranger.

7.             Le 10 mai 2021, dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a persisté dans ses explications et a indiqué que sans restitution de l’effet suspensif, il ne pourrait attendre l’issue de la procédure en Suisse.

Par opportunité, l’OCPM devait attendre le dépôt de sa demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité avant de prononcer son renvoi.

8.             Par décision incidente du 10 mai 2021 (DITAI/217/2021), le tribunal a rejeté la demande de restitution d'effet suspensif et de mesures provisionnelles.

9.             Par courrier du 17 mai 2021, le conseil du recourant a informé le tribunal qu'il cessait d'occuper.

10.         Pourtant dûment invité par le tribunal le 19 mai 2021 à répliquer au fond d'ici au 9 juin 2021, le recourant ne s'est pas manifesté dans le délai imparti, ni à ce jour.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             À teneur de l'art. 5 al. 1 LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

6.             Selon l'art. 64 al. 1 let. a et b LEI, l'autorité rend notamment une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a) ou d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse définies par l'art. 5 LEI (let. b).

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6). Ainsi, lorsqu'elle constate que le séjour est illégal, l'autorité rend en principe toujours une décision écrite de renvoi. De même, les personnes qui n'ont jamais séjourné licitement en Suisse, et y sont par conséquent entrées illégalement, sont en règle générale renvoyées moyennant une procédure formelle.

7.             En l'espèce, le recourant reconnaît être arrivé en Suisse en août 2017 et travailler sans autorisation depuis le 1er mars 2019. Il est établi qu'il ne possède ni visa ni titre de séjour valables et qu'il a dépassé la durée maximale de séjour sur le territoire des États membres de Schengen (trois mois sur une durée de six mois).

En outre, aucune requête de délivrance de titre de séjour n’a été déposée par le recourant ni précédemment ni subséquemment au prononcé de la décision de renvoi querellée, de sorte qu’il ne peut être retenu qu’il a effectué des démarches auprès de l’OCPM pour tenter de régulariser sa situation. Au surplus, à teneur de l’art. 17 LEI et de la jurisprudence relative à cette norme (ATF 139 I 37; arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2009 du 18 septembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/1856/2019 du 23 décembre 2019 consid. 7), le recourant devra attendre à l’étranger la décision relative à sa future demande d’autorisation de séjour pour travailler et séjourner à Genève. À cet égard, son renvoi ne compromet pas ses chances de faire valoir ses droits. En effet, sa présence à Genève n'est pas nécessaire pour la procédure, celle-ci étant écrite et les pièces utiles figurant au dossier.

Dans ces circonstances, l'OCPM n'avait pas d'autre choix que d'ordonner son renvoi en application de l'art. 64 al. 1 let. a LEI. Cette mesure ne prête donc pas le flanc à la critique.

8.             Il n’apparaît au surplus pas que l’exécution de cette mesure serait impossible, illicite ou qu’elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l’art. 83 LEI. Le recourant ne le fait au demeurant pas valoir.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

10.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 avril 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière