Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1008/2022

ATAS/1001/2022 du 11.11.2022 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1008/2022 ATAS/1001/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 novembre 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, DORTAN, France

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1988, réside en France et est de nationalité française. Il est marié et n’a pas d’enfant.

b. L’assuré a une prothèse totale de la hanche droite depuis plus de dix ans en lien avec une maladie de naissance.

c. Dès le 18 juin 2020, il a travaillé comme chauffeur pour B______, société sise à Lausanne et pratiquant notamment la location de services.

d. Par contrat daté du 11 juin 2021, l’assuré a ensuite été engagé comme chauffeur poids lourds par la société C______, société sise à Carouge et pratiquant la location de services, pour une période déterminée allant du 31 mai au 1er octobre 2021. Il a repris un emploi auprès de cette société le 25 mars 2022.

B. a. Le 27 janvier 2021, alors qu’il effectuait une livraison, l’assuré est descendu de son camion pour vérifier les distances nécessaires à l’ouverture du hayon élévateur de son véhicule. Il a alors glissé sur du verglas et a chuté sur sa hanche droite. Il n’a pas pu reprendre le travail.

b. L’évènement a été annoncé à la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la CNA ou l’assurance) par déclaration de sinistre datée du 2 février 2021.

c. Par décision du 8 février 2021, la CNA a octroyé à l’assuré une indemnité journalière de CHF 101.85 dès le 30 janvier 2021.

d. Dans un rapport médical initial du 24 février 2021, le docteur D______, médecin généraliste exerçant à Nantua en France et médecin traitant de l’assuré, a attesté que celui-ci souffrait d’une contusion de la hanche droite causée par sa chute et était totalement incapable de travailler depuis lors.

e. Dans un rapport daté du 29 mars 2021, le docteur E______, chirurgien orthopédiste et traumatologue exerçant à Lyon, a attesté que l’assuré était entièrement incapable de travailler depuis le 27 janvier et probablement jusqu’au 24 avril 2021 en raison d’une fissure intra-spongieuse au trochanter droit (partie de l’os du fémur constituée de deux bosses positionnées de part et d'autre de l'articulation pelvienne). Il considérait en revanche qu’un descellement de la prothèse à la hanche de l’assuré était improbable, bien que le compte rendu daté du 18 mars 2021 d’un examen scintigraphique qui lui avait été soumis évoquât un tel descellement.

f. Dans un avis du 7 avril 2021, le docteur F______, chirurgien orthopédiste et médecin d’arrondissement de la CNA, a considéré que l’atteinte à la santé subie par l’assuré avait été causée par sa chute du 27 janvier 2021. Il retenait un retour à une capacité de travail aux alentours du 10 au 15 mai 2021.

g. Dans un compte rendu du 12 mai 2021, le docteur G______, radiologue exerçant à Bourg-en-Bresse en France, a attesté qu’il avait réalisé une nouvelle scintigraphie osseuse de l’assuré. Celle-ci avait révélé une consolidation de sa fracture au trochanter droit avec une persistance de remaniements inflammatoires modérés, et une absence de descellement de sa prothèse à la hanche.

h. Dans un rapport médical intermédiaire du 28 mai 2021, le Dr D______ a relevé que la fissure à la hanche droite de l’intéressé n’était toujours pas guérie et que celui-ci était en conséquence incapable de travailler jusqu’au 31 mai 2021 inclus. Le pronostic de retour à une capacité de travail entière était cependant favorable.

C. a. Après avoir repris un nouvel emploi auprès de C______, l’assuré a annoncé le 7 septembre 2021 à l’assurance que ses douleurs avaient augmenté suite aux efforts physiques qu’il faisait lors des chargements de camions et qu’il craignait de perdre à nouveau sa capacité de travail.

b. Dans un rapport médical intermédiaire du 13 octobre 2021, le Dr D______ a confirmé que l’assuré était à nouveau en incapacité de travail. Il continuait cependant à considérer le pronostic d’évolution du trouble à la santé de l’intéressé comme favorable.

c. Par une nouvelle déclaration de sinistre datée du 15 octobre 2021, une rechute du trouble à la santé de l’assuré datant du 4 octobre 2021 a été annoncée à la CNA par C______.

d. Dans un compte rendu du 20 octobre 2021, le Dr G______ a attesté qu’il avait réalisé une nouvelle scintigraphie et que la régression se poursuivait en comparaison avec l’état de la hanche de l’assuré au mois de mai. Il ne remarquait toujours pas de descellement de la prothèse de l’intéressé.

e. Dans un avis du 22 octobre 2021, le Dr F______ a estimé que la rechute dès le 4 octobre 2021 était imputable à l’évènement du 27 janvier 2021 au degré de la vraisemblance prépondérante.

f. Par décision du 1er novembre 2021, la CNA a octroyé à l’assuré une indemnité journalière de CHF 131.55 par jour dès le 4 octobre 2021.

