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Décisions | Chambre de surveillance

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C/27577/2015

DAS/18/2025 du 03.02.2025 sur DTAE/3645/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27577/2015-CS DAS/18/2025

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 3 FEVRIER 2025

 

Recours (C/27577/2015-CS) formé en date du 8 juillet 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Agrippino RENDA, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 4 février 2025 à :

- Madame A______
c/o Me Agrippino RENDA, avocat
Route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4.

- Monsieur B______
c/o Me Carlo Leonardo ZONNO, avocat
Boulevard des Philosophes 15, case postale 427, 1211 Genève 4.

- Madame C______
Monsieur D
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.       a) Les mineures E______ et F______, nées respectivement les ______ 2015 et ______ 2017, sont issues de la relation entre A______ et B______, lesquels ont déposé une déclaration d'autorité parentale conjointe sur leurs filles, respectivement les 21 décembre 2015 et 16 octobre 2017.

b) Par requête du 2 mars 2023, B______ a sollicité du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) la fixation des droits parentaux et l'instauration d'une garde alternée sur les mineures, tout en exposant que la communication parentale était tendue.

c) Dans un rapport du 14 août 2023, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: le SEASP) a exposé que la cohabitation, toujours existante, des parents dans le logement familial générait un climat de tension entre ces derniers. La mère n’avait pas travaillé durant plusieurs années et avait formé avec ses filles une bulle fusionnelle dans laquelle il était difficile pour le père de s’immiscer. Les mineures étaient très impliquées dans les dissensions parentales et prises dans un conflit de loyauté entre leurs parents, peinant à retrouver une place sereine et libre entre eux, sans qu'aucun autre élément inquiétant ne soit à rapporter dans leur prise en charge. Elles entretenaient de bonnes relations avec leur père et les parents disposaient de compétences parentales comparables, étant tous deux investis dans l’éducation et la prise en charge de leurs filles.

L'autorité parentale devait être maintenue conjointe entre les parents, la garde des mineures étant attribuée à la mère - le père ne s'y opposant pas dans un premier temps - et un droit de visite devait être fixé en faveur de ce dernier, lequel s'exercerait durant les six premiers mois, un week-end sur deux, du vendredi à la sortie de l'école au lundi matin retour à l'école ainsi que chaque semaine du jeudi soir au vendredi matin retour à l'école. A l'issue de ces six premiers mois, le droit de visite pourrait être élargi et exercé une semaine sur deux, du jeudi à la sortie de l'école au mardi matin retour à l'école, ainsi que chaque semaine du jeudi soir au vendredi matin retour à l'école.

d) Dans ses déterminations du 8 septembre 2023, la mère s'est opposée au maintien de l'autorité parentale conjointe, au motif qu'une procédure pénale était ouverte contre le père pour des faits de violences à son encontre.

e) Par décision provisionnelle du 12 septembre 2023, le Tribunal de protection a maintenu l'autorité parentale conjointe, attribué la garde des mineures à la mère et réservé un droit de visite au père, durant les six premiers mois, un week-end sur deux, du vendredi à la sortie de l'école au lundi matin retour à l'école, ainsi que chaque jeudi et durant la moitié des vacances scolaires.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 2 novembre 2023, lors de laquelle la mère a indiqué qu'elle et les filles habitaient dorénavant à G______ [GE], chez ses propres parents. Elle a exposé qu'une ordonnance de classement et une ordonnance pénale allaient être rendues à l'encontre du père et qu'une plainte complémentaire allait être déposée, dès lors que durant le droit de visite, le père avait mis du piment dans la bouche de F______ en guise de punition et qu'il lui arrivait de tirer les oreilles des filles. La mère était suivie avec les mineures par [l'association] H______ et les filles bénéficiaient chacune d'un suivi en logopédie.

