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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/774/2023

ATAS/385/2024 du 29.05.2024 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/774/2023 ATAS/385/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 mai 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. À teneur du registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC), Monsieur A______ (ci-après : l’associé) était associé-gérant de B______ Sàrl (ci-après : la société) avec signature individuelle dès sa création. Cette dernière a été inscrite le 20 novembre 2002 et avait pour but de « créer et animer une école et salle de billard avec zone internet, salle de jeux (vidéos), karaoké, snack avec petite restauration et un centre sportif».

b. La société a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 8 août 2019.

c. La procédure de faillite a été suspendue faute d’actifs par jugement du Tribunal de première instance du 26 septembre 2019, la société a été radiée le 10 février 2020.

B. a. La société était affiliée auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER-CIAM 106.1 (ci-après : la caisse), ce qui l’a conduit à lui notifier des décisions s’agissant des cotisations sociales.

b. Notamment, par décision du 1er novembre 2017, la caisse a fixé les cotisations dues par la société pour le mois d’avril 2017, le décompte comprenant également des frais de sommation.

Par décision du 4 avril 2018, la caisse a fixé les cotisations pour janvier 2018, le décompte incluant les fais de sommations.

Les cotisations du mois de mars 2018 ont été facturées par décision du 30 mai 2018, celle-ci comprenant également les frais de sommation et deux amendes.

Ces décisions n’ont pas fait l’objet de contestation.

c. A défaut de paiement, la caisse a entrepris des démarches auprès des autorités de poursuites.

Le 19 février 2019, la caisse s’est vu délivrer trois procès-verbaux valant actes de défaut de biens portant sur les trois décisions précitées. Au total, les actes de défaut de biens comptabilisaient la somme de CHF 3'889.55, frais de sommation et poursuites ainsi qu’intérêts et amendes inclus.

d. Par courrier de sa fiduciaire du 14 août 2019, l’associé a demandé le recalcul des cotisations pour les années 2017 à 2019 ainsi que la notification d’un décompte définitif afin de proposer un arrangement de paiement, étant précisé qu’il était sans revenu. Il expliquait être le seul employé de la société depuis un certain temps. Il avait été en incapacité de travail à 50% en janvier 2017, année durant laquelle le bail à loyer avait été résilié, ce qui l’avait plongé dans une sévère dépression entraînant une incapacité de travail dès mars 2018. Il avait mis fin à l’exploitation de la société le 26 octobre 2018. Il était en litige avec l’assurance perte de gain, étant précisé que, vu son état de santé, il n’avait pas repris d’activité lucrative. La société allait être mise en faillite judiciaire.

e. Par courrier du 30 octobre 2019, la caisse a informé l’associé avoir comptabilisé la déclaration de salaire de 2019. Elle lui adressait un décompte détaillé des sommes dues. Elle développait que le montant de la part dite « pénale » des cotisations, soit celle pouvant faire l’objet d’une dénonciation pénale s’élevait à CHF 6'479.65 pour les périodes d’avril 2017, du bouclement d’acomptes 2017, de janvier à novembre 2018. Un délai était accordé pour régler cette somme, à défaut de paiement, la procédure pénale serait engagée. Il était précisé que le solde des cotisations dues était de CHF 15'596.50, montant qui avait été produit devant l’office des faillites. La caisse soulignait qu’avant la faillite de la société, elle s’était vu délivrer des actes de défaut de biens. Subissant un dommage, elle devrait en demander réparation aux organes responsables au sens de l’art. 52 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), ce pour la totalité des sommes dues. En annexe était joint le récapitulatif détaillé des montants dus totalisant la somme de CHF 15'596.50.

f. Par courrier du 29 novembre 2019, la caisse a informé que, au vu de sa position d’associé gérant et à défaut de nouvelles de sa part, elle allait être contrainte de déposer plainte pénale et d’agir auprès du département de la solidarité et de l’emploi pour soustraction de cotisations. Un ultime délai était accordé afin qu’il s’acquitte de la dette. En annexe était produit le décompte détaillé des montants dus par la société, lesquels s’élevaient à CHF 15'596.50.

g. Par mail du 2 décembre 2019, l’associé a fait état de sa situation financière précaire et a proposé un arrangement de paiement sous la forme de mensualités de CHF 50.- afin de régler la dette relative à la part employé de CHF 6'479.65.

h. Par courrier du 8 janvier 2020, la caisse a pris note de l’arrangement proposé pour le paiement de la part dite pénale en CHF 6'479.65 et sollicitait pour le surplus les justificatifs manquants. Elle rappelait qu’avant la faillite de la société, l’office des poursuites lui avait délivré des actes de défaut de biens. Subissant un dommage, elle devrait demander réparation aux organes responsables au sens de l’art. 52 LAVS pour l’entier des sommes dues. En annexe était produit le décompte détaillé des montants dus par la société, intérêts compris, lesquels s’élevaient à CHF 15'596.45.

i. Par décision du 6 avril 2021, la caisse a réclamé à l’associé la réparation de son dommage de CHF 15'227.40. Ce montant correspondait aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/assurance-chômage et celles dues au titre du régime d’allocations familiales des périodes d’avril 2017, du bouclement d’acomptes 2017, de janvier à décembre 2018 et au solde de frais et intérêts sur les périodes de décembre 2018, du décompte final 2018 et de janvier et février 2019. La faillite de la société avait été clôturée le 28 octobre 2019 par constatation de défaut d’actifs. Vu le défaut de paiement et sa qualité d’organe, l’associé était responsable du dommage causé.

j. Par courrier du 13 avril 2021, reçu le 4 mai 2021, l’associé a formé opposition partielle en ce sens qu’il reconnaissait uniquement les montants des cotisations relatifs à la part employé, la société ayant été mise en faillite. Il indiquait que c’était ce qui avait été convenu entre son fiscaliste et Monsieur C______ de la caisse. Il admettait dès lors la somme de CHF 5'593.10. Il contestait les frais administratifs, les frais de poursuites, les intérêts moratoires et les taxes de sommation qu’il jugeait prohibitifs. Sa situation financière était très précaire, il ne pouvait dès lors pas proposer plus de CHF 50.- par mois à compter de fin juillet 2021.

k. Par courrier du 19 novembre 2021, la caisse expliquait que la responsabilité de l’associé était engagée pour la totalité des sommes dues. Les frais de poursuites correspondaient aux montants facturés par l’office. Quant aux intérêts moratoires, ils étaient dus à défaut de paiement des cotisations dans le délai prescrit par les dispositions légales, leur cours s’arrêtant au jour de l’ouverture de la faillite ou en cas de poursuite au jour de l’établissement de l’acte de défaut de biens. Des frais de sommation de CHF 30.- à CHF 50.- étaient facturés quand les cotisations n’étaient pas parvenues dans les délais légaux, étant précisé que selon l’art. 34a du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) les caisses pouvaient facturer jusqu’à CHF 200.-. Les frais administratifs de 2% étaient calculés sur le montant des cotisations, le maximum légal étant de 5%. Un arrangement de paiement serait possible en cas de retrait de l’opposition, les versements réalisés seraient déduits en priorité de la part pénale. En cas de maintien de l’opposition, une plainte pénale devrait être déposée. Les éléments relatifs à la situation financière ne relevaient pas de l’examen de sa responsabilité.

l. Par mail du 29 décembre 2021, l’associé a indiqué qu’en raison de son état de santé, il n’estimait pas être responsable de la situation. Il reconnaissait uniquement la part pénale employé qui s’élevait à CHF 5'593.10 comme indiqué dans son courriel du 2 décembre 2019. Il maintenait son opposition et pourrait continuer à verser la somme de CHF 50.- par mois.

m. Par courrier du 17 juin 2022, la caisse a pris note du maintien de l’opposition et a indiqué, que compte tenu des versements mensuels réalisés, le solde pouvant faire l’objet d’une plainte pénale s’élevait à CHF 5'995.85. Il était annexé la décision de sursis de paiement provisoire portant uniquement sur la partie pénale dont les conditions seraient revues en juin 2023.

n. Par rappel du 30 janvier 2023, la caisse a constaté le retard de paiement et a alerté l’associé des risques à défaut de règlement.

o. Par décision du 3 février 2023 la caisse a rejeté l’opposition de l’assuré. Au jour de la décision, le dommage s’élevait à CHF 14'637.40. Elle expliquait avoir tenté d’obtenir de la société le remboursement des montants dus, ce sans succès au vu de sa faillite. Elle lui avait réclamé son dommage car en tant qu’organe il répondait des agissements de la société. Il avait fait preuve de négligence grave en ne faisant pas en sorte que les cotisations sociales soient réglées. Le dommage correspondait à l’intégralité des cotisations et pas seulement à la part employé, ce qui avait été précisé dans les échanges. Il n’avait dès lors jamais été convenu avec Monsieur C______ que seule la part employé était due.

p. Par acte du 1er mars 2023, l’associé a interjeté recours contre la décision sur opposition. Il expliquait avoir eu une forte dépression durant plusieurs années ainsi que de graves problèmes familiaux qui l’avaient empêché de gérer son établissement. Son bail avait été résilié, ce qui ne lui avait pas permis de réaliser de revenu pour régler ses nombreux créanciers. Monsieur C______ de la caisse avait confirmé à son fiscaliste, Monsieur D______, qu’il ne devait payer que la part pénale en tant qu’employé. Ce dernier était prêt à témoigner. Il avait bénéficié d’un arrangement de paiement à raison de mensualités de CHF 50.-, qu’il n’avait pas pu honorer au vu de sa situation financière et la caisse l’avait rapidement mis aux poursuites. Il avait rattrapé le retard des mensualités grâce à l’aide d’un tiers le 4 mars 2023. Il ne percevait plus de prestations de l’assurance-chômage et devait payer trois pensions alimentaires. Par gain de paix et vu sa situation financière précaire ainsi que son état de santé, il proposait de régler la part pénale des cotisations employé et refusait intégralement de payer les frais de poursuites et de sommation démesurés, il reconnaissait dès lors devoir uniquement la somme de CHF 5'745.85 en tenant compte des mensualités réglées. S’agissant de son état de santé, il produirait des attestations au plus vite.

Il a joint à son recours une attestation du 23 février 2023 du docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne, lequel indiquait que le recourant avait souffert d’un état dépressif en mai 2010 qui avait compliqué la gestion de son entreprise. Il avait connu des arrêts de travail dès mai 2010 avec reprise complète dès le 1er mai 2011.

q. Invitée à se déterminer, l’intimée a conclu le 30 mars 2023 au rejet du recours. Elle a fait valoir que les problèmes de santé du recourant ne permettaient pas de l’exonérer de sa responsabilité. Elle contestait que Monsieur C______ aurait affirmé que seule la part pénale des cotisations était due par le recourant. Le versement de la part pénale permettait d’éviter le dépôt d’une plainte pénale pour soustraction ou détournement de cotisations sociales. La prise d’un arrangement portant sur la part pénale avait pour conséquence qu’elle pouvait surseoir à déposer plainte pénale. L’intégralité des cotisations, part employeur et part employé, devait être réclamée au recourant même si ce dernier était parti de l’idée qu’il ne rembourserait que la part pénale. Par courrier du 8 janvier 2020, elle avait déjà indiqué au recourant qu’elle allait devoir agir en réparation du dommage pour l’entier des sommes dues. La situation financière du recourant n’était pas pertinente à ce stade de la procédure. La proposition du recourant de payer uniquement la part pénale ne pouvait pas être acceptée puisque la part employeur de même que les frais de poursuites et de sommation étaient dus. Toute transaction était exclue. Le dommage s’élevait à ce jour à CHF 14'337.40, le recourant ayant repris ses mensualités interrompues le 26 octobre 2022.

r. Par acte du 20 avril 2023, le recourant a expliqué qu’il pouvait bénéficier d’un prêt de CHF 7'000.-. Il proposait dès lors de verser la somme de CHF 7'000.- pour solde de tout compte. Il a joint un document de l’assurance-invalidité attestant d’un dépôt de demande de prestations au 12 janvier 2022.

s. Invitée à se déterminer, l’intimée a refusé la proposition du recourant, relevant que le montant annoncé par le recourant correspondait globalement à la part pénale. Elle soulignait que l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) l’enjoignait de renoncer à transiger dans le cadre de procédures de recours judiciaires. Elle persistait dès lors dans sa position.

