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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/946/2021

ACST/33/2021 du 20.09.2021 ( INIT ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.10.2021, rendu le 16.11.2022, ADMIS, 1C_638/2021, 1C_637/2021, 1C_408/2021
Recours TF déposé le 22.10.2021, rendu le 24.11.2022, SANS OBJET, 1C_637/2021, 1C_638/2021, 1C_408/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/946/2021-INIT ACST/33/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 20 septembre 2021

 

dans la cause

 

COMITÉ DE L’INITIATIVE POPULAIRE CANTONALE « POUR UN URBANISME PLUS DÉMOCRATIQUE À GENÈVE » (IN 176)
représenté par Me Tobias Zellweger, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT


EN FAIT

1) Par courrier daté du 20 décembre 2020 (recte : 2019), Monsieur  A______ a informé le Conseil d’État du prochain lancement d’une initiative législative, dont il était le mandataire, intitulée « Plus de démocratie dans l’urbanisme » (ci-après : l’IN 176 ou l’initiative) et ayant pour but de permettre une meilleure concertation entre les services de l’État, les communes et les propriétaires fonciers lors de l’élaboration d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Ladite initiative se voulait « constructive et non bloquante » et permettait à la population de choisir entre différents types de développements immobiliers en l’absence d’unanimité sur un projet de PLQ. Les citoyens communaux auraient ainsi la possibilité de choisir entre plusieurs projets, « comme pour un concours d’architecte ».

2) a. Le 14 janvier 2020 a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un avis selon lequel un comité d’initiative (ci-après : le comité) avait informé le Conseil d’État du lancement de l’IN 176 visant la modification des art. 5A, 6 et 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), dont la teneur était la suivante et qui comportait en caractères italique et barré les modifications projetées de la loi :

« Art. 1 Modifications

Art. 5A Élaboration du projet de plan localise de quartier par le département

1 Le projet de plan localise de quartier est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d’État ou d’une commune ou des propriétaires concernés ; il est mis au point par le département, en collaboration avec la commune, et la commission d’urbanisme et les particuliers intéressés à développer le périmètre, sur la base d’un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers intéressés à développer le périmètre dans le cadre d’un processus de concertation avec ces derniers, les habitants, propriétaires et voisins du quartier ainsi que les associations et la commune concernées.

( )

Élaboration du projet de plan localise de quartier par les propriétaires

4 Les propriétaires concernés peuvent également solliciter en tout temps du Conseil d’État l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan localise de quartier concernant leurs parcelles. À cet effet, ils doivent élaborer un projet de plan localise de quartier, dans le cadre d’un processus de concertation avec le département, les communes et les particuliers intéressés à développer le périmètre. Leur projet est transmis au Conseil d’État, lequel, après s’être assure qu’il répond sur le plan formel aux exigences légales, est alors tenu d’engager la procédure prévue a l’article 6.

5 Si différents projets de plans localisés de quartiers sont soumis au Conseil d’État et respectent sur le plan formel les exigences légales, une votation communale sera organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure prévue a l’article 6.

Art. 6 Procédure d’adoption

( )

Préavis communal

4 Simultanément a l’ouverture de l’enquête publique, le département transmet a la commune le projet de plan pour qu’il soit porte a l’ordre du jour du Conseil municipal. À l’issue de l’enquête, le département transmet en principe dans un délai de 60 jours, a la commune les observations reçues. L’autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de 45 jours a compter de la réception des observations. Son silence vaut approbation sans réserve.

5 Le préavis de l’autorité municipale peut être défavorable, favorable ou favorable sous réserve de conditions, modifications ou compléments. Son silence vaut approbation sans réserve. Le préavis, y compris en cas de silence de l’autorité municipale, fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle et d’affichage dans la commune.

6 En cas de préavis ou de référendum défavorable, la procédure d’adoption du plan localise de quartier soumis a enquête publique est suspendue et la commune et/ou les propriétaires du périmètre concernés doivent proposer au Conseil d’État un projet de plan localise de quartier alternatif dans un délai de 12 mois conformément a la procédure prévue par l’article 5A. À défaut, la procédure d’adoption du projet de plan localise de quartier soumis a enquête publique sera reprise et ce plan sera retenu par le département.

7 L’enquête publique et l’avis aux propriétaires visés aux alinéas 1 et 2 sont toutefois facultatifs en cas d’accord de tous les propriétaires concernés et lorsque le périmètre du projet de plan localise de quartier est compris dans celui d’un plan directeur de quartier en force depuis moins de 10 ans. En l’absence d’enquête publique, le département transmet a la commune le projet de plan pour qu’il soit porte a l’ordre du jour du Conseil municipal. L’autorité municipale doit alors communiquer son préavis dans un délai de 45 jours a compter de la réception du projet de plan. Son silence vaut approbation sans réserve.

Modification d’un projet de plan localise de quartier en cours de procédure

9 Sous réserve de l’article 6, alinéa 6, seules les modifications essentielles du projet de plan localise de quartier, soit celles qui ont pour conséquence un changement fondamental de ses caractéristiques, nécessitent l’engagement d’une nouvelle procédure. Le département devra suivre les recommandations/conditions du préavis favorable du Conseil municipal qui respectent sur le plan formel les exigences légales et adapter le projet de plan localise de quartier.

Art. 12, al. 8 Disposition transitoire (nouveau)

8 Les modifications du ... (a compléter) apportées aux articles 5A et 6, s’appliquent a tous les projets de plans localisés de quartier soumis a enquête publique après cette date.