Le père a contesté les faits exposés par la mère. Le premier droit de visite avait été "un peu traumatique" pour les filles, mais il s'était bien déroulé par la suite, malgré quelques interventions de la mère qui l'avait perturbé. Il considérait que le premier palier de six mois était trop long et l'empêchait de s'investir auprès de ses enfants. Il souhaitait également avoir la possibilité de les appeler le mercredi et le dimanche.

g) Par décision provisionnelle du 2 novembre 2023, le Tribunal de protection a réservé un droit de visite au père lequel devait s'exercer, un week-end sur deux, du vendredi sortie d'école au lundi matin, ainsi que du jeudi soir au vendredi matin et durant la moitié des vacances scolaires selon le principe de l'alternance. Il a, par ailleurs, dit que les relations personnelles s'exerceraient également lors d'appels téléphoniques en visio chaque mercredi et dimanche entre 18h00 et 19h00.

Les mineures se trouvaient dans une bulle fusionnelle avec leur mère, tout en entretenant de bonnes relations avec leur père, de sorte qu'il convenait de les préserver d'une trop forte emprise de leur mère et de renforcer la relation avec leur père avec un droit de visite progressif, comprenant un premier palier de six mois.

h) Dans son rapport du 12 décembre 2023, le SEASP a maintenu ses conclusions du 14 août 2023, tout en précisant qu'il apparaissait indiqué que les éléments travaillés par les mineures avec leur mère le soient également avec leur père afin d'établir une relation de confiance avec chacun de leurs parents et d'être préservées des dissensions parentales. Si des tensions persistaient encore entre les parents, l'organisation de la prise en charge des filles évoluait positivement et le droit de visite se mettait progressivement en place.

i) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 14 mars 2024.

La représentante du SEASP a confirmé ses préavis précédents. L'épisode évoqué par la mère du piment et du tirage d'oreilles avait été travaillé avec cette dernière par la psychologue de [l'association] H______. Aucune inquiétude particulière n'avait été émise par la psychologue de cette structure en lien avec cet événement. De nombreux épisodes conflictuels entre les parents avaient eu lieu devant les mineures, de sorte qu'au mois d'août 2023, époque où les parents cohabitaient encore, un travail commun entre eux n'était pas envisageable, mais il pourrait être dorénavant possible. La situation devait évoluer.

B______ a expliqué qu'il était dans l'attente d'un lieu pour pouvoir entreprendre un travail avec ses filles, identique à celui de la mère, la psychologue qui suivait cette dernière ne pouvant l'effectuer. Son droit de visite se passait très bien et il souhaitait qu'il soit instauré conformément au préavis du SEASP. Concernant la prise en charge des mineures, il avait trouvé un accord avec son employeur lui permettant de les amener à l'école le matin à 8h00. Il se sentait en mesure de s'occuper des problèmes de ses filles et s'organiserait si les rendez-vous de celles-ci étaient fixés sur ses jours de visite. S'agissant des devoirs, il pensait faire appel à une aide car il ne connaissait pas suffisamment le français. Concernant sa relation avec la mère, il arrivait à celle-ci de venir à son domicile lors de son droit de visite, pour ramener des lunettes, un médicament ou une peluche et elle restait trente minutes à une heure. Parfois, leur rencontre se passait bien, comme lorsqu'ils étaient allés ensemble aux urgences emmener F______ pour une otite. Il était prêt à entreprendre un travail de médiation ou tout travail thérapeutique avec elle. Il était d'accord que la mère appelle les filles lors des week-ends qu'elles passaient avec lui.

A______, pour sa part, a maintenu ses conclusions en garde exclusive et s'est déclarée favorable à un droit de visite en faveur du père d'un week-end sur deux, du vendredi au lundi matin, et d'un jeudi à quinzaine. L'exercice du droit de visite du père se passait bien mais elle était toutefois inquiète quant à la prise en charge des mineures par le père pour les devoirs, compte tenu des problèmes des filles, qui nécessitaient un suivi en logopédie. Elle s'était toujours occupée du suivi des filles et de leurs devoirs. Elle était également disposée à entreprendre un travail en commun avec le père.

