Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/12153/2021

CAPH/38/2024 du 15.04.2024 sur JTPH/205/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.319; CO.18; CO.337c; CO.329d
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12153/2021 CAPH/38/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 15 AVRIL 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 26 juin 2023 (JTPH/205/2023), représentée par Me Christian BRUCHEZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case
postale 3647, 1211 Genève 3,

et

Madame B______, domiciliée ______ (France), intimée, représentée par
Me Claude BRETTON-CHEVALLIER, avocate, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 17 avril 2024.
EN FAIT

A. Par jugement JTPH/205/2023 du 26 juin 2023, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevables la demande formée le 21 janvier 2022 par B______ contre A______, ainsi que son bordereau de pièces complémentaire du 30 janvier 2023 (chiffres 1 et 2). Au fond, le Tribunal a condamné A______ à verser à B______ la somme brute de 10'684 fr. 20 avec intérêts à 5% dès le 30 avril 2021 (ch. 3), en invitant la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), ainsi que la somme nette de 8'004 fr. 20, avec intérêts à 5% dès le 30 avril 2021 (ch. 5), dit qu'il n'était pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

B. a. Par acte expédié le 28 août 2023 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à l'irrecevabilité de la demande du 21 janvier 2022 dirigée à son encontre et, subsidiairement, à son rejet. Plus subsidiairement, elle chiffre le montant dû à B______ à 3'981 fr. 80 bruts avec suite d'intérêts dès le 30 avril 2021.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 10 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. La doctoresse C______, psychiatre, exploitait un cabinet médical sis à la rue 1______ no. ______, dans lequel exerçaient également quatre autres psychologues.

D______, E______ et F______ exerçaient en tant que psychologues indépendantes avec, pour certaines d'entre elles, un taux d'activité sur délégation. B______ exerçait en tant que psychologue exclusivement sur délégation, n'étant pas titulaire du titre FSP en psychothérapie. Elle disposait d'un contrat de travail avec C______ pour un taux d'occupation à 50%, augmenté à 100% dès le 1er juillet 2020.

Le cabinet était organisé de manière associative, chaque psychologue payant une partie du loyer.

b. Au cours de l’été 2020, la doctoresse C______ a annoncé aux autres psychologues son intention de quitter le cabinet médical pour s’installer dans un autre lieu à la fin de l’année.

c. Par email du 27 août 2020, elle a écrit à B______ et aux autres psychologues qu’elle avait trouvé une psychiatre pour reprendre son "bureau et les délégations de toutes les personnes y travaillant, à savoir 4 psychologues", en la personne de A______. Celle-ci avait l’habitude de la délégation et du travail en équipe. Elle avait rencontré deux autres personnes mais l’une d’elle n’avait pas encore réuni tous les documents nécessaires et l’autre n'était pas entièrement satisfaite des conditions proposées. La doctoresse C______ proposait enfin de rencontrer ces personnes.

Entendue comme témoin, C______ a déclaré qu'elle n'avait pas vraiment parlé avec A______ de ce qui allait se passer après son départ. Elle avait toutefois évoqué la situation de chacune des psychologues et en particulier celle de B______ dès lors que celle-ci ne pouvait pas travailler seule. Elle a précisé que cette dernière avait ses propres patients mais qu'elle-même en était le médecin officiel. Son travail de supervision comprenait un entretien de départ, puis son intervention se limitait principalement à des feed-backs ponctuels. A______ lui avait répondu que la délégation ne la dérangeait pas, ne pouvant toutefois pas garantir à B______ qu'elle pourrait lui assurer une activité à 100%.

d. Une première rencontre a eu lieu, à une date indéterminée, entre A______ et les quatre psychologues.

Selon les témoignages recueillis en cours de procédure, A______ s'est présentée à l'équipe et les psychologues lui ont expliqué le fonctionnement du cabinet et leurs attentes, en particulier le taux de chacune en délégation. F______, entendue comme témoin, a déclaré qu'elles avaient demandé à A______ une activité dépendante à 100% pour B______ qui n'avait pas le titre de psychothérapeute. La situation de cette dernière la mettait dans une situation de grande dépendance. La doctoresse avait répondu qu'elle allait réfléchir.

e. Une semaine après cette rencontre, A______ a manifesté son souhait de rejoindre le cabinet. La question de la délégation, notamment en lien avec B______, n'a pas été évoquée dans ce cadre.

Selon les psychologues entendues devant le Tribunal, la question de la délégation était pour elles acceptée puisqu'elle avait été clairement présentée à A______ et que celle-ci avait accepté de rejoindre le cabinet, sans réserve. Pour F______, elle avait implicitement donné son accord pour reprendre les contrats de toutes les psychologues, y compris les délégations. D______ et F______ ont toutes deux indiqué que si A______ avait manifesté un désaccord pour reprendre l'activité de délégation, elles auraient étudié d'autres candidatures.

f. Une deuxième rencontre devait avoir lieu afin de discuter des questions organisationnelles et administratives.

A______ a dans un premier temps souhaité rencontrer B______ seule afin de préciser sa situation professionnelle et ses demandes de délégation.