Par acte du 3 mai 2023, le recourant a pris acte de la position de l’intimée et a sollicité que l’affaire soit jugée.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAVS.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société étant domiciliée dans le canton de Genève depuis sa création jusqu’au moment de sa faillite, la Cour de céans est également compétente ratione loci.

3.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

4.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

5.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

En l’espèce, les montants litigieux concernent la période allant d’avril 2017 à février 2019, l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

6.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable.

7.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l’intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG, assurance-chômage ainsi qu’allocations familiales) entre avril 2017 et février 2019.

8.              

8.1 L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3.2 et les références).

8.2 Selon l’art. 52 LAVS (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019), l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

Selon le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 3 décembre 2010 relatif à l’art. 52 LAVS al. 2 à 4, la réparation du dommage est le corollaire des obligations de droit public que l’employeur assume en matière de perception, de versement et de décompte des cotisations paritaires d’assurances sociales en sa qualité d’organe d’exécution de l’AVS. Ce principe occupe une place prépondérante en droit des cotisations. En effet, d’après la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral des assurances depuis 1970, non seulement les employeurs peuvent être tenus de réparer le dommage, mais également, à titre subsidiaire, les personnes physiques qui agissent en leur nom (ATF 114 V 219 et ATF 129 V 11). Actuellement, il est insatisfaisant que la responsabilité subsidiaire des organes, de même que d’autres caractéristiques importantes de la réparation du dommage, ne soient pas réglées dans la loi et ne puissent qu’être déduites de l’étude d’une abondante jurisprudence. Pour le citoyen, la loi doit être conçue de manière plus transparente. La conception de base ne sera pas modifiée ; la responsabilité reste limitée à la faute grave (FF 2011 519, p. 536).

En d’autres termes, la nouvelle teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

8.3 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations – RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS (RO 2018 5343 ; FF 2014 221). Cet alinéa prévoit désormais que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites.

Selon l’art. 60 CO, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020, l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé (al. 1). Si le fait dommageable résulte d’un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l’échéance du délai de prescription de l’action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l’action pénale ne court plus parce qu’un jugement de première instance a été rendu, l’action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement (al. 2).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.          

10.1 Le recourant fait valoir qu’il ne doit que la part dite pénale, soit la part employé des cotisations. Il conteste devoir tout autre montant. Quant à l’intimée, elle indique que la responsabilité du recourant est engagée pour la totalité du dommage subi, soit l’intégralité des cotisations auxquelles s’ajoutent les frais de poursuites, administratifs et de sommation.

10.2 À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

10.3 Jusqu’au 31 décembre 2019, l’art. 52 al. 3 aLAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant désormais aux dispositions du CO sur la prescription des actions introduites en cas d’acte illicite, le délai de prescription relatif se trouve porté de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. De plus, la prescription plus longue de l’action pénale visée à l’art. 60 al. 2 CO est applicable. Le délai de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage mais le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130 ss CO (Message du Conseil fédéral relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221, p. 260).

L’art. 49 Titre final du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription et a été réécrit lors de la révision du droit de la prescription (Message précité, FF 2014 221, pp. 230 et 231). Depuis le 1er janvier 2020, cet article dispose notamment que lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit (al. 1). L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effet sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 3). Au surplus, la prescription est régie par le nouveau droit dès son entrée en vigueur (al. 4).

Le principe est que le nouveau droit s’applique dès lors qu’il prévoit un délai plus long que l’ancien droit, mais uniquement à la condition que la prescription ne soit pas déjà acquise. En d’autres termes, les délais de prescription en cours sont allongés par le nouveau droit. A contrario, une créance déjà prescrite demeure prescrite (Message précité, FF 2014 221, p. 231). Par ailleurs, même si la prétention bénéficie d’un nouveau délai plus long de prescription, cela n’influence pas le point de départ de la prescription, c’est-à-dire que le délai ne recommence pas à courir au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Pour les questions de droit de la prescription autres que celles du début et de la longueur du délai, par exemple les (nouveaux) motifs de suspension et d’interruption, la renonciation à la prescription ou le droit transitoire, seul le nouveau droit est applicable dès son entrée en vigueur pour la période suivant celle-ci et non rétroactivement. Ainsi, les déclarations de renonciation à la prescription valablement faites sous l’ancien droit restent valables sous l’empire du nouveau droit (Message précité, FF 2014 221, p. 254).