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. »

b. Selon l’exposé des motifs figurant sur la formule de récolte des signatures, lorsque l’État décidait d’une densification, il établissait des PLQ, qui imposaient des règles de construction ayant un impact durable sur la vie des habitants du périmètre concerné, sans qu’ils aient pu donner leur accord. Cette pratique avait conduit à la construction d’immeubles sans âme et à la destruction du patrimoine bâti et arboré. L’initiative visait à ce que l’État soit obligé de tenir compte de l’avis de la commune et des citoyens, aux fins d’un urbanisme plus démocratique, plus humain et de meilleure qualité.

3) Par arrêté du 20 mars 2020, publié dans la FAO du même jour, puis par arrêté du 23 mars 2020 publié dans la FAO du lendemain, le Conseil d’État a suspendu, en lien avec l’épidémie de Covid-19, les délais de traitement des initiatives jusqu’au 31 mai 2020.

4) Par arrêté du 14 octobre 2020, publié dans la FAO du 16 octobre 2020, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’IN 176.

5) Le 26 novembre 2020, la Chancellerie d’État (ci-après : la chancellerie) a invité le comité à lui faire part de ses déterminations au sujet de la validité de l’IN 176 sur différents points.

6) Par courrier daté du 4 janvier 2020 (recte : 2021), M. A______ a transmis à la chancellerie ses déterminations au sujet de la validité de l’IN 176.

L’art. 5A al. 5 LGZD projeté avait un objet différent du droit d’initiative populaire communale et du droit de référendum communal visés aux art. 71 et 77 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), laquelle ne comportait du reste pas de numerus clausus des types de consultations populaires, puisqu’il prévoyait simplement les modalités permettant de déterminer le projet de PLQ à retenir, qui n’était pas définitif, pour engager la procédure de l’art. 6 LGZD. L’art. 5A al. 5 LGZD projeté était une disposition de nature procédurale, qui concrétisait le principe de la participation de la population à l’établissement des plans visé à l’art. 4 al. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), et pouvait être valablement adopté par le législateur cantonal, sans entrer en conflit avec la Cst-GE. Le corps électoral pourrait se prononcer indépendamment sur chaque PLQ proposé, en l’acceptant ou le refusant, puis indiquer sa préférence entre les plans en répondant à une question subsidiaire, par analogie avec les art. 63 al. 3 et 75 al. 3 Cst-GE. En tout état de cause, en application du principe in dubio pro populo, cette disposition, en particulier les termes « votation communale », pouvait être interprétée comme nécessitant une délibération du conseil municipal avant toute votation du corps électoral, délibération elle-même sujette à référendum communal.

7) Par arrêté du 10 février 2021, publié dans la FAO du 12 février 2021, le Conseil d’État a partiellement invalidé l’IN 176 et supprimé l’art. 5A al. 5 LGZD projeté.

Sur le plan formel, l’initiative contenait des erreurs typographiques et légistiques, qui pouvaient être rectifiées sans que son contenu ne s’en trouve modifié. L’initiative respectait en outre les principes de l’unité de genre et de la matière.

L’art. 5A al. 5 LGZD projeté n’était toutefois pas conforme au droit fédéral. En effet, selon le Tribunal fédéral, la possibilité d’organiser des votations consultatives constituait une extension des droits politiques, qui devait nécessairement être prévue par la constitution cantonale, comme l’exigeait l’art. 51 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Or, au vu des explications données par le comité, l’IN 176 tendait à requérir une votation communale de nature procédurale, s’agissant de consulter la population communale pour déterminer le projet de PLQ à retenir, ce qui n’était admissible que si ladite votation consultative était prévue par la Cst-GE. Tel n’étant pas le cas, la disposition litigieuse était contraire au droit fédéral. Il n’était pas non plus possible de comprendre les mots « votation communale » comme impliquant l’adoption préalable d’une délibération du conseil municipal sujette à référendum communal, sous peine de s’éloigner du texte de l’initiative, étant précisé que l’art. 30 al. 1 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) énumérait de manière exhaustive les objets soumis à délibération et que le texte projeté ne pouvait se rapporter à aucun de ceux-ci. L’art. 5A al. 5 LGZD n’était dès lors pas conforme au droit supérieur, si bien que l’IN 176 devait être partiellement invalidée, puisqu’elle conservait un sens et permettait de poursuivre le but visant à donner un plus grand poids à l’avis des propriétaires concernés et de la commune lors de l’élaboration ou de la procédure d’adoption des PLQ.

Le reste de l’initiative ne posait en outre pas de problème de conformité au droit supérieur, fédéral et cantonal, ni aux droits fondamentaux, respectait le principe de clarté et était exécutable.

8) Par courriel du 10 février 2021, la chancellerie a transmis aux mandataires du comité cet arrêté, le leur envoyant aussi par courrier recommandé du même jour.

9) Le 10 février 2021 également, le Conseil d’État a déposé auprès du Grand Conseil son rapport sur la prise en considération de l’IN 176, proposant son rejet, le cas échéant en lui opposant un contreprojet.

10) Par acte du 15 mars 2021, enregistré sous cause n° A/946/2021, le comité a recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté du Conseil d’État du 10 février 2021, concluant principalement à son annulation en tant qu’il déclarait l’IN 176 partiellement invalide et à ce que celle-ci soit déclarée valide dans son intégralité, conformément à sa teneur initiale, sous réserve des rectifications formelles intégrées, subsidiairement au renvoi de la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

La motivation de l’arrêté litigieux ne permettait pas de comprendre quelles dispositions du droit fédéral et du droit cantonal s’opposaient à une interprétation conforme au droit supérieur de l’art. 5A al. 5 LGZD projeté et se limitait à se référer à un ancien arrêt non publié du Tribunal fédéral concernant un vote consultatif sur un objet concret. Tel n’était toutefois pas le cas de la disposition invalidée, qui prévoyait une votation de principe, dont le résultat liait l’autorité, même s’il n’aboutissait pas sur une décision définitive concernant le PLQ, et introduisait un mode de consultation populaire s’appliquant de manière générale et abstraite à un nombre indéfini de projets de PLQ.