D. a. Dans un rapport médical intermédiaire du 1er décembre 2021, le Dr D______ a attesté que l’assuré était toujours en incapacité de travail depuis cette date et jusqu’au 3 janvier 2022. Il a motivé plus en détail cet arrêt de travail dans un courrier du 4 janvier 2022. Il a en outre joint à ce courrier un compte rendu d’IRM daté du 29 décembre 2021 qui concluait à l’existence chez l’intéressé d’une hernie préforaminale droite du disque lombaire L4-L5, ainsi qu’à une inflammation zagapophysaire sur les mêmes vertèbres.

b. Dans un rapport du 19 janvier 2022, le Dr F______ a relevé que la fissure au trochanter droit causée par l’évènement accident du 27 janvier 2021 devait être considérée comme stabilisée au 31 mai 2021. Il en résultait que l’existence d’un lien de causalité entre le trouble à la santé de l’assuré ayant engendré une nouvelle incapacité de travail depuis le 1er décembre 2021 et l’évènement susmentionné était juste possible.

c. Dans un rapport médical intermédiaire du 23 janvier 2022, le Dr D______ a annoncé que l’arrêt de travail de l’assuré était désormais de durée indéterminée et qu’il était causé par la fissure trochantérienne subie par l’intéressé.

d. Par avis du 28 janvier 2022, le Dr F______ a déclaré qu’il maintenait son analyse du 19 janvier.

e. Par décision du 28 janvier 2022, la CNA a refusé de prendre en charge le sinistre de l’assuré pour la période postérieure au 30 novembre 2021. En se fondant sur l’analyse de son médecin d’arrondissement, elle a retenu que le lien de causalité entre les troubles à la santé de l’assuré ayant engendré son incapacité de travail dès le 1er décembre 2021 et l’évènement accidentel du 27 janvier 2021 n’était pas hautement vraisemblable.

E. a. L’assuré a fait opposition à cette décision par courrier daté du 15 février 2022. En substance, il contestait que son trouble à la santé ait guéri depuis sa survenance le 27 janvier 2021. Il requérait par ailleurs d’être examiné par une commission de médecins.

b. Par décision sur opposition du 2 mars 2022, la CNA a maintenu son refus de prise en charge en considérant que l’appréciation du Dr F______ était la seule pièce médicale convaincante et qu’il convenait donc de retenir que le trouble à la santé de l’assuré n’était plus en lien de causalité avec l’accident depuis le 1er décembre 2021.

F. a. Par courrier du 30 mars 2022 adressé à la CNA, l’assuré a contesté cette décision sur opposition en requérant la prise en charge des suites de sa rechute pour la période postérieure au 1er décembre 2021. L’assurance a transmis ce courrier à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice comme objet de sa compétence.

b. L’intimée a répondu par acte du 8 avril 2022 en concluant au rejet du recours pour les mêmes motifs que ceux développés dans sa décision sur opposition.

c. Ce courrier a été transmis à l’assuré le 11 avril 2022 avec un délai pour déposer des observations, lequel est resté inutilisé.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Selon l’art. 58 al. 2 LPGA, si le recourant est domicilié à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de son dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de son dernier employeur suisse.

L’assuré étant domicilié à l’étranger et ayant en dernier lieu travaillé pour un employeur sis dans le canton de Genève, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Interjeté dans le délai de recours de trente jours (cf. art. 60 LPGA) et dans les formes prévues par la loi (cf. art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             L’objet du litige est le droit du recourant aux prestations de l’assurance-accidents pour la période postérieure au 30 novembre 2021 en lien avec un évènement accidentel survenu le 27 janvier 2021.

4.             Le recourant étant domicilié en France et n’ayant pas travaillé en Suisse pendant une période allant à tout le moins du 4 octobre 2021 au 24 mars 2022, la question du droit applicable doit être préalablement examinée.