Selon l’art. 60 al. 1 CO (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020), le délai de prescription relatif a commencé à courir dès la connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à la réparation ; le délai de prescription absolu a débuté dès le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé.

10.4 Il résulte de la jurisprudence rendue à propos de l’art. 52 al. 3 aLAVS, les éléments qui suivent.

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite ; le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai absolu (ATF 129 V 193 consid. 2.2 et la référence).

Le dommage survient également lors de la délivrance d’un acte de défaut de biens (OFAS, Directives sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [ci-après : DP], valables dès le 1er janvier 2022, n. 8020). La délivrance d'un acte de défaut de biens établit l'insolvabilité du débiteur. Cela ne signifie toutefois pas uniquement que le débiteur ne peut pas s'acquitter de la créance qui a fait l'objet de l'acte de défaut de biens mais suppose aussi qu'il n'a pas les moyens de payer les autres créances ouvertes qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite. Le créancier peut donc agir contre les organes du débiteur afin d'obtenir le paiement de tout ce que celui-ci lui doit, soit non seulement le montant constaté par l'acte de défaut de biens mais également l'entier des créances ouvertes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_115/2021 du 16 décembre 2021 consid. 3.1 et la référence).

Il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

Lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 284/02 du 19 février 2003 consid. 7.2).

En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3; cf. également ATF 141 V 487 consid. 2.2 et les références).

En cas de faillite, la caisse a une connaissance suffisante du dommage, s’il apparaît, lors de la 1ère assemblée des créanciers, qu’au moins une partie du dommage ne sera pas couverte. Si la caisse ne se fait pas représenter à l’assemblée des créanciers, elle doit en tout cas requérir en temps utile le procès-verbal et le rapport du préposé. Sinon, le dommage est suffisamment connu lors du dépôt de l’état de collocation et de l’inventaire. Est déterminante la consultation effective du dossier auprès de l’office des faillites. Si la caisse a renoncé à cette consultation, le délai commence à courir à la fin du délai de présentation (OFAS, DP, valable dès le 1er janvier 2022, n. 8048).

10.5 S’agissant des actes interruptifs de prescription, il résulte de la jurisprudence rendue à propos de l’art. 52 al. 3 aLAVS les éléments qui suivent.

Les délais de prescription sont interrompus par les actes énumérés à l’art. 135 CO (applicable par analogie) ainsi que par tous les actes adéquats par lesquels la créance en dommages-intérêts est invoquée de manière appropriée à l’encontre du débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2020 du 30 mars 2021 consid. 5.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2020 du 19 octobre 2020 consid. 3.2.1 et la référence). Tant la décision que l’opposition interrompent les délais de prescription (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

10.6 En l'espèce, en application du droit transitoire, la question du point de départ des délais de prescription doit être tranchée à la lumière de l'ancien droit, les faits étant antérieurs à l'entrée en vigueur de l'actuel art. 52 al. 3 LAVS, intervenue le 1er janvier 2020.

S'agissant du délai absolu, le dommage est survenu le jour du prononcé de la faillite, soit le 8 août 2019, date à laquelle ce délai a donc commencé à courir.

En ce qui concerne le délai relatif, il a débuté le jour du prononcé de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs, soit le 26 septembre 2019.

Le délai de deux ans étant encore en cours au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit, conformément aux principes rappelés ci-dessus, les délais plus longs de prescription de trois ans et dix ans prévus par la nouvelle réglementation se sont par conséquent substitués aux anciens et s'appliquent en l'occurrence.

Le délai relatif est allongé à trois ans, soit jusqu’au 26 septembre 2022.

La décision de réparation du dommage ayant été notifiée le 6 avril 2021, la prescription a été interrompue avant l’échéance du délai de prescription.

Cet acte a par ailleurs eu pour effet de faire courir de nouveaux délais de prescription (cf. art. 137 al. 1 CO qui prescrit qu'un nouveau délai court dès l'interruption).