L’IN 176 était conforme au droit fédéral, qui protégeait l’autonomie des cantons et n’imposait pas à ceux-ci de prévoir toutes les normes importantes ou seulement des normes importantes dans leur constitution, leur organisation pouvant être prévue par la loi formelle. En particulier, le droit fédéral n’imposait pas que l’intégralité des droits politiques aux niveaux cantonal et communal soit inscrite dans la constitution cantonale, l’arrêt du Tribunal fédéral sur lequel se fondait l’arrêté litigieux ne disant pas autre chose.

L’initiative n’était pas non plus contraire au droit supérieur cantonal, l’arrêté litigieux ne contenant aucune motivation propre à ce sujet. La disposition en cause, essentiellement de nature procédurale, ne prévoyait ainsi qu’une extension très mesurée et ponctuelle des droits politiques – sans remettre en cause le fonctionnement général de la démocratie directe prévue aux art. 44 à 79 Cst-GE –, qui ne s’appliquerait qu’en cas de pluralité de projets de PLQ en vue d’engager la procédure prévue à l’art. 6 LGZD. À cela s’ajoutait qu’en matière d’aménagement du territoire, la participation de la population à l’établissement des plans constituait un principe reconnu par le législateur fédéral, de même que par l’art. 134 Cst-GE, dans le cadre duquel l’art. 5A al. 5 LGZD projeté s’inscrivait. La Cst-GE ne définissait au demeurant pas la notion de loi, ni formelle ni matérielle, ce qui laissait une marge de manœuvre importante au législateur cantonal, dont les compétences n’étaient pas non plus limitées et qui lui permettaient d’étendre les droits politiques au moyen d’une loi formelle. La Cst-GE ne connaissant pas de numerus clausus des droits politiques, un nouveau type de votation pouvait être prévu non seulement au moyen d’une modification de la Cst-GE, mais également par voie législative.

En tout état de cause, l’art. 5A al. 5 LGZD projeté aurait dû être interprété en application du principe in dubio pro populo. Les termes « votation communale » devaient ainsi être compris comme nécessitant une délibération du conseil municipal communal avant toute votation du peuple, elle-même sujette à référendum communal. La LAC ne constituait pas non plus un obstacle insurmontable pour confier au conseil municipal le soin de déterminer le PLQ qui devait être retenu pour engager la procédure prévue à l’art. 6 LGZD.

11) Dans sa réponse du 26 avril 2021, le Conseil d’État, soit pour lui la chancellerie, s’est référé à l’arrêté litigieux, dont il confirmait la teneur.

12) Le 28 mai 2021, le comité a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Il précisait ne pas avoir consenti à la communication électronique, de sorte que le courriel du 10 février 2021 ne constituait pas une notification valable de l’arrêté litigieux. Par ailleurs, le rapport du Conseil d’État sur la prise en considération de l’initiative du 10 février 2021 n’était pas non plus pertinent pour juger la présente cause, puisqu’il s’agissait d’un document ayant une seule portée politique, qui n’apportait aucun élément utile pour l’analyse du bien-fondé du recours.

13) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître de recours interjetés, comme en l’espèce, contre un arrêté du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative populaire (art. 130B al. 1 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/12/2021 du 15 avril 2021 consid. 1a).

b. Le recours a été interjeté en temps utile, le délai légal ordinaire de trente jours (art. 62 al. 1 let. a et d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) s’appliquant en la matière, nonobstant le silence de la loi (ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3a). Dans ce cadre, rien ne permet d’affirmer que l’envoi par courriel du 10 février 2021 de l’arrêté litigieux du même jour aurait constitué une notification valable, puisque le comité recourant n’apparaît pas avoir consenti à la communication électronique, comme il l’a indiqué, sans avoir été contredit sur ce point par l’intimé. Par ailleurs, le recours respecte également les conditions de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

c. Le recours contre une décision relative à la validité d’une initiative rédigée de toutes pièces concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les votations et élections au sens de l’art. 82 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause est recevable à interjeter un tel recours, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise, comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum (ATF 139 I 195 consid. 1.4 ; 134 I 172 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 1 ; ACST/8/2020 du 6 février 2020 consid. 1c). En l’espèce, tel est le cas du comité recourant, qui a lancé l’initiative partiellement invalidée par l’arrêté litigieux.

d. Le recours doit donc être déclaré recevable.

2) Le contrôle de la conformité au droit d’une initiative rédigée de toutes pièces s’apparente à un contrôle abstrait des normes. Il ne s’agit pas de prévenir uniquement que les citoyens soient exposés à être appelés à voter sur un objet, qui, d’emblée, ne pourrait pas être finalement concrétisé conformément à la volonté exprimée. Une initiative populaire législative formulée se transforme en loi si elle est acceptée par le Grand Conseil ou en votation populaire (art. 61 et 63 Cst-GE ; art. 122B, 123 et 123A de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01 ; art. 94 al. 3 et 4 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05 ; art. 5 ss de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 - LFPP - B 2 05), sans que son texte puisse être modifié (sous réserve de la correction d’erreurs matérielles de pure forme ou de peu d’importance mais manifestes ; art. 216A LRGC). Il n’y a pas lieu de prévoir deux intensités différentes du pouvoir d’examen de la chambre constitutionnelle, selon que celle-ci examine la conformité au droit, respectivement de l’initiative formulée et, subséquemment sur recours abstrait, de la loi adoptée.

