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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2828/2020

ATAS/177/2021 du 04.03.2021 ( APG ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE
Normes : LPGA.12; Ordonnance COVID-19.2.al3; Ordonnance COVID-19.2.al3bis; Ordonnance 2 COVID-19.6.al1; Ordonnance 2 COVID-19.6.al2
Résumé : Aux termes de l’art. 2 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (état au 6 juillet 2020), ont droit à l’allocation les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui subissent une perte de gain en raison d’une mesure prévue à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance 2 COVID-19. La condition prévue à l’al. 1bis, let. c, s’applique aussi à ces personnes. Selon la circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus – Corona-perte de gain (ci-après : CCPG), dans sa teneur au 3 juillet 2020 (version 6), l’élément déterminant est que la caisse de compensation ait reconnu à ces personnes le statut d’indépendant. Le fait qu’elles soient affiliées à la caisse de compensation en qualité d’indépendant suffit en principe pour que ce statut leur soit reconnu (ch. 1025 CCPG). Pour la Cour de céans, en tant qu’il prévoit qu’il est nécessaire que la caisse de compensation ait reconnu le statut d’indépendant, le ch. 1025 CCPG de la circulaire sert à concrétiser la condition de l’exercice d’une activité indépendante au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, ce de manière à exclure du bénéfice des allocations une activité indépendante qui aurait démarré après le 17 mars 2020 et qui, par ce biais, aurait éventuellement vu son commencement motivé par l’expectative de percevoir des allocations pour compenser les mesures sanitaires restreignant ou empêchant cette activité d’entrée de cause. En l’occurrence, dans sa décision du 15 mai 2020, l’intimée a considéré que le recourant remplissait les conditions d’une affiliation en qualité d’indépendant avec effet au 1er janvier 2019. Elle lui a remis, le même jour, des factures de cotisations pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 et du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020. Dans sa décision du 12 mai 2020, confirmée sur opposition le 1er septembre 2020, l’intimée a toutefois refusé l’octroi d’allocations pour perte de gain en cas de coronavirus au seul motif que la reconnaissance du statut d’indépendant du recourant n’était intervenue qu’après le 17 mars 2020, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Pour la Cour de céans, dans la mesure où la décision d’affiliation du 15 mai 2020 n’a fait l’objet ni d’une contestation de la part du recourant ni d’une reconsidération de la part de l’intimée, les parties à la procédure ont admis que le recourant exerçait déjà une activité indépendante au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, et ce depuis plus de 14 mois. Par conséquent, le recourant remplit la condition de l’activité indépendante prévue par l’art. 2 al. 3 et 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Dans ces conditions, le fait que la décision attaquée ne se limite pas à reconnaître le début de cette activité au 1er janvier 2019 mais fasse en outre dépendre le droit à l’allocation d’une décision d’affiliation et/ou d’une demande d’affiliation comme indépendant antérieure(s) au 17 mars 2020 équivaut à introduire une condition supplémentaire que l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ne prévoit pas. Une telle application extensive du ch. 1025 CCPG n’est toutefois pas admissible.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2828/2020 ATAS/177/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 mars 2021

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, à Aire-la-Ville

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise 12, rue des Gares, Case postale 2595, 1211 Genève 2

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1982, est marchand d’art et galeriste (galerie A______).

2.        Le 23 mars 2020, il a déposé auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) un formulaire de contact indiquant qu’il avait tardé à s’inscrire auprès de la caisse et qu’il était dans l’embarras de ne pouvoir bénéficier d’aide en temps de crise.

3.        Le 24 mars 2020, il a adressé à la caisse une demande d’allocation pour perte de gain en cas de coronavirus (APG) en mentionnant l’interruption de son activité le 17 mars 2020.

4.        À la demande de la caisse, l’intéressé a rempli le 27 mars 2020 un questionnaire d’affiliation pour personne de condition indépendante mentionnant une activité de galeriste marchand d’art depuis le 1er janvier 2019, avec un revenu estimé à environ CHF 30'000.- pour l’année en cours.