La créance de l'intimée n'était ainsi pas prescrite lorsqu'elle a rendu la décision sur opposition du 3 février 2023.

Par conséquent, la prétention de l'intimée en réparation du dommage à l'encontre du recourant n'est pas prescrite.

11.          

11.1 Il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

11.2 À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

11.3 La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

D'autres personnes possèdent toutefois la qualité d'organe de fait de la société. Il s'agit de celles qui participent de façon durable, concrète et décisive à la formation de la volonté sociale dans un vaste domaine dépassant les affaires courantes (ATF 128 III 29 consid. 3a et les références; ATF 122 III 225 consid. 4b et les références). Dans cette éventualité, il faut cependant que la personne en question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, c'est-à-dire qu'elle ait effectivement exercé une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 132 III 523 consid. 4.5 et les références; cf. aussi ATF 146 III 37 consid. 5 et 6 et les références). C'est en principe le cas d'un directeur qui a généralement la qualité d'organe de fait en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose. Il ne doit toutefois répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activité, ce qui dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent des rapports internes, sinon il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance faute de disposer des pouvoirs nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_68/2020 du 29 décembre 2020 consid. 5.2.1 et la référence).

La qualité d'organe est donc réservée aux personnes exécutant leurs obligations au sein de la société ou à l'égard des tiers en vertu de leur propre pouvoir de décision. Le fait qu'une personne est inscrite au registre du commerce avec droit de signature n'est, à lui seul, pas déterminant. La préparation de décisions par un collaborateur technique, commercial ou juridique ne suffit pas à conférer la qualité d'organe au sens matériel. En d'autres termes, la responsabilité liée à la qualité d'organe présuppose que l'intéressé ait eu des compétences allant nettement au-delà d'un travail préparatoire et de création des bases de décisions, pour se concentrer sur la participation, comme telle, à la formation de la volonté de la société. La responsabilité pour la gestion ne vise ainsi que la direction supérieure de la société, au plus haut niveau de sa hiérarchie (ATF 117 II 572; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

Il incombe à la caisse, qui supporte les conséquences de l'échec de la preuve, d'alléguer les faits fondant la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS et permettant d'établir qu'une personne occupait au sein d'une société la position d'un organe au sens matériel (ATF 114 V 213 consid. 5 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 20/01 du 21 juin 2001 consid. 5).

S’agissant plus particulièrement du cas d'une société à responsabilité limitée, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

11.4 En l’espèce, le recourant était inscrit au RC en qualité d'associé gérant dès la création de la société, avec signature individuelle. Il disposait donc indéniablement de la qualité d'organe de la société et, à ce titre, peut être recherché par l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses.

12.          

12.1 Le recourant revêtant la qualité d’organe formel, il convient maintenant de déterminer s’il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

12.2 Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute ou une négligence grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.2 et les références). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2 ; SVR 1996 AHV n°98 p. 299 consid. 3).

12.3 In casu, le recourant fait valoir des problèmes de santé, sa situation familiale et la résiliation de son bail, éléments qui l’auraient empêché de réaliser les revenus nécessaires à régler ses nombreux créanciers, de sorte qu’il ne s’estime pas responsable du dommage causé à l’intimée.

Si des éléments au dossier établissent une incapacité de travail courant 2018, le recourant n’a pas produit d’éléments permettant de retenir au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il était inapte à exercer ou déléguer ses fonctions pour des motifs excusables.

La remise des clefs a eu lieu fin octobre 2018, soit alors que les cotisations étaient déjà impayées depuis plusieurs mois.

Le recourant ne fait pas valoir directement d'argument permettant de contester qu'il a commis une faute ou une négligence grave en ne s'assurant pas que les cotisations sociales prévues par la loi étaient réglées. Au vu des échanges avec la caisse, il avait connaissance du défaut de paiement des cotisations. Il sera également rappelé que la jurisprudence admet largement la réalisation d'une faute ou d'une négligence grave dans les cas où l'organe verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations sociales ne sont pas couvertes.

13.          