Il s’agit donc d’appliquer au recours en matière de validité des initiatives populaires formulées pour l’essentiel les mêmes principes d’interprétation, pouvoir d’examen et pouvoir de décision qu’en matière de contrôle abstrait des normes. Il y a lieu de contrôler librement la conformité du texte considéré avec le droit supérieur, tout en s’imposant une certaine retenue, et d’annuler les dispositions considérées seulement si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles ne soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut tenir compte notamment de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée, sans pour autant négliger les exigences qu’impose le principe de la légalité (ATF 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2 ; ACST/12/2021 précité consid. 2).

3) Le recours porte sur l’invalidation partielle de l’IN 176, dont il y a lieu prioritairement de déterminer le sens (ACST/4/2019 du 14 février 2019 consid. 3a).

4) a. En droit actuel, la procédure d’adoption d’un PLQ est définie aux art. 5A ss LGZD. La demande d’élaborer un PLQ peut émaner du département du territoire (ci-après : le département), du Conseil d’État, du Grand Conseil ou d’une commune (art. 5A al. 1 à 3 LGZD). Lorsque le projet de PLQ est élaboré par le département, il peut l’être de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d’État ou d’une commune, et est mis au point en collaboration avec la commune (art. 5A al. 1 LGZD). Le projet de PLQ est soumis à une enquête publique, permettant à chacun d’adresser des observations au département (art. 6 al. 1 à 3 LGZD). Simultanément à l’ouverture de l’enquête publique, le département transmet à la commune le projet de PLQ pour qu’il soit porté à l’ordre du jour du conseil municipal puis, à l’issue de l’enquête, les observations reçues, à la suite de quoi l’autorité municipale doit communiquer son préavis, son silence valant approbation sans réserve (art. 6 al. 4 LGZD). Le département examine alors si des modifications doivent être apportées au projet de PLQ pour tenir compte des observations recueillies et du préavis communal (art. 6 al. 6 LGZD). À l’issue du délai référendaire, le projet de PLQ est publié dans la FAO et affiché dans la commune ; s’ouvre alors une procédure d’opposition, au terme de laquelle le Conseil d’État statue sur les oppositions, le cas échéant modifie le projet et adopte ensuite le PLQ, qui fait alors l’objet d’une publication dans la FAO (art. 6 al. 8 à 10 LGZD).

b. L’IN 176 prévoit non seulement que les propriétaires concernés peuvent demander au département d’élaborer un projet de PLQ (art. 5A al. 1 LGZD projeté), mais aussi solliciter en tout temps du Conseil d’État l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un PLQ concernant leurs parcelles en élaborant un projet de PLQ, en concertation avec le département, les communes et les particuliers intéressés ; ledit projet est transmis au Conseil d’État, qui doit alors engager la procédure prévue à l’art. 6 LGZD (art. 5A al. 4 LGZD projeté). Dans ce cadre, si différents projets de PLQ sont soumis au Conseil d’État, une votation communale est organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure visée à l’art. 6 LGZD (art. 5A al. 5 LGZD projeté). L’art. 6 al. 5 LGZD projeté prévoit que le préavis de l’autorité municipale peut être défavorable, favorable ou favorable sous réserve de conditions, modifications ou compléments, son silence valant acceptation sans réserve. En cas de préavis ou de référendum défavorable, la procédure d’adoption du PLQ est suspendue et la commune et/ou les propriétaire concernés doivent déposer au Conseil d’État un projet de PLQ alternatif dans un délai de douze mois ; à défaut, la procédure d’adoption du PLQ soumis à enquête publique est reprise (art. 5A al. 6 LGZD projeté), la suite de la procédure demeurant inchangée par rapport aux dispositions actuellement en vigueur.

L’IN 176 a ainsi pour conséquence de modifier la procédure d’élaboration et d’adoption des PLQ, en renforçant la place des communes et des citoyens. Les modifications de l’art. 5A LGZD projetées se situent au stade de l’élaboration d’un projet de PLQ, en donnant notamment aux propriétaires la possibilité de requérir l’élaboration d’un PLQ auprès de l’autorité cantonale de planification ou de proposer leur propre projet, en vue d’engager la procédure d’adoption du PLQ prévue à l’art. 6 LGZD. Une fois ladite procédure d’adoption engagée, le Conseil d’État adopte le projet de PLQ, en effectuant la pesée des intérêts en présence exigée par le droit fédéral, les modifications projetées de l’art. 6 LGZD concernant la manière par laquelle l’autorité municipale se prononce, l’instauration d’une nouvelle possibilité de proposer un projet de PLQ alternatif et la procédure à suivre en cas de modification d’un PLQ en cours de procédure.

L’art. 5A al. 5 LGZD projeté constitue une disposition permettant de déterminer, en cas de pluralité de projets de PLQ, celui à retenir pour engager la procédure prévue à l’art. 6 LGZD, et ce au moyen d’une votation communale, le comité ayant précisé que les dispositions concernant la manière par laquelle les citoyens exprimaient leur vote s’appliqueraient dans ce cadre par analogie. Ce faisant, le scrutin aurait lieu selon les formes spécifiques de la procédure de vote et s’adresserait à l’ensemble des citoyens disposant du droit de vote au niveau communal, lesquels s’exprimeraient, pour chacun des PLQ proposés, par oui ou non, puis indiqueraient leur préférence entre lesdits plans en répondant à une question subsidiaire, au sens des art. 63 al. 3 et 75 al. 3 Cst-GE. Le scrutin aboutirait à un résultat obligatoire, puisque seul le projet de PLQ retenu pourrait faire l’objet de la procédure visée à l’art. 6 LGZD, sans pour autant qu’il ne s’agisse d’une décision définitive à ce stade, le Conseil d’État restant compétent pour l’adoption du PLQ, comme précédemment indiqué. Au vu de ces éléments, la « votation communale » envisagée à l’art. 5A al. 5 LGZD projeté s’apparente davantage à un vote de principe qu’à un vote consultatif, au regard de son caractère obligatoire pour les autorités, mais non définitif (ATF 104 Ia 226 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_51/2014 du 25 mars 2014 consid. 2.3).