5.        Le 27 avril 2020, il a communiqué à la caisse des pièces complémentaires sollicitées par celle-ci, indiqué qu’il avait tardé à s’affilier auprès d’elle – précisant qu’il aurait dû entreprendre les démarches à cette fin en 2019 – et qu’il se trouvait dans une situation professionnelle très précaire, dont il ne voyait pas l’issue à cause de la crise sanitaire.

6.        Par décision du 12 mai 2020, la caisse a refusé à l’intéressé l’octroi d’APG, motif pris qu’il n’avait pas, au 17 mars 2020, le statut d’indépendant reconnu par une caisse de compensation.

7.        Par décision du 15 mai 2020, la caisse a affilié l’intéressé comme personne de condition indépendante depuis le 1er janvier 2019. Elle lui a réclamé des cotisations personnelles de CHF 2'542.45, pour l’année 2019 (fondées sur un revenu déterminant de CHF 30'000.-), et de CHF 1'623.- pour l’année 2020 (fondées sur un revenu déterminant de CHF 20'000.-).

8.        Le 29 mai 2020, l’intéressé a formé opposition à la décision de la caisse du 12 mai 2020, en faisant valoir que la caisse lui réclamait rétroactivement des cotisations personnelles tout en lui refusant des APG, ce qui était surréaliste ; il était déjà endetté ; il aurait dû faire les démarches d’affiliation en décembre 2019 mais il était très occupé à ce moment-là et il savait qu’il pouvait s'affilier rétroactivement. Il requérait le versement d’APG.

9.        Entre le 2 juin et le 5 août 2020, la caisse a rendu des décomptes d’APG allouant à l’intéressé :

-       du 17 mars au 15 avril 2020  : CHF 1’909.65

-       du 16 avril au 16 mai 2020  : CHF 1'973.30

-       du 17 mai au 5 juin 2020  : CHF 1'273.10

-       du 6 juin au 30 juin 2020  : CHF 1'591.40

-       du 1er au 31 juillet 2020  : CHF 1’973.30

10.    Par décision du 1er septembre 2020, la caisse a rejeté l’opposition du recourant, au motif qu’il n’était pas affilié en tant qu’indépendant au 17 mars 2020.

11.    Le 14 septembre 2020, l’intéressé a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours à l’encontre de la décision sur opposition du 1er septembre 2020, au motif qu’il avait cotisé depuis le 1er janvier 2019 suite à l’effet rétroactif de son affiliation, de sorte qu’il était cohérent que son affiliation lui donne droit aux APG. Il a conclu à l’annulation de la décision querellée et, sur mesures provisionnelles urgentes, à ce qu’il soit ordonné à la caisse de lever la mesure conservatoire refusant le droit aux APG.

12.    Par décision du 25 septembre 2020, la caisse a réclamé au recourant la restitution des APG versées du 17 mars au 31 juillet 2020, soit un montant de CHF 8'720.75, au motif que son affiliation comme indépendant n’était pas reconnue au 17 mars 2020.

13.    Le 28 septembre 2020, la caisse a conclu au rejet du recours et au rejet des mesures provisionnelles, au motif que celles-ci n’étaient pas propres à prévenir un préjudice irréparable et que le recours n’avait pas de chances de succès. Par ailleurs le recourant était mal venu de réclamer des mesures provisionnelles alors que des APG lui avaient été versées à tort.

14.    Par arrêt incident du 13 octobre 2020 (ATAS/851/2020), la chambre de céans a rejeté la demande de mesure provisionnelle, considérant qu’il subsistait un doute quant à l’issue du litige au fond.

15.    Le 14 octobre 2020, une copie de cet arrêt a été notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales.

16.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA – RS 830.1) s'appliquent aux allocations pertes de gain en lien avec le coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 – RS 830.31]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA). La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du présent recours (cf. ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le droit du recourant à des APG, singulièrement sur le point de savoir s’il est nécessaire que son statut d’indépendant ait été reconnu au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19.