B.       Par ordonnance DTAE/3645/2024 du 14 mars 2024, le Tribunal de protection a maintenu l'autorité parentale conjointe sur les mineures E______ et F______ (ch. 1 du dispositif), attribué leur garde à A______ (ch. 2), alloué la totalité de la bonification pour tâches éducatives à A______ (ch. 3), réservé à B______ un droit de visite avec les mineures qui s'exercera une semaine sur deux, du jeudi soir, à la sortie de l'école, au mardi matin, retour à l'école, ainsi que, chaque semaine, du jeudi soir au vendredi matin retour à l'école, ainsi que la moitié des vacances scolaires (premier paragraphe), dit que les relations personnelles s'exerceront également lors d'appels téléphoniques ou visio de B______ aux mineures les mercredis et les dimanches entre 18h00 et 19h00 et dit que la mère pourra également appeler les mineures les vendredis et dimanches à 19h00 lorsque les mineures se trouveront chez leur père (ch. 4), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 5), désigné D______ et C______, respectivement intervenant en protection des mineurs et cheffe de groupe au sein du Service de protection des mineurs (SPMi), aux fonctions de curateurs (ch. 6), pris acte de l'accord de A______ et de B______ de débuter un travail de médiation et les y a exhortés en tant que de besoin (ch. 7) et a laissé les frais à la charge de l'Etat (ch. 8).

En substance, il a retenu que la demande de la mère en attribution de l'autorité parentale exclusive sur les mineures relevait davantage du conflit parental que d'une mauvaise collaboration portant atteinte au bien des enfants, la mère ayant d'ailleurs déclaré en audience que le père ne s'était jamais opposé à son autorité parentale. Au contraire, les parents disposaient de capacités parentales équivalentes et il était préconisé, notamment par le SEASP, que le lien père-enfants soit davantage favorisé. Ainsi, l'autorité parentale conjointe sur les mineures devait être maintenue.

S'agissant de l'exercice du droit de visite, le Tribunal de protection a relevé que si, au moment de leur séparation, les parents n'avaient pas réussi à s'entendre sur la fixation de leurs droits parentaux, l'exercice du droit de visite s'était relativement bien passé depuis la décision provisionnelle du 2 novembre 2023, ce qui avait été rapporté tant par le SEASP que par les parents eux-mêmes. Le SEASP avait confirmé, tant dans son dernier rapport qu'en audience, son préavis tendant à l'élargissement du droit de visite du père. Les mineures, qui bénéficiaient d'un suivi thérapeutique avec leur mère lors de consultations mère-enfants auprès de [l'association] H______, étaient, à présent, plus apaisées lorsqu'elles se rendaient chez leur père. Ce dernier avait indiqué être prêt à débuter un suivi équivalent avec ses filles et avoir fait les démarches idoines pour en bénéficier, de sorte qu'il apparaissait opportun de faire évoluer la situation afin de favoriser le lien père-filles. Si la mère demeurait inquiète s'agissant de la prise en charge des mineures, lesquelles souffraient de troubles langagiers nécessitant un suivi en logopédie, le père, qui était apparu impliqué quant aux besoins de ses filles, s'était engagé à s'organiser pour les amener aux rendez-vous et à recourir à une aide pour leurs devoirs, de sorte que l'organisation de ce dernier était adéquate. Dans l'intérêt des mineures, lesquelles devaient pouvoir renforcer et développer leur relation avec leur père, tout en conservant des liens étroits avec leur mère, à laquelle la garde était confiée, un large droit de visite en faveur du père devait être fixé.

C.       a) Par acte du 8 juillet 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu’elle a reçue le 7 juin 2024, sollicitant l'annulation des chiffres 1 et 4 (premier paragraphe) de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que l'autorité parentale sur les mineures soit retirée à leur père et lui soit attribuée de manière exclusive, et à ce qu'un droit de visite sur les enfants soit fixé en faveur du père à raison d'un week-end sur deux, du vendredi au lundi matin, et un jeudi à quinzaine, en alternance avec les week-ends, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, l'ordonnance pouvant être confirmée pour le surplus.

Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal de protection.

A titre préalable, elle a sollicité la production par B______ de tous les justificatifs attestant des démarches entreprises afin de débuter un suivi thérapeutique avec ses filles, de tous les justificatifs attestant des démarches entreprises afin de s’organiser pour prendre en charge et accompagner ses filles aux rendez-vous de logopédie et autres rendez-vous (médicaux et divers), chaque fois que cela sera nécessaire et/ou durant ses jours de garde, et de tous les justificatifs attestant des démarches entreprises afin de mettre en œuvre une aide pour les devoirs des enfants. Elle a également sollicité la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et la reddition d'un rapport complémentaire sur la situation actuelle de la famille par le SPMi ou le SEASP, notamment s'agissant des problématiques liés à la mise en œuvre, ou non, par le père des mesures à entreprendre en faveur des mineures (correspondant à ses demandes de production de justificatifs). Elle a également souhaité être autorisée à compléter son recours après production par le père des documents requis, à produire toutes autres pièces utiles et à répliquer.

Elle a produit un chargé de pièces, dont l’ordonnance pénale de condamnation du 14 mars 2024 de B______ pour écoute et enregistrement de conversations d’autres personnes.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Le Service de protection des mineurs (SPMi) a indiqué n’avoir recueilli aucun élément qui justifierait un retrait de l’autorité parentale au père ou une modification du droit de visite fixé par le Tribunal de protection.

d) B______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation de l’ordonnance attaquée et à la condamnation de A______ aux frais et dépens.

Il a produit un chargé de pièces, dont l’ordonnance de classement du 19 mars 2024 de la procédure pénale ouverte à son encontre pour injures et menaces à l’encontre de A______.

e) Le retrait de l’effet suspensif, sollicité par B______ dans la cadre de sa réponse, a été rejeté par la Chambre de surveillance le 12 septembre 2024 (DAS/195/2024).

f) La cause a été gardée à juger à l’issue de ces échanges.


 

EN DROIT

1.         1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Interjeté par la mère des mineures concernées, dans le délai utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit, et sous l’angle de l’opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d’office et n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 L’art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l’exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et de moyens nouveaux en deuxième instance, ceux invoqués devant la Chambre de céans sont recevables.

Les pièces produites par les parties seront dès lors admises.

1.4 En principe, il n'y a pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sauf en matière de placement à des fins d'assistance (art. 53 al. 5 LaCC).

Les parties ont été entendues par le Tribunal de protection en date du 2 novembre 2023 et 14 mars 2024, de sorte qu'il n'est pas utile de les entendre de nouveau. De même, le SEASP a rendu deux rapports circonstanciés les 14 août et 12 décembre 2023 et une représentante de ce service a été entendue par le Tribunal de protection lors de l'audience du 14 mars 2024, les conclusions dudit service étant demeurées identiques sur toute la durée de la procédure de première instance, et encore dans les déterminations sur recours. Il n'y a ainsi pas lieu de solliciter un complément de rapport, ce d'autant que les interrogations de la recourante à l'appui de tous les actes d'instruction sollicités portent sur la question de savoir quelles mesures a prises le père pour assurer les rendez-vous médicaux et l'aide scolaire des mineures, lorsqu'elles seront sous sa garde, points abordés infra sous chiffre 3.2. La demande de production des justificatifs, en lien avec ces questions, sera ainsi également rejetée.

La Chambre de surveillance s'estime ainsi suffisamment renseignée pour rendre sa décision, sans instruction complémentaire.

2.         La recourante sollicite le retrait de l’autorité parentale au père et l’octroi en sa faveur de l’autorité parentale exclusive sur les mineures.

2.1 Selon l’art. 298d al. 1 CC, à la requête de l’un des parents, de l’enfant ou encore d’office, l’autorité de protection de l’enfant modifie l’attribution de l’autorité parentale lorsque des faits nouveaux importants le commandent pour le bien de l’enfant.

