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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/24496/2020

ACJC/452/2023 du 03.04.2023 sur JTBL/610/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

rŽpublique et

canton de genve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24496/2020                                                                                    ACJC/452/2023

ARRæT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 3 AVRIL 2023

 

Entre

Monsieur A______, domiciliŽ ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 aožt 2022, comparant par Me Thierry STICHER, avocat, boulevard Georges Favon 14, 1204 Genve, en l'Žtude duquel il fait Žlection de domicile,

et

SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA, intimŽe, reprŽsentŽe par C______ SA, sise ______, en les bureaux de laquelle elle fait Žlection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A.        Par jugement JTBL/610/2022 du 19 aožt 2022, communiquŽ pour notification aux parties le mme jour, le Tribunal des baux et loyers a dŽboutŽ A______ de ses conclusions (ch. 1 du dispositif), a dŽboutŽ les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procŽdure Žtait gratuite (ch. 3).

            En substance, les premiers juges ont considŽrŽ que A______ ne pouvait prŽtendre ˆ une rŽduction de loyer antŽrieure au moment o la SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA avait ŽtŽ informŽe des nuisances, de telles prŽtentions Žtant en tout Žtat prescrites ˆ compter du 30 novembre 2015. L'existence de nuisances postŽrieures ˆ l'information susmentionnŽe relative aux nuisances n'avait pas ŽtŽ dŽmontrŽe.

B.        a. Par acte expŽdiŽ le 19 septembre 2022 ˆ la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut ˆ ce que la Cour, ceci fait, condamne la SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA ˆ lui verser la somme de 33'457 fr. 20 avec intŽrts ˆ 5% l'an ds le 1er juillet 2016.

            b. Par acte expŽdiŽ le 20 octobre 2022, la SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA conclut ˆ la confirmation du jugement du Tribunal.

            c. A______ a rŽpliquŽ le 14 novembre 2022 et a persistŽ dans ses conclusions.

d. Les parties ont ŽtŽ avisŽes le 1er dŽcembre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause Žtait gardŽe ˆ juger.

C.        Les faits pertinents suivants rŽsultent de la procŽdure :

            a. A______ est locataire d'un appartement de quatre pices au quatrime Žtage de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______, ˆ Genve.

Le contrat de bail, initialement signŽ conjointement avec son Žpouse, a ŽtŽ conclu pour une durŽe initiale d'un an et quinze jours, du 16 janvier 1993 au 31 janvier 1994, renouvelable ensuite tacitement d'annŽe en annŽe, sauf rŽsiliation respectant un prŽavis de trois mois.

Le loyer, hors charges, a ŽtŽ fixŽ en dernier lieu ˆ 1'138 fr. par mois, ds le 1er fŽvrier 2012.

L'immeuble est gŽrŽ par la rŽgie C______ SA (ci-aprs : la rŽgie).

            b. L'immeuble est situŽ ˆ proximitŽ du chantier d'intŽrt public du CEVA qui s'est dŽroulŽ de 2011 ˆ 2019.

c. Les travaux de gros Ïuvre de la gare D______ ont dŽbutŽ en fŽvrier 2012.

d. La construction et l'Žmergence centrale (gros Ïuvre) de la gare [de] D______ se sont terminŽs, notamment par le bŽtonnage de la dalle au-dessus des voies, au 30 septembre 2018. Les travaux de second Ïuvre se sont poursuivis au niveau des quais et des locaux techniques et les tests de mise en service locale de la gare se sont dŽroulŽs jusqu'au 30 septembre 2019. Le LŽman Express a ŽtŽ inaugurŽ le 15 dŽcembre 2019.

e. L'appartement de A______ est traversant. Une chambre, occupŽe lors du chantier par ses deux enfants, et le salon donnent du c™tŽ du chantier, l'autre chambre et la cuisine donnent sur une cour intŽrieure.

f. Le 23 mars 2017, la rŽgie a informŽ le locataire que, dans le cadre des travaux du CEVA, une entreprise avait ŽtŽ chargŽe de procŽder au constat de l'Žtat Ç avant travaux È dans les b‰timents voisins du chantier, ce contr™le devant avoir lieu le 11 avril 2017.

g. Le 24 octobre 2019, A______ a sollicitŽ de la rŽgie une Ç compensation de loyer È en lien avec les nuisances qu'il avait subies ˆ cause du chantier du CEVA depuis 2011, ˆ savoir des nuisances sonores dues ˆ la ronde incessante de poids lourds, l'emploi de lourdes machines de chantier et d'une centrale ˆ bŽton juste en face de ses fentres et de la poussire.

