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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3147/2020

JTAPI/880/2021 du 01.09.2021 ( LCI ) , ADMIS

ADMIS par ATA/23/2022

Descripteurs : RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR
Normes : LCI.109
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3147/2020 LCI

JTAPI/880/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er septembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Gérard BRUTSCH, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Madame A______ est propriétaire de la parcelle no 1______ sis ______, chemin de B______ à O______.

2.             Le 6 juin 2006 a été délivrée, par l'office des autorisations de construire (ci-après : l'OAC ou le département), l'autorisation de construire DD 2______ portant sur la construction de seize immeubles d'habitation avec garages souterrains sur les parcelles nos 3______, 4______, 1______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______, 20______ et 21______ de la commune de O______. Dites parcelles étaient situées en zone de développement 4B.

Cette autorisation fixait la condition, en son chiffre 3, du respect des dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05) et du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01).

3.             Le 6 février 2007, des modifications diverses du projet initial ont été autorisées (DD 3______/2-4), avec la même condition.

4.             Dans un courriel du 20 juin 2018, Monsieur C______, architecte SIA, a indiqué que la demande initiale adressée par Q______ à la régie D______ datait du 17 décembre 2015 et avait pour objectif de rendre accessible les deux terrasses à la locataire en situation de handicap. La solution proposée était d'abaisser les deux portes-fenêtres existantes et de compenser les seuils restants par deux petites rampes intérieures. Il s'agissait de trouver une solution non seulement défendable du point de vue technique et esthétique, mais susceptible de répondre aux critères de l'assurance-invalidité à qui la prise en charge des frais d'adaptation devait être demandée.

5.             Le 29 août 2019, le département a informé Messieurs E______, F______ et G______, architectes, avoir été saisi d'une dénonciation de laquelle il ressortait que les seuils des portes-fenêtres des appartements, situés dans l'immeuble à l'adresse chemin de ______ à O______ n'étaient pas adaptables aux personnes en situation de handicap. Un délai de dix jours leur était octroyé pour faire part de leurs observations.

6.             Le 2 septembre 2019, H______ SA a informé le département qu'elle avait pris contact avec les propriétaires de l'immeuble, Messieurs I______ et J______. M. I______ se souvenait avoir mandaté une entreprise concernant l'appartement au rez-de-chaussée dont l'occupante était en situation de handicap. Il pensait que les travaux de modifications des vitrages avaient été exécutés. Il indiquait se charger de faire exécuter les travaux dans les meilleurs délais.

7.             Par décision du 12 septembre 2019, le département a ordonné à MM. I______ et J______ de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la mise en conformité des seuils des portes-fenêtres de l'appartement du rez-de-chaussée, occupé par une personne en situation de handicap, dans un délai de nonante jours. Un reportage photographique attestant de cette remise en conformité devait lui parvenir dans le même délai.

8.             Par courrier du 26 septembre 2019, Mme A______, sous la plume de son conseil, a interpellé le département afin de déterminer si l'appartement concerné était bien celui occupé par la locataire Madame K______, dont elle était propriétaire, et non MM. I______ et J______.

9.             Par courriel du 7 octobre 2019, le département a confirmé que l'appartement concerné était bien celui occupé par la locataire Mme K______.

10.         Suite à ce courriel, le 8 octobre 2019, le conseil de Mme A______ a réitéré sa demande de précision afin de déterminer en quoi la construction litigieuse n'était pas conforme à l'art. 109 LCI.

11.         Le 29 novembre 2019, H______ SA a demandé une prolongation de délai au département au vu des diverses correspondances échangées entre le conseil de Mme A______ et le département.

12.         Le 4 décembre 2019, le département a informé Mme A______ que le point n°3 de l'autorisation de construire (DD 2______) du 6 juin 2006 n'avait pas été respecté, plus précisément l'art. 109 LCI.

13.         Par courriel du 21 janvier 2020, le conseil de Mme A______ a demandé au département de préciser en quoi l'art. 109 LCI avait été violé.

14.         Le 28 février 2020, H______SA a informé le département que les immeubles avaient été réalisés, par l'intermédiaire de l'entreprise L______SA, sous leur regard en qualité d'architecte, conformément à l'autorisation de construire (DD 2______). Elle a ainsi demandé au département de préciser en quoi la construction n'était pas conforme à l'art. 109 LCI.