4.        a. Selon l’art. 185 al. 3 de la Constitution fédérale (Cst. – RS 101), le Conseil fédéral peut s’appuyer directement sur cet article pour édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l’ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure. Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps (soit à une durée maximale de six mois ; cf. art. 7d al. 2 let. a de la loi sur l’organisation du gouvernement et de l’administration du 21 mars 1997 [LOGA – RS 172.010]).

En application de l’art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a édicté, le 20 mars 2020,
l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020 et déployant ses effets pendant six mois à compter de son entrée en vigueur (art. 11), cette ordonnance a subi, au cours de sa durée de validité, des modifications les 16 avril, 19 juin et 1er juillet 2020 (déployant toutes des effets rétroactifs au 17 mars 2020), avant de voir sa durée de validité prolongée du 17 septembre 2020 au 31 décembre 2021, à la faveur de la modification du 11 septembre 2020 (art. 11 al. 4). Par l’adoption de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19, du 25 septembre 2020 (loi COVID-19 – RS 818.102), entrée en vigueur le 26 septembre 2020 (17 septembre 2020 pour les mesures en cas de perte de gain), le législateur a conféré une base légale à l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (cf. art. 15 et 21 de la loi COVID-19).

b. Étant donné que sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références) et que le juge des assurances sociales se fonde sur l’état de fait tel qu’il se présente jusqu’à la date de la décision litigieuse (in casu : 1er septembre 2020 ; cf. ATF 121 V 366 consid. 1b), il convient d’appliquer les dispositions de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans leur teneur en vigueur à ce moment précis (cf. ATF 132 V 215 consid. 3.1.2), ce qui revient, en l’occurrence, à appliquer l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans son état au 6 juillet 2020. Aussi la chambre de céans citera-t-elle les dispositions matérielles de cette ordonnance telles qu’elles se présentaient à cette date.

5.        Entre le 13 mars 2020, date de son entrée en vigueur, et le 22 juin 2020, date de son abrogation, l’ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance 2 COVID-19 – RS 818.101.24), a connu diverses modifications de son article 6, disposition fixant un cadre aux manifestations et établissements, soit en les frappant d’une interdiction (ou fermeture) pure et simple
(al. 1 et 2) soit en les autorisant à certaines conditions (al. 3 et 4).

À ces restrictions découlant du droit fédéral, s’ajoutaient également celles – cas échéant plus étendues – mises en place par les cantons en cas de risque spécifique, et qui étaient soumises à l’approbation du Conseil fédéral (art. 7e de l’ordonnance 2 COVID-19).

6.        Aux termes de l’art. 2 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (état au 6 juillet 2020), ont droit à l’allocation les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui subissent une perte de gain en raison d’une mesure prévue à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance 2 COVID-19. La condition prévue à l’al. 1bis, let. c, s’applique aussi à ces personnes.

Selon l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (état au 6 juillet 2020), les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 ont droit à l’allocation pour autant qu’elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre CHF 10'000.- et
CHF 90'000.- ; l’art. 5 al. 2, 2ème phrase, s’applique par analogie au calcul déterminant de l’année 2019. La condition prévue à l’al. 1bis, let. c, s’applique aussi à ces personnes.

À teneur de l’art. 5 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (état au 6 juillet 2020), l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 LAPG s’applique par analogie. Après la fixation du montant de l’allocation, cette dernière ne peut faire l’objet d’un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l’ayant droit d’ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d’ici cette date (al. 2).

Conformément à l’art. 11 al. 1, première phrase, LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS.

7.        a. L’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) a émis, dès le 17 mars 2020, des directives sur l’application de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. À cet effet, il a rédigé une circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus – Corona-perte de gain (ci-après : CCPG). Cette circulaire, qui compte onze versions à ce jour, sera citée dans sa teneur au 3 juillet 2020 (version 6) pour les raisons évoquées ci-dessus (consid. 4b).

Ont droit à l’allocation les personnes qui, au moment de l’interruption de leur activité lucrative sont salariées au sens de l’art. 10 LPGA, ou exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA, et sont assurées à titre obligatoire en vertu de la LAVS (ch. 1019 CCPG).