B______, F______, D______ et E______ ont, par courriel du 19 octobre 2020, fait part à A______ de leur étonnement dans la mesure où lors de leur précédent entretien, elles avaient énuméré plusieurs points importants pour lesquels la doctoresse avait donné son accord, dont celui d’accepter une délégation de traitements pour les quatre psychologues du cabinet, sachant que le temps de travail en délégation correspondait à un 10% pour F______ et D______, à un 100% pour B______, enfin à un taux à préciser mais de l’ordre de 30% pour E______. Elles souhaitaient donc la rencontrer rapidement pour dissiper tout malentendu et clarifier les modalités de leur collaboration.

Une rencontre s'est tenue le 22 octobre 2020 entre A______ et B______, au cours de laquelle cette dernière a remis à la doctoresse son curriculum vitae et les documents relatifs à ses formations. A cette occasion, A______ a indiqué qu’elle pourrait assurer le suivi de dix patients uniquement en délégation et qu’elle ne pourrait pas superviser le traitement des patients selon la pratique EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing).

g. Le 2 novembre 2020, C______, G______, D______ et F______ ont sous-loué un bureau individuel avec usage des parties communes (salle d'attente, cuisine, toilettes et salle de douche) à A______ à compter du 1er janvier 2021.

h. Début 2021, la délégation à 100% pour B______ a commencé à poser problème, engendrant des tensions qui ont augmenté depuis lors.

i. Par courriel du 2 janvier 2021, B______ a indiqué à A______ qu’elle souhaitait discuter de leurs modalités de travail car cela n’avait pas encore pu être éclairci et qu’elle avait besoin de s’organiser.

j. Le 25 février 2021, la doctoresse A______ a écrit un email à B______ dans lequel elle prenait note de l’annulation de sa part de plusieurs propositions de rendez-vous. Elle considérait cela comme un "refus d’une indication de [s]on employeur" et une "faute grave". De plus, elle a reproché à l’intéressée de n’avoir pas donné suite à ses propositions de "moments individuels de réflexion avec caractère URGENT". Elle indiquait se retrouver confrontée une fois de plus à ses "difficultés d’acceptation des conditions de travail et [de] respect du cadre ". Elle lui demandait dorénavant de lui adresser ses questions par courriel concernant les patients.

k. Le 4 mars 2021 a eu lieu une rencontre entre A______ et l'ensemble des psychologues exerçant au cabinet.

Selon l'ensemble des témoins entendues, A______ était extrêmement fâchée contre B______ en raison de la modification d'un rendez-vous. Elle lui faisait des reproches et hurlait des choses très désagréables à cette dernière. Selon les trois témoins présentes lors de cette réunion, à savoir D______, F______ et E______, il y avait clairement un rapport hiérarchique entre elles, D______ ayant précisé que A______ empêchait B______ de s'exprimer et lui reprochait la lourdeur des dossiers de ses patients.

B______ a quitté la réunion en larmes.

l. B______ s’est retrouvée en incapacité de travail pour cause de maladie du 8 au 28 mars 2021.

m. Par courriels du 8 mars 2021, B______ a informé ses collègues qu'elle se trouvait en arrêt de travail. Elle en a également informé la doctoresse A______ en lui disant qu'elle ne serait pas présente au cabinet durant les deux prochaines semaines mais qu’elle restait joignable pour ses patients. Elle a ajouté qu’après s’être renseignée auprès de la Caisse des médecins au sujet de l’absence de salaire depuis janvier, le gestionnaire lui avait dit que la doctoresse ne lui avait pas fourni les documents nécessaires, alors qu’elle-même les lui avait transmis le 17 février 2021.

n. Par courrier recommandé du 30 mars 2021 adressé à B______, la doctoresse A______ a exposé avoir appris par trois patients que celle-ci avait donné des consultations payantes et sujettes à commission en faveur de son cabinet alors qu’elle se trouvait en incapacité de travail. Ce comportement fautif avait rompu le lien de confiance de manière irrémédiable de sorte qu’elle résiliait avec effet immédiat leurs rapports de travail pour justes motifs.

o. Selon le décompte de salaire de mars 2021, B______ a perçu un salaire brut de 734 fr. 90, comprenant 401 fr. 45 de "pourcentage sur encaissements" et 33 fr. 45 de "vacances payées 8.33%". Déduction faite des cotisations sociales usuelles, le montant net versé s'élevait à 681 fr. 65.

Durant la procédure, B______ a encore perçu la somme de 17'674 fr. au mois de janvier 2023, sans déduction des cotisations sociales, pour les consultations qu'elle a effectuées entre janvier et mars 2020 au sein de cabinet.

p. B______ a retrouvé un emploi dès le 1er mai 2021.

q. Par demande ordinaire déclarée non conciliée et introduite par-devant le Tribunal le 21 janvier 2022 à l'encontre de A______, B______ a conclu au paiement de la somme de 100'205 fr. 35. Ladite somme se décomposait comme suit :

- 13'317 fr. bruts à titre de salaire pour le mois d’avril 2021, avec intérêts dès le 30 avril 2021 ;

- 39'950 fr. à titre d’indemnité pour résiliation immédiate injustifiée, avec intérêts dès le 30 avril 2021 ;

- 39'268 fr. 35 bruts à titre de solde de salaire pour les mois de janvier à mars 2021, avec intérêts dès le 15 février 2021 ;

- 7'670 fr. bruts pour les vacances non prises, avec intérêts dès le 30 avril 2021.