Dans l’un et l’autre cas, la jurisprudence exige, sauf circonstances exceptionnelles, que la possibilité d’organiser un tel scrutin trouve un fondement juridique (ATF 104 Ia 226 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_51/2014 précité consid. 2.7 et 2.10). Encore reste-t-il à déterminer lequel. Tel est précisément l’objet du recours, puisque le Conseil d’État a considéré que l’instauration dudit scrutin devait figurer dans la Cst-GE, en application de l’art. 51 al. 1 Cst., tandis que le comité recourant est d’avis qu’une loi formelle, comme la LGZD, est suffisante à cette fin.

5) Les trois conditions de validité d’une initiative que prévoit l’art. 60 Cst-GE sont l’unité du genre, l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur, qu’il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international (ATF 143 I 129 consid. 2.1). S’y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE, l’exigence de clarté du texte de l’initiative et celle d’exécutabilité de l’initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 précité consid. 3.1 ; ACST/8/2020 précité consid. 4a et les références citées).

À teneur de l’art. 60 al. 4 Cst-GE, l’initiative dont une partie n’est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides. À défaut, l’initiative est déclarée nulle.

6) Pour examiner la validité matérielle d’une initiative, la première règle d’interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l’initiative, qu’il faut interpréter selon sa lettre et non pas selon la volonté des initiants. Une éventuelle motivation de l’initiative et les prises de position de ses auteurs peuvent être prises en considération. Bien que l’interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l’initiative n’est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l’interprétation de leur texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_427/2020 du 25 mars 2021 consid. 3).

Lorsque, à l’aide des méthodes reconnues, le texte d’une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L’interprétation conforme doit ainsi permettre d’éviter autant que possible les déclarations d’invalidité. Tel est le sens de l’adage in dubio pro populo, selon lequel un texte n’ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l’expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité (art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst.), selon lequel une intervention étatique doit porter l’atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d’invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_427/2020 précité consid. 3).

Cela étant, la marge d’appréciation de l’autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu’elle examine une initiative non formulée que lorsqu’elle se trouve en présence d’une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d’un acte normatif. Cependant lorsque, de par son but même ou les moyens mis en œuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l’adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l’initiative et du peuple appelé à s’exprimer ; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d’un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_427/2020 précité consid. 3).

7) a. Le principe démocratique se comprend comme l’obligation que l’art. 51 al. 1 Cst. fait aux cantons de se doter d’institutions démocratiques. Il implique que les cantons se donnent une constitution adoptée par le peuple et pouvant être révisée si la majorité du corps électoral le demande, et qu’ils aient un parlement élu au suffrage universel, doté de la compétence de prendre les décisions importantes, lesdites votations et élections devant au surplus refléter fidèlement la volonté des citoyens ; il laisse aux cantons une très large autonomie pour déterminer leur structure et organisation, de même que pour déterminer l’étendue et les modalités d’exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal (ATF 140 I 394 consid. 8.1 ; 131 I 126 consid. 5).

b. L’art. 51 Cst. contribue à fixer les contours de la notion de constitution cantonale, qui peut être appréhendée des points de vues formel et matériel. En effet, en imposant à chaque canton de se doter d’une constitution démocratique, l’art. 51 al. 1 Cst. confère aux constitutions cantonales la primauté dans le système normatif cantonal. Cette primauté ressort en outre de ce que les constitutions cantonales doivent recevoir la garantie de la Confédération (art. 51 al. 2 Cst. ; ATF 143 I 272 consid. 2.2.1 s.). Selon l’approche matérielle, sont considérées comme constitutionnelles les règles de droit fondamentales déterminant la forme de l’État, sa structure, son régime politique, le mode de désignation, la composition, les compétences et le fonctionnement de ses principaux organes, y compris le peuple, ainsi que les droits fondamentaux à l’égard de l’État (Vincent MARTENET, ad art. 51 Cst., N. 15 ss, p. 1318, in V. MARTENET / J. DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Cst., Bâle, 2021). S’il est souhaitable que la constitution formelle coïncide avec la notion de constitution matérielle, et regroupe l’ensemble des règles les plus importantes relatives à l’État, il n’en demeure pas moins que le droit constitutionnel fédéral ne pose pas d’autre limite à son contenu que celles de l’art. 51 al. 1 Cst. (ATF 130 I 185 consid. 2.4).

8) a. Le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts sur l’exigence d’une base constitutionnelle dans le domaine des droits politiques, sans la rattacher systématiquement à l’art. 51 Cst., et en évoquant dans ce contexte plus ou moins explicitement la règle du parallélisme des formes (art. 5 al. 1 Cst.).

b. Devant statuer sur le point de savoir si une initiative tendant à introduire un référendum obligatoire pour le préavis que le canton est appelé à donner à l’autorité fédérale dans le domaine de l’énergie atomique était de rang législatif ou constitutionnel, le Tribunal fédéral a constaté qu’à Neuchâtel, canton concerné, les droits populaires étaient tous définis par la constitution, tandis que la loi n’en créait pas elle-même ni n’en instituait de nouveaux, son rôle essentiel étant de fixer les règles de procédure nécessaires à l’exercice de ces droits et à un déroulement normal des opérations de vote. Aussi fallait-il retenir que seule une initiative constitutionnelle pouvait proposer de modifier les droits populaires, le principe du parallélisme des formes exigeant en tout cas que les règles de degré constitutionnel existantes soient modifiées le cas échéant par la voie d’une initiative constitutionnelle (ATF 104 Ia 343).