15.         Le 13 mars 2020, le département a indiqué à H______ SA qu'elle était responsable de la charge administrative du dossier en raison de sa qualité de mandataire professionnellement qualifié. Malgré son engagement à rétablir une situation conforme au droit, l'ordre de remise en état du 12 septembre 2019 n'avait toujours pas été respecté. Un délai de soixante jours lui était octroyé pour fournir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la bonne exécution de son ordre.

16.         Le 17 mars 2020, Mme A______ a indiqué que la décision de remise en conformité que le département jugeait exécutoire ne l'était pas.

Après de multiples échanges avec le département, elle ne savait toujours pas ce qu'il lui était reproché comme étant non conforme à la LCI. La décision de remise en conformité ne lui était pas opposable, dès lors qu'elle ne lui avait pas été régulièrement notifiée. Il n'avait jamais été exigé que des appartements, notamment au rez-de-chaussée, n'aient pas de seuils, ne serait-ce que pour empêcher les infiltrations d'eau, a fortiori au rez-de-chaussée.

Elle s'opposait fermement à l'exécution de travaux dans son appartement à moins qu'il ne lui soit démontré, d'une part, que la mise en conformité était fondée et, d'autre part, qu'il soit précisé de quelle conformité il s'agissait. Aucun élément du dossier ne permettait de comprendre ce qui avait été réalisé de manière non-conforme.

17.         Le 18 juin 2020, le département a informé Mme A______ qu'il avait été saisi d'une plainte de laquelle il ressortait que les seuils des portes-fenêtres d'un des appartements du rez-de-chaussée de son immeuble n'étaient pas adaptés aux personnes en situation de handicap et qu'elle semblait s'opposer à la réalisation des travaux nécessaires à l'adaptation de ceux-ci. Un délai de dix jours lui était imparti pour faire part de ses observations.

18.         Le 19 juin 2020, Mme A______ a demandé au département de préciser en quoi la construction n'était pas conforme à l'art. 109 LCI dans sa teneur à l'époque de la construction.

19.         Le 3 août 2020, l'association Q______ a effectué un constat dans l'appartement concerné. Il en ressortait que les seuils des portes-fenêtres côté séjour et côté cuisine avaient une hauteur de 15 cm à l'intérieur et 12,5 cm à l'extérieur. Ces seuils devaient impérativement être modifiés. Le financement de ces modifications était à la charge de la propriétaire de l'immeuble. D'autres modifications de l'appartement étaient demandées, à la charge de l'assurance-invalidité.

20.         Par décision du 3 septembre 2020, le département a ordonné à Mme A______ de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la mise en conformité des seuils des portes-fenêtres de l'appartement du rez-de-chaussée, occupé par une personne en situation de handicap. Un délai de nonante jours lui était imparti pour s'exécuter.

Un reportage photographie ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui être transmis dans le même délai.

Les seuils des portes-fenêtres de l'appartement ne respectaient pas l'art. 109 al. 1 let. c LCI. De plus, aucune dérogation de l'art. 109 al. 5 LCI ne pouvait s'appliquer dans le cas d'espèce.

21.         Par acte du 5 octobre 2020, Mme A______ (ci-après : la recourante) a, sous la plume de son conseil, interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Elle entendait se prévaloir de l'absence de motivation suffisante de la décision litigieuse, en tant que composante du droit d'être entendu. La décision n'était motivée ni en fait ni en droit ; elle ne contenait aucun état de fait, le DT alléguant simplement que l'appartement concerné devait répondre à toutes les dispositions de la LCI, dans sa teneur au 30 mai 2006, sans décrire les éléments qui n'étaient pas conformes. Le département n'avait opéré aucune constatation sur place, aucune référence à un quelconque rapport n'avait été faite. Il n'y avait aucune mesure relative à la hauteur des seuils, aucun document et, aucun descriptif ne mentionnait la partie de la construction qui n'était pas conforme à la LCI.

La décision querellée n'était pas fondée sur le plan juridique. Elle ne mentionnait pas en quoi la norme invoquée avait été violée. Le département ordonnait de rétablir une situation conforme au droit, sans qu'elle puisse savoir ce qui ne l'était pas. Aucune précision n'était donnée sur ce qu'elle devait entreprendre pour respecter ladite conformité à la loi.

Son immeuble avait été réalisé, tout comme les autres immeubles du projet, conformément à l'autorisation de construire délivrée par le département. La réalisation des logements, notamment ceux situés au rez-de-chaussée, étaient parfaitement conformes aux plans visés par le département. Les plans au 100ème bien que peu explicites suffisaient à déterminer la présence de seuils supérieurs à la hauteur recommandée de 25 mm, tel que préconisé pour faciliter le passage de personnes en fauteuil roulant.

