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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/24242/2019

ACJC/466/2022 du 04.04.2022 sur JTBL/534/2021 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.256; CC.2.al2; CO.259d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24242/2019 ACJC/466/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 4 AVRIL 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 juin 2021, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/534/2021 du 7 juin 2021, communiqué aux parties par pli du 17 juin 2021, le Tribunal des baux et loyers a débouté A______ des fins de sa requête en réduction de loyer et indemnité pour tort moral (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 3 août 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également : la locataire) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Elle conclut à ce que la B______ soit condamnée à lui verser la somme de 10'972 fr.

b. Dans sa réponse du 3 septembre 2021, la B______ (ci-après également : la bailleresse) conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique du 27 septembre 2021, l'appelante a persisté dans ses conclusions.

d. L'intimée n'ayant pas dupliqué, les parties ont été avisées le 25 octobre 2021 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. Le 14 mars 2007, la B______, bailleresse, et A______ et C______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de cinq pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis 1______ au D______, aussi appelé Foyer E______.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 et s'est renouvelé tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.

Le loyer annuel a été fixé à 17'742 fr., charge de téléréseau de 258 fr. par an non comprise.

b. Par avenant du 26 novembre 2008, les parties ont convenu que le bail se poursuivrait au seul nom de A______.

c. En septembre 2012, la bailleresse a obtenu l'autorisation de transformer et rénover le bâtiment litigieux, les travaux étant confiés à F______ SA.

d. Par courrier du 15 septembre 2015, la bailleresse a déclaré vouloir résilier le contrat de bail de la locataire pour le 31 mars 2016, au motif qu'elle devait trouver de nouveaux logements pour accueillir les enfants, adolescents et jeunes adultes dans le besoin, conformément à son but.

Aucune suite n'a été donnée à ce courrier, qui n'était pas accompagné d'un avis officiel de résiliation de bail.

e. Par avis de résiliation du 24 mars 2016, la bailleresse a résilié le contrat de bail de A______ pour le 31 mars 2016, puis a indiqué le 4 avril 2016 que le motif de la résiliation résidait dans le fait que des travaux de rénovation allaient être réalisés dans tous les foyers E______ et que ces derniers seraient repris pour accueillir des enfants et des adolescents.

A______ a contesté ce congé.

f. Par avis du 21 avril 2016 adressé « aux voisins des foyers E______ », la bailleresse a exposé qu'elle allait rénover ceux-ci et que les travaux débuteraient mi-avril 2016 et dureraient environ trois ans. Ils consistaient en la rénovation de tous les bâtiments, le changement de la chaufferie, le rafraichissement des façades et la remise aux normes des garde-corps, des escaliers, etc.

g. La bailleresse a avisé les locataires des foyers E______ le 7 juin 2016 que le remplacement de la chaudière débuterait la semaine d'après et s'étendrait sur plusieurs semaines. Ce remplacement occasionnerait inévitablement quelques désagréments, même si tout était mis en œuvre pour limiter au maximum l'impact de ces travaux.

Dans le cadre des travaux, des coupures d'eau devraient avoir lieu, lesquelles seraient annoncées 48 heures à l'avance et ne dureraient par plus d'une demi-journée.

h. Le 29 septembre 2016, la bailleresse a informé A______ que, durant la durée du chantier du bâtiment, l'eau, le chauffage et sans doute l'électricité seraient régulièrement coupés (voire totalement). Une importante poussière serait également présente, sans parler du bruit. Il lui était ainsi suggéré de voir avec son avocat ce qu'elle pouvait faire pour accepter la proposition de déménagement temporaire, habiter sur place n'étant pas possible.

i. A______ a requis le 14 octobre 2014 des mesures provisionnelles tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la bailleresse d'exécuter des travaux dans l'immeuble litigieux.

A l'audience du 10 novembre 2016 dans cette procédure, la bailleresse a précisé la teneur de son courrier du 29 septembre 2016, en ce sens qu'il n'y avait eu qu'une petite interruption de chauffage pour changer le brûleur et qu'au jour de l'audience, aucune nouvelle coupure de chauffage, d'eau ou d'électricité n'était prévue. Elle s'est engagée à ne pas affecter l'appartement de A______ par des coupures d'eau, de chauffage ou d'électricité, précisant toutefois que les travaux prévus impliquaient le changement des fenêtres pendant une journée dans le premier trimestre de l'année 2017. Elle s'est également engagée à ne pas entreprendre les travaux relatifs au mur antisismique tant que l'appartement serait occupé par la locataire.