Selon lui, les nuisances avaient ŽtŽ continuelles pendant toute la durŽe du chantier et commenaient entre 06h30 et 07h00 du matin, du lundi au vendredi, exceptionnellement le week-end et la nuit. Il n'avait pas pu profiter de son grand balcon durant toutes les annŽes du chantier, mme aprs la fin du gros Ïuvre car des travaux sur la route et les trottoirs avaient ensuite eu lieu.

h. La rŽgie a rŽpondu le 12 novembre 2019 ne pas pouvoir entrer en matire quant ˆ la demande de dŽdommagement et a invitŽ le locataire ˆ s'adresser directement ˆ la direction du projet du CEVA.

i. Le 8 dŽcembre 2020, la rŽgie a renoncŽ ˆ se prŽvaloir de la prescription dans le cadre des prŽtentions du locataire relatives aux nuisances liŽes au chantier du CEVA, sans reconnaissance de responsabilitŽ et pour autant que la prescription ne soit pas dŽjˆ acquise ˆ la date du courrier, la renonciation Žtant valable jusqu'au 31 dŽcembre 2021.

j. Par requte dŽposŽe le 30 novembre 2020 par-devant la Commission de conciliation en matire de baux et loyers, dŽclarŽe non conciliŽe lors de l'audience du 27 janvier 2021 et portŽe devant le Tribunal le 12 fŽvrier 2021, le locataire a conclu ˆ ce que la bailleresse soit condamnŽe ˆ lui verser la somme de 33'457 fr. 20 avec intŽrts ˆ 5% ds le 1er juillet 2016, montant Žquivalent ˆ une rŽduction de loyer de 35% de janvier 2013 ˆ dŽcembre 2019.

A l'appui de ses conclusions, A______ a notamment produit des photos non datŽes du chantier prises depuis son balcon, ainsi qu'un extrait audio des nuisances.

k. Par mŽmoire rŽponse du 30 avril 2020, la SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA a conclu, principalement, ˆ ce que A______ soit dŽboutŽ de ses conclusions, et subsidiairement, ˆ ce que le loyer soit rŽduit de 10% du 1er dŽcembre 2015 au 30 novembre 2018 reprŽsentant 4'096 fr. 80.

l. Lors des audiences des 23 septembre 2021, 24 fŽvrier et 2 juin 2022 du Tribunal, les parties ont persistŽ dans leurs conclusions.

A______ a dŽclarŽ que, durant le chantier, il Žtait ˆ la maison car il ne travaillait pas. Il n'avait pas contactŽ la rŽgie plus t™t car la E______ [association pour le droit des locataires] lui avait conseillŽ d'attendre la fin des travaux pour formuler d'Žventuelles plaintes. Il n'avait jamais reu de communication de la rŽgie par rapport au chantier, mais uniquement de la part des entreprises. Des ouvriers Žtaient venus dans tous les appartements de l'immeuble pour vŽrifier l'Žtat des fissures en raison des tremblements que le chantier allait engendrer.

Le reprŽsentant de la SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA a dŽclarŽ qu'il avait connaissance du chantier, mais qu'il lui Žtait trs difficile de quantifier les nuisances subies par le locataire. En outre, aucun autre locataire de l'immeuble ne s'Žtait plaint et la rŽgie n'avait pas eu de peine ˆ relouer les appartements devenus vacants pendant les travaux. Aucune baisse de loyer n'avait ŽtŽ accordŽe aux nouveaux locataires en raison du chantier et aucune clause n'avait ŽtŽ insŽrŽe dans les nouveaux baux ˆ cet Žgard.

m. Entendu comme tŽmoin, F______, ancien concierge de l'immeuble de 2009 ˆ 2015 ou 2016 ˆ un taux de 15% et fils du locataire, a confirmŽ les nuisances subies, notamment la poussire, le bruit et les vibrations. Du c™tŽ du chantier, les nuisances Žtaient trs dŽrangeantes. De l'autre c™tŽ, les bruits s'entendaient si les fentres Žtaient ouvertes. Selon ses souvenirs, les nuisances avaient durŽ jusqu'ˆ la rentrŽe scolaire 2019. Il avait discutŽ des nuisances avec certains voisins qui souffraient de la situation. Il ne s'Žtait pas plaint auprs de la rŽgie et n'avait pas eu de contact avec elle au sujet du chantier.