Sont considérées comme exerçant une activité indépendante les personnes qui perçoivent des revenus non obtenus dans le cadre d’une activité salariée (ch. 1024 CCPG).

L’élément déterminant est que la caisse de compensation ait reconnu à ces personnes le statut d’indépendant. Le fait qu’elles soient affiliées à la caisse de compensation en qualité d’indépendant suffit en principe pour que ce statut leur soit reconnu (ch. 1025 CCPG).

Ont droit à l’allocation les personnes exerçant une activité lucrative indépendante qui, en raison d’une mesure prise en vertu de l’art. 6 al. 2 de l’ordonnance 2 COVID-19 ont subi une perte de gain à la suite d’une fermeture d’entreprise décidée au niveau fédéral. Sont assimilés à cette catégorie les indépendants qui ne peuvent pas reprendre leur activité pour cause d’absence ou d’insuffisance du plan de protection (ch. 1041 CCPG).

Le ch. 1041 CCPG s’applique par analogie aux personnes exerçant une activité indépendante qui subissent une perte de revenu en raison d’une mesure prise en vertu de l’art. 7e de l’ordonnance 2 COVID-19 visant la restriction ou l’arrêt des activités dans certaines branches de l’économie ordonnés par le canton et autorisés par le Conseil fédéral (ch. 1041.1 CCPG).

Ont droit à l’allocation les personnes ayant une activité indépendante dont le revenu soumis à l’AVS se situe entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.-, et dont l’entreprise n’a certes pas été fermée en vertu de l’art. 6 al. 2 de l’ordonnance 2 COVID-19, mais qui ont subi une perte de gain directe ou indirecte en raison des mesures prises par la Confédération ou des mesures prises par un canton et approuvées par le Conseil fédéral (ch. 1041.2 CCPG).

b. Destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, les directives de l’administration n’ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés ni les tribunaux; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral au sens de l’art. 95 let. a LTF et n’ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité; elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 132 V 121 consid. 4.4 et les références; ATF 131 V 42 consid. 2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.        Dans sa décision du 15 mai 2020, l’intimée a considéré que le recourant remplissait les conditions d’une affiliation en qualité d’indépendant avec effet au 1er janvier 2019. Aussi lui a-t-elle adressé, le jour de cette décision, des factures de cotisations pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 et du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020.

Dans sa décision du 12 mai 2020, confirmée sur opposition le 1er septembre 2020, l’intimée refuse l’octroi d’allocations pour perte de gain en cas de coronavirus en invoquant pour seul motif le fait que la reconnaissance du statut d’indépendant du recourant n’est intervenue qu’après le 17 mars 2020, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19.

Pour sa part, le recourant fait valoir en substance qu’en admettant son affiliation en tant qu’indépendant et en faisant rétroagir celle-ci au 1er janvier 2019, il serait cohérent de considérer qu’il exerçait une activité indépendante le 17 mars 2020, lui ouvrant ainsi le droit à des APG.

La chambre de céans constate que dans la mesure où la décision d’affiliation du
15 mai 2020 n’a fait l’objet ni d’une contestation de la part du recourant ni d’une reconsidération de la part de l’intimée, les parties à la procédure s’accordent à admettre, sur la base des pièces produites par le recourant à l’appui de sa demande d’affiliation – qui comprennent notamment un contrat de bail à loyer prenant effet le 1er janvier 2019 en vue de l’ouverture d’une galerie d’art, un contrat de location signé à la même date ayant pour objet l’organisation et la mise en place de trois expositions dans un hôtel de Verbier en 2019, des contrats portant sur la vente, par le recourant, d’œuvres d’art à des particuliers en janvier et février 2020 – que celui-ci exerçait déjà, une activité indépendante au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, et ce depuis plus de 14 mois.

Il s’ensuit que le recourant remplit la condition de l’activité indépendante prévue par l’art. 2 al. 3 et 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19.