Dans une affaire concernant l’organisation d’un vote consultatif, le Tribunal fédéral a jugé qu’il était conforme à leur importance que des opérations électorales sollicitant l’intervention de l’ensemble des citoyens pour exercer une fonction publique en tant qu’organe suprême de formation de la volonté étatique ne soient ordonnées que dans la mesure où la constitution et la loi les prévoient et qu’elles se déroulent dans le strict respect des lignes tracées par le droit. Il n’en a pas moins renoncé à trancher de façon catégorique et générale la question de l’exigence d’une base légale pour l’organisation du vote considéré dans cette affaire, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce (ATF 104 Ia 226).

Dans un arrêt 1P.470/2005 du 23 décembre 2005, le Tribunal fédéral a indiqué que les droits politiques sont en principe définis dans les constitutions cantonales, que celles-ci doivent, selon l’art. 51 Cst., contenir les principes relatifs au droit de vote, au référendum et à l’initiative en matière constitutionnelle, et que, de manière plus générale, la constitution cantonale doit définir l’ensemble des droits populaires, même s’il n’est pas absolument exclu qu’une extension de ceux-ci puisse aussi avoir lieu par voie législative.

Ultérieurement, dans l’arrêt 1C_51/2014 précité, le Tribunal fédéral a confirmé que l’organisation d’un vote populaire consultatif devait reposer sur un fondement juridique, niant au surplus l’existence d’une situation d’urgence temporelle permettant aux autorités de s’en dispenser.

Enfin, dans l’ATF 142 I 216, le Tribunal fédéral a considéré qu’une initiative invitant des communes et les autorités cantonales à organiser des votes consultatifs ne reposait en l’occurrence sur aucune base légale.

c. Il convient de retenir de cette jurisprudence que la matière des droits populaires est de rang constitutionnel au niveau des principes. Il ne saurait en être déduit que les droits populaires devraient être réglés de manière détaillée ni a fortiori exhaustivement au niveau des normes de rang constitutionnel, des circonstances particulières pouvant justifier une approche souple de la question et des nuances être faites selon les différentes constitutions cantonales (ACST/14/2019 du 25 mars 2019 consid. 3d).

9) a. La Cst-GE contient un certain nombre de dispositions sur les droits politiques, énumérées aux art. 44 à 79, tant au plan cantonal qu’au niveau communal, qu’il s’agisse des élections (art. 52 à 55 Cst-GE), de l’initiative populaire (art. 56 à 64 et 71 à 76 Cst-GE) ou du référendum (art. 65 à 70 et 77 à 79 Cst-GE).

b. Ainsi, en matière d’élections, le corps électoral cantonal élit le Grand Conseil, le Conseil d’État, les magistrats du pouvoir judiciaire, la Cour des comptes et la députation genevoise au Conseil des États (art 51 al. 1 Cst-GE) ; le corps électoral communal élit le conseil municipal et l’exécutif communal (art. 53 Cst-GE).

c. Au niveau cantonal, une fraction du corps électoral peut soumettre au Grand Conseil une proposition de révision totale ou partielle de la Cst-GE (art. 56 al. 1 Cst-GE) ou une proposition législative dans toutes les matières de la compétence de ses membres (art. 57 al. 1 Cst-GE) ; dans les deux cas, la proposition peut être rédigée de toutes pièces ou conçue en termes généraux (art. 56 al. 2 et 57 al. 2 Cst-GE). Au plan communal, une fraction du corps électoral peut demander au conseil municipal de délibérer sur un objet déterminé (art. 71 al. 1 Cst-GE). En matière d’initiatives cantonale et communale, le Grand Conseil et le conseil municipal peuvent respectivement opposer un contreprojet à une initiative (art. 62 al. 1 let. c et 74 al. 1 let. c Cst-GE). Lorsque tel est le cas, le contreprojet est soumis au corps électoral, qui se prononce indépendamment sur l’initiative et sur le contreprojet, puis indique sa préférence entre les deux en répondant à une question subsidiaire (art. 63 al. 3 et 75 al. 3 Cst-GE).

d. Définissant la mesure dans laquelle le corps électoral peut et doit le cas échéant être appelé à exercer directement la souveraineté populaire dans le processus final d’adoption des lois, le constituant genevois a : soumis les révisions de la Cst-GE au référendum obligatoire (art. 65 Cst-GE) ; permis de prévoir par la loi la soumission d’office au corps électoral des mesures de rang législatif nécessaires à l’assainissement financier, en opposant à chacune des mesures réduisant les charges une augmentation d’impôts d’effet équivalent, l’électeur ne pouvant opposer ni un double refus ni une double acceptation à l’alternative proposée (art. 66 Cst-GE) ; exposé les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses au référendum facultatif ordinaire (art. 67 al. 1 Cst-GE) ; prévu le référendum facultatif facilité contre les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l’assiette d’un impôt existant, ou qui comportent une modification de la législation sur le logement, la protection des locataires et l’habitat, y compris les voies de droit en la matière (art. 67 al. 2 let. a et b Cst-GE) ; institué le référendum extraordinaire, permettant au Grand Conseil de soumettre au corps électoral les lois normalement exposées au référendum facultatif (art. 67 al. 3 Cst-GE) ; exclu le référendum contre la loi annuelle sur les dépenses et les recettes prises dans son ensemble, sauf en ce qui concerne ses dispositions spéciales établissant un nouvel impôt ou modifiant le taux ou l’assiette d’un impôt (art. 69 Cst-GE).