G______, habitant l'immeuble depuis 14 ans et H______, habitant l'immeuble depuis le 1er mai 2010, entendus comme tŽmoins, ont confirmŽ avoir ŽtŽ gnŽs par le chantier, dŽcrivant une situation infernale, pendant huit ans, notamment par la poussire, le bruit, les vibrations et le manque d'accs ˆ l'immeuble et aux places de parking ˆ proximitŽ de ce dernier. Les nuisances avaient ŽtŽ fortement ressenties durant le gros Ïuvre mais Žgalement lorsque la route avait ŽtŽ refaite. H______, dont l'appartement situŽ au troisime Žtage est traversant, a prŽcisŽ qu'elle ressentait les nuisances uniquement du c™tŽ du chantier, l'autre c™tŽ Žtant calme. Ces tŽmoins ont tous deux confirmŽ ne jamais s'en tre plaints ˆ la rŽgie et qu'en cours de chantier, des personnes Žtaient venues constater l'Žtat des fissures dans leurs appartements.

n. Lors de l'audience du 2 juin 2022, les parties ont procŽdŽ aux plaidoiries finales et ont persistŽ dans leurs conclusions, ensuite de quoi la cause a ŽtŽ gardŽe ˆ juger.

 

 

EN DROIT

1.       1.1 L'appel est recevable contre les dŽcisions finales et les dŽcisions incidentes de premire instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier Žtat des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fŽdŽral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louŽe sont de nature pŽcuniaire (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Le dernier Žtat des conclusions litigieuses s'Žlve ˆ 33'457 fr. 20, de sorte que la valeur litigieuse est supŽrieure ˆ 10'000 fr.

La voie de l'appel est ds lors ouverte.

1.2 L'appel a ŽtŽ interjetŽ dans le dŽlai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut tre formŽ pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contr™le librement l'apprŽciation des preuves effectuŽe par le juge de premire instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vŽrifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.       Dans un premier grief, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir considŽrŽ que le dŽlai de prescription applicable en matire de rŽduction de loyer Žtait de cinq ans et non de dix ans.

2.1 En vertu de l'art. 259d CO, en présence d'un défaut qui entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de celui-ci.

La prŽtention en rŽduction du loyer constitue une action de nature contractuelle, assujettie aux règles sur la prescription découlant des art. 127 ss CO (ATF 130 III 504 consid. 6.3 et 8.1).

Les loyers étant des prestations périodiques, ils sont soumis au délai de prescription quinquennal de l'art. 128 ch. 1 CO (ATF 130 III 504 consid. 8.2). Conformément à l'art. 130 al. 1 CO, la prescription court dès que la créance est devenue exigible. Si l'exigibilité de la créance est subordonnée à un avertissement, la prescription court dès le jour pour lequel cet avertissement pouvait être donné (art. 130 al. 2 CO) (ATF 130 III 504 consid. 8.2).

Selon le système prévu par l'art. 259d CO, le locataire peut en principe choisir le moment auquel il exige du bailleur la réduction de loyer. Ses prétentions tendant à la restitution des loyers versés en trop, lorsque le bailleur avait déjà connaissance du défaut, deviennent donc exigibles au moment où il réclame au bailleur la réduction de loyer liée au défaut. Cette déclaration constitue la date déterminante pour établir l'étendue de sa créance en restitution et ne peut porter que sur les loyers qui ne sont pas déjà atteints par le délai de prescription de cinq ans de l'art. 128 ch. 1 CO (ATF 130 III 504 consid. 8.2).

2.2 Certes, ainsi que le relve l'appelant, une partie de la doctrine critique l'application de l'art. 128 ch. 1 CO et de la prescription quinquennale ˆ la crŽance en restitution de loyer versŽ en trop (Pichonnaz, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3me Žd. 2021, n. 7b ad art. 128 CO). Il sied toutefois de nuancer une telle critique, qui n'est pas partagŽe par d'autres auteurs de doctrine (Lachat/Bohnet, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3me Žd. 2021, n. 5 ad art. 259d CO; Lachat/Rubli, Le bail ˆ loyer, Lausanne 2019, p. 321; BSK-Weber 4a ad art. 259d CO; CommPra Bail Aubert N 59).

A cela s'ajoute que la jurisprudence publiŽe aux ATF 130 III 504 susmentionnŽe, plus rŽcemment citŽe dans l'ATF 142 III 557 consid. 8.3.4, est claire quant au fait que la prescription quinquennale s'applique aux crŽances basŽes sur l'art. 259d CO et ne laisse pas de place ˆ l'interprŽtation sur ce point. Partant, l'opinion doctrinale contraire prŽcitŽe ne convainc pas, vu la jurisprudence du Tribunal fŽdŽral.

Par consŽquent, l'art. 128 ch. 1 CO trouve application, de sorte que le dŽlai de prescription est de cinq ans.

L'appelant s'est plaint pour la premire fois de nuisances le 24 octobre 2019 et a dŽposŽ une requte en conciliation, interruptive de prescription, le 30 novembre 2020. Ds lors, les prŽtentions antŽrieures de plus de cinq ans ˆ cette dernire date sont prescrites. Ainsi que le Tribunal l'a jugŽ, le locataire n'est pas fondŽ ˆ obtenir une restitution des loyers antŽrieurs au 30 novembre 2015.

3.       L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intimŽe n'avait ŽtŽ mise au courant du dŽfaut que le 24 octobre 2019 et que l'absence d'une telle information rendait infondŽe toute prŽtention en rŽduction du loyer avant cette date.

3.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le dŽfaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a ŽtŽ louŽe, le locataire peut exiger du bailleur une rŽduction proportionnelle du loyer ˆ partir du moment o le bailleur a eu connaissance du dŽfaut et jusqu'ˆ l'Žlimination de ce dernier. 

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilitŽ de certaines entraves mineures inhŽrentes ˆ l'usage de la chose qui ne constituent pas un dŽfaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prŽvisions, elle devient un dŽfaut (ACJC/173/2018 du 12 fŽvrier 2018 consid. 3.1; SJ 1985, p. 575).

Le dŽfaut peut consister notamment dans les nuisances provenant d'un chantier, dans la privation de l'usage d'un ascenseur ou encore d'infiltrations d'eau (ACJC/173/2018 du 12 fŽvrier 2018 consid. 3.1 et les rŽfŽrences). Un chantier voisin peut ainsi engendrer un dŽfaut ds lors que les nuisances qu'il provoque excdent les inconvŽnients mineurs inhŽrents ˆ la vie en milieu urbain (ACJC/173/2018 du 12 fŽvrier 2018 consid. 3.1; ACJC/234/2003 = CdB 2/2003 p. 54).

Le dŽfaut de la chose louŽe est une notion relative; son existence dŽpend des circonstances du cas concret; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet louŽ, l'‰ge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_582/2012 du 28 juin 2013). En l'absence de prŽcision dans le bail, l'usage est apprŽciŽ objectivement selon toutes les circonstances du cas d'espce, soit notamment le montant du loyer, la destination de l'objet louŽ, l'environnement des locaux, l'‰ge de l'immeuble et son Žtat apparent, les normes usuelles de qualitŽ et les rgles de droit public applicables, ainsi que les usages courants (ACJC/173/2018 du 12 fŽvrier 2018 consid. 3.1 et les rŽfŽrences).

C'est au locataire qui entend se prŽvaloir des articles 258ss CO de prouver la date ˆ laquelle le propriŽtaire a eu connaissance du dŽfaut et le fait que ce dernier rŽduit l'usage de la chose louŽe (art. 8 CC) (arrts de la Cour de justice ACJC/569/2016 du 25 avril 2016 consid. 5.1.1; ACJC/1100/2006 du 9 octobre 2006 consid. 2.3).

Le bailleur peut prendre connaissance du dŽfaut directement par le biais du locataire, mais Žgalement en le constatant par lui-mme ou encore par le truchement d'un auxiliaire (arrt de la Cour de justice ACJC/1469/2014 du 8 dŽcembre 2014 consid. 2.3; Lachat/Rubli, op. cit., p. 319).

L'existence d'un chantier voisin ne peut pas tre considŽrŽe comme un dŽfaut si aucun des locataires de l'immeuble ne s'en est plaint. A dŽfaut de plainte, le bailleur, mme s'il conna”t l'existence du chantier, ne peut en dŽduire qu'il s'agit d'un dŽfaut (arrt de la Cour de justice ACJC/1492/2014 du 8 dŽcembre 2014 consid. 2.3; ACJC/862/2001).

Le locataire qui omet d'aviser ou qui tarde ˆ aviser le bailleur de l'existence d'un dŽfaut n'est pas pour autant dŽchu de ses droits. Contrairement ˆ ce qui est la rgle en contrat de vente (art. 201 CO), l'avis immŽdiat de dŽfaut ne constitue pas une condition sine qua non de l'action en garantie de la chose louŽe (ATF 113 II 25 consid. 2a).

Dans le cas où le bailleur connaissait l'existence du défaut avant que le locataire ne déclare exiger une réduction de loyer, ce dernier pourra à la fois réclamer la restitution d'une partie des loyers déjà versés et la réduction des loyers pour le futur, jusqu'à l'élimination du défaut (ATF 130 III 504 consid. 3; ACJC/207/2022 du 14 fŽvrier 2022 consid. 3.5).

Une rŽduction de loyer peut tre exigŽe mme aprs que le dŽfaut a ŽtŽ ŽliminŽ ou que le bail a pris fin (ATF 142 III 557 consid. 8.3.5; ACJC/466/2022 du 4 avril 2022 consid. 2.3). Le Tribunal fŽdŽral a toutefois rŽservŽ l'art. 2 CC (cf. ATF 142 III 557 consid. 8.3.4), en prŽcisant que la protection de la confiance lŽgitime du bailleur peut exclure une demande de rŽduction du loyer. Mme si, d'un point de vue objectif, l'apparition d'un dŽfaut rompt l'Žquilibre qui existait initialement entre le loyer convenu et l'Žtat de la chose louŽe, le locataire ne le peroit pas nŽcessairement ainsi; il se peut aussi qu'il s'accommode tout d'abord du dŽfaut, puis le trouve gnant avec le temps. Le bailleur ne peut tre fixŽ sur le ressenti subjectif d'un dŽsŽquilibre que si le locataire exige une rŽduction de loyer, ou s'il fait clairement comprendre que le dŽfaut le dŽrange, par exemple en exigeant son Žlimination - il existe en effet un lien Žtroit entre la rŽduction de loyer et l'Žlimination du dŽfaut (ATF 142 III 557 consid. 8.3.2; ACJC/466/2022 du 4 avril 2022 consid. 2.3).

3.2 En l'espce, l'existence du chantier adjacent ˆ l'immeuble litigieux Žtait propre ˆ constituer une nuisance importante, ce d'autant plus qu'il ressort du dossier que le chantier Žtait de grande ampleur et s'est dŽployŽ sur de nombreuses annŽes. De ce fait et d'un point de vue objectif, l'intimŽe ne peut prŽtendre ne pas avoir ŽtŽ informŽe de l'existence du chantier et ainsi de la nuisance prŽcitŽe, ce d'autant plus que son reprŽsentant ne l'a pas niŽe. De plus, le concierge de l'immeuble y habitait et avait constatŽ personnellement de la poussire, du bruit et des vibrations qu'il a qualifiŽes de Ç trs dŽrangeantes È.

3.3 Toutefois, la notion de dŽfaut est relative, en ce sens qu'elle s'apprŽcie au regard des circonstances concrtes de chaque cas, notamment de l'immeuble en question et de l'usage qui en est fait. Comme l'a jugŽ la Cour, l'existence d'un chantier ne constitue pas un dŽfaut s'il n'y a aucune plainte des locataires.

Ainsi, en sus d'tre informŽ de l'existence de nuisances, le bailleur doit Žgalement tre informŽ de l'existence d'un dŽfaut par le locataire, sur un plan subjectif. C'est sous cet angle qu'il doit tre retenu que, l'appartement de l'appelant Žtant traversant, l'ampleur des nuisances sur son quotidien et l'existence d'un dŽfaut selon ce dernier ne pouvait tre considŽrŽe de manire Žvidente comme parvenue ˆ la connaissance de l'intimŽe.