A______ a admis avoir reçu en été 2016 une proposition de relogement provisoire dans un autre appartement pendant les travaux, avant de pouvoir réintégrer son logement après les travaux, avec une prolongation de bail jusqu'au 31 décembre 2017. Dans la mesure où elle était enceinte à l'époque, elle ne pouvait cependant pas envisager trois déménagements successifs. De plus, au vu de la procédure de contestation de congé, son avocat lui avait déconseillé d'accepter cette proposition.

L'accord suivant entre les parties a été homologué par le Tribunal :

« La B______ s'engage à ne procéder à aucuns travaux dans l'appartement de la requérante aussi longtemps que celle-ci l'occupera, et à prendre toutes précautions pour que les conditions de sécurité et de salubrité pendant la durée des travaux dans l'immeuble soient respectées. En particulier, elle s'engage à faire en sorte qu'il n'y ait aucune coupure autre que momentanée, et moyennant un avertissement préalable, des services d'eau, de chauffage et d'électricité. Elle s'engage également à prévenir la requérante au minimum 15 jours à l'avance de la date à laquelle les travaux de remplacement des fenêtres auront lieu. »

j. Par courrier du 8 février 2017, F______ SA a informé A______ que le changement de ses vitrages débuterait le mercredi 8 mars 2017 et se terminerait le vendredi 11 (recte : 10) mars 2017. Un déplacement de radiateur serait également effectué afin de pouvoir mettre les fenêtres dans les meilleures conditions. De ce fait, une coupure de chauffage aurait lieu dans la journée du vendredi, étant précisé que tous les vitrages seraient remis en place le soir afin d'être hors d'air. Son balcon serait aussi traité contre la rouille. Enfin, une coupure générale d'électricité de tous les foyers se ferait le 27 mars 2017 de 7h30 à 19h. Durant ces interventions, il était possible que A______ subisse des nuisances sonores.

k. A______ a été informée le 1er mars 2017 qu'une coupure de chauffage aurait lieu du 6 mars au 15 mars 2017 et qu'un chauffage d'appoint serait mis à sa disposition.

l. Par jugement du 16 mars 2017, le Tribunal a validé le congé, dont les effets étaient reportés au 31 mars 2017, a octroyé à A______ une unique prolongation de bail de trois ans, échéant au 31 mars 2020 et l'a autorisée à résilier le bail en tout temps, moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d'un mois.

m. Le 27 mars 2017 a eu lieu l'échange de la cabine basse tension, nécessitant une coupure de courant électrique.

n. L'installation de panneaux solaires a débuté le 26 juin 2017, ce dont les voisins des foyers E______ avaient été informés le 19 juin 2017.

o. Par pli du 6 juillet 2017, F______ SA a averti A______ que des travaux allaient être effectués devant l'entrée de son appartement à partir du 17 juillet 2017. Il lui était rappelé que, lors d'un entretien avec la bailleresse, elle avait indiqué qu'elle serait en vacances du 15 juillet au 15 août, mais que sa fille serait présente dans l'appartement. Deux solutions de logement lui avaient été proposées pour sa fille, afin de permettre d'effectuer les travaux dans les meilleures conditions. Cependant, A______ avait répondu que sa fille préférait rester dans l'appartement. La bailleresse et la direction des travaux déclinaient toute responsabilité en cas d'accident, ayant précisé qu'ils feraient le maximum pour que sa fille soit en sécurité pendant ces travaux.

p. Le contrat de bail a pris fin le 15 mars 2019, A______ ayant trouvé une solution de relogement.

q. Par courrier du 27 avril 2019, A______ a adressé à la bailleresse une proposition de dédommagement en raison des préjudices et des nuisances subis pendant les travaux de juin 2016 à février 2018, à savoir les bruit, poussière, échafaudages, interventions autorisées/annoncées ou non, coupures d'eau, d'électricité, de chauffage, de téléphone, sollicitations multiples du directeur du foyer et du conducteur des travaux. Elle sollicitait une réduction de loyer de 35% de juin 2016 à février 2018, soit un montant de 10'973 fr., ainsi que 10'000 fr. à titre de dommages-intérêts pour tort moral (2'000 fr. pour chacune de ses filles et pour elle-même). Elle demandait également que sa garantie de loyer soit libérée.

r. Sans réponse, A______ a mis en demeure la bailleresse de libérer la garantie bancaire en sa faveur et de lui verser la somme de 10'973 fr. 55 dans un délai de dix jours.

s. Par requête déposée le 21 octobre 2019 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, non conciliée à l'audience du 10 décembre 2019 puis portée devant le Tribunal le 8 janvier 2020, A______ a assigné la bailleresse en réduction de loyer et indemnité pour tort moral.

Elle a conclu à la réduction du loyer de 35% de juin 2016 à février 2018, à la condamnation de la bailleresse à lui verser le montant de 1'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2017 à titre d'indemnité pour tort moral et la somme de 10'972 fr. avec intérêts à 5%.

A l'appui de sa requête, elle a allégué que, malgré l'engagement pris par la bailleresse le 10 novembre 2016, cette dernière avait entrepris divers travaux dans l'appartement ne figurant pas dans l'accord. Ainsi :

-          Le bac à fleurs avait été vidé et elle n'avait plus pu l'utiliser depuis le 12 janvier 2017.

-          Le garde-corps du balcon avait été retiré le 18 avril 2017. Après le démontage des échafaudages en août 2017, une simple planche de chantier avait été installée en guise de garde-corps. Les 13 et 14 novembre 2017, une barrière définitive avait été installée.

-          Les storistes étaient intervenus les 9 et 10 mars 2017, puis du 19 au 27 avril 2017 pour procéder au changement des stores.

-          En 2017, la porte d'entrée de l'appartement avait été changée. Quatre interventions avaient été nécessaires, des mesures ayant été mal prises.

-          Le chauffagiste était intervenu le 13 décembre 2017 pour la remise en fonction du chauffage.

-          Le 7 décembre 2017, un électricien avait informé A______ qu'il devait procéder au changement du panneau électrique de l'immeuble la semaine suivante et que l'électricité serait coupée durant plusieurs jours. Il lui avait proposé d'installer un panneau électrique provisoire dans le logement.

Les principaux inconvénients allégués par A______ résidaient dans des nuisances sonores, la présence d'une importante poussière, la perte de lumière, de visibilité et d'intimité due aux échafaudages du 14 décembre 2016 à août 2017, un sentiment d'insécurité, la privation de l'usage du balcon en raison des échafaudages, la suppression de la buanderie, les coupures d'électricité, la privation intermittente d'eau, la suppression temporaire de la ligne téléphonique et de l'accès à internet du 9 au 20 septembre 2017, l'absence de chauffage du 6 mars au 20 mars 2017 puis du 18 septembre au 15 décembre 2017, la suppression de la lumière dans le bâtiment et la suppression de la sonnette de la porte d'entrée.

A______ a soutenu avoir dû intervenir régulièrement auprès des entreprises et des ouvriers pour leur rappeler sa présence. Elle n'avait jamais été informée de la date des interventions des entreprises, notamment des sous-traitants. Trois chauffages d'appoint avaient été mis à sa disposition lors des coupures de chauffage. La période des travaux avait été un « enfer » pour elle en raison du comportement de la bailleresse et de l'entreprise mandatée par cette dernière qui n'avaient eu de cesse de tenter de la contraindre par tous les moyens à quitter son appartement, alors même qu'elle n'avait aucune solution durable de relogement.

t. Dans sa réponse du 22 mai 2020, la bailleresse a conclu au rejet de la requête, relevant que A______ avait délibérément choisi de demeurer dans son logement pendant les travaux effectués dans l'immeuble, en dépit des propositions de relogement qui lui avaient été faites. Depuis l'accord trouvé entre les parties le 10 novembre 2016, elle avait plus eu de nouvelles de A______, laquelle ne s'était plainte d'aucune nuisance, de sorte qu'elle avait considéré que les travaux ne lui causaient aucune nuisance majeure.

S'agissant des défauts invoqués, elle a indiqué que le balcon avait été sécurisé par un panneau de coffrage lors du retrait du garde-corps et que le mois de mars 2017, lors duquel le chauffage avait été coupé et remplacé par trois chauffages d'appoint, avait été le plus chaud depuis mars 1994.

u. A l'audience du Tribunal du 13 octobre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Lors de son interrogatoire, A______ a admis avoir reçu deux propositions de relogement de la bailleresse, une en juillet 2016 et l'autre en janvier 2017, soit pendant la procédure de contestation de congé. Ces propositions étaient subordonnées à la condition de quitter définitivement le logement, le 31 décembre 2017 pour la première proposition et le 30 juin 2018 pour la seconde. Elle ne les avait pas acceptées du fait qu'elle était dans l'attente de la décision du Tribunal. Elle avait eu connaissance du motif du congé en mars 2016, sans connaître l'ampleur des travaux. Tout le bâtiment avait été en chantier et des travaux d'étanchéité avaient eu lieu juste au-dessus de son appartement. S'agissant des travaux dans son logement, ils avaient consisté en le changement des fenêtres et de la porte d'entrée de l'appartement et à des travaux sur le balcon notamment pour boucher les bacs à fleurs. Comme prévu, elle avait reçu un avis lors du changement des fenêtres. Le chauffagiste avait mis à deux reprises des annonces sur une petite affiche. Elle avait parfois été mise devant le fait accompli pour les coupures d'eau, qui pouvaient durer jusqu'à une demi-journée. Elle avait fini par s'accoutumer aux nuisances. Elle avait eu une coupure de téléphone et d'internet pendant trois semaines et avait dû faire elle-même les démarches pour en trouver l'origine. Tous les courriers d'avis ne lui avaient pas nécessairement été adressés directement et lui avaient été donnés parfois par les voisins. Quand l'immeuble avait été vidé, elle n'avait plus reçu de communications. A deux reprises, trois chauffages d'appoint avaient été mis à sa disposition à sa demande auprès du concierge lors du changement des fenêtres et à fin 2017 durant trois mois. La bailleresse avait proposé à sa fille d'occuper un studio pendant les travaux en été 2017 lors du remplacement de la porte d'entrée de l'appartement. Elle-même et sa fille avaient toutefois refusé cette proposition, se prévalant du droit de rester dans l'appartement. Il y avait eu comme nuisances du bruit, de la poussière et des vibrations. Elle avait été informée de la possibilité de demander une réduction de loyer en consultant le code des obligations mais elle avait attendu la fin du bail pour la demander, devant se refaire une santé avant d'entamer une nouvelle procédure.

G______, directeur de la bailleresse et qui était sur place durant le chantier, a relevé qu'il n'avait pas reçu de plaintes de la part de A______ ni de demande de réduction de loyer. Les locataires avaient été avisés des travaux d'envergure par courrier du 21 avril 2016. De ce fait, la bailleresse avait fait une proposition de relocation dans un appartement plus grand avec un aménagement pour le loyer et la prise en charge du déménagement. Elle avait également proposé de reloger la fille de la locataire pendant l'été. Elle avait adapté le chantier au rythme des vacances de A______.

v. Le Tribunal a encore entendu la bailleresse à l'audience du 15 décembre 2020.

G______ a déclaré que les travaux consistaient en la réfection de l'étanchéité, de la toiture, des fenêtres, de la plomberie et de l'électricité. A______ lui avait répondu directement en refusant les propositions de relogement sur conseil de son avocat, lequel lui avait déconseillé d'accepter ces propositions.

Puis, le Tribunal a entendu quatre témoins lors de la même audience.

H______, administrateur de F______ SA, a déclaré qu'il avait avisé A______ des interventions dans son appartement et des éventuelles coupures, notamment de chauffage. Il n'avait pas reçu personnellement de plaintes de sa part ni de courriers dans ce sens et ignorait si ces collaborateurs en avaient reçus.

Les filles de A______ et son compagnon ont déclaré que les travaux avaient causé des nuisances comme du bruit, de la poussière et une perte de luminosité et d'intimité. Il y avait eu des problèmes de chauffage pendant l'automne et l'hiver, l'accès à l'allée et à l'appartement était difficile, la buanderie avait été supprimée, ils n'avaient plus eu accès au balcon et il y avait eu des coupures d'électricité dans l'allée et des problèmes de débit et température de l'eau.

I______, fille aînée de A______, a ajouté avoir refusé de s'installer dans le studio proposé, car elle n'avait pas envie de quitter ses repères.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné l'ouverture des plaidoiries orales.

w. A l'audience du 26 janvier 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, puis la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, l'appelante a conclu au versement d'un montant en capital de 11'972 fr., de sorte que la valeur litigieuse est donc supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans les délais et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L'appelante fait griefs au Tribunal d'avoir constaté inexactement les faits et violé les art. 2 al. 2 CC et 259d CO.

2.1 Selon l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de l'entretenir dans cet état. En vertu de l'art. 259a CO, lorsqu'apparaissent des défauts de la chose louée qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il n'est pas tenu de remédier à ses frais ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut notamment exiger du bailleur la remise en état de la chose (let. a) et une réduction proportionnelle du loyer (let. b). Si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier (art. 259d CO).

Le défaut peut consister notamment dans les nuisances provenant d'un chantier, dans la privation de l'usage d'un ascenseur ou encore d'infiltrations d'eau (LACHAT/RUBLI, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 266ss).

Dès qu'il est informé de l'existence d'un défaut, le bailleur doit y remédier de sa propre initiative et dans un délai raisonnable, la durée de ce délai dépendant des circonstances du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2015 du 11 janvier 2016 consid. 4.3.3.; LACHAT/RUBLI, op. cit., p. 308).

Dans le cas particulier que constituent les travaux de rénovation, le bailleur a connaissance du défaut que subira le locataire dès qu'il prend la décision de rénover (RIZZOLIO, Les travaux de rénovation et de modification de la chose louée entrepris par le bailleur, analyse de l'art. 260 CO, Thèse, 1998).

2.2 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.

Le comportement contradictoire forme une des catégories d'actes susceptibles de constituer un abus de droit. Commet ainsi un abus de droit la personne qui, par son comportement initial, inspire à autrui une confiance digne de protection qui est ensuite trahie par des comportements ultérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 du 13 décembre 2018 consid. 4.2.1; ATF 143 III 666 consid. 4.2).

Une faute de l'auteur des actes contradictoires n'est pas nécessaire; il suffit que par son comportement interprété normativement, il ait suscité une confiance légitime qui est ensuite déçue (arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 op. cit. consid. 4.2.1; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, in Berner Kommentar, 2012, nos 269 et 271 ad art. 2 CC).

Est notamment digne de protection la confiance de celui qui, sur la base de l'attitude initiale de son partenaire, a pris des dispositions qui se révèlent ensuite désavantageuses en raison du revirement d'attitude (ATF 125 III 257 consid. 2a; 121 III 350 consid. 5b; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 273 ad art. 2 CC).

L'adoption de comportements parfaitement incompatibles peut constituer un abus de droit même si ce procédé ne trahit pas d'attentes légitimes, dans la mesure où un intérêt digne de protection entre en considération (ATF 138 III 401 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_311/2010 du 6 septembre 2010 consid. 3.3; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 278 ad art. 2 CC).

Le simple fait d'attendre avant de faire valoir son droit dans le délai de prescription ne suffit généralement pas encore pour retenir un abus de droit. Il faut que s'ajoutent des circonstances particulières. Il en est notamment ainsi lorsqu'on peut inférer avec certitude du silence du créancier qu'il renoncera à faire valoir son droit, ou lorsque l'exercice tardif entraîne de façon reconnaissable des inconvénients pour autrui (arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2019 du 19 août 2019 consid. 3.1.3; ATF 131 III 439 consid. 5.1; 127 III 357 consid. 4c/bb; 106 II 320 consid. 3b; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 283 ad art. 2 CC).

La question d'un abus de droit doit se résoudre au regard des circonstances concrètes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remède destiné à éviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier à une injustice flagrante. L'emploi dans le texte légal du qualificatif « manifeste » démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2019 op. cit. consid. 3.1.3; ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1).

2.3 Concernant l'abus du droit d'exiger une réduction de loyer pour les défauts de la chose louée (art. 259d CO), la jurisprudence a posé les principes suivants :

Le locataire qui exerce les droits découlant de la garantie des défauts doit se conformer aux règles de la bonne foi. Dans la mesure où il adopte un comportement passif pouvant s'interpréter comme une renonciation tacite à faire valoir ses droits, il contrevient à l'art. 2 al. 2 CC s'il réclame ensuite une réduction de loyer (ATF 130 III 504 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_320/2018 op. cit. consid. 4.2.1; 4A_621/2014 du 24 mars 2015 consid. 3.1; 4A_490/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2.3; 4A_565/2009 du 21 janvier 2010 consid. 2.2.2 et les références citées). On ne saurait retenir une renonciation tacite s'agissant d'une locataire qui a certes exigé une réduction de loyer plus de six ans après avoir eu connaissance d'un défaut affectant une climatisation, mais qui s'est plainte de dysfonctionnements de façon régulière et à toutes les périodes de l'année (ATF 130 III 504 consid. 5.2).

Dans un arrêt de principe rendu en 2016, il a été jugé qu'une réduction de loyer peut être exigée même après que le défaut a été éliminé ou que le bail a pris fin (ATF 142 III 557 consid. 8.3.5). Le Tribunal fédéral a toutefois réservé l'art. 2 CC (cf. ATF 142 III 557 consid. 8.3.4), en précisant que la protection de la confiance légitime du bailleur peut exclure une demande de réduction du loyer. Même si, d'un point de vue objectif, l'apparition d'un défaut rompt l'équilibre qui existait initialement entre le loyer convenu et l'état de la chose louée, le locataire ne le perçoit pas nécessairement ainsi; il se peut aussi qu'il s'accommode tout d'abord du défaut, puis le trouve gênant avec le temps. Le bailleur ne peut être fixé sur le ressenti subjectif d'un déséquilibre que si le locataire exige une réduction de loyer, ou s'il fait clairement comprendre que le défaut le dérange, par exemple en exigeant son élimination (il existe en effet un lien étroit entre la réduction de loyer et l'élimination du défaut (ATF 142 III 557 consid. 8.3.2). Lorsqu'aucune de ces deux hypothèses n'est vérifiée, le bailleur peut légitimement se fier au fait que le locataire, malgré le défaut, tient l'échange de prestations pour équilibré, et que les loyers payés sans réserve ne seront pas ultérieurement réduits (ATF 142 III 557 consid. 8.3.4). En l'occurrence, les locataires avaient exigé plusieurs fois l'élimination du défaut et avaient ainsi fait comprendre que le défaut les dérangeait (ATF 142 III 557 consid. 8.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 op. cit. consid. 4.2.1).

2.4 En l'espèce, il n'est pas contesté que les travaux litigieux ont occasionné les nuisances habituelles d'un chantier de ce type, notamment en termes de bruit et de poussière, susceptibles de causer un défaut à la chose louée.

Cela étant, le Tribunal a retenu à raison que l'intimée avait résilié le contrat de bail à loyer pour éviter à l'appelante de subir les nuisances découlant des travaux et que cette dernière avait sollicité et obtenu la prolongation de son bail en connaissance de cause.

C'était dans ce cadre, selon le Tribunal, que les parties avaient convenu l'accord du 10 novembre 2016 permettant à l'intimée de poursuivre les travaux dans l'immeuble en présence de l'appelante et en limitant ceux dans l'appartement de cette dernière, qui l'avait voulu et accepté.

Les premiers juges ont considéré que, depuis cet accord et contrairement aux cas précités traités par le Tribunal fédéral, l'appelante ne s'était jamais plainte à l'intimée des nuisances subies, alors même qu'elle était assistée d'un conseil. Il en découlait que l'intimée pouvait penser de bonne foi que la locataire s'était accommodée des nuisances et renonçait tacitement à faire valoir tout droit en lien avec les travaux, ce d'autant plus qu'elle avait refusé les logements de remplacement proposés.

Ainsi, le Tribunal a, à juste titre, retenu que l'appelante, en réclamant une réduction de loyer plus d'une année après la fin alléguée des nuisances et un mois et demi après la fin du bail, avait contrevenu à l'art. 2 al. 2 CC et rejeté ses conclusions en réduction de loyer.

L'opinion des premiers juges doit être suivie. Elle est corroborée par le fait que la fille aînée de l'appelante, alors absente avec le reste de sa famille, avait également refusé de s'installer dans un studio proposé par l'intimée pour éviter de subir les nuisances durant l'été 2017, car elle n'avait pas envie de quitter ses « repères » et se prévalant, comme sa mère, du droit de rester dans l'appartement.

En outre, l'appelante n'a pas mentionné ses droits à une réduction de loyer dans le cadre de l'accord du 10 novembre 2016, pouvant légitimement laisser penser l'intimée à une renonciation tacite à une telle réduction, aucune plainte ni demande de réduction n'ayant été formulée par l'appelante jusqu'à la fin du bail.

L'appelante avait pourtant su être proactive avant l'accord susmentionné en contestant son congé et en demandant une prolongation de bail, puis en déposant des mesures provisionnelles ou, plus simplement, pendant les travaux, en obtenant par exemple des chauffages d'appoint.

Enfin, le chantier a été adapté au rythme des vacances de l'appelante et celle-ci a confirmé au Tribunal qu'elle avait fini par s'accoutumer aux nuisances, ce que pouvait également penser de bonne foi l'intimée.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 août 2021 par A______ contre le jugement JTBL/534/2021 rendu le 7 juin 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/24242/2019-1-OSD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.