S’agissant de la condition prévoyant la soumission obligatoire du recourant à la LAVS (art. 2 al. 1bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, applicable par renvoi des al. 3 et 3bis), il est constant que le recourant la remplit, ne serait-ce qu’au vu de son domicile en Suisse (cf. art. 1a al. 1 let. a LAVS).

Concernant enfin la condition d’une perte de gain – découlant soit d’une fermeture ordonnée en vertu de l’art. 6 al. 2 de l’ordonnance 2 COVID-19 (art. 2 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19) soit directement ou indirectement des mesures prises par la Confédération ou des mesures prises par un canton et approuvées par le Conseil fédéral (art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 et ch. 1041.2 CCPG) –, l’intimée l’a apparemment admise en amont des allocations qu’elle a octroyées au recourant du 17 mars au 31 juillet 2020. Force est en effet de constater qu’à l’appui de sa décision de restitution du
25 septembre 2020, portant sur ces allocations, l’intimée n’invoque ni une absence de perte de gain, ni une erreur dans la détermination de l’étendue de cette perte, mais le fait que le recourant ait sollicité son affiliation postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (17 mars 2020) et que son statut d’indépendant n’était pas reconnu à cette date.

La chambre de céans considère pour sa part qu’en tant que le ch. 1025 CCPG prévoit qu’il est nécessaire que la caisse de compensation ait reconnu le statut d’indépendant, cette disposition de la circulaire sert à concrétiser la condition de l’exercice d’une activité indépendante au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, ce de manière à exclure du bénéfice des allocations une activité indépendante qui aurait démarré après le 17 mars 2020 et qui, par ce biais, aurait éventuellement vu son commencement motivé par l’expectative de percevoir des allocations pour compenser les mesures sanitaires restreignant ou empêchant cette activité d’entrée de cause. Il n’en est rien en l’espèce : l’intimée considère elle-même – au plus tard depuis la décision d’affiliation du 15 mai 2020 – que le recourant exerce une activité indépendante depuis le 1er janvier 2019. Il s’ensuit que la question d’un éventuel abus – tel qu’il découle de l’hypothèse décrite – ne se pose même pas. Dans ces conditions, le fait que la décision attaquée ne se limite pas à reconnaître le début de cette activité au 1er janvier 2019 mais fasse en outre dépendre le droit à l’allocation d’une décision d’affiliation et/ou d’une demande d’affiliation comme indépendant antérieure(s) au 17 mars 2020 équivaut à introduire une condition supplémentaire que l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ne prévoit pas. Une telle application extensive du ch. 1025 CCPG n’est toutefois pas admissible (cf. ci-dessus : consid. 7b).

10.    Le recours sera donc admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour qu’elle reprenne l’examen de la demande d’allocation du 24 mars 2020 à la lumière des considérants qui précèdent. Étant donné qu’il ne ressort pas des pièces produites que la décision de restitution du 25 septembre 2020 aurait été contestée dans les trente jours par voie d’opposition (cf. art. 52 et 54 al. 1 let. a LPGA) et que cette décision ne constitue pas, de surcroît, l’objet de la contestation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3 et s.), la chambre de céans s’abstiendra toutefois de se prononcer sur le droit aux prestations du recourant pour la période du 17 mars au 31 juillet 2020.

11.    Bien qu’il obtienne gain de cause, le recourant, non représenté et n’ayant pas fait valoir de frais engendrés par la procédure, n’a en principe pas droit à des dépens et ne remplit pas non plus les critères permettant qu’il soit dérogé à cette règle ; on ne saurait considérer, en l’espèce, que l’importance de la cause et sa complexité aient rendu nécessaires des frais ou un volume de travail excédant ce qu’un particulier peut ordinairement et raisonnablement prendre sur lui pour la défense de ses intérêts (ATF 127 V 205 consid. 5b ; cf. ég. ATF 125 II 518 et Jean MÉTRAL, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales n. 103 ad art. 61 LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

*****

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 1er septembre 2020.

4.        Renvoie la cause pour reprise de l’examen de la demande d’allocation du 24 mars 2020, au sens des considérants.

5.        Dit que le recourant n’a pas droit à des dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le