Pour que les logements soient construits de manière à permettre une utilisation par une personne handicapée, le département devait avoir invoqué l'art. 109 al. 3 LCI dans sa version du 30 mai 2006, ce qui n'avait pas été le cas.

22.         Dans sa réponse du 14 décembre 2020, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision, sous suite de dépens.

S'agissant de la motivation de la décision litigieuse, il estimait qu'elle était limpide puisqu'elle indiquait que les seuils des portes-fenêtres de l'appartement de Mme K______, en situation de handicap, ne respectaient pas l'art. 109 al. 1 let. c LCI, dans sa teneur au 30 mai 2006. La hauteur des seuils était le seul fait pertinent.

Il avait constaté ces faits en 2018 déjà, raison pour laquelle il citait expressément le courriel du 20 juin 2018. Il avait été constaté que l'utilisatrice ne pouvait pas profiter pleinement de son appartement et ce depuis des années, au vu des seuils existants de 15 cm de hauteur. Ce fait avait été corroboré sur place par le constat effectué par Q______ en date du 3 août 2020.

Le seuil des deux portes-fenêtres à franchir pour accéder aux terrasses de l'appartement était de 15 cm à l'intérieur et 12,5 cm à l'extérieur. Il en découlait que la construction litigieuse violait l'art. 109 LCI puisqu'elle ne permettait pas à une personne handicapée occupant l'appartement d'accéder en fauteuil roulant aux terrasses du bien loué. La hauteur des seuils devait être de « 25 mm, tel que préconisé pour faciliter le passage de personnes usant d'un fauteuil roulant », ce que la recourante avait expressément admis dans son recours. Il était choquant de constater que bien que l'irrégularité reprochée soit connue, la recourante osait affirmer qu'elle ne « saurait le moins du monde en quoi cette irrégularité consiste ou ce qui n'est pas conforme ». La mauvaise foi crasse dont elle faisait preuve était inadmissible.

S'agissant du fondement de la décision litigieuse, à aucun moment la recourante ne démontrait que les plans au 1/100 de l'autorisation de construire DD 2______ étaient explicites quant à la hauteur des seuils des portes-fenêtres sises au rez-de-chaussée. Il contestait avoir validé cet aspect du projet, qui relevait du détail d'exécution.

Partant, sa décision s'avérait parfaitement fondée, puisqu'il était habilité à demander une remise en conformité de la situation. En tant que propriétaire des biens-fonds concernés lors de la dépose de la DD 2______, la recourante en était responsable. Les manquements de H______ SA et de M. I______, ancien copropriétaire aux côtés de la recourante lors de la demande d'autorisation de construire querellée, qui se souvenait avoir mandaté une entreprise concernant l'appartement du rez-de-chaussée en question, mais qui n'avaient finalement pas fait exécuter ces travaux de modifications de vitrage pour une raison qu'il ignorait, étaient imputables à la recourante.

23.         Le 15 janvier 2021, la recourante a répliqué. Le département se bornait à alléguer la norme applicable en son temps et à prétendre que les seuils de son immeuble n'avaient pas été construits dans le respect de la norme en question.

À l'époque, il n'était nullement question de réaliser des seuils de la hauteur dont parlait le département, sauf à considérer qu'il s'agissait de bâtir des logements expressément réservés à des personnes ayant une mobilité réduite et devant notamment utiliser un fauteuil roulant. Elle offrait de prouver que l'immeuble dont elle est propriétaire avait été construit dans le strict respect de la législation, en particulier l'art. 109 LCI.

Elle sollicitait l'audition de l'architecte ayant suivi l'exécution du projet, Monsieur M______ ainsi que celle de M. I______, administrateur et président de N______SA.

Selon les informations qu'elles avaient recueillies, un seuil selon la norme ne devait pas se situer au niveau du terrain fini extérieur, mais disposer d'une hauteur suffisante pour éviter les entrées d'eau. Toute autre solution, telle que celle préconisée par le département, devait impliquer la récolte par caniveau avec écoulement raccordé des eaux susceptibles de pénétrer dans l'habitation. Une telle réalisation devait résulter d'une exigence de construction particulière qui n'avait pas été prévue pour l'ensemble des immeubles réalisés sur le site. Une telle exigence aurait dû être formulée par le département et ne découlait absolument pas de l'art. 109 LCI.