B______ a allégué en substance que les parties avaient bien conclu un contrat de travail. En effet, A______ lui donnait des instructions en limitant le nombre de ses patients à dix ou encore en refusant qu’elle pratique l’EMDR, pour laquelle elle était spécifiquement formée. Il lui était même arrivé qu’elle lui interdise de suivre un patient "trop compliqué" selon elle. Elle-même devait rendre compte de son activité en établissant des rapports.

De plus, lorsque le 9 janvier 2021, elle lui avait adressé un compte-rendu de la situation des patients qu’elle suivait, la doctoresse A______ lui avait demandé un rapport détaillé, exigence qu’elle n’avait pas eue avec les autres psychologues. Elle lui avait donc demandé ses souhaits quant au contenu et type de rapport ainsi que comment se passerait la facturation et le paiement de son salaire. A______ lui avait dit de patienter pour "les cessions de créances et autres démarches".

Quant au motif de licenciement, la demanderesse a indiqué avoir averti A______ qu’elle se tenait disponible pendant son arrêt de travail pour ses patients les plus fragiles. Trois d’entre eux l’avaient contactée et à leur demande, elle avait effectué des séances par appels vidéo afin que leur état de santé ne soit pas péjoré pendant son absence.

r. Dans sa réponse, A______ a conclu, à la forme, à ce que le Tribunal constate qu’il n’était pas compétent à raison de la matière et à l’irrecevabilité de la demande, ainsi que, au fond, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Elle a contesté être liée par un contrat de travail avec B______. Les quatre psychologues exerçant au cabinet, dont B______, avaient chacune leurs patients. La doctoresse C______ lui avait proposé de reprendre le bureau qu’elle occupait pour y exploiter son propre cabinet et leurs discussions avaient uniquement porté sur la reprise d’un local en sous-location et non sur la reprise du cabinet médical ou des patients. Si la doctoresse C______ avait invité les quatre psychologues à prendre contact avec elle pour envisager une nouvelle coopération pour une activité en délégation, il n’avait jamais été question qu’elle reprenne d’éventuels contrats précédemment conclus avec les intéressées. Elle n’avait jamais eu l’intention d’engager B______ pour effectuer des thérapies déléguées sur ses propres patients.

A______ a indiqué qu’elle ne donnait aucune instruction à B______ quant à l’organisation de son temps ou de ses vacances et celle-ci était seule responsable de l’acquisition de sa patientèle, de la fréquence des consultations ou de la thérapie à entreprendre.

La Caisse des médecins lui avait reversé un total de 21'674 fr. 70 pour des consultations effectuées par B______. Vu l’absence d’accord à ce sujet, elle estimait équitable de facturer un forfait de 4'000 fr. pour la responsabilité médicale assumée et l’activité de supervision effectuée en janvier et février 2021. Elle lui reverserait donc la somme de 17'674 fr. 70.

s. Par réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs positions.

t. Lors des audiences des 30 janvier, 13 et 20 mars 2023, le Tribunal a entendu les parties et procédé à l'audition des témoins dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile au litige.

u. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu qu'il était compétent en application de la théorie des faits de double pertinence, puis l'existence d'un contrat de travail. La situation de B______ différait de celle des autres psychologues du cabinet dans la mesure où elle était placée dans une situation de dépendance à l'égard de A______. Malgré une certaine liberté dans l'organisation de son activité, il existait un lien de subordination avec une obligation pour B______ de rendre compte de son activité et de suivre les instructions données. S'agissant du paiement du salaire, le Tribunal a retenu, en l'absence de tout accord, que B______ avait perçu son salaire jusqu'à fin mars 2021 dans la mesure où A______ lui avait reversé le montant des honoraires encaissés par la Caisse des médecins. Elle pouvait en revanche prétendre au paiement d'une indemnité pour les vacances non prises à concurrence de 2'000 fr. 25 bruts. Enfin, le licenciement immédiat devait être qualifié comme étant injustifié car il ne reposait pas sur un motif suffisant et donnait, par conséquent, droit au paiement du montant brut de 8'679 fr. 95 afférent au délai de congé et de la somme nette de 8'004 fr. 20 à titre d'indemnité.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement attaqué constitue une décision finale rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

2.             L'appelante conteste la compétence matérielle des juridictions des prud'hommes, remettant en cause le fondement même de la théorie des faits de double pertinence.

2.1. La compétence matérielle des tribunaux est du ressort des cantons (art. 4 al. 1 CPC). Selon l'art. 1 al. 1 let. a de la Loi sur le Tribunal des prud'hommes (ci-après: LTPH), ledit Tribunal est compétent pour connaître des litiges découlant d'un contrat de travail, au sens du titre dixième du Code des obligations.