Toute modification dans l’attribution de l’autorité parentale suppose que la nouvelle règlementation soit requise dans l’intérêt de l’enfant, à raison de la survenance de faits nouveaux essentiels. En d’autres termes, une nouvelle réglementation de l’autorité parentale, respectivement de la garde, ne dépend pas seulement de l’existence de circonstances nouvelles importantes; elle doit être aussi commandée par le bien de l’enfant (ATF 111 II 405 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_942/2021 du 17 août 2022 consid. 3.1; 5A_800/2021 du 25 janvier 2022 consid. 5.1; 5A_762/2020 du 9 février 2021 4.1; 5A_228/2020 du 3 août 2020 consid. 3.1; 5A_756/2019 du 13 février 2020 consid. 3.1.1; 5A_406/2018 du 26 juillet 2018 consid. 3.1 et les réf.). La modification ne peut ainsi être envisagée que si le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l’enfant et le menace sérieusement; la nouvelle règlementation doit ainsi s’imposer impérativement, en ce sens que le mode de vie actuel nuit plus au bien de l’enfant que le changement de règlementation et la perte de continuité dans l’éducation et les conditions de vie qui en est consécutive (arrêts du Tribunal fédéral 5A_942/2021 du 17 août 2022 consid. 3.1; 5A_800/2021 du 25 janvier 2022 consid. 5.1; 5A_762/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1; 5A_228/2020 du 3 août 2020 consid. 3.1; 5A_848/2018 du 16 novembre 2018 consid. 5.1; 5A_943/2016 du 1er juin 2017 consid. 6.2.1; AFFOLTER-FRINGELI, Berner Kommentar, 2016, ad art. 298d n. 6).

La règle fondamentale en ce domaine est l'intérêt de l'enfant. Au nombre des critères essentiels, entrent en ligne de compte les relations personnelles entre parents et enfants, les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l'enfant personnellement et à s'en occuper, ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent. Il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaire à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel. En cas de capacités d'éducation et de soin équivalentes des parents, le critère de la stabilité des relations, selon lequel il est essentiel d'éviter des changements inutiles dans l'environnement local et social des enfants propres à perturber un développement harmonieux (ATF 136 I 178 consid. 5.3; 115 II 206 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_58/2017 du 7 avril 2017 consid. 3.3.1; 5A_376/2016 du 1er décembre 2016 consid. 3.1).

Savoir si une modification essentielle est survenue par rapport à la situation existant au moment où la décision initiale a été prise doit s’apprécier en fonction de toutes les circonstances du cas d’espèce et relève du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_800/2021du 25 janvier 2022 consid. 5.1; 5A_762/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1; 5A_228/2020 du 3 août 2020 et les références).

2.2 La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir arbitrairement rejeté sa demande d'autorité parentale exclusive, rendant ainsi une décision contraire au droit.

Elle lui fait notamment grief d’avoir considéré que la procédure pénale ouverte à l'encontre du père des mineures n’était pas de nature à fonder sa demande d'attribution de l'autorité parentale exclusive. Elle considère que cette procédure n’étant pas encore arrivée à son terme lors de sa prise de décision, le Tribunal de protection ne pouvait pas soutenir cette position. Bien que l’on discerne mal en quoi le fait de ne pas avoir attendu la clôture de la procédure pénale, qui ne concernait aucunement les mineures, aurait justifié un retrait de l’autorité parentale au père, cette procédure a depuis lors fait l’objet d’un classement pour les faits d'injures et de menaces reprochés. Le grief est ainsi infondé.