Au plan communal, les délibérations des conseils municipaux sont soumises au corps électoral si le référendum est demandé par une fraction des titulaires des droits politiques dans la commune (art. 77 al. 1 Cst-GE). Le référendum est toutefois exclu contre le budget communal pris dans son ensemble mais peut être demandé contre les dispositions budgétaires introduisant une recette ou une dépense nouvelles ou modifiant le taux d’un impôt ou le montant d’une dépense de l’exercice précédent (art. 78 al. 2 Cst-GE).

e. Lors des travaux de l’Assemblée constituante, la commission thématique n° 2 (ci-après : CoT2), chargée de préparer les débats relatifs aux droits politiques, a examiné si de nouveaux instruments de démocratie directe devaient être introduits. Elle a accepté en particulier le référendum avec variante mais renoncé au référendum consultatif, au référendum constructif, à l’initiative destitutive et à la motion populaire (Rapport général 200 « Les droits politiques [y compris révision de la Constitution] », du 30 avril 2010, in BOACG, tome V, p. 2215 ss, 2229 ; Rapport sectoriel 202 « Instruments de démocratie directe », du 30 avril 2010, in BOACG, tome V, p. 2295 ss, 2299, 2320 ss).

10) a. Le constituant genevois a prévu que les principes exprimés au niveau constitutionnel concernant les droits politiques appellent l’édiction de normes de rang légal. C’est ainsi qu’il a précisé, à l’art. 44 al. 3 Cst-GE, que la loi veille à l’intégrité, à la sécurité et au secret du vote, et, à l’art. 45 al. 2 Cst-GE, que la loi garantit que toute personne jouissant des droits politiques puisse effectivement les exercer.

b. Dans ce contexte, la chambre de céans a admis la conformité au droit supérieur, en particulier à l’art. 51 al. 1 Cst., d’une modification de la LEDP, introduite par la loi 12424, visant à régler la situation dans laquelle des lois contradictoires seraient adoptées par le Grand Conseil, ne pourraient coexister, devraient être soumises à une votation référendaire et le seraient lors d’un même scrutin, afin que soit déterminé, dans un tel cas, laquelle doit être tenue pour adoptée par le corps électoral en cas d’acceptation des deux lois concurrentes (art. 57 al. 2 et 94 al. 2 LEDP). Si les instruments de la démocratie directe doivent être institués par des normes de rang constitutionnel qui en arrêtent au moins les principes, en particulier dans le canton de Genève, dont la constitution est relativement détaillée sur ces questions, leur mise en œuvre n’en peut, voire n’en doit pas moins intervenir par le biais de dispositions de rangs légal et réglementaire, et même par le biais de décisions, de mesures d’organisations et d’actes matériels, de sorte que la LEDP peut préciser notamment tant la manière dont les électeurs ont à exprimer leur volonté que les conditions auxquelles un texte soumis à référendum est réputé accepté (ACST/14/2019 précité consid. 10).

11) En l’espèce, l’art. 5A al. 5 LGZD projeté, disposition de rang législatif, prévoit que si différents projets de PLQ sont soumis au Conseil d’État, une votation communale est organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure d’adoption du PLQ prévue à l’art. 6 LGZD. La disposition litigieuse institue ainsi un référendum obligatoirement déclenché, sans demande préalable, du fait de l’existence de plus d’un projet de PLQ. Ce scrutin, comme précédemment indiqué, s’apparente à une votation de principe, puisque, malgré son caractère non définitif, le projet accepté par le corps électoral communal lie les autorités en vue d’engager la procédure d’adoption du PLQ, la décision finale d’adoption du PLQ appartenant toutefois au seul Conseil d’État.

Dans ce cadre, l’art. 5A al. 5 LGZD projeté ne s’apparente pas à une simple norme de mise en œuvre des droits politiques, qui pourrait alors être de rang légal. Au contraire, il s’agit d’une extension du droit de référendum ordinaire, voire d’une disposition instituant un nouveau type de référendum, dont le principe doit trouver une assise constitutionnelle, au même titre que les autres droits démocratiques énumérés de manière détaillée par la Cst-GE. Le fait que celle-ci, comme l’indique le comité recourant, ne prévoit pas de numerus clausus des droits politiques ne signifie pas que de nouveaux droits de participation démocratique ne devraient pas y figurer, à tout le moins dans leur principe, ce qui n’est pas le cas du référendum projeté. Que celui-ci ne constituerait qu’une extension « très mesurée et ponctuelle » des droits politiques, toujours aux dires du comité recourant, ne conduit pas non plus à une autre conclusion. Il suffit en effet que plus d’un projet de PLQ soit élaboré pour déclencher, automatiquement, une votation communale, dont le résultat est contraignant pour les autorités, puisque seul le projet accepté par le corps électoral sera soumis au Conseil d’État pour engager la procédure d’adoption du PLQ. Le comité recourant a d’ailleurs indiqué que les dispositions en matière d’expression de la volonté des citoyens seraient appliquées par analogie pour départager les projets soumis au scrutin, selon les règles prévues aux art. 63 al. 3 et 75 al. 3 Cst-GE. Or, il paraît pour le moins contradictoire par rapport au principe du parallélisme des formes de prévoir le principe d’un instrument de participation démocratique dans une loi, tout en y appliquant des mécanismes constitutionnels permettant l’expression de la volonté populaire.

L’institution d’un droit de participation démocratique comme celui projeté par la disposition litigieuse devait ainsi figurer dans une norme de rang constitutionnel, conformément à l’art. 51 al. 1 Cst., au vue de l’énumération détaillée des droits politiques par la Cst-GE, dont le contenu relève tant de la constitution au sens formel que matériel à cet égard. Une extension desdits droits politiques ne pouvait ainsi être prévue que sous la même forme que ces droits politiques, le contenu de l’art. 5A al. 5 LGZD projeté ne s’apparentant pas à une simple disposition de mise en œuvre des droits politiques, dont le caractère légal aurait été admissible. C’est dès lors à juste titre que le Conseil d’État a considéré que l’art. 5A al. 5 LGZD projeté était contraire au droit fédéral.

12) a. Encore convient-il de déterminer si la disposition en cause pourrait être interprétée de manière conforme au droit supérieur, comme l’indique le comité recourant, selon lequel les termes « votation communale » pourraient se référer comme nécessitant une délibération du conseil municipal avant toute votation du peuple, elle-même sujette à référendum communal.

b. Les délibérations des conseils municipaux sont soumises au corps électoral communal si le référendum est demandé par une fraction des titulaires des droits politiques dans les communes, (art. 77 al. 1 Cst-GE). Les objets sur lesquels portent les délibérations des conseils municipaux sont mentionnés à l’art. 30 al. 1 LAC, dont la let. r qui se réfère au préavis à donner sur des projets de PLQ, de plans de sites et leurs règlements, ainsi que sur les projets de plans d’extraction. Les citoyens disposent ainsi du droit de référendum à l’encontre du préavis que le conseil municipal est amené à rendre sous forme de délibération concernant le projet de PLQ consécutivement à l’enquête publique (art. 6 al. 4 LGZD), mais pas – afin d’éviter l’ouverture deux fois de la voie du référendum contre un même projet – à propos du préavis que le conseil municipal émet sous forme de résolution au stade antérieur sur un projet de PLQ (art. 5A al. 2 LGZD ; art. 30A al. 1 let. c LAC ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 5a).

Les citoyens détiennent en outre le droit d’initiative populaire communale institué à l’art. 71 Cst-GE, puisqu’une fraction des titulaires des droits politiques peut demander au conseil municipal de délibérer sur un objet déterminé, dans les matières définies par la loi (art. 71 al. 1 et 2 Cst-GE), définies à l’art. 36 LAC. Cette disposition mentionne notamment les études d’aménagement du territoire communal (art. 36 al. 1 let. d LAC), dont celles impliquant l’adoption d’un PLQ, en tant qu’elles comportent, même dans un second temps, l’exercice d’une fonction délibérative sur le préavis à donner sur le projet de PLQ (art. 30 al. 1 let. r LAC). Une initiative populaire municipale permet ainsi aux citoyens d’initier une procédure d’adoption d’un plan d’affectation du sol, tel un PLQ, et, en cas d’acceptation de l’initiative, d’en exiger la concrétisation, dans les limites des compétences communales, plaçant la commune concernée dans la position de celle qui sollicite du Conseil d’État l’adoption d’un PLQ, au stade initial visé par l’art. 5A al. 2 LGZD.

c. En l’espèce, comme l’a à juste titre relevé l’intimé, l’interprétation proposée par le comité recourant s’éloignerait du texte de l’IN 176 et serait contraire à la volonté des initiants, ainsi qu’à celle des signataires du texte. En effet, le conseil municipal ne statue pas par voie de délibération avant l’ouverture de la procédure d’adoption du PLQ visé à l’art. 6 LGZD, en application de l’art. 30 al. 1 let. r LAC, mais de résolution, non sujette à référendum. En outre, l’initiative veut soumettre au référendum obligatoire les projets de PLQ, dès que plus d’un projet est présenté. Outre le fait qu’un tel procédé, non prévu par la Cst-GE, n’est pas admissible, l’interprétation que cherche à donner le comité recourant du texte de l’initiative ne permettrait pas d’atteindre ce but, puisqu’une telle délibération devrait être soumise au référendum facultatif, une fraction des titulaires des droits politiques devant en faire la demande afin que le corps électoral communal se prononce. Par ailleurs, il ne serait pas davantage admissible d’interpréter lesdits termes comme nécessitant une initiative populaire communale, qui ne peut être conçue qu’en termes généraux et doit être concrétisée par une délibération du conseil municipal, avant la votation du corps électoral communal, sous peine d’allonger et de compliquer la procédure d’établissement du projet de PLQ, alors même que, selon les explications données par le comité, l’initiative se voulait « constructive et non bloquante ».

Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’autorité intimée a déclaré l’art. 5A al. 5 LGZD projeté contraire au droit supérieur et a partiellement invalidé l’IN 176, comme l’y habilite l’art. 60 al. 4 Cst-GE, ce qui n’est en soi pas contesté. En effet, malgré son invalidation partielle, l’initiative conserve un sens et permet de poursuivre son but, qui est de donner un plus grand poids à l’avis des propriétaires concernés et de la commune lors de l’élaboration ou de la procédure d’adoption des PLQ, comme l’a retenu le Conseil d’État, qui a en outre précisé qu’en application du principe de proportionnalité, les citoyens auraient appuyé l’IN 176 sans la partie invalide.

13) Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

14) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du comité recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mars 2021 par le comité de l’initiative populaire cantonale « Pour un urbanisme plus démocratique à Genève » (IN 176) contre l’arrêté du Conseil d’État du 10 février 2021, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 12 février 2021, invalidant partiellement l’IN 176 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du comité de l’initiative populaire cantonale « Pour un urbanisme plus démocratique à Genève » (IN 176) ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tobias Zellweger, avocat du recourant, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :