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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8438/2015

ACJC/173/2018 du 12.02.2018 sur JTBL/97/2017 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : CHOSE LOUEE ; DÉFAUT DE LA CHOSE ; IMMISSION ; CONNAISSANCE ; DIMINUTION DE LOYER ; DURÉE
Normes : CPC.316.al3; CO.256; CO.256.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8438/2015 ACJC/173/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 12 FEVRIER 2018

 

Entre

A______ et B______, p.a. C______, ______ (GE), appelants et intimés sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 février 2017, comparant par Me Pascal PETROZ, avocat, rue de la Coulouvrenière 29, case postale 5710, 1211 Genève 11, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

D______, domiciliée ______ (GE), appelante et intimée sur appel joint, comparant par Me Karin GROBET THORENS, avocate, rue Verdaine 6, case postale 3776, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/97/2017 du 2 février 2017, expédié pour notification aux parties le 3 février 2017, le Tribunal des baux et loyers a donné acte à B______ et A______ (ci-après : les bailleurs), de ce qu'ils avaient dénoncé l'instance aux E______en date du 26 juin 2015 (ch. 1 du dispositif), a réduit le loyer de l'appartement de six pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis ______ (GE) de 19% du 7 février 2013 au 15 décembre 2016 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que, compte tenu de toutes les circonstances, les nuisances résultant du chantier du CEVA constituaient un défaut de la chose louée. Ils ont également indiqué que le principe d'une réduction de loyer fondée sur l'art. 259d CO devait être admis et qu'au vu des éléments et au regard de la jurisprudence, une réduction de loyer moyenne pour l'ensemble des locaux de 19% était adéquate, cette réduction devant être accordée du 7 février 2013 au 15 décembre 2016, date à laquelle la cause avait été gardée à juger.

B. a. Par acte déposé le 8 mars 2017 au greffe de la Cour de justice, les bailleurs ont formé appel contre ce jugement. Au fond, ils ont conclu à son annulation et au déboutement de D______ (ci-après : la locataire) de toutes ses conclusions.

Dans le cadre de leur appel les bailleurs ont soutenu que le Tribunal avait violé les art. 259ss CO en retenant à tort l'existence d'un défaut, d'une part, et, qu'il avait violé l'art. 2 al. 2 CC en accordant une réduction du loyer à la locataire, alors que celle-ci connaissait l'existence du chantier du CEVA, d'autre part.

Selon les bailleurs, les travaux du CEVA étaient prévisibles et de notoriété publique à la conclusion du bail en mars 2012. La locataire avait visité les locaux alors que les travaux avaient commencé et avait même été rendue attentive aux travaux par le biais de l'art. 11 du contrat de bail. L'état convenu de la chose se décrit comme un appartement subissant inévitablement des nuisances en raison des travaux du CEVA déjà entamés. L'usage convenu des locaux, qui se définit d'après les termes du contrat, comprenait ainsi la location avec lesdits travaux. Les parties avaient dès lors, de par leur volonté concordante, pris en considération et accepté les travaux, et donc également les nuisances y relatives. Dès lors, le Tribunal avait violé le droit fédéral en méconnaissant la notion de défaut dans le cas d'espèce.

En outre, la locataire avait connaissance des travaux dès la conclusion du contrat mais n'avait demandé une réduction de loyer qu'en février 2013, soit au moment où elle avait appris que les appartements nouvellement loués pour l'année 2013 s'étaient vus octroyer une réduction de loyer. Elle n'avait ainsi pas signalé le défaut "sans retard". Elle ne pouvait pas non plus se prévaloir du principe de l'égalité de traitement, puisque les circonstances de conclusion du bail étaient différentes. En outre, la locataire était malvenue de plaider l'imprévisibilité de l'ampleur des travaux, ayant elle-même affirmé qu'on ne pouvait pas ignorer ce genre de nuisances vu l'ampleur du chantier, qualifié de chantier du siècle. Par ailleurs, les bailleurs ont relevé le comportement abusif de la locataire motif pris de la variabilité de ses conclusions en réduction de loyer. Selon eux, il lui était loisible de résilier son contrat de façon anticipée, ce qu'elle n'avait pas fait pour des raisons de pure convenance personnelle. En outre, en se contentant de réduire le loyer de 19% comme "réduction de loyer moyenne pour l'ensemble des locaux", le Tribunal avait mésusé de son pouvoir d'appréciation et était tombé dans l'arbitraire, puisqu'il ne s'était pas fondé sur les circonstances de l'espèce pour fixer le taux de réduction, mais sur des considérations moyennes pour les locaux.

b. Par acte déposé le 10 avril 2017, la locataire a répondu à l'appel et a formé un appel joint.

Sur appel principal, elle a conclu au rejet de l'appel formé par les bailleurs ainsi qu'à leur déboutement de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur appel joint, elle a préalablement conclu à ce qu'il soit ordonné aux bailleurs de produire les états locatifs de l'immeuble concerné ainsi que la liste des périodes pendant lesquelles des appartements seraient restés vacants à compter du mois d'avril 2012 dans l'immeuble. Elle a également conclu au déboutement des bailleurs de toutes autres ou contraires conclusions. Principalement, elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, en tant qu'il réduit le loyer de l'appartement de 19% du 7 février 2013 au 15 décembre 2016, d'une part, et à l'octroi d'une réduction du loyer de l'appartement de 50% à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à la fin des travaux du chantier du CEVA, d'autre part, ainsi qu'au déboutement des bailleurs de toutes autres ou contraires conclusions.

Si elle a déclaré souscrire entièrement au raisonnement juridique tenu par le Tribunal concernant l'existence d'un défaut et l'octroi d'une réduction de loyer, elle conteste la quotité de la baisse octroyée par celui-ci, au vu de l'ampleur des nuisances, d'une part, ainsi que la durée de la réduction accordée, le chantier se poursuivant, d'autre part.

c. Dans leur réponse sur appel joint du 23 mai 2017, les bailleurs ont conclu au déboutement de la locataire de sa conclusion préalable ainsi que de ses conclusions principales.

d. Par courrier du 9 août 2017, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger, D______ ayant renoncé à répliquer.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de six pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis ______ (GE).

Le contrat était conclu pour une durée initiale de cinq ans et quinze jours, du 16 avril 2012 au 30 avril 2017, renouvelable tacitement.

Le montant du loyer annuel était fixé selon le bail à 5'000 fr. par mois, provisions mensuelles pour charges de 315 fr. non comprises.

L'article 11 des clauses particulières faisant partie intégrante du contrat de bail stipule que "le locataire est informé que la construction du CEVA (liaison ferroviaire Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse) a débuté et devrait engendrer un certain nombre de nuisances dans le quartier".

L'immeuble est géré par la régie C______ (ci-après : la régie).

b. Le 7 février 2013, la locataire s'est adressée une première fois à la régie afin de solliciter une réduction de loyer liée aux travaux du CEVA. Elle s'est plainte du bruit lié aux travaux de forages, de l'impossibilité d'accéder à l'immeuble en voiture et des machines de chantier qui se trouvaient devant ses fenêtres et sur son balcon, et a annexé à son courrier un article de journal et des photos.

c. Par courrier du 12 février 2013, la régie a répondu à la locataire que des raisons juridiques impondérables empêchaient une réponse favorable à sa requête de baisse de loyer, ajoutant qu'elle n'était pas en mesure de pouvoir fixer la juste baisse de loyer légale qui devrait être fixée aux locataires déjà présents dans l'immeuble depuis le début des travaux.

d. Par réponse du 16 avril 2013, D______ a estimé qu'il appartenait à la régie de se retourner contre les responsables, quand bien même les nuisances n'étaient pas provoquées par la propriétaire ou par la régie. Elle a relevé également que les nouveaux baux étaient conclus à des loyers inférieurs pour des périodes de trois ans.

e. Le 18 avril 2013, la régie a répondu à la locataire que pour toute indemnité équivalente à la perte de jouissance de l'objet loué, il faudrait que le propriétaire soit condamné par les Tribunaux. Il ne lui était pas possible de fixer la juste baisse de loyer légale étant donné que les travaux se faisaient sur une parcelle voisine, propriété des E______. C'était la principale raison qui l'obligeait à ne pas donner immédiatement une suite favorable aux différentes requêtes de baisses de loyer formulées par des locataires déjà résidants, car les E______ n'entreraient pas en matière.

f. Le 12 décembre 2013, l'ancien Conseil de la locataire est revenu sur les nuisances extrêmement importantes causées par le chantier du CEVA, indiquant que les nouveaux baux conclus octroyaient une réduction de loyer initiale de 30% durant trois ans, réduction accordée sur la base des nuisances que les locataires subissaient de manière objective et réitérait donc la demande de réduction de loyer de la locataire, à partir de son entrée dans les lieux, à savoir avril 2012.

g. Le 27 mai 2014, la locataire s'est à nouveau adressée à la régie, pour lui faire part de son incompréhension et de son mécontentement. Elle ne comprenait pas que les nouveaux locataires, situés à des étages supérieurs, aient bénéficié de réduction de loyer et pas elle. Le fait que la propriétaire voulait se retourner contre la direction du chantier à la fin de celui-ci ne l'empêchait pas d'indemniser les locataires en attendant. De ce fait, elle prétendait à une réduction de loyer de 40% avec effet rétroactif et intérêts.

h. Par réponse du 6 juin 2014, la régie a maintenu son refus d'octroyer une réduction de loyer car, bien que consciente des nuisances provoquées par les travaux du CEVA, les raisons juridiques qui l'empêchaient de répondre favorablement à la demande de la locataire étaient toujours d'actualité.

i. Par courrier du 19 décembre 2014, le Conseil de la locataire a une ultime fois sollicité une réduction de loyer de 25%, en se basant sur les offres de relocation des appartements libérés dans l'immeuble.

j. La régie a indiqué par courrier du 13 janvier 2015 que leur mandant n'était pas disposé à entrer en matière sans jugement à faire valoir devant les E______, suggérant à la locataire de poursuivre son action en agissant directement contre les E______ devant la Commission fédérale d'estimation du premier arrondissement.

k. Par requête déposée le 27 avril 2015 par devant la Commission de conciliation des baux et loyers, déclarée non conciliée à l'audience du 15 décembre 2015 et porté devant le Tribunal le 2 février 2016, la locataire a conclu, à titre principal, à la réduction du loyer à hauteur de 50% à compter du 1er février 2013 ainsi qu'au déboutement des bailleurs de toutes autres ou contraires conclusions.

D______ a soutenu qu'au vu de l'ampleur des nuisances liées aux travaux du CEVA et de la très grande envergure de ceux-ci, ce qui représentait un défaut au sens de l'art. 259a CO, une réduction du loyer de 50% en l'occurrence se justifiait, à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à la fin du chantier.

A l'appui de ses conclusions, la locataire a notamment produit les offres de relocation des appartements libérés faisant état d'une réduction de loyer accordée jusqu'au 31 décembre 2015 en raison des nuisances liées aux travaux du CEVA.

l. Dans leur réponse du 11 avril 2016, les bailleurs ont préliminairement conclu à ce qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils avaient dénoncé l'instance aux E______ le 26 juin 2015. Principalement, ils ont conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions ainsi qu'à sa condamnation en tous les frais et dépens de la procédure, lesquels comprendront une juste indemnité pour les honoraires et débours de leur Conseil. Subsidiairement, ils ont conclu à leur acheminement à prouver par toutes voies de droit les faits allégués dans leurs écritures.

A l'appui de leurs conclusions, les bailleurs ont fait valoir que la locataire avait pu aisément se rendre compte de l'intensité des nuisances émanant du fonds voisin et avait en pleine connaissance de cause conclu le contrat de bail. En effet, avant son entrée dans les locaux le 16 avril 2012, la locataire avait visité l'appartement litigieux en l'état, et ce, alors même que les travaux du CEVA avaient démarré.

Les bailleurs ont indiqué également que s'ils n'étaient pas exemptés d'une réduction de loyer, la demande en diminution de la locataire ne satisfaisant pas aux conditions développées par la jurisprudence et la doctrine, en ce sens qu'une réduction du loyer n'était due que si les immissions et les troubles provenant du bien-fonds voisin atteignaient une gravité particulière et une certaine intensité. En outre, les nuisances de la locataire n'étaient pas imprévisibles à la conclusion du contrat.

Les bailleurs ont enfin soutenu que si une réduction de loyer devait être accordée à la locataire, il conviendrait d'appliquer un taux de 10% au vu des circonstances de l'espèce.

Les véritables perturbateurs étant les E______, ils se réservaient le droit de réduire leur dommage en agissant à leur encontre, raison pour laquelle ils avaient dénoncé l'instance à l'encontre des E______.

m. Lors de l'audience du 1er juin 2016 du Tribunal, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D______ a déclaré que lorsqu'elle avait visité l'appartement au mois de mars 2012, les travaux du CEVA venaient juste de débuter. Le chantier avait été installé mais n'était pas en pleine activité. Il était possible d'accéder facilement à l'immeuble. Lors de la visite, le bruit du chantier était supportable. Par la suite, depuis fin 2012, la situation avait radicalement changé et les nuisances étaient devenues insupportables. Les machines de chantier démarraient aux environs de 6h du matin, parfois même plus tôt, et cela durait jusque vers
17-18h, parfois jusqu'à 23h. Son appartement est situé au 1er étage, juste en face des travaux. Elle avait commencé une activité professionnelle le 1er mai 2013 et n'était pas dans l'appartement la journée, sauf le vendredi. Avant début 2013, elle n'avait pas de doléances particulières, raison pour laquelle elle ne s'était pas manifestée à la régie. Lorsqu'elle avait signé le contrat, elle n'imaginait pas l'ampleur des nuisances qu'elle aurait à supporter. Le niveau des nuisances était pour elle imprévisible.

B______ a déclaré que des appartements s'étaient libérés dans l'immeuble, certains à cause des travaux du CEVA. Ces appartements étaient restés vacants pour rénovation. Ils avaient ensuite été reloués à des conditions particulières, comprenant une réduction provisoire du loyer durant les travaux.

n. Le 16 août 2016, les bailleurs ont produit les baux conclus depuis le 1er avril 2012, dont les conditions sont les suivantes :

-          appartement de huit pièces au 1er étage pour un loyer de 5'000 fr. par mois du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2015 et de 6'200 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 19% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de huit pièces au 2ème étage pour un loyer de 4'800 fr. par mois du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2016 et de 5'800 par mois dès le 1er janvier 2017, soit une réduction provisoire de 18% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de huit pièces au 3ème étage pour un loyer de 5'910 fr. par mois dès le 16 août 2015,

-          appartement de huit pièces au 3ème étage pour un loyer de 4'800 fr. par mois du 16 septembre 2013 au 31 décembre 2015 et de 5'800 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 17% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de six pièces au 5ème étage pour un loyer de 4'200 fr. par mois du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2015 et de 5'200 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 19% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de huit pièces au 6ème étage pour un loyer de 5'570 fr. par mois dès le 16 juillet 2015,

-          appartement de six pièces au 5ème étage pour un loyer de 4'200 fr. par mois du 16 juillet 2015 au 31 décembre 2017 et de 5'200 par mois dès le 1er janvier 2018, soit une réduction provisoire de 19% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de huit pièces au 4ème étage pour un loyer de 4'000 fr. par mois du 16 juin 2013 au 31 décembre 2015 et de 6'500 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 38.5% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de deux pièces et demie à l'entresol pour un loyer de 1'400 fr. par mois,

-          appartement de cinq pièces et demie au rez-de-chaussée pour un loyer de 3'600 fr. par mois du 1er juin 2014 et jusqu'à nouvel avis, le loyer passant ensuite à 4'800 par mois, soit une réduction provisoire de 25% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de sept pièces au 7ème étage pour un loyer de 3'600 fr. par mois du 1er février 2013 au 31 janvier 2016, de 4'500 fr. du 1er février 2016 au 31 janvier 2017 et de 4'750 par mois dès le 1er février 2017, soit une réduction provisoire de 24%, respectivement de 5% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de huit pièces au 2ème étage pour un loyer de 4'800 fr. par mois du 16 janvier 2015 au 31 décembre 2016 et de 5'800 par mois dès le 1er janvier 2017, soit une réduction provisoire de 18% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de six pièces au 4ème étage pour un loyer de 4'000 fr. par mois du 1er février 2013 au 31 décembre 2015 et de 5'000 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 20% en raison du chantier du CEVA,

-          appartement de six pièces au 4ème étage pour un loyer de 4'000 fr. par mois du 1er mai 2014 au 31 décembre 2015 et de 5'000 par mois dès le 1er janvier 2016, soit une réduction provisoire de 20% en raison du chantier du CEVA.

o. Lors de l'audience du 22 novembre 2016, F______, ayant été en charge de la gestion de l'immeuble jusqu'à fin 2012 puis à nouveau depuis une année, a déclaré que les nouveaux baux comprenaient tous une réduction de loyer provisoire en raison des nuisances du chantier. Les baux étaient échelonnés, le premier échelon était fixé en 2018. Elle a également indiqué qu'en 2012 le chantier venait de démarrer et qu'il était donc moins important qu'actuellement.

B______ a déclaré que certains locataires avaient quitté l'immeuble en raison des nuisances et de la vue.

Le Conseil de la locataire, pour sa part, a précisé que sa mandante avait proposé de déménager dans un appartement aux étages supérieurs lorsque le chantier battait son plein. Malgré le fait que des appartements étaient libres, la régie avait refusé. Ces appartements avaient ensuite été reloués avec une réduction de loyer de sorte que sa mandante aurait pu de facto profiter d'une réduction de loyer.

p. Par plaidoiries finales du 15 décembre 2016 et par réplique du 3 janvier 2017, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D. L'argumentation juridique des parties sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de 1ère instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Code de procédure civile commentée, Bâle, 2011, n.13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Dans ses dernières conclusions de première instance, la locataire a conclu à une réduction de 50% de son loyer, soit une réduction de 2'500 fr. par mois à compter du 1er janvier 2013, sans limitation dans le temps. La requête en diminution de loyer pour diminution d'usage a été déposée le 2 février 2016.

La valeur litigieuse s'élève donc à tout le moins à 92'500 fr. (37 mois x 2'500 fr.) et est supérieure au montant de 10'000 fr. prévu à l'art. 308 al. 2 CPC, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Le jugement querellé a été rendu en procédure ordinaire par le Tribunal. C'est donc une décision finale de 1ère instance au sens de l'art. 308 al. 1 CPC.

1.3 L'appel et la réponse y relative ont été interjetées dans les délais et suivants les formes prescrits par la loi (articles 130, 131, 311 et 312 CPC).

1.4 L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC).

1.5 L'appel, la réponse et appel joint, ainsi que la réponse à appel joint ont été interjetés dans les délais et suivants les formes prescrites par la loi (art. 130, 131, 311, 312 et 313 CPC), de sorte qu'ils ont recevables.

1.6 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n° 2314 et 2416; Retornaz, Procédure civile suisse, les grands thèmes pour les praticiens. Neuchâtel 2010, p. 349 ss, n° 121).

1.7 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1)

1.8 L'instance d'appel peut administrer les preuves (art. 316 al. 3 CPC). Cette disposition ne confère toutefois pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. En particulier, l'instance d'appel peut rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire de l'appelant, si celui-ci a renoncé à l'administration d'un moyen de preuve régulièrement offert en première instance, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire, et ce, même lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire (ACJC/1529/2017 du 27 novembre 2017 consid. 1.4;
ATF 138 III 374 consid. 4.3.2).

Toute partie a droit à ce que le Tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile aux fins d'établir les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 et 152 al. 1 CPC). Par moyens de preuve adéquats, il faut comprendre ceux qui sont aptes à forger la conviction du juge sur la réalité d'un fait pertinent, autrement dit dont la démonstration peut avoir une incidence sur l'issue du litige. A cette adéquation objective s'ajoute une adéquation subjective, qui consisterait dans le fait qu'une preuve ne doit être administrée que si le juge n'est pas fondé à penser qu'elle est inutile, par exemple parce qu'il est déjà convaincu de l'existence ou de l'inexistence du fait à prouver. Un tel refus repose sur une appréciation anticipée de la preuve, qui est permise par la jurisprudence dans certaines limites et se rattache au thème plus général de la libre
appréciation (Schweizer, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 8 à 10 ad art. 152 CPC). Ce principe vaut même lorsque la maxime inquisitoire s'applique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2, 136 I 229 consid. 5.3 et 130 III 734 consid. 2.2.3; ACJC/1227/2017 du 2 octobre 2017 consid. 3.1.1).

En l'occurrence, reprenant ses conclusions préalables de première instance, l'appelante incidente sollicite derechef la production des états locatifs de l'immeuble sis ______ (GE), à compter du 31 décembre 2012, ainsi que la liste des périodes pendant lesquelles des appartements seraient restés vacants dans l'immeuble précité à compter du mois d'avril 2012.

Elle n'indique pas en quoi ces documents seraient pertinents, s'agissant d'un litige portant sur une réduction de loyer à raison de nuisances dues à un chantier.

Compte tenu de l'objet du litige, la Cour considère que les faits sont suffisamment instruits et que les pièces requises ne sont pas de nature, quelle que soit leur teneur, à influer sur l'issue de la cause.

Il ne sera par conséquent pas donné suite aux conclusions préalables de l'appel joint.

2. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé les art. 259ss CO en retenant l'existence d'un défaut et en se méprenant sur la notion de défaut. Ils reprochent également au Tribunal d'avoir violé l'art. 2 al. 2 CC en accordant une réduction de loyer à l'intimée.

2.1 Aux termes de l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée, et l'entretenir dans cet état.

La chose louée est défectueuse lorsqu'elle ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2).

Le bailleur répond en principe des défauts qui lui sont imputables même en cas de méconnaissance ou de comportement irréprochable, puisqu'il assume une obligation de garantie (Bohnet/Montini, Droit du bail à loyer, 2011, ad
art. 256 CO, n. 1).

De manière générale, les parties peuvent convenir, pour autant qu'elles le fassent expressément, d'un usage inférieur à la norme. Dans un tel cas, la chose ne disposera pas, au moment de sa remise, de toutes les propriétés requises pour un usage "normal". Mais alors le loyer doit tenir compte de cet élément (Bohnet/Montini, op. cit., n. 19, ad art. 256 CO).

Un usage de la chose inférieur à la norme doit trouver son reflet, de manière reconnaissable et proportionnelle, dans la fixation du loyer ou dans le calcul d'une indemnité à charge du bailleur (Thevenoz/werro, Commentaire romand du Code des obligations I, ad art. 256, §10).

La responsabilité du bailleur n'est pas engagée pour les défauts que le preneur connaissait lors de la conclusion du contrat ou qu'il aurait dû connaître en déployant l'attention commandée par les circonstances existant à l'époque de la conclusion initiale du contrat (arrêt du Tribunal fédéral du 24 septembre 1985, SJ 1986 p. 195; Jugement du Tribunal des baux du canton de Vaud du 23 janvier 2003 = Cahier du bail 2004, p. 58).