4.1 Selon l’art. 8 de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et l’art. 1 Annexe II à l’ALCP, le règlement européen (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1 ; ci-après : Règlement n° 883/2004), et le règlement (CE) 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et déterminant le contenu de ses annexes sociales (RS 0.831.109.268.11 ; ci-après : Règlement n° 987/2009) sont applicables dans les relations transfrontalières entre la Suisse et les États de l’Union, soit notamment la France, avec les modifications prévues par l’Annexe II ALCP ; cela sous réserve des règles prévues au protocole I à l’Annexe II ALCP. Ces textes fondent un système (quasi-)complet de droit international social régissant les conflits de compétence et les conflits de lois, et primant les droits nationaux (ATF 146 V 290 consid. 3.2 ; ATF 146 V 152 consid. 4.2.3.1 ; ATF 144 V 127 consid. 4.2.3.1 ; Cour de justice de l’Union européenne, C-784/19 [Grande chambre], Team Power Europe, du 3 juin 2021 consid. 32 et 33).

4.2 Selon l’art. 11 par. 3 Règlement n° 883/2004, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre (let. a), il en va de même pour les fonctionnaires d’un État membre (let. b) et pour ceux qui réalisent un service obligatoire en faveur d’un tel État (let. d). En absence de rattachement particulier, un assuré est en revanche soumis à la législation sociale de son État membre de résidence (let. e). Selon le paragraphe 2 Règlement n° 883/2004, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l’exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité, pour autant que cette prestation ne soit pas une pension, une rente ou une prestation de maladie couvrant des soins à durée illimitée. En effet, les rentes sont soumises non au principe de l’unicité du droit social applicable, mais au principe du parallélisme (ATAS/792/2022 du 9 septembre 2022 consid. 4 [rente d’invalidité]; ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 4.2 [rente de vieillesse]).

5.             En l’occurrence, le recourant est domicilié en France et est de nationalité française mais il a travaillé en Suisse et requiert le versement de prestations de la part d’une assurance sociale suisse. Le Règlement n° 883/2004 trouve donc application.

L’assuré n’a plus exercé d’activité lucrative en Suisse depuis à tout le moins le 4 octobre 2021. Il a ensuite perçu des indemnités journalières jusqu’au 30 novembre 2021 inclus. En ce qui concerne la période à compter du 1er décembre 2021, le recourant a résidé en France tout en ne percevant plus d’indemnités journalières d’une assurance suisse. En application de
l’art. 11 par. 2 Règlement n° 883/2004, il convient de considérer que les indemnités journalières d’une assurance-accidents suisse sont des prestations en espèces versées à la suite de l’exercice de son activité salariée. En effet, le but de cette norme, qui n’existait pas avant l’entrée en vigueur du
Règlement n° 883/2004 (soit pour la Suisse, le 1er avril 2012) était de faciliter la détermination du droit applicable en posant une présomption irréfragable selon laquelle la perception d’une prestation sociale en espèces de nature temporaire en raison de l’exercice d’une activité lucrative y était assimilée (Heinz-Dietrich STEINMEYER, in : Europäisches Sozialrecht, Fuchs éd.,
7ème éd. 2018, n. 8 ad. art. 11 Règlement n° 883/2004). Or, les indemnités journalières LAA sont des prestations temporaires (ATF 144 V 418 consid. 3.2 ; ATF 138 V 140 consid. 5.3.1 ; ATF 135 V 287 consid. 4.2 ; ATF 134 V 109 consid. 4.1), et ce même si elles peuvent être versées pendant plusieurs années (ATF 138 V 140 consid. 5.3.1). La couverture par une assurance LAA est par ailleurs directement liée à l’exercice d’une activité lucrative dépendante
(art. 3 al. 1 LAA). À cela s’ajoute que, dans un arrêt récent, il a été retenu que des indemnités journalières versées par une assurance perte de gain maladie d’un employeur maintenaient le rattachement avec l’État de travail de l’assuré concerné en vertu de l’art. 11 par. 2 Règlement n° 883/2004 (ATAS/231/2022 du 14 mars 2022 consid. 9.1). Or, la situation de la personne percevant des indemnités journalières de la part d’une assurance-accidents ne diffère pas de celle qui reçoit des indemnités journalières de la part d’une assurance perte de gain collective privée. Enfin, dans des cas comparables où l’assuré résidait à l’étranger et que le litige avait trait à des indemnités journalières d’une assurance-accidents se rapportant à une période où il n’était plus formellement en emploi, la chambre de céans est plusieurs fois entrée en matière sur le fond considérant ainsi implicitement que le droit social suisse était applicable (ainsi : ATAS/1130/2021 du 11 novembre 2021 ; ATAS/869/2021 du 26 août 2021 ; ATAS/786/2021 du 29 juillet 2021 ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 8C 778/2016 du 1er septembre 2017 ; arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, 2022/385 [AA 92/21 - 74/2022] du 23 juin 2022). Il s’ensuit que le droit suisse est applicable pour déterminer si le recourant a droit à des indemnités journalières de la part de l’intimée.