Il n'a pas ŽtŽ dŽmontrŽ qu'un locataire de l'immeuble se serait plaint des nuisances gŽnŽrŽes par le chantier directement auprs de la rŽgie. Le concierge a parlŽ avec des voisins souffrant de la situation, sans que cette dernire notion ne soit davantage prŽcisŽe. Quand bien mme le concierge peut tre considŽrŽ comme auxiliaire de l'intimŽe, il ne peut tre dŽduit que celle-ci a ŽtŽ informŽe de l'existence d'un dŽfaut, tant par l'appelant que par d'autres locataires de l'immeuble, faute de prŽcisions quant au contenu d'Žventuelles plaintes et communications de l'existence d'un dŽfaut et au moment o elles seraient intervenues. De plus, ainsi que l'a prŽcisŽ le Tribunal, il n'a pas ŽtŽ allŽguŽ et rien n'Žtablit que l'entreprise venue constater l'Žtat des appartements aurait ŽtŽ informŽe de l'existence d'un dŽfaut.

Ds lors, il n'est pas possible de dŽterminer ˆ quelle date antŽrieure au courrier de l'appelant du 24 octobre 2019 l'intimŽe aurait, cas ŽchŽant, ŽtŽ informŽe de l'existence du dŽfaut.

3.4 L'appelant soutient que le lŽgislateur aurait renoncŽ ˆ imposer des incombances au locataire pour faire valoir ses droits tirŽs de la garantie en raison des dŽfauts et que la demande de rŽduction de loyer ne serait pas un droit formateur, mais une diminution lŽgale n'exigeant pas de dŽclaration du locataire. Toutefois, cette thse porte sur la demande de rŽduction du loyer et non sur l'information au bailleur de l'existence d'un dŽfaut. Si la demande de rŽduction peut intervenir aprs la survenance du dŽfaut, comme le soutient l'appelant, la pŽriode de rŽduction dŽbute quant ˆ elle ˆ partir de la connaissance du dŽfaut par le bailleur, qui doit tre dŽterminŽe dans le temps, ce qui est prŽcisŽment l'ŽlŽment qui fait dŽfaut dans la procŽdure.

3.5 En tout Žtat, l'appelant ne s'est pas plaint auprs de la rŽgie de l'existence d'un dŽfaut pendant de nombreuses annŽes, ˆ savoir depuis le dŽbut du chantier, en fŽvrier 2012, jusqu'au 24 octobre 2019. Il n'Žtait pas tenu d'informer l'intimŽe immŽdiatement de l'existence d'un dŽfaut, mais ne pouvait partir du principe que l'intimŽe en Žtait informŽe. L'appelant n'a formulŽ aucune plainte ni rŽserve et a payŽ le loyer pendant prs de huit ans. L'intimŽe pouvait lŽgitimement penser que l'appelant tenait l'Žchange de prestations convenues contractuellement comme ŽquilibrŽ, respectivement renonait tacitement ˆ faire valoir ses droits. Il n'est, ds lors, pas fondŽ ˆ obtenir de rŽduction de loyer de ce chef.

Le jugement sera confirmŽ.

Il n'appara”t pas nŽcessaire, au vu de ce qui prŽcde, d'examiner l'application de l'art. 108 ch. 1 CO.

3.5 Enfin, dans la mesure o l'appelant ne critique pas le raisonnement du Tribunal s'agissant de la pŽriode postŽrieure au 24 octobre 2019, il n'y a pas lieu d'y revenir.

4.       A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prŽlevŽ de frais dans les causes soumises ˆ la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

DŽclare recevable l'appel interjetŽ le 19 septembre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/610/2022 rendu le 19 aožt 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/24496/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procŽdure est gratuite.

DŽboute les parties de toutes autres conclusions.

SiŽgeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, prŽsidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Madame ZoŽ SEILER, juges assesseurs; Madame Ma•tŽ VALENTE, greffire.

 

La prŽsidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffire :

Ma•tŽ VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

ConformŽment aux art. 72 ss de la loi fŽdŽrale sur le Tribunal fŽdŽral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le prŽsent arrt peut tre portŽ dans les trente jours qui suivent sa notification avec expŽdition complte (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fŽdŽral par la voie du recours en matire civile.

Le recours doit tre adressŽ au Tribunal fŽdŽral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pŽcuniaires au sens de la LTF supŽrieure ˆ 15'000 fr.