Lorsqu'il doit statuer sur sa compétence, ce qu'il doit faire d'entrée de cause (cf. art. 59 al. 2 let. b CPC), le tribunal doit examiner si le ou les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de "théorie de la double pertinence" (ATF 147 III 159 consid. 2).

Les faits doublement pertinents sont des faits déterminants non seulement pour la compétence du tribunal mais aussi pour le bien-fondé de l'action (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 142 III 466 consid. 4.1). Lorsqu'un canton institue une juridiction spécialisée pour connaître des litiges découlant d'un contrat de travail, ledit contrat constitue un fait doublement pertinent (ATF 141 III 294 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_393/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1.1).

Les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés, mais sont censés établis sur la seule base des écritures du demandeur. En effet, conformément à la théorie de la double pertinence, le juge examine sa compétence uniquement sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande (der eingeklagte Anspruch und dessen Begründung), sans tenir compte des objections de la partie défenderesse, et sans procéder à aucune administration de preuves. Il faut et il suffit que le demandeur allègue correctement les faits doublement pertinents, c'est-à-dire de telle façon que leur contenu permette au tribunal d'apprécier sa compétence. Si les faits doublement pertinents ne doivent pas être prouvés, cela ne dispense toutefois pas le juge d'examiner s'ils sont concluants (schlüssig), c'est-à-dire s'ils permettent juridiquement d'en déduire le for invoqué par le demandeur (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2 et 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_393/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1.1).

Si, en fonction de l'examen restreint aux éléments précités, le tribunal arrive à la conclusion qu'il n'est pas compétent, il doit rendre une décision d'irrecevabilité (ATF 141 III 294 consid. 5.2). En revanche, s'il admet sa compétence au regard des allégations du demandeur, le tribunal procède alors à l'administration des preuves puis à l'examen du bien-fondé de la prétention au fond (ATF 142 III 467 consid. 4.1; 141 III 294 consid. 5.2).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'indiquer que, malgré la critique d'une partie de la doctrine, la théorie de la double pertinence était justifiée dans son résultat (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_393/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1.1).

Il n'est fait exception à l'application de la théorie de la double pertinence qu'en cas d'abus de droit de la part du demandeur, par exemple lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la nature véritable ou lorsque les allégués sont manifestement faux (ATF 147 III 159 consid. 2.2; 141 III 294 consid. 5.3; 137 III 32 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_393/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1.2; 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 5.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal s'est estimé compétent en raison de la matière sur la base des allégués, conclusions et moyens de preuve de l'intimée, en application de la théorie des faits de double pertinence, considérant que les faits allégués à la base de la demande permettaient de retenir prima facie l'existence d'un contrat de travail.

L'appelante ne fait pas grief au Tribunal d'avoir fait une mauvaise application de la théorie des faits de double pertinence, mais conteste l'application de celle-ci dans son principe. Son grief tombe à faux dans la mesure où le Tribunal fédéral a considéré que malgré les critiques soulevées par la doctrine, reprises ici par l'appelante, la théorie de double pertinence demeurait justifiée dans son résultat. L'application de celle-ci fait l'objet d'une jurisprudence constante, régulièrement publiée et encore rappelée au mois d'avril 2023.

Pour le surplus, l'appelante ne soutient pas, à juste titre, que la demande déposée à son encontre devant les juridictions des prud'hommes serait constitutive d'un abus de droit.

Partant, il ne se justifie pas de s'écarter de l'application de la théorie de double pertinence au vu de l'état actuel de la jurisprudence.

Infondé, l'appel sera rejeté sur ce point.

3.             L'appelante conteste avoir été liée à l'intimée par un contrat de travail.

3.1.1 En vertu de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixe d'après le temps ou le travail fourni.

Les éléments caractéristiques de ce contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêts du Tribunal fédéral 4A_93/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.2; 4A_360/2021 du 6 janvier 2022 consid. 5.3; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1).

Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l'existence d'un lien de subordination (ATF 125 III 78 consid. 4 ; 121 I 259 consid. 3a; 112 II 41 consid. 1a), qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel ainsi que, dans une certaine mesure, économique (arrêts du Tribunal fédéral 4A_366/2021 du 28 janvier 2022 consid. 4.1.2.1; 4A_64/2020 précité consid. 6.3.1; 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1).

Ce lien de subordination est concrétisé par le droit de l'employeur d'établir des directives générales sur l'exécution du travail et la conduite des travailleurs dans son exploitation; il peut également donner des instructions particulières (art. 321d al. 1 CO) qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'employeur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_93/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.3; 4A_592/2016 du 16 mars 2017 consid. 2.1, 4C_276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.1).

Il convient de privilégier les critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêts du Tribunal fédéral 4A_93/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.8; 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.5).