La doctrine n'est pas unanime quant aux conséquences à donner à la connaissance du défaut par le locataire lors de la conclusion du bail. Lachat estime que l'on ne peut pas considérer qu'un locataire qui ne réagit pas en constatant l'existence d'un défaut apparent est définitivement réputé avoir renoncé à s'en prévaloir (Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 218). Selon lui, il découle de l'art. 256 al. 1 CO que le bailleur est tenu de garantir au locataire un standard minimum de qualité de la chose louée; vu le caractère semi impératif de cette norme, le locataire ne peut pas valablement renoncer à ses exigences minimales de qualité (art. 256 al. 2 CO). LACHAT réserve le cas où la réaction du locataire serait à ce point tardive ou en contradiction avec son attitude lors de l'état des lieux d'entrée qu'elle constituerait un abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Le fait décisif est de savoir si le locataire était suffisamment renseigné au moment de la signature du bail au sujet des atteintes qui ont finalement justifié une réduction de loyer. Sauf modification considérable des circonstances, une demande en réduction de loyer devrait donc dans ce cas lui être refusée, au risque sinon de constituer un abus de droit (Bohnet/Montini, op. cit., n. 32, ad
art. 259d CO). Cependant, le fait qu'un locataire connaisse un défaut ne signifie pas forcément qu'il l'accepte dans toutes ses conséquences (art. 258 al. 2 CO). Une réduction de loyer est due s'il ne ressort ni du contrat ni des circonstances, que les parties aient tenu compte des nuisances pour fixer le loyer (Bohnet/Montini, op. cit., n. 32, ad art. 256 CO, n. 41 et ad art. 259d CO). Dans une telle hypothèse, afin qu'une telle convention soit valable, le locataire doit être conscient de l'étendue des travaux, des désagréments ainsi que de la moins-value qui s'en suit (qui correspond à la prétention en réduction de loyer); la renonciation est alors concrète et non abstraite; elle ne concerne toutefois pas ce qui dépasserait l'ampleur des travaux prévus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_269/2009 du 19 août 2009 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, la locataire avait certes connaissance du chantier du CEVA lorsqu'elle a signé le bail en avril 2012, puisqu'elle a visité l'appartement au mois de mars 2012. En effet, le chantier avait déjà commencé lorsque la locataire a visité l'appartement avant de signer le contrat et ce dernier mentionne clairement l'existence du chantier à l'article 11 des conditions particulières. Toutefois, il découle des enquêtes et notamment de son audition que lorsqu'elle a visité l'appartement au mois de mars 2012, le chantier du CEVA débutait. Le chantier, qui était installé mais pas en pleine activité. Il était possible d'accéder à l'immeuble facilement et de circuler quasi normalement. Les nuisances auditives et les vibrations étaient à l'époque supportables; par la suite, depuis fin 2012, la situation a radicalement changé, les nuisances étant devenues insupportables. La locataire n'était pas consciente de l'étendue des travaux et n'imaginait pas l'ampleur des nuisances qu'elle aurait à supporter. Le niveau de celles-ci étant selon elle imprévisible au moment de la signature du bail. Dans le cadre de son témoignage, F______a indiqué qu'en 2012 le chantier venait de démarrer et était moins important. La locataire a expliqué n'avoir jamais pu utiliser son balcon depuis la prise de bail en avril 2012. Il ne ressort pas du dossier que les parties aient tenu compte des nuisances liées au chantier dans la fixation du loyer. Au contraire, dans les contrats de bail conclus postérieurement pour d'autres appartements de l'immeuble, une réduction de loyer provisoire liée aux travaux du CEVA a été spécifiquement accordée. Cette réduction ressort clairement des baux produits par les bailleurs. Les nouveaux baux conclus pour des appartements de six pièces situés au 4ème étage font état d'un loyer de 5'000 fr. réduit temporairement à 4'000 fr., soit une baisse de 20%, et ceux situés au 5ème étage d'un loyer de 5'200 fr. réduit temporairement à 4'200 fr., soit une baisse de 19.2% en raison du chantier du CEVA. Le loyer de la locataire a quant à lui été fixé à 5'000 fr., alors que l'appartement se situe au 1er étage, soit à un niveau encore plus atteint par les nuisances du chantier. Finalement, les bailleurs n'allèguent pas que le loyer aurait été adapté au vu de la situation mais uniquement que la locataire avait été avertie de l'existence du chantier avant la signature du bail.

Par conséquent, le chantier du CEVA constitue un défaut de la chose louée.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé l'art. 2 al. 2 CC, en accordant une réduction de loyer à la locataire. L'intimée, quant à elle, reproche au Tribunal la quotité de la réduction de loyer qu'il a retenu, la qualifiant d'insuffisante.

3.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier.

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépend des circonstances du cas concret; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013); en l'absence de précision dans le bail, l'usage est apprécié objectivement selon toutes les circonstances du cas d'espèce, soit notamment le montant du loyer, la destination de l'objet loué, l'environnement des locaux, l'âge de l'immeuble et son état apparent, les normes usuelles de qualité et les règles de droit public applicables, ainsi que les usages courants (Lachat, op. cit., p. 216 ss; Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 ss; Higi, Zürcher Kommentar, no 28 ad art. 258 CO).

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilité de certaines entraves mineures inhérentes à l'usage de la chose qui ne constituent pas un défaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prévisions, elle devient un défaut (SJ 1985, p. 575).

Le défaut peut consister notamment dans les nuisances provenant d'un chantier, dans la privation de l'usage d'un ascenseur ou encore d'infiltrations d'eau (Lachat, op. cit., p. 220 -222).

Un chantier voisin peut ainsi engendrer un défaut dès lors que les nuisances qu'il provoque excèdent les inconvénients mineurs inhérents à la vie en milieu urbain (ACJC/234/2003 = CdB 2/2003 p. 54; Lachat, op. cit. p. 256).

Peu importe que les immissions de ce chantier (bruit, poussière, vibrations) échappent ou non à la sphère d'influence du bailleur (ACJC/1016/2017 du 28 août 2017, consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005, consid. 2.2; SJ 1997 p. 661).