La recourante reproche également au Tribunal de protection d’avoir mal évalué l’importance des violences psychologiques qu’elle a subies, qui l'empêcheraient d'entretenir tout contact avec le père, compte tenu de la nécessité qu'elle éprouve de se préserver. Elle considère par ailleurs que la condamnation pénale du père pour écoute et enregistrement de conversations entre d’autres personnes - procédure durant laquelle le père a admis avoir enregistré des conversations de son ex-compagne avec des tiers, alors qu’ils demeuraient encore sous le même toit, pour se protéger contre les "médisances" de cette dernière et avoir des "preuves de son infidélité", selon les explications qu'il a fournies au Ministère public - empêcherait le maintien de l'autorité parentale conjointe. De nouveau, ces faits sont sans lien avec les mineures et la capacité du père à prendre des décisions conformes à l'intérêt de ses filles. Ainsi, malgré les dénégations de la recourante, comme l’a justement retenu le Tribunal de protection, les raisons qui ont motivé la demande de la mère en attribution de l'autorité parentale exclusive apparaissent davantage liées au conflit parental qu'à une mauvaise collaboration des parents portant atteinte au bien des enfants. Si certes, la communication parentale a sans doute été altérée par ces événements, il est attendu des parents qu'ils dépassent leur ressenti personnel pour le bien de leurs filles.

Il ne ressort par ailleurs pas de l'instruction de la cause, le SEASP ayant relevé au contraire que la prise en charge des mineures évoluait positivement, que la relation parentale empêcherait le maintien de l’autorité parentale conjointe puisque les décisions concernant les mineures ont toujours pu être prises, la mère reconnaissant que le père ne s’était jamais opposé à une décision les concernant. Elle ne cite d'ailleurs aucun exemple dans son recours d'empêchement d'une prise de décision importante concernant les mineures, tandis que le père expose que les parents ont décidé et emmené ensemble leur fille F______ aux urgences lors d'un épisode d'otite, ce qui permet de retenir que la communication entre les parents est suffisante pour prendre des décisions dans l'intérêt des mineures, lorsque cela est nécessaire. Même s'il était avéré que la recourante, comme elle le soutient, a toujours pris seule les décisions concernant les mineures, ceci ne serait pas encore un motif suffisant pour enlever au père l’autorité parentale sur ses filles, celui-ci ne s'étant jamais opposé aux décisions de la mère. Le conflit parental que la recourante entend opposer à la décision du Tribunal de protection ne saurait être considéré comme suffisamment important pour modifier le système d’autorité parentale sur les mineures. La mésentente du couple existe, certes, mais il appartiendra aux deux parents d’effectuer un travail sur eux-mêmes, à l’aide de leur thérapeute respectif, afin de dépasser leurs ressentis concernant leur situation de couple, pour se centrer sur l’intérêt de leurs filles.

Aucun des motifs exposés par la jurisprudence n’étant réalisé en l’espèce pour limiter l’autorité parentale du père et la confier au parent gardien des enfants, c’est à juste titre que le Tribunal de protection a maintenu l’autorité parentale conjointe sur les mineures.

Le chiffre 1 du dispositif de l’ordonnance sera ainsi confirmé.

3.         La recourante s’oppose au droit de visite accordé au père par le Tribunal de protection.

3.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est considéré à la fois comme un droit et un devoir des parents, mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant, qui doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci; dans chaque cas, la décision doit donc être prise de manière à répondre le mieux possible à ses besoins, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3;
141 III 328 consid. 5.4; 131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2021 du 13 mai 2022 consid. 4.1.1).

Le droit aux relations personnelles n'est pas absolu. Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être limité ou retiré (art. 274 al. 2 CC). Cette disposition a pour objet de protéger l'enfant, et non de punir les parents. Ainsi, la violation par eux de leurs obligations et le fait de ne pas se soucier sérieusement de l'enfant ne sont pas en soi des comportements qui justifient la limitation ou le retrait des relations personnelles; ils ne le sont que lorsqu'ils ont pour conséquence que ces relations portent atteinte au bien de l'enfant (ATF 118 II 21 consid. 3c; 100 II 76 consid. 4b). D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. Conformément au principe de proportionnalité, il importe en outre que ce danger ne puisse être écarté par d'autres mesures appropriées. La limitation ou le retrait du droit aux relations personnelles nécessite des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_489/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et 5A_53/2017 du 23 mars 2017 consid. 5.1).