6.             Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont notamment allouées en cas d’accident professionnel ou non professionnel. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte soudaine et involontaire qui compromet la santé physique ou psychique et dont la cause est extérieure et extraordinaire (« évènement accidentel »).

Selon l’art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), les prestations d’assurance sont également versées en cas de rechutes et de séquelles tardives.

6.1 Pour être couvert par l’art. 6 al. 1 LAA, un trouble à la santé doit ainsi avoir été causé par un évènement accidentel en ce sens qu’il doit exister entre ce dernier et le trouble une relation de causalité naturelle et adéquate (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_114/2021 du 14 juillet 2021 consid. 2.2). Il existe un lien de causalité naturelle entre un évènement et une situation de fait, si la seconde n’existerait pas en l’absence du premier (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 142 V 435 consid. 1 ;
ATF 129 V 402 consid. 4.3.1 ; ATF 115 V 133 consid. 3). Une causalité adéquate entre un évènement et un résultat existe si ledit évènement paraît propre à causer ladite atteinte au vu du cours ordinaire des choses et de l'expérience générale de la vie, en ce sens que le résultat en question apparaît comme généralement favorisé par la survenance de cette cause (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 125 V 456 consid. 5c). En présence d’un trouble organique à la santé, la question de la causalité adéquate se recoupe presque complètement avec celle de la causalité naturelle (ATF 140 V 356 consid. 3.2 ; ATF 138 V 248 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.2.1).

6.2 L'existence ou non de la causalité naturelle entre une atteinte et un évènement est une question de fait qui s'établit avec le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante (ATF 115 V 133 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_232/2019 du 26 juin 2020 consid. 3.3 ; 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 4.2 ; 8C_560/2017 du 3 mai 2018 consid. 4.2).

7.             Pour évaluer un droit à une prestation sociale dépendant de l’état médical d’un assuré, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales probantes
(ATF 134 V 231 consid. 5.1).

7.1 Il n’existe pas de règles systématiques absolues en matière d’appréciation de rapport médicaux, le principe général restant l’appréciation libre de ceux-ci par le juge (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Ainsi, la force probante d’un rapport d’expertise dépend en premier lieu sur le contenu de celui-ci, à savoir s’il est complet (au regard du /des trouble(s) médical/aux potentiel(s) de l’assuré), s'il se base sur l'anamnèse, les « plaintes » de l'assuré et tous les autres éléments factuels disponibles, s'il est clair dans son appréciation de la situation médicale et si le ou les résultat(s) auquel il parvient est/sont motivé(s) (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2).

7.2 Selon la jurisprudence fédérale, il est possible de distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA et du droit cantonal (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, ou réalisées par un médecin sur demande de l’assuré (« expertise » de partie).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradiction et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur pertinence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant
(ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), en ce sens qu’un tel rapport médical peut avant tout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire, soit de ne pas se contenter de se reposer sur cette opinion interne à l’assurance (ATF 145 V 97 consid. 8.5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.4 ; 8C_510/2020, du 15 avril 2021 consid. 2.4).

8.             En l’occurrence, l’intimée a refusé de prendre en charge le sinistre pour la période postérieure au 30 novembre 2021. Pour ce faire, il s’est fondé exclusivement sur le rapport de son médecin d’arrondissement, dont il convient de déterminer la force probante.

8.1 Dans son rapport du 19 janvier 2022, le Dr F______ a retenu que l’atteinte à la santé dont faisait état le recourant depuis le 1er décembre 2021 était possiblement en lien avec l’évènement accidentel du 27 janvier 2021 mais que le degré de la vraisemblance prépondérante n’était pas atteint. Selon lui, il convenait au contraire de retenir que la fissure au trochanter droit affectant l’intéressé était stabilisée depuis le 31 mai 2021. Il s’est notamment fondé sur les compte rendus des scintigraphies réalisées par le radiologue G______ du 12 mai 2021 et 20 octobre 2021.