13.1 La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle) et adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 ; H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

Le comportement d'un organe responsable peut, le cas échéant, libérer son coresponsable solidaire s'il fait apparaître comme inadéquate la relation de causalité entre le comportement de ce dernier et le dommage. La jurisprudence se montre stricte à cet égard. Elle précise qu'une limitation (et, a fortiori, une libération) de la responsabilité fondée sur la faute concurrente d'un tiers ne doit être admise qu'avec la plus grande retenue si l'on veut éviter que la protection du lésé que vise, d'après sa nature, la responsabilité solidaire de plusieurs débiteurs, ne soit rendue en grande partie illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_779/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.2 et les références).

13.2 En l'occurrence, le recourant était associé gérant depuis la création de la société et le dossier ne laisse apparaître aucun élément qui permettrait d’interrompre la responsabilité du recourant.

14.          

14.1 S’agissant du montant dû, le recourant allègue avoir été informé à l’époque qu’il devait uniquement la part employeur, il indique que son fiscaliste de l’époque pourrait le confirmer.

14.2 Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (OFAS, DP, état au 1er janvier 2022, no 8017 ; ATF 121 III 382 consid. 3/bb). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

14.3 Il convient en général d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, faites alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c).

14.4 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

14.5 En l’espèce, les allégations du recourant s’agissant des propos tenus oralement par un des collaborateurs de l’intimée sont contestées par cette dernière.

La Cour de céans constate que les allégations du recourant sont contredites notamment par le courrier de l’intimée du 30 octobre 2019, signé par ledit collaborateur de l’intimée, alors que la société avait déjà été mise en faillite.

Dans ce courrier, l’intimée développe que le paiement de la part employé permettrait d’éviter une procédure pénale. Toutefois, elle précise que le solde des cotisations dues s’élève à CHF 15'596.50, décompte détaillé à l’appui. Le courrier indique également qu’avant la faillite de la société, elle a obtenu des actes de défaut de biens et qu’elle subit un dommage dont elle devra demander réparation aux organes responsables, en soulignant que cette demande portera sur l’entier des sommes dues.

Il est donc manifeste que la caisse a bien informé le recourant que son dommage et sa responsabilité ne se limitaient pas à la part employé, le versement de celle-ci ayant pour but d’éviter une dénonciation pénale. Le recourant a également été rendu attentif au fait que l’intimée demanderait réparation de l’entier des sommes dues et non pas de la seule part employé comme il le prétend.

À la réception de ce courrier, le recourant n’a pas réagi pour indiquer avoir reçu des informations contradictoires. Il n’a allégué avoir reçu d’autres renseignements que dans le cadre de la procédure d’opposition en 2021 quand l’intimée lui a adressé sa demande de réparation.

À cela s’ajoute que le seul courrier de la fiduciaire au dossier datant du 14 août 2019, soit après la mise en faillite, sollicite le recalcul des cotisations pour les années 2017 à 2019 ainsi que la notification d’un décompte définitif afin de proposer un arrangement de paiement, ce sans référence à une limitation à la part pénale.

Il sera par ailleurs relevé que, dans le cadre de la présente procédure, le recourant a proposé de régler la somme de CHF 7'000.- pour solde de tout compte, reconnaissant ainsi qu’il devait plus que la part employé.

Au vu de ce qui précède, les allégations du recourant seront écartées sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’audition de son fiscaliste de l’époque.

Par ailleurs, comme établi par les principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus, le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte, ce qui comprend les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite.

Partant, le recourant est responsable de toutes les dettes de cotisations sociales revendiquées par l'intimée.

15.         Le recourant s’étant acquitté de plusieurs montants durant la procédure de recours, le montant réclamé doit être diminué à CHF 14'337.40.

Au vu de ce qui précède, le recours est très partiellement admis.

16.         Bien que le recourant obtienne très partiellement gain de cause, il n’est pas représenté et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure. Il n'a ainsi pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 9; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 [arrêt de principe] consid. 9; ATAS/177/2021 [arrêt de principe] du 4 mars 2021 consid. 11; ATAS/1001/2022 du 11 novembre 2022 consid. 11).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

***

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement.

3.        Confirme la décision attaquée sous réserve du montant du dommage réduit à CHF 14'337.40 (solde dû au 30 mars 2023), au sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Marie-Josée COSTA

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le