En cas de doute sur la qualification du contrat, d'autres indices sont à disposition. Ainsi, les clauses prévoyant un délai de congé, un temps d'essai, des vacances, un salaire en cas de maladie, une interdiction de concurrence sont des clauses typiques du contrat de travail (Meier, in Commentaire romand, CO I, 3e éd. 2021, n. 15 ad art. 319 CO).

3.1.2 Des difficultés singulières peuvent apparaître lorsque le contrat porte sur des prestations caractéristiques des professions dites libérales et se sont encore accrues plus récemment en raison de l'apparition des collaborateurs dits libres (Freie Mitarbeiter/Freelancer), à cause d'un besoin accru de flexibilité des employeurs et de modifications sociologiques dans la conception du travail, de la part des employés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_93/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.5).

Les travailleurs libres sont définis comme des personnes indépendantes agissant seules et mettant à disposition d'un autre entrepreneur leur activité personnelle et sans l'aide d'un tiers, pendant un temps plus ou moins long, de manière exclusive ou presque, étant précisé qu'ils demeurent autonomes dans l'organisation de leur travail, tant d'un point de vue temporel que matériel. Comme cette nouvelle catégorie d'intervenants ne répond clairement ni à la définition de travailleur ni à celle d'indépendant, et que les caractéristiques de ces deux types d'activité lucrative se retrouvent dans la relation juridique les liant à l'employeur, respectivement au mandant ou à l'entrepreneur, il convient d'examiner de cas en cas si les art. 319 et ss CO s'appliquent, étant précisé que la qualification de contrat de travail sui generis devrait être retenue, pour mettre ces personnes au bénéfice d'une partie des normes protectrices du droit du travail, sans les assimiler toutefois entièrement au travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_93/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.5 et les références citées).

3.1.3 La qualification juridique d'un contrat se base sur le contenu de celui-ci (ATF 144 III 43 consid. 3.3), déterminé en recherchant la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO) ou, si une telle intention ne peut être constatée, selon le principe de la confiance (ATF 145 III 365 consid. 3.2.1;
144 III 43 consid. 3.3; 140 III 134 consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, aucun contrat écrit n'a été établi entre les parties concernant leurs rapports de travail, de sorte qu'il convient d'examiner les circonstances d'espèce pour déterminer ce qu'elles entendaient conclure.

L'arrivée de l'appelante au sein du cabinet avait pour objectif de reprendre la place laissée par la doctoresse C______ suite au départ de celle-ci. Selon les pièces et les différents témoignages, la volonté de cette dernière et de toutes les personnes actives au cabinet médical était de retrouver un médecin-psychiatre disposé à travailler avec les psychologues exerçant sur délégation et aux mêmes conditions, ou du moins à des conditions similaires, que celles exercées auparavant. L'ensemble des psychologues intéressées ont en effet confirmé que si tel n'avait pas été le cas, elles auraient cherché un autre candidat. Par ailleurs, il ressort de la procédure que l'appelante était parfaitement au courant de la situation de chaque psychologue, dont celle de l'intimée, de leurs attentes respectives quant au taux de délégation souhaité par chacune d'entre elles et de ce qui était attendu d'elle. Ainsi, en rejoignant le cabinet, l'appelante a, entre autre, accepté le suivi de l'intimée en tant que psychologue déléguée.

Dans son activité, l'intimée disposait d'une certaine marge de manœuvre quant à l'organisation de son travail, étant libre dans le choix des patients, la fixation de ses rendez-vous ou encore la prise de ses jours de congé. Cette autonomie est cependant inhérente à la profession libérale de psychologue déléguée et ne permet pas, à elle seule, d'exclure l'existence d'un contrat de travail, selon la jurisprudence susmentionnée. L'intimée disposait d'ailleurs d'un contrat de travail avec la Doctoresse C______ avant que le cabinet soit repris par l'appelante. Il ressort par ailleurs du dossier que l'appelante pouvait s'immiscer dans les choix de l'intimée et limiter sa liberté dans l'exercice de sa profession. Selon les éléments figurant au dossier, elle a en effet refusé que l'intimée exerce certaines thérapies (EMDR) et refusé un patient qu'elle considérait trop compliqué. De plus, l'intimée devait lui adresser des rapports afin de rendre compte de son activité ainsi que des rapports détaillés sur les patients qui différaient des comptes rendus remis jusqu'alors, instaurant ainsi un droit de contrôle en faveur de l'appelante. Partant, l'autonomie dont bénéficiait l'intimée, caractéristique d'une profession libérale, était ici réduite par le pouvoir d'ingérence dont disposait l'appelante.

A plusieurs reprises, l'appelante a fait preuve d'autorité, typique d'un rapport de subordination. Que ce soit dans ses courriels adressés à l'intimée ou oralement lors de réunions, l'appelante a émis des reproches en adoptant un ton et une posture qui relevait davantage d'une position hiérarchiquement supérieure que celle d'un collègue. Les termes employés dans son courrier du 25 février 2021 sont également représentatifs d'un rapport hiérarchique, se qualifiant elle-même "d'employeur", faisant grief à l'intimée de ne pas respecter ses indications et des difficultés d’acceptation des conditions de travail. Les témoins présents lors de la réunion du 4 mars 2021 ont d'ailleurs toutes confirmé avoir clairement ressenti un rapport hiérarchique entre les parties.

De plus, dans son courrier du 30 mars 2021, l'appelante a employé des termes propres au contrat de travail en indiquant "résilier" les "rapports de travail" avec "effet immédiat pour justes motifs", ce qui tend, à démontrer qu'elle se sentait liée à l'intimée par des rapports de travail.

Sur le plan économique, le témoin C______ a confirmé que l'intimée ne pouvait travailler que sous la supervision de l'appelante. Toute sa force de travail était ainsi consacrée à cette activité, ne pouvant s'investir ailleurs en vue d'une autre source de revenus, ce qui plaide pour une dépendance économique. Par ailleurs, le versement de ses honoraires par la Caisse des médecins dépendait aussi de l'appelante et des documents qu'elle devait transmettre. Enfin, le décompte établi par l'appelante à la fin des relations de travail au mois de mars 2021 s'intitule "décompte de salaire" et tient compte des déductions des cotisations légales usuelles, ce qui s'inscrit dans le cadre d'un contrat de travail.

C'est en vain que l'appelante tente de se prévaloir de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_64/2020 dans lequel la relation entre un psychiatre et une psychologue déléguée n'avait pas été qualifiée de contrat de travail. En effet, dans un arrêt récent du 3 janvier 2024 (4A_93/2024), le Tribunal fédéral a rappelé les difficultés quant à la qualification de prestations qui, comme en l'espèce, sont caractéristiques de professions libérales et qu'il convenait d'examiner de cas en cas si les conditions du contrat de travail étaient réunies en fonction des particularités du cas d'espèce. Au vu des éléments susmentionnés, il convient de retenir que la présente cause diffère de l'affaire citée par l'appelante en ce sens que l'intimée ne disposait pas de la même liberté et autonomie dans l'accomplissement de son travail.

Compte tenu des considérants qui précèdent, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que les rapports liant l'appelante à l'intimée relevaient du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4. L'appelante conteste le caractère injustifié du licenciement retenu par le Tribunal ainsi que les montants alloués à ce titre.

4.1.1 L’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO).

Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle et doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure. Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement être exigée. De surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_595/2018 du 22 janvier 2020 consid. 3.1).

Selon l'art. 8 CC, il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs d'une résiliation immédiate d'apporter la preuve de leur existence (ATF 130 III 213 consid. 3.2).

4.1.2 Aux termes de l'art. 337c al. 1 CO, lorsque la résiliation immédiate du contrat est injustifiée, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’expiration du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée.

Lorsque le salaire est variable, par exemple en cas de rémunération à la commission, de participation au chiffre d’affaires ou de variation du temps de travail, il convient de fixer l’indemnité en fonction des valeurs moyennes obtenues par le passé. Il sied de déterminer le plus exactement et le plus concrètement possible ce que le travailleur aurait réellement gagné s'il avait été licencié de façon ordinaire et s’il avait continué à travailler pendant le délai de résiliation (ATF 125 III 14 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2015 du 17 mars 2016 consid. 2.1; 4A_556/2012 du 9 avril 2013 consid. 6.1 et les références citées; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, pp. 761 s.; Bruchez/Mangol/Schwaab, in Commentaire du contrat de travail, 4ème ed. 2019, n. 2 ad art. 337c CO, p. 428).

L'indemnité de remplacement allouée au sens de l'art. 337c al. 1 CO est de nature salariale et donne lieu à la perception de cotisations sociale (Wyler/ Heinzer, op. cit., p. 762).

Le juge peut, en outre, allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire (art. 337c al. 3 CO).

Cette indemnité, qui s'ajoute aux droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO, revêt une double finalité, à la fois réparatrice et punitive, quand bien même elle ne consiste pas en des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage. Sauf cas exceptionnel, elle doit être versée pour tout licenciement immédiat dénué de justes motifs (ATF
135 III 405 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1).

L'indemnité est fixée d'après la gravité de la faute de l'employeur, la mesure de l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur et la manière dont la résiliation a été annoncée. D'autres critères tels que la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale, une éventuelle faute concomitante et les effets économiques du licenciement entrent aussi en considération. Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1; 4A_161/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3.1).

4.2 En l'espèce, le Tribunal, après avoir considéré le licenciement comme étant injustifié, a alloué à l'intimée les montants de 8'679 fr. 95 afférent à son délai de congé et de 8'004 fr. 20 à titre d'indemnité.

4.2.1 L'appelante a motivé le congé immédiat par le fait que l'intimée avait dispensé trois consultations payantes par téléphone durant son arrêt de travail. Il sied toutefois de relever que ces consultations s'inscrivaient dans le suivi de patients fragiles pris en charge par l'intimée. Par ailleurs, cette dernière avait expressément averti l'appelante, dans son courrier du 8 mars 2021, qu'elle restait disponible pour ses patients les plus vulnérables durant son arrêt de travail, sans que l'appelante ne soulève la moindre réserve à ce sujet. Au vu de la relation de confiance entre un psychologue et son patient, l'on peut comprendre qu'il n'était pas aisé pour l'intimée de se faire remplacer. Son comportement était dicté par le bien-être des patients, faisant preuve d'une conscience professionnelle et d'engagement thérapeutique envers ces derniers, et en aucun cas pour porter préjudice aux intérêts de l'appelante, ce que celle-ci ne prétend au demeurant pas.

Dans ce contexte, on ne saurait objectivement retenir que l'intimée ait agi de manière à rompre irrémédiablement tout lien de confiance avec l'appelante et ainsi justifier un congé immédiat, sans aucun avertissement préalable.

Le licenciement immédiat du 30 mars 2021 s'avère ainsi injustifié

Infondé, l'appel sera rejeté à cet égard.

4.2.2 L'intimée a, par conséquent, droit à ce que qu'elle aurait perçu jusqu'à l'expiration de son délai de congé, pouvant ainsi prétendre au paiement de son salaire du mois d'avril. Il est en effet admis à ce stade qu'elle a perçu la rémunération due pour son activité jusqu'à son licenciement intervenu le 30 mars 2021 et qu'elle a retrouvé un emploi dès le 1er mai 2021.

Pour calculer le montant dû, le Tribunal s'est fondé sur le revenu moyen réalisé par l'intimée entre le 1er janvier et le 8 mars 2021, date à laquelle elle est tombée en incapacité de travail. En tenant compte des montants de 734 fr. 90 et 17'674 fr. 70 versés par l'appelante à l'intimée pour cette période, le Tribunal a retenu un salaire moyen de 8'004 fr. 20 ([734 fr. 90 + 17'674 fr. 70] / 2.3 mois), auquel s'ajoutait une indemnité de vacances de 666 fr. 75 (8'004 fr. 20 x 8.33 %), soit un montant total de 8'679 fr. 95, lequel s'entendait en brut.

Cette manière de procéder est exempte de toute critique. Elle tient compte des montants encaissés par l'appelante pour l'activité de l'intimée, après perception de sa propre rémunération pour son activité de supervision. Les montants encaissés par l'appelante par la Caisse des médecins représentent ainsi la rémunération brute à laquelle peut prétendre l'intimée, avant déduction des charges sociales, ce qui n'est en soi pas contesté par l'appelante.

L'appelante soutient en revanche que les montants de 17'674 fr. 70 et 734 fr. 90 ont été reversés à l'intimée dans une logique où cette dernière était une indépendante qui assumait l'entier de ses charges. Dans la mesure où l'existence d'un contrat de travail a été retenue, l'appelante se voit contrainte de régler les cotisations sociales. Selon elle, le salaire moyen devrait dès lors être arrêté à 6'163 fr. (77% de 8'004 fr. 20) afin de tenir compte des déductions liées aux cotisations sociales, sous peine pour elle de subir un déficit.

L'appelante ne peut être suivie à plus d'un titre. D'une part, il ressort du décompte de salaire du 21 mars 2021 que, sur le montant de 734 fr. 90, elle a au final versé la somme nette de 681 fr. en faveur de l'intimée, après avoir procédé aux déductions des cotisations sociales. D'autre part, le fait qu'elle n'ait pas procédé de la sorte sur le second montant de 17'674 fr. 70 n'est pas déterminant pour arrêter la rémunération brute moyenne de l'intimée. Enfin, l'appelante ne saurait tirer avantage du fait qu'elle n'a pas procédé aux déductions de cotisations sur ce dernier montant alors que la procédure était pendante et qu'elle savait que l'intimée se prévalait de l'existence d'un contrat de travail et des expectatives y relatives. Partant, contrairement à ce qu'elle soutient, il n'y a pas lieu de porter en déduction lesdites cotisations sociales pour arrêter le montant dû en faveur de l'intimée puisque l'indemnité de remplacement allouée à cette dernière, de nature salariale, est exprimée en somme brute.

C'est donc à bon droit que le Tribunal a condamné l'appelante à verser la somme brute de 8'679 fr. 95, incluant les vacances, en faveur de l'intimée afférent à son délai de congé.

4.2.3 S'agissant de l'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, le Tribunal a considéré qu'un montant correspondant à un mois de salaire était justifié, ce qui paraît adéquat compte tenu des circonstances d'espèce, en particulier l'absence de juste-motif, le comportement de l'appelante ainsi que de la courte durée des rapports de travail et du fait que la situation financière de l'intimée n'a pas été durablement impactée par son licenciement immédiat dès lors qu'elle a rapidement retrouvé un emploi. Quoi qu'en dise l'appelante, il n'y a pas lieu d'exclure toute indemnité vu les circonstances d'espèce ce qui conduirait notamment à vider de toute substance le caractère punitif de l'indemnité.

Le montant de 8'004 fr. 20 correspondant au salaire mensuel moyen de l'intimée, sans indemnité de vacances, sera donc confirmé.

5. Le Tribunal a condamné l'appelante à verser 2'000 fr. 25 à l'appelante à titre de vacances non prises.

5.1 Selon l'art. 329a al. 1 CO, l'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, quatre semaines de vacances au moins et cinq semaines au moins aux travailleurs jusqu'à l'âge de 20 ans révolus. Cette disposition est de nature relativement impérative (art. 362 CO). Les vacances sont fixées proportionnellement à la durée des rapports de travail lorsque l'année de service n'est pas complète (art. 329a al. 3 CO).

Conformément à l'art. 329d al. 1 CO, l’employeur verse au travailleur le salaire total afférent aux vacances et une indemnité équitable en compensation du salaire en nature.

Pour calculer le salaire afférent aux vacances annuelles, les taux habituellement retenus sont de 8.33% du salaire annuel brut pour quatre semaines de vacances annuelles, 10.64% de ce même salaire pour cinq semaines de vacances annuelles, 13.04% pour six semaines de vacances annuelles (Wyler/Heinzer, op.cit., p. 506; Cerottini, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 7 ad art. 329d CO, p. 408).

5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimée a droit au paiement de vacances non prises pour la période du 1er janvier au 31 mars 2020, équivalant à 8.33% de son salaire.

L'appelante fait valoir à ce titre un montant de 1'540 fr. (6'163 fr. x 8.33% x 3 mois) en lieu et place du montant de 2000 fr. 25. Elle part toutefois d'une prémisse erronée selon laquelle le salaire à prendre en compte serait de 6'163 fr., alors que, comme vu au considérant précédent, le revenu mensuel brut moyen de l'appelante doit être fixé à 8'004 fr. 20. Ce grief doit par conséquent être rejeté.

6. L'appelante invoque la compensation à plusieurs reprises pour s'opposer ou réduire les montants dus à l'intimée.

6.1 Selon l'art. 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles. Le débiteur doit faire connaître au créancier son intention d'invoquer la compensation (art. 124 al. 1 CO).

La compensation étant une objection, et non une exception, elle peut être invoquée en tout temps, même en cours de procès (ATF 95 II 235, JdT 1970 I 245; arrêts du Tribunal fédéral 4C.90/2005 du 22 juin 2005 consid. 4 et 4C_191/2001 du 15 janvier 2002 consid. 4a). Cela étant, elle nécessite une déclaration de compensation, qui constitue un allégué de fait, de sorte que la partie qui s'en prévaut doit respecter les conditions des art. 229 et 317 CPC pour que son objection soit prise en compte dans le jugement (Peter, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7ème éd. 2020, n. 2 ad vor Art. 120-126 CO). Ainsi, lorsque la déclaration de compensation n'a pas été signifiée par le défendeur avant la litispendance (auquel cas, il faut l'alléguer et la prouver comme n'importe quelle communication d'une partie à l'autre antérieure au procès), elle peut encore être opérée par une affirmation en procédure pour autant toutefois qu'elle intervienne à un stade permettant encore d'invoquer des faits nouveaux (arrêts du Tribunal fédéral 4A_364/2022 du 12 mai 2023 consid. 4.3 et les références citées; 4A_435/2015 du 14 janvier 2016 consid. 2.6).

6.2 En l'espèce, l'appelante invoque, subsidiairement, qu'en versant le montant de 18'409 fr. 60 (17'674 fr. 70 + 734 fr. 90) en mains de l'appelante sans avoir procédé aux déductions sociales, cette dernière a touché un trop-perçu de l'ordre de 2'694 fr. 60. Elle entend compenser ce montant avec l'indemnité pour licenciement immédiat ou l'indemnité pour les vacances.

La question de savoir si l'intimée a bénéficié d'un excédent peut en l'état rester indécise dès lors que le grief sur la compensation est voué à l'échec.

En effet, il n'existe de trace, que ce soit avant la présente procédure ou pendant celle-ci, d'une volonté de compenser une éventuelle créance de l'appelante. Aucune mention à cet égard n'a été formulée dans les diverses écritures de première instance de l'appelante, ni lors des audiences tenues devant le Tribunal. Le simple fait de contester les allégations relatives aux prétentions salariales et de préconiser le rejet des conclusions adverses ne saurait s'interpréter comme une déclaration de compensation. L'appelante ne saurait pallier ce défaut d'allégation au stade de l'appel, ce d'autant plus qu'elle ne se prévaut d'aucun fait nouveau à son appui.

En l'absence d'une telle déclaration, aucune compensation ne sera opérée.

7. En définitive, l'appel s'avère infondé et sera rejeté dans son intégralité.

8. Lorsque la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. devant la Cour de justice, la procédure est gratuite (art. 116 CPC; art 19 al. 3 let. c LaCC et art. 71 a contrario RTFMC). Aucun frais judiciaire ne sera donc prélevé.

Selon l’art. 22 al. 2 LaCC, il n’est pas alloué de dépens ni d’indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes. Aucun dépens ne sera alloué.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 août 2023 par A______ contre le jugement JTPH/205/2023 rendu le 26 juin 2023 dans la cause C/12153/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Dit que la procédure est gratuite et qu’il n’est perçu aucun frais judiciaire.

Dit qu'il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.