Pour fixer le droit aux relations personnelles, le juge fait usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 131 III 209 consid. 3; 120 II 229 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_41/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.1; 5A_454/2019 du 16 avril 2020 consid. 4.2.1).

3.2 La recourante considère que l’élargissement du droit de visite opéré par le Tribunal de protection est contraire à l’intérêt des mineures, lesquelles souffrent de problèmes de langage et doivent être prises en charge notamment par un logopédiste. Le père n’aurait rien entrepris afin de mettre en place les différentes prises en charge des mineures (logopédiste, médicale et autres) et n’aurait pas effectué de démarches pour le suivi père-filles - qu’il s’était engagé à effectuer lors de l'audience devant le Tribunal de protection - ni pour engager un répétiteur pour l’aide aux devoirs, lui-même ne maîtrisant pas suffisamment la langue française pour venir en aide aux enfants.

La recourante se contente de faire un procès d'intention au père, lequel n'a manifestement encore rien pu mettre en place pour ses filles, puisqu'il n'exerce de fait pas encore ce droit de visite élargi. Quoi qu'il en soit, le droit de visite fixé par le Tribunal de protection ne prévoit que deux jours supplémentaires à quinzaine par rapport à celui d'ores et déjà exercé par le père, de sorte que l'impact de ce changement sur l'organisation de la prise en charge des mineures est faible. La recourante demeure par ailleurs très vague, n'indiquant notamment pas quel jour les mineures consultent un logopédiste ou un autre thérapeute, ou encore reçoivent des cours de soutien, de sorte qu'il ne peut pas être retenu que le père ne serait pas en capacité d'accompagner ses filles auxdits rendez-vous. S'agissant du suivi père-filles, le Tribunal de protection ne l'a pas ordonné, de sorte qu'il ne peut être reproché au père de ne pas l'avoir mis en place, malgré le souhait évoqué en audience par celui-ci, ce d'autant qu'il ne dispose pour l'instant que de peu temps avec ses filles pour ce faire.

Le Tribunal de protection a par ailleurs observé que le droit de visite du père, qui s’exerce depuis le prononcé des mesures provisionnelles du 2 novembre 2023, à raison d’un week-end sur deux du vendredi soir au lundi matin et, chaque semaine, du jeudi soir au vendredi matin, de même que durant la moitié des vacances scolaires, s’était bien déroulé, ce que le SEASP et les parents avaient également constaté. Compte tenu de ces éléments et afin de permettre aux mineures de tisser des liens plus étroits avec leur père - lequel s’intéresse à l’évolution de ses enfants et dispose de compétences parentales appropriées -, et d'éviter que le lien fusionnel entre la mère et les mineures, qui laisse peu de place au père, ne soit préjudiciable à leur bon développement, le Tribunal de protection a considéré, sur recommandation du SEASP, et à juste titre, que le droit de visite du père pouvait être élargi du jeudi soir au mardi matin, une semaine sur deux, en sus du jeudi soir au vendredi matin chaque semaine. Rien ne s'oppose en effet à cet élargissement du droit de visite du père qui apparaît, au contraire, favorable au bon développement des mineures.

Le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance sera donc confirmé.

4.      La procédure, qui porte sur la réglementation des droits parentaux et le droit de visite sur les mineures, n'est pas gratuite (art. 77 LaCC). Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 800 fr. et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront laissés temporairement à la charge de l'Etat de Genève, la recourante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique.

Le recours était d'emblée voué à l'échec, de sorte que la décision sera communiquée au service de l'Assistance juridique aux fins de réexamen de l'octroi de cette dernière.

La recourante sera condamnée à verser des dépens, arrêtés à 600 fr., à B______.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 8 juillet 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/3645/2024 rendue le 14 mars 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/27577/2015.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, celle-ci étant au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Condamne A______ à verser la somme de 600 fr. à titre de dépens à B______.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.