De plus, il était erroné de se référer à la norme SIA 500 puisqu'elle avait été adoptée par la Commission centrale des normes et règlements SIA le 4 septembre 2008 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2009, soit après la délivrance de l'autorisation de construire.

Ce qui s'était passé dès 2015, sous l'égide de Q______ ou de l'architecte M. C______ n'avait strictement rien à voir avec la problématique objet du recours. Elle n'avait pas accepté la réalisation de travaux en raison du fait que « cela impliquait une modification affectant la structure du bâtiment, dès lors qu'il fallait, pour parvenir au résultat escompté, remplacer l'intégralité des portes-fenêtres et vitrages correspondants, encadrement compris, avec tous les risques de création de ponts de froid, à raison de défauts d'isolation et d'étanchéité susceptibles d'intervenir dans le cadre de telles interventions, sans parler des atteintes à l'enveloppe du bâtiment, et au crépis ».

Elle persistait à affirmer que la loi avait strictement été respectée lors de la réalisation de tous les immeubles concernés et persistait à offrir de le prouver en procédant à l'audition des personnes qui avaient été responsables de cet état de fait. Lorsque les immeubles en question avaient été réalisés, les seuils avaient toujours une hauteur minimale de 15 cm, et une autre conception devait être retenue que si l'on réalisait des appartements spécifiquement destinés à des personnes en situation de handicap, ce qui n'avait jamais été le cas en l'espèce.

Il était choquant d'affirmer qu'elle était d'une mauvaise foi crasse alors qu'elle avait autorisé la locataire à installer une porte électrique à l'entrée de l'immeuble afin qu'elle puisse circuler avec son fauteuil roulant ; il en avait été de même au niveau du sous-sol pour atteindre sa place de stationnement au garage et motoriser la porte de son box. Dans un passé récent, elle avait autorisé la locataire à modifier la hauteur des meubles de la cuisine afin qu'ils lui soient accessibles, faciliter le passage d'un seuil de porte d'entrée, procéder à diverses installations, notamment s'agissant des sanitaires. Elle notait que la motorisation de la porte de garage autorisée il y avait deux ou trois années n'avaient jamais été réalisée.

24.         Le 8 février 2021, le département a dupliqué en persistant dans ses conclusions, rappelant l'art. 109 LCI dans sa teneur au 31 mai 2006, ainsi que l'art 5 al. 3 du règlement concernant les mesures en faveur des personnes handicapées dans le domaine de la construction du 17 décembre 1992 (RMPHC – L 5 05.06, remplacé le 1er avril 2020 par le règlement concernant l'accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 RACI – L 5 05.06). Ces dispositions étaient applicables et devaient être respectées. La propriétaire était une perturbatrice par situation et non par comportement.

S'agissant de la référence à la norme SIA 500, elle remplaçait la norme préexistante SN 521 500. La première avait eu comme vocation de préciser de nombreuses exigences, de combler les lacunes et de corriger quelques erreurs. Les normes de droit public cantonales fixaient des règles suffisamment précises en la matière et elles ne s'avéraient clairement pas respectées en l'espèce.

25.         Par courrier du 25 mars 2021, le département a produit les plans de la DD 2______/4 précisant qu'aucun plan ne faisait état de la hauteur des seuils des appartements du rez-de-chaussée. Les plans autorisés n'avaient à aucun moment abordé et encore moins validé la situation litigieuse s'agissant de la hauteur des seuils visibles sur aucun plan. Des photos prises par Q______ étaient jointes.

26.         Le 12 avril 2021, la recourante a répliqué en persistant dans ses conclusions. Elle confirmait également son offre de preuve consistant en l'audition de l'architecte M. L______ et de M. I______ en qualité de témoins.

Les photographies de Q______ n'étaient pas pertinentes. La seule question pertinente résidait dans la problématique de savoir si l'autorisation de construire avait été respectée et non de savoir quelles transformations des seuils de l'appartement étaient susceptibles d'être effectuées.

S'agissant des plans produits par le département, il s'agissait des plans visés ne varietur et faisaient ainsi foi. Les plans en question permettaient de constater la présence de seuils normaux au rez-de-chaussée pour tous les logements concernés.

Il était impossible de considérer que les seuils dessinés étaient des seuils autres que parfaitement normaux, à savoir des seuils destinés à empêcher des entrées d'eau au niveau du rez-de-chaussée des immeubles, lesquels n'avaient été ni conçus, ni exécutés avec une reprise des eaux de surface, laquelle se serait révélée incontournable si cet ensemble de bâtiments d'habitations avaient dû comporter des seuils abaissés. Si une telle reprise des eaux de surface avait été prévue, avec une canalisation ad hoc pour procéder à leur évacuation celle-ci devait être représentée sur les coupes en question.

Il était aisé de calculer la hauteur des seuils sur les plans soumis au département. Ce dernier n'avait nullement prétendu que la réalisation projetée violait l'art. 109 LCI étant donné que cette disposition était respectée.

Enfin, le permis d'occuper avait été régulièrement délivré, ce qui n'aurait pas été le cas si l'OAC avait estimé que les immeubles construits n'étaient pas en conformité avec l'autorisation de construire et notamment dans le strict respect de l'art. 109 LCI. La demande de permis d'occuper, déposée le 16 août 2011 par les architectes à l'office de l'urbanisme, était accompagnée des plans correspondants à la configuration finale des bâtiments.

L'autorisation de construire ne comportait aucune exigence s'agissant de la hauteur des seuils, par voie de conséquence, son immeuble était strictement conforme aux exigences de l'art. 109 LCI.

27.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 9 juin 2021, la recourante, représentée par son conseil, a maintenu son recours.

Ce dernier a indiqué que l'appartement en question n'était pas à loyer libre et sa location semblait avoir commencé en 2008. La locataire habitait déjà l'appartement en 2013 lors de la délivrance du permis d'habiter. Les travaux exigés entraînaient la modification de la structure de toute la porte-fenêtre et la création d'une évacuation d'eau, soit des travaux conséquents. Elle contestait que la structure actuelle ne fut pas conforme à la législation en vigueur au moment de la construction. Sur les plans d'autorisation de construire, on pouvait constater qu'aucun écoulement le long des portes-fenêtres n'était prévu, ce qui aurait dû apparaître si les seuils avaient été de 25 mm de hauteur.

Le représentant du département a indiqué que les immeubles avaient été construits en zone de développement : l'appartement ne bénéficiait pas d'aide publique, selon lui. La hauteur des seuils devait être de 25 mm au maximum. Il ne demandait pas la mise en conformité de tous les appartements, et était intervenu pour celui-ci du fait qu'il était occupé par une personne à mobilité réduite. Il semblait qu'une participation financière de l'assurance-invalidité fut possible pour la réalisation des travaux. Il maintenait sa décision.

Il a déposé plusieurs pièces, dont notamment le permis d'habiter qui avait été délivré malgré le fait que la hauteur des seuils n'était pas conforme à la législation en vigueur au moment de la délivrance de l'autorisation de construire.

28.         À la demande du tribunal, le département a transmis un exemplaire de la norme SN 521 500.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatations inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             La recourante a renoncé aux auditions de l'architecte M. L______ et de M. I______ en qualité de témoins.

5.             La recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendu, fondée sur l'absence de motivation de la décision litigieuse.

6.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), le droit d'être entendu implique, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA).

Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause, L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités). La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 I 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid 2b).

7.             En l'espèce, même si la décision ne contient pas d'état de fait précis, la recourante était à même de comprendre sa portée, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure, ce qu'elle a fait. La décision litigieuse s'inscrit dans un contexte de plusieurs mois d'échanges entre le conseil de la recourante et le département, de sorte qu'en recevant cette décision, la recourante savait de quoi il s'agissait.

Au demeurant, le département s'est expliqué plus en détails depuis lors, de sorte qu'un tel renvoi entraînerait une procédure purement formelle et un retard inutile (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; ATA/301/2012 du 15 mai 2012), étant rappelé qu'un défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l'autorité intimée, suite à un recours, si l'administré se voit ensuite offrir la possibilité de s'exprimer à son sujet, ce qui a été le cas en l'occurrence, et que, l'autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2), ce qui est le cas en l'espèce.

Ce grief sera dès lors écarté.

8.             La recourante allègue que la décision litigieuse est infondée.

9.             Selon l'art. 1 al. 1 let. a LCI, dans sa teneur au 31 mai 2006, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail.

10.         L'art. 109 al. 1 let. c LCI, dans sa teneur au 31 mai 2006, prévoit que les constructions et installations doivent être conçues et aménagées de manière à favoriser l'autonomie des personnes handicapées, notamment de celles se déplaçant en fauteuil roulant, plus particulièrement dans les nouveaux immeubles collectifs de logement.

L'al. 3 de l'art. 109 LCI prévoit que dans les nouveaux immeubles de logements bénéficiant de l'aide des pouvoirs publics, mis au bénéfice des normes de la zone de développement, il peut être exigé qu'un certain nombre de logements soient conçus pour des utilisateurs handicapés – notamment pour des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant – ou soient facilement adaptables à leurs besoins.

11.         L'art. 5 al. 3 du règlement concernant les mesures en faveur des personnes handicapées dans le domaine de la construction du 7 décembre 1992 (RMPHC – abrogé et remplacé par le RACI – L 5 05.06 ; ci-après : aRMPHC) applicable à la construction des nouveaux immeubles de logement subventionnés ou non subventionnés (art. 1 al. 1 let. d) prévoyait que les seuils, s'ils ne pouvaient pas être évités (portes extérieures exposées aux intempéries et portes de balcons notamment), devaient être aussi bas que possible (maximum 25 mm dans les logements adaptés aux handicapés).

12.         La norme de droit privé SN 521 500 (édition 1988, applicable lors de la délivrance de l'autorisation de construire) prévoyait dans le chapitre II relatif aux constructions comprenant des logements que les portes, portes-fenêtres et passages devaient avoir une largeur utile minimale de 0.80 m (ch. 9.2.1). Les portes et passages devaient être conçus sans seuils et de préférence sans ressauts. Les ressauts d'une hauteur maximale de 25 mm et les seuils métalliques bombés étaient admis (ch. 9.2.2).

13.         L'art. 38 al. 1 let. b RCI, dans sa teneur au 31 mai 2006, prévoit que le permis d'habiter, d'occuper ou d'exploiter n'est délivré que si la construction est conforme aux plans approuvés et aux conditions fixées dans l'autorisation de construire.

La jurisprudence précise toutefois que l'octroi d'un permis d'occupation par le département ne guérit pas les vices d'une construction, puisque le permis d'occuper n'est délivré qu'après un examen limité de la conformité de la construction avec l'autorisation de construire et les plans visés ne varietur. L'octroi du permis d'occuper ne valide pas tous les éléments non visibles lors de l'examen (ATA/385/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4 ; JTAPI/788/2020 du 17 septembre 2020 consid. 9 et 10).

14.         En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que l'appartement concerné ait bénéficié d'aide des pouvoirs publics pour sa construction, ni avoir été construit spécifiquement pour accueillir des personnes handicapées, ce qu'aucune des parties ne prétend du reste. Lors de la délivrance de l'autorisation de construire, les normes légales recommandaient de construire de manière à favoriser l'autonomie des personnes handicapées (art. 109 al. 1 let. c LCI dans sa teneur au 31 mai 2006), sans toutefois imposer de quelconques obligations constructives.

L'immeuble concerné n'est par ailleurs pas un logement adapté aux personnes handicapées selon l'art. 5 al. 3 aRMPHC, concerné, pour lequel la hauteur maximale des seuils de 25 mm devait être respectée.

La norme SN 521 500 en vigueur lors de la délivrance de l'autorisation de construire n'imposait par ailleurs pas une hauteur maximale pour les portes-fenêtres dans le cadre des constructions comprenant des logements mais uniquement pour les portes et passages (ch. 9.2.2), alors qu'en ce qui concerne la largeur, elle s'applique aux portes et passages, mais également expressément aux portes-fenêtres. Cette norme mentionne le cas des portes-fenêtres uniquement pour les bâtiments publics.

Enfin, le département a validé les plans d'autorisation lesquels indiquent la présence de seuils pour se rendre à l'extérieur (cf. notamment la coupe partielle 1-1), et délivré le permis d'occuper. Il a donc estimé que la présence de ce seuil ne contrevenait pas à l'art. 109 LCI.

Au vu de ce qui précède, le tribunal considère que l'appartement concerné a été construit conformément à l'autorisation de construire et dans le respect des dispositions légales en vigueur à cette époque.

15.         Partant, le recours sera admis et la décision de mise en conformité du département du 3 septembre 2020 annulée.

16.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA – E 5 10.03). L'avance de frais de CHF 900.- versée par la recourante lui sera restituée. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'intimée, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2020 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 3 septembre 2020 ;

2.             l'admet ;

3.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 900.- ;

4.             condamne le département du territoire à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Michel GROSFILLIER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière