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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17148/2023

ACJC/137/2024 du 12.02.2024 sur JTBL/861/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 14.03.2024, rendu le 03.04.2024, DROIT CIVIL, 4A_164/24
Normes : CPC.257; CO.257.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17148/2023 ACJC/137/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 12 FEVRIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 octobre 2023, représenté par Me Reza VAFADAR, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

et

Madame B______ et Monsieur C______, domiciliés ______, intimés, représentés par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/861/2023 du 5 octobre 2023, reçu le 23 octobre 2023 par les parties, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers l'arcade commerciale d'environ 60 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ et B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 2 novembre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé appel et recours contre le jugement précité, dont il a requis l'annulation. Il a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la requête en évacuation du 7 août 2023, subsidiairement, à la constatation de l'inefficacité du congé du 24 juin 2022 et, plus subsidiairement, à l'annulation de ce congé.

Il a allégué des faits nouveaux et déposé une pièce nouvelle désignée comme la "preuve de paiement loyer et charges du 30.10.2023".

b. Dans leur réponse du 16 novembre 2023. C______ et B______ ont conclu à la confirmation du jugement attaqué.

Ils ont déposé une pièce nouvelle, soit un "décompte de loyers au 14 novembre 2023".

c. A______ a répliqué le 1er décembre 2023, en persistant dans ses conclusions.

Il a allégué des faits nouveaux et déposé des pièces nouvelles, désignées comme la "preuve de paiement loyer et charges du 23.11.2023" et la "preuve de paiement de CHF 493.45 à titre de solde de décompte d'eau chaude du 28.11.2023".

d. Le 8 décembre 2023, C______ et B______ ont dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

e. Par arrêt du 10 novembre 2023, la Cour, statuant sur la requête d'effet suspensif formée à titre préalable par A______, a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement attaqué et dit que ladite requête était sans objet.

f. Les parties ont été informées le 16 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. A______ et D______ ont pris à bail le 24 février 2014 une arcade commerciale d'environ 60 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. Selon un avenant du 23 janvier 2015, les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un magasin de tabac-journaux avec épicerie.

Le 10 novembre 2017, A______ est devenu seul titulaire du contrat de bail.

Les bailleurs sont désormais C______ et B______, représentés par E______ (ci-après : la régie).

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'395 fr. par mois.

b. Les bailleurs ont procédé à des travaux de rénovation dans l'immeuble. Selon le locataire, ces travaux ont affecté son activité du 15 octobre 2020 au 31 mars 2023.

Par courriel du 9 octobre 2020, la régie a fait parvenir au locataire "le plan qui démontr[ait] les endroits où les entreprises devr[aient] avoir accès pour les travaux de rénovation de l'immeuble".

Par courrier du 1er juin 2021, la régie a informé le locataire que les entreprises concernées interviendraient dans l'arcade louée dès le lendemain, pour une durée estimée à une semaine au maximum, afin d'ouvrir la courette dans la cuisine, de remplacer les colonnes, puis de refermer la courette.

Le 15 juin 2021, le locataire a invité la régie à le contacter au sujet des travaux effectués et futurs et à lui indiquer comment elle comptait le dédommager.

c. Par lettre recommandée du 14 juin 2021, la régie a mis le locataire en demeure de verser la somme de 2'790 fr. à titre de loyer et charges de mai et juin 2021.

d. Le 8 juillet 2021, la régie a proposé au locataire une "indemnité suite travaux" de 2'420 fr. "pour la période du 1er juin 2020 [2021 selon le locataire] au 24 juin 2021". Le 31 août 2021, elle lui a proposé une indemnité de 703 fr. 75 pour la période du 25 juin au 31 juillet 2021. Ces deux indemnités, acceptées par le locataire, ont été déduites du loyer dû et intégrées dans un décompte établi par la régie pour la période du 1er décembre 2020 au 30 septembre 2021, dont il résultait qu'à cette dernière date le locataire restait devoir 2'343 fr. 40.

e. Par lettre recommandée du 17 septembre 2021, la régie a mis le locataire en demeure de verser la somme de 2'790 fr. à titre de loyer et charges d'août et septembre 2021.

f. En novembre 2021, la régie a proposé au locataire une indemnité de 773 fr. 45 pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2021. Cette proposition a été réitérée le 15 février 2022, la régie précisant qu'elle restait attentive à l'évolution du chantier en 2022 et continuerait à examiner "toutes demandes sérieuses d'indemnités". Le locataire a refusé cette proposition et l'indemnité n'a été ni versée ni déduite du loyer dû.

g. Par avis comminatoire du 18 mai 2022, reçu le 21 mai 2022, les bailleurs ont mis en demeure le locataire de leur régler dans les 30 jours le montant de 6'271 fr. 25, à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er janvier au 31 mai 2022, déduction faite de la somme de 703 fr. 75 désignée comme "acompte à valoir", et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail.

h. Suite à une conversation téléphonique du 23 mai 2022 du locataire avec la régie, celle-ci lui a fixé un rendez-vous en ses locaux le 31 mai 2022 en l'invitant à se munir "des preuves de paiement de l'arcade".

i. Le locataire a versé aux bailleurs 1'395 fr. le 30 mai 2022 et 1'395 fr. le 7 juin 2022.

j. Par avis officiel du 24 juin 2022 envoyé au locataire par pli recommandé, les bailleurs ont résilié le bail pour le 31 juillet 2022. Le locataire a été avisé pour retrait le 27 juin 2022, mais n'a pas retiré le pli avant l'échéance du délai de garde.

k. Par courriel du 18 juillet 2022, le locataire a indiqué à la régie qu'en "vérifiant les décomptes", il avait constaté que celle-ci n'avait "toujours pas déduit les indemnités de mois de FEVRIER environ 1'000., frs".

Le 19 juillet 2022, la régie a répondu au locataire que "l'indemnité octroyée en 2021 a[vait] bien été portée au crédit de [son] décompte". S'agissant d'une "éventuelle indemnité en 2022", elle se référait à une entrevue du 23 mai 2022, lors de laquelle elle lui avait confirmé qu'elle ne pouvait pas "discuter d'une potentielle indemnité" dans la mesure où il était débiteur de 6'528 fr. 40 soit "près de 4.5 mois de retard".

l. Par acte déposé en conciliation le 28 juillet 2022, le locataire a contesté le congé du 24 juin 2022. La cause, non conciliée lors de l'audience du 31 mars 2023, a été portée devant le Tribunal le 5 mai 2023 (C/2______/2022 jointe le 13 juin 2023 à la cause C/3______/2023; cf. ci-dessous let. m). Le locataire a conclu à l'inefficacité du congé, subsidiairement à son annulation. Il invoquait en substance la compensation avec une créance en réduction de loyer, estimant d'autre part que le congé était contraire aux règles de la bonne foi, dès lors que les bailleurs


avaient tardé à prendre position sur des prétentions en réduction de loyer justifiées.

m. Par acte déposé en conciliation le 21 février 2023, porté devant le Tribunal le 15 mai 2023 après l'échec de la tentative de conciliation, le locataire a assigné les bailleurs en réduction de loyer (60% du 15 octobre 2020 au 31 mars 2023) et en dommages-intérêts en raison de travaux entrepris par ceux-ci sur l'immeuble depuis le 15 octobre 2020 (C/3______/2023).

n. Agissant par la voie de la protection du cas clair, les bailleurs ont requis le 7 août 2023 du Tribunal l'évacuation du locataire et l'exécution directe de celle-ci.

o. Lors de l'audience du Tribunal du 5 octobre 2023, les bailleurs ont persisté dans leurs conclusions.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête.

Il a produit deux classeurs de pièces, comprenant notamment le chargé accompagnant sa demande en réduction de loyer et en dommages-intérêts du 15 mai 2023. Celui-ci contenait diverses correspondances avec la régie et des photographies désignées comme des "photographies chantier et travaux" prises à l'extérieur ou à l'intérieur de l'arcade et de l'immeuble à différentes dates.

Le locataire a allégué avoir opposé en compensation durant le délai comminatoire auprès des bailleurs sa créance en réduction de loyer. Il avait sollicité des entretiens avec la régie durant ce délai. Une procédure en réduction de loyer était par ailleurs pendante devant le Tribunal avec demande de dommages et intérêts. Il avait toujours voulu éteindre la dette par compensation en raison des travaux qui avaient eu lieu sur l'immeuble. Une instruction approfondie avec l'audition de témoins était nécessaire pour prouver la déclaration de compensation, témoins dont l'audition était sollicitée dans la procédure au fond. Le fait que les bailleurs avaient accordé des réductions de loyer par compensation prouvait par ailleurs qu'ils avaient choisi eux-mêmes ce mode d'opérer. Le locataire invoquait en outre l'inefficacité du congé en raison de la compensation et son annulation du fait de son caractère contraire aux règles de la bonne foi. Finalement, l'intégralité du montant avait été remboursée par deux versements supplémentaires les 5 et 21 juillet 2022.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

p. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient réunies, les bailleurs ayant adressé au locataire une mise en demeure pour les montants en souffrance et celui-ci n'ayant pas réglé la totalité de la dette dans le délai comminatoire.

Le locataire avait démontré par les pièces versées à la procédure que des échanges avaient eu lieu avec la régie au sujet des nuisances consécutives aux travaux effectués par les bailleurs sur l'immeuble. Par ailleurs, deux indemnités forfaitaires, portées en déduction des montants dus, avaient été octroyées à ce titre au locataire. Cependant, celui-ci n'était pas en mesure de prouver sans délai être titulaire d'une contre-créance en compensation supérieure à celles déjà octroyées, le principe d'une indemnité plus élevée ayant toujours été contesté par les bailleurs. Ainsi, même si l'on admettait qu'une déclaration de compensation avait été formulée par le locataire dans le délai comminatoire lors de son rendez-vous à la régie, ce qui n'était pas établi par pièces, l'existence et le montant de l'éventuelle créance ne pouvaient être déterminés qu'à l'issue de la procédure pendante devant le Tribunal, qui n'en était qu'à ses débuts. Le cas de figure de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.65/2003 cité par le locataire dans son action au fond, ne trouvait pas application à la présente cause. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait retenu une résiliation contraire à la bonne foi dès lors que la partie bailleresse avait d'ores et déjà admis le principe d'une réduction de loyer importante, de sorte que le montant réclamé dans l'avis comminatoire était nettement supérieur à celui réellement dû. Dans le cas d'espèce, les bailleurs avaient spécifié que les indemnités versées l'étaient pour solde de tout compte, demandant en outre au locataire de se rendre au rendez-vous du 31 mai 2022 avec les preuves de paiement.

Le locataire ayant résorbé le montant réclamé bien après l'échéance du délai comminatoire, les bailleurs étaient ainsi fondés à donner congé, ce qu'ils avaient fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Les arguments développés dans la procédure en contestation de congé ne pouvaient pas faire obstacle au cas clair.

Ainsi, depuis l'expiration du terme fixé, le locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux litigieux. En continuant à occuper les locaux, il violait l'art. 267 al. 1 CO qui prévoyait l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Dès lors, le Tribunal ne pouvait que faire droit à la demande et prononcer l'évacuation du locataire.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, le locataire conteste non seulement l'expulsion en tant que telle, mais également la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.

Par souci de simplification, le locataire sera désigné ci-après comme l'appelant.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. Les parties produisent des pièces nouvelles et l'appelant allègue des faits nouveaux. Il en résulte que le loyer et les charges relatifs à l'arcade litigieuse étaient à jour au 30 novembre 2023.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (cf. ATF 142 III 462 consid. 4.3). Tel est le cas de l'extinction de la dette ou de la compensation, faits destructeurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2). De même, c'est en première instance que le locataire doit contester avoir reçu la notification de la formule officielle que le bailleur allègue lui avoir adressée (ATF 142 III 462 consid. 3.3.2).

En ce qui concerne les vrais nova, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. En effet, dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).

2.2 Les pièces nouvelles des parties et les allégations nouvelles de l'appelant sont recevables eu égard aux principes sus-rappelés. Elles ne sont cependant pas déterminantes pour la solution du litige.

3. L'état de fait retenu par le Tribunal a été complété et précisé dans la mesure utile à la solution du litige. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant les griefs de constatation inexacte des faits soulevés par l'appelant.

Les conclusions subsidiaires de l'appelant, en constatation de l'inefficacité et en annulation du congé, ne sont pas recevables dans le cadre d'une procédure en protection du cas clair. En effet, si les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC ne sont pas réalisées, le tribunal ne peut que déclarer la requête irrecevable (cf. ci-dessous, consid. 4.2.1).

4. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 257 CPC et 257d CO en déclarant recevable la requête en protection du cas clair et en prononçant son évacuation. Il reproche aux premiers juges de ne pas avoir considéré qu'il "restait titulaire d'une contre-créance en réduction de loyer et en dommages-intérêts - supérieure à celle visée par l'avis comminatoire -, vu les nuisances subies (…) du fait des travaux de rénovation effectués par les bailleurs sur l'objet loué, alors qu['il] avait produit diverses photographies faisant état de l'importance du chantier entrepris par les intimés depuis 2020".

4.1 Lorsque le bailleur introduit une requête d'expulsion pour le retard dans le paiement du loyer, selon la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, la cause est soumise tant aux conditions de droit matériel de l'art. 257d CO qu'aux règles procédurales de l'art. 257 CPC.

La réglementation de droit matériel mise en place par le législateur à l'art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard.

4.2. La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF
138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2, 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

4.2.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1 p. 465; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

4.2.2. La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

4.2.3. Si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner sa validité à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).

4.2.4. Il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En revanche, il incombe au locataire d'invoquer les faits dirimants ou destructeurs en invoquant des objections ou des exceptions telle l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3).

Le locataire peut opposer à la créance de loyer une autre créance qu'il a lui-même contre le bailleur si, parmi d'autres conditions, la créance compensante est échue et exigible (cf. art. 120 al. 1 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.2).

La compensation présuppose une déclaration de compensation (art. 124 al. 1 CO). Le locataire doit informer le bailleur de manière non équivoque, de préférence par écrit et sous pli recommandé, de sa décision d'invoquer la compensation. La déclaration du locataire doit exprimer clairement sa volonté de procéder à la compensation et permettre au bailleur de comprendre quelles sont la créance compensée et la créance compensante, et quel est le montant de cette dernière (LACHAT, in Le bail à loyer, Edition 2019, ch. 3.6 et note 87, pp. 380-381).

Le locataire qui oppose la compensation doit alléguer et prouver que, sommé de payer son loyer sous menace de résiliation, il a fait la déclaration de compensation avant l'échéance du délai de grâce de l'art. 257d al. 1 CO (ATF 119 II 241 consid. 6b/bb et cc; arrêts du Tribunal fédéral 4A_157/2021 du 15 juin 2021 consid. 7.2; 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités). Il doit également alléguer sa contre-créance et être en mesure de la prouver sans délai. Pour que soit respectée la volonté du législateur lors de l'adoption de l'art. 257d CO, le juge doit en effet pouvoir se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance rapidement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2). Il doit en aller de même lorsque le locataire prétend seulement à une réduction de son loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.4).

Il ne suffit pas que la contre-créance ne soit pas sans fondement ("nicht haltlos"). Il ne suffit pas non plus que le locataire tente d'éviter une résiliation pour demeure de paiement, à laquelle ferait suite une expulsion par la voie du cas clair (art. 257 CPC), en prétextant des défauts de l'objet loué et sur la base de ceux-ci, invoque en compensation des créances non chiffrées et non établies ("unbezifferte, nicht feststehende Forderungen"; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2022 du 9 novembre 2022 destiné à la publication, consid. 5.2, arrêt résumé et analysé par ECKLIN, Newsletter bail.ch janvier 2023).

Le locataire doit invoquer en compensation une créance certaine dans le délai comminatoire de l'art. 257d al. 1 CO. A défaut, il ne pourra pas faire obstacle à la résiliation anticipée du bail (LACHAT, op. cit., ch. 3.7, p. 381).

Si une procédure relative à la contre-créance est pendante devant une autre instance, il ne saurait être question de suspendre la procédure en contestation du congé jusqu'à droit connu dans l'autre procédure, sauf si une décision définitive est imminente. Cette restriction se justifie d'autant plus que le locataire qui prétend avoir une créance en réduction de loyer ou en dommages-intérêts pour cause de défauts de l'objet loué n'est pas en droit de retenir toute ou partie du loyer échu; il n'a en principe que la possibilité de consigner le loyer, l'art. 259g CO étant une lex specialis par rapport à l'art. 82 CO. Il est donc dans son tort s'il retient le loyer, ce qui a même conduit une fois le Tribunal fédéral à exclure la possibilité d'opposer en compensation une créance fondée sur les défauts de la chose louée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2008 du 26 janvier 2009 consid. 4.2.3, in RtiD 2009 II 681). Si le locataire passe outre, il peut toujours, à réception de l'avis comminatoire, éviter la résiliation du bail en payant le montant dû ou en le consignant et ainsi éviter le congé et la procédure judiciaire en contestation de ce congé. S'il se décide néanmoins à compenser avec une contre-créance contestée, il fait ce choix à ses risques et périls (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 et 4A_250/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

4.3 Le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).

La jurisprudence admet que le congé prononcé conformément à l'art. 257d CO peut, à titre très exceptionnel, contrevenir aux règles de la bonne foi; la notion doit être interprétée très restrictivement, afin de ne pas mettre en question le droit du bailleur à recevoir le loyer à l'échéance (ATF 140 III 591 consid. 1). L'annulation entre en considération notamment dans les cas suivants: le bailleur réclame au locataire, avec menace de résiliation du bail, une somme largement supérieure à celle en souffrance, alors qu'il n'est pas certain du montant effectivement dû et invite son locataire à vérifier le montant réclamé; il contrevient aux règles de la bonne foi s'il maintient cette menace après avoir réduit sensiblement ses prétentions à la suite d'une contestation du locataire relative au montant réclamé (ATF 120 II 31 consid. 4b); ou encore, l'arriéré est insignifiant, ou a été réglé très peu de temps après l'expiration du délai comminatoire, alors que le locataire s'était jusque-là toujours acquitté du loyer à temps; ou enfin, le bailleur ne résilie le contrat que longtemps après l'expiration de ce même délai. Le fardeau de la preuve d'une résiliation contraire à la bonne foi incombe au locataire (ATF
140 III 591 consid. 1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 8.2).

4.4 En l'espèce, il n'est pas contesté que le locataire n'a pas versé l'intégralité du montant visé dans l'avis comminatoire du 18 mai 2022 dans le délai fixé, qui venait à échéance le 20 juin 2022; à cette date, l'appelant restait devoir aux bailleurs un solde de 3'481 fr. 25. Le locataire fait valoir qu'il a opposé en compensation une créance en réduction du loyer, dont il n'a cependant précisé ni le montant, ni la période qu'elle visait, alors que la créance compensante doit être échue et exigible.

Contrairement à ce qu'il semble soutenir, et conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus au consid. 4.2.4, l'appelant ne peut se contenter de contester de manière vraisemblable les faits allégués par ses parties adverses et de tenter d'ébranler la conviction du juge du cas clair. En effet, ce dernier doit pouvoir se prononcer rapidement sur l'existence et le montant de la contre-créance en réduction du loyer.

Les pièces produites démontrent, d'une part, que les parties se sont accordées sur deux montants alloués au locataire à titre de réduction du loyer en raison des défauts qui ont affecté l'arcade durant deux périodes déterminées (allant jusqu'au 31 juillet 2021) et, d'autre part, que les discussions qui ont eu lieu par la suite (notamment au sujet de la période postérieure au 1er octobre 2021) n'ont pas abouti. En revanche, lesdites pièces ne permettent pas à l'appelant d'apporter la preuve stricte qu'il aurait fait la déclaration de compensation avant l'échéance du délai comminatoire, soit, comme il le prétend, "les 23 et 31 mai 2022 à tout le moins".

En toute hypothèse, il ne suffit pas au locataire de prétendre que la contre-créance qu'il invoque n'est pas sans fondement. Il lui appartient de la chiffrer et de la prouver immédiatement, ce que l'appelant n'a pas fait. Celui-ci admet d'ailleurs que son exception de compensation "nécessite une instruction plus complète des preuves", qui interviendra dans le cadre de la procédure C/3______/2023 pendante devant le Tribunal.

Par ailleurs, aucune des hypothèses figurant au consid. 4.3 ci-dessus n'est réalisée en l'espèce, étant souligné que la notion de congé contraire aux règles de la bonne foi doit être interprétée très restrictivement, afin de ne pas mettre en question le droit du bailleur à recevoir le loyer à l'échéance. D'ailleurs, l'appelant se borne à soutenir que "vu l'ensemble des circonstances, on ne peut raisonnablement exclure que le congé a pu être donné (…) en représailles aux contestations soulevées de bonne foi par le locataire courant février 2022", sans fournir aucun élément concret.

En définitive, le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il prononce l'évacuation du locataire (ch. 1 du dispositif).

5. L'appelant soutient que la requête d'exécution directe du jugement d'évacuation aurait dû être déclarée irrecevable, au motif que les conditions de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC n'étaient pas réalisées. Dans la mesure où tel n'est pas le cas, ce grief est infondé.

En toute hypothèse, la protection de l'art. 30 al. 4 LaCC, évoqué par l'appelant, ne s'applique pas aux locaux commerciaux (ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2; ACJC/240/2014 du 24 février 2014, consid. 5.2). En outre, le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles du locataire et des répercussions désastreuses sur sa situation financière, n'est pas pertinent et ne peut faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

Enfin, l'appelant a bénéficié d'une prolongation d'un an et demi du fait de la procédure.

Ainsi, le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué sera également confirmé.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel et le recours interjetés le 2 novembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/861/2023 rendu le 5 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17148/2023-24.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.