Un défaut est grave lorsqu'il exclut ou entrave considérablement l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 258 al. 1 et 259b let. a CO). Tel est notamment le cas (…) lorsque le locataire ne peut pas habiter le logement ou ne peut pas faire usage des pièces importantes (cuisine, salon, chambre à coucher, salle de bains) pendant un certain temps (Lachat, op. cit. p. 225).

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258ss CO doit donc prouver l'existence du défaut (Lachat, op. cit. p. 248). Or, en vertu de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits et apprécie librement les preuves, étant précisé que les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Le Tribunal fédéral a précisé que la maxime inquisitoire sociale ne libère pas les parties de leur devoir de participer à l'établissement des faits et que ces dernières doivent donc participer activement à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2009 du 21 janvier 2010; ATF 125 III 231consid. 4a; 118 II 50 consid. 2a).

Le locataire qui omet d'aviser ou qui tarde à aviser le bailleur de l'existence d'un défaut n'est pas pour autant déchu de ses droits. Contrairement à ce qui est la règle en contrat de vente (art. 201 CO), l'avis immédiat de défaut ne constitue pas une condition sine qua non de l'action en garantie de la chose louée (ATF 113 II 25 consid. 2a).

La réduction du loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (Lachat, op. cit. p. 258). Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède en principe selon la méthode dite "proportionnelle". On compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre de prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit. p. 257).

Le fait qu'un chantier soit d'intérêt public signifie que les nuisances qui y sont liées doivent être tolérées et qu'il s'agit de perturbations inévitables qui excluent toute action en cessation de trouble. En revanche, ce fait n'exclut pas une réduction de loyer selon l'art. 259d CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C.377/2004 du 2 décembre 2004, consid. 2.2; Bohnet, Montini, op. cit., n. 36, ad art. 259d CO).

La réduction de loyer que peut exiger le locataire en application de l'art. 259d CO doit être proportionnelle au défaut et se détermine par rapport à la valeur de l'objet sans défaut. Elle vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c p. 394). Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entaché du défaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période, de sorte que les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à l'usage ne peuvent être fournies au jour le jour, le tribunal procède à une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; ACJC/1016/2017 du 28 août 2017, consid. 3.1; Burkhalter/Martinez-favre, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, p. 244; SJ 1997 p. 661, consid. 4a p. 665; arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005, consid. 2.3 et 2.4).

A cet égard, le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux prévues dans le contrat joue un rôle important (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012).

En matière de défauts liés à des nuisances provenant d'un chantier, les taux de réduction de loyer sont en général compris selon la casuistique entre 10% et 25%. Les cas où les nuisances sonores ont conduit à des réductions de loyer de 5% à 10% sont plutôt des situations de bruits intermittents qui, bien que gênants, n'empiètent généralement pas sur la période nocturne. Une réduction de 15% a également été retenue dans le cadre d'un chantier relatif à la construction d'un complexe de quatre immeubles à proximité de l'objet loué, en raison du bruit, de la poussière, des trépidations engendrées par de type de travaux; ce qui représentait une moyenne entre les périodes objectivement les plus pénibles et celles plus calmes (ACJC/550/2015 du 11 mai 2015 consid. 4.1; ACJC/202/2013 du 18 février 2013 consid. 6.1).

Le Tribunal fédéral a approuvé une réduction de 37% du loyer de locaux destinés à un cabinet d'ophtalmologie, en raison du bruit causé par deux chantiers proches, qui se sont déroulés successivement et, pour partie, cumulativement. Il paraît vraisemblable que la nécessité, pour le locataire, d'utiliser des appareils de précision en dépit du bruit, de la poussière et des trépidations a conduit à un pourcentage de réduction quelque peu plus élevé que si les locaux avaient été affectés au logement (arrêt du Tribunal fédéral 4C_377/2004 du 2 décembre 2004).

Le Tribunal fédéral a également confirmé une réduction de 60% du loyer pour des locaux loués à une agence de placement qui avait été empêchée de travailler normalement (arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005).

En matière de baux d'habitation, la Cour de justice a confirmé une diminution de loyer à hauteur de 20%, pris en tant que taux moyen, pendant une année et demie à l'occasion d'importants travaux entrepris sur les voies et les quais de la gare de Cornavin, situés à 30 mètres du logement de la locataire et effectués momentanément 24 heures sur 24 ou le week-end. S'y étaient ajouté le chantier du CEVA et la construction d'une nouvelle ligne de tramway également à proximité de l'immeuble. La Cour a notamment retenu que le bruit généré par les chantiers était sensiblement plus gênant que celui de la circulation routière et ferroviaire auquel l'appartement était exposé. Durant la période concernée, le repos des habitants du quartier avait été particulièrement affecté par des travaux effectués pendant la nuit ou le week-end (ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 4.2).

Dans un arrêt du 2 avril 2007 (ACJC/377/2007), la Cour de justice a accordé une réduction du loyer de 15% durant 18 mois, en lien avec la construction de la troisième voie de chemin de fer entre Genève et Coppet, à des locataires occupant une villa située en bordure de cette voie de chemin de fer. Elle a retenu l'importance du chantier, comportant des travaux de nuit, ainsi qu'un loyer relativement élevé, mais aussi les nuisances préexistantes inhérentes à une habitation en bordure d'une voie ferrée très fréquentée.

Dans le cadre d'une demande de réduction du loyer pour nuisances dues à un chantier voisin, c'est en règle générale par les plaintes des locataires que le bailleur est informé du caractère excessif des nuisances; à défaut de plaintes, le bailleur, même s'il connaît l'existence du chantier, ne peut en déduire qu'il s'agit d'un défaut. Il appartient au locataire qui entend se prévaloir dudit défaut de prouver la date à laquelle le propriétaire a eu connaissance des inconvénients fondant sa demande de réduction (art. 8 CC; ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 5.2).

3.2 En l'occurrence, les travaux du chantier du CEVA ont lieu à proximité immédiate de l'immeuble habité par la locataire. De plus, son appartement est situé au premier étage et donne directement sur la rue ______.

Les travaux ont généré du bruit, parfois difficile à supporter, des vibrations et de la poussière. Ils ont également péjoré le cadre de vie environnant l'immeuble, notamment par la coupe des arbres, le creusement des trous, la disparition de places de parking et la suppression de l'accès direct au bâtiment avec une voiture.

La locataire a déclaré avoir commencé une activité lucrative le 1er mai 2013 et ne pas être présente dans son appartement la journée, à l'exception du vendredi.

Bien que la locataire n'ait pas produit de documents démontrant avec précision l'ampleur des nuisances, ces dernières ne peuvent être niées, notamment au vu de l'envergure du chantier. Les fiches d'information du CEVA produites par les bailleurs permettent de comprendre l'ampleur des travaux à entreprendre, tant dans leur durée que dans leur intensité.

Du reste, l'ampleur des nuisances n'a pas été contestée par les bailleurs, qui ont même spontanément procédé à des réductions de loyer, à compter de 2013, pour les nouveaux baux, et ce en raison des nuisances liées au chantier du CEVA.

On ne saurait soutenir que les nuisances découlant de ce chantier sont des nuisances "inévitablement liées à la vie urbaine". Ces nuisances ont été prises en compte dans la conclusion des nouveaux baux, des réductions de loyer d'une moyenne de 20% ayant été accordées. Pour l'appartement au 1er étage, une réduction de 19% a été accordée par les bailleurs. Pour les appartements situés au 2ème étage, c'est une réduction de 18% qui a été octroyée. Les appartements de six pièces situés entre le 4ème et le 5ème étage ont bénéficié d'une réduction oscillant entre 19 et 20%.

Par conséquent, le principe d'une réduction de loyer fondée sur l'art. 259d CO doit être admis. Au vu des éléments et au regard de la jurisprudence, le Tribunal n'a pas violé l'art. 2 al. 2 CC en octroyant une réduction de loyer de 19%.

Concernant le moment à partir duquel la réduction de loyer doit être accordée, correspondant au moment où le bailleur a eu connaissance du défaut (art. 259d CO), la locataire a établi avoir signifié le défaut aux bailleurs le 7 février 2013. Toutefois, il ressort de son courrier du 7 février 2013, qu'elle avait déjà fait part de ses doléances par entretien téléphonique avec la régie. En outre, le fait que les bailleurs aient spontanément opéré une réduction de loyer à compter du 1er février 2013 pour un des contrats de bail conclu, démontre que le bailleur était informé de la situation et des nuisances à tout le moins à partir du 1er février 2013. Actuellement, le chantier du CEVA est toujours en cours. Les bailleurs ont spontanément accordé des réductions de loyers et F______ a expliqué que les nouveaux baux comprenaient tous une réduction de loyer provisoire, les baux étant échelonnés avec le premier échelon en 2018. Toutefois et comme le relève le Tribunal, l'ampleur des nuisances futures n'est à ce stade pas démontrée par la locataire. Néanmoins, sachant que la mise en service de la liaison ferroviaire est prévue pour fin 2019, les nuisances sont encore présentes. La période de réduction de loyer sera dès lors arrêtée au moment où la présente cause a été gardée à juger, soit le 9 août 2017. Le jugement sera réformé sur ce point (art. 318 al. 1 let. b CPC).

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 mars 2017 par B______ et A______ et l'appel joint formé le 10 avril 2017 par D______, contre le jugement JTBL/97/2017 du 2 février 2017 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8438/2015.

Au fond :

Confirme les chiffres 1, 3 et 4 du dispositif de ce jugement.

Annule le chiffre 2 du dispositif dudit jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Réduit le loyer de l'appartement de six pièces situé au premier étage de l'immeuble sis ______ (GE), de 19% du 1er février 2013 au 9 août 2017.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

 

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente, Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Bertrand REICH, Madame Laurence MIZRAHI, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.