Ce raisonnement entre toutefois en contradiction avec l’avis du même Dr F______ du 22 octobre 2021, rendu après examen du compte rendu de la scintigraphie réalisée par le Dr G______ du 20 octobre 2021. Dans cet avis, le Dr F______ a en effet conclu que les troubles à la hanche droite invoqués par le recourant étaient, au degré de la vraisemblance prépondérante, en lien de causalité avec l’évènement accidentel du 27 janvier 2021. Rien dans le rapport du Dr F______ du 19 janvier 2022 n’explique pourquoi celui-ci a modifié son appréciation en retenant une stabilisation du cas au 31 mai 2021 alors même qu’il disposait des mêmes pièces médicales lors de la réalisation de ses deux avis. Par ailleurs, dans son rapport du 12 mai 2021, le Dr G______ constate une consolidation de la fracture inter-trochantérienne, ainsi qu’une persistance de remaniements inflammatoires modérés. Dans son rapport du 20 octobre 2021, ce même médecin relève une régression des remaniements inflammatoires périprothétiques intertrochantériens, avec tendinopathie du grand fessier droit. La chambre de céans ne dispose pas des connaissances médicales appropriées pour retenir si ces considérations signifient qu’il n’existe plus depuis lors de lien de causalité naturelle entre l’évènement accidentel du 27 janvier 2021 et les troubles à la santé du recourant qui ont mené à une rechute en incapacité de travail le 4 octobre 2021. En outre, le médecin traitant de l’intéressé, certes non spécialiste, a continué à affirmer dans son rapport médical intermédiaire du 31 janvier 2022 que les troubles à la santé en cause étaient liés à l’évènement du 27 janvier 2021. Il n’est ainsi pas possible de trancher entre, d’une part, les opinions du Dr F______ du 22 octobre 2021 et du Dr D______ du 23 janvier 2022, et, d’autre part, l’opinion contraire du Dr F______ du 19 janvier 2022. Dans ces conditions, il convient de retenir que le seul rapport du médecin d’arrondissement du 19 janvier 2022 n’était pas suffisant pour rejeter le droit du recourant à des prestations postérieurement au 30 novembre 2021.

En conséquence, il faut retenir que, s’agissant de la question du lien de causalité entre l’atteinte à la hanche droite du recourant et l’évènement accidentel du 27 janvier 2021 pour la période postérieure au 30 novembre 2021, la cause n’a pas été instruite à satisfaction par l’intimée.

8.2 S’agissant des atteintes à la santé du recourant liés à ses troubles au dos (hernie préforaminale droite du disque lombaire L4-L5 avec inflammation zagapophysaire et sciatique), le rapport du Dr F______ du 19 janvier 2022 conclut qu’elles ne sont pas en lien de causalité avec l’évènement du 27 janvier 2021.

Ces atteintes ne sont apparues de manière détaillée dans le dossier que suite au rapport du Dr D______ du 4 janvier 2022 et celui-ci n’amène aucun élément qui laisserait penser que ces atteintes auraient été causées par l’évènement susmentionné. La jurisprudence concernant les hernies discales d’origine accidentelle est du reste stricte, une origine accidentelle ne devant être retenue qu’exceptionnellement (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_560/2017 du 3 mai 2018 consid. 6.1 ; 8C_765/2014 du 9 février 2015 consid. 6.1). Dans ces circonstances, rien ne permet de douter de la conclusion à laquelle est parvenue le Dr F______, selon lequel les troubles dorsaux présentés par le recourant ne sont pas en lien de causalité avec l’évènement accidentel du 27 janvier 2021.

Il convient donc de suivre l’intimée sur ce point et de confirmer le refus de prendre en charge les atteintes au dos du recourant.

9.             Restent à clarifier les conséquences juridiques de l’instruction insatisfaisante de l’autorité intimée s’agissant de la question du lien de causalité entre l’atteinte à la hanche droite du recourant et l’évènement accidentel du 27 janvier 2021 pour la période postérieure au 30 novembre 2021.

9.1 Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction complémentaire est nécessaire, il doit en principe mettre en œuvre une expertise lorsqu'il considère qu’un état de fait médical ne peut être élucidé que par ce biais et que l'expertise administrative ordonnée par l’autorité sociale est incomplète sur des points essentiels ou non-probante ; un renvoi à l’administration est en revanche possible lorsqu’il convient de clarifier une question médicale restée jusqu’alors non instruite (ATF 139 V 99 consid. 1.1 ; ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_354/2020 du 8 septembre 2020 consid. 2.1 ; 8C_503/2019 du 19 décembre 2019 consid. 2.1).

9.2 En l’espèce, l’intimée n’a pas ordonné d’expertise indépendante sur la question de l’existence d’un lien de causalité entre les troubles à la hanche subis par le recourant et l’évènement accidentel du 27 janvier 2021. Il y a donc lieu de lui renvoyer la cause afin qu’elle mette en œuvre une telle expertise, comme requis à juste titre par le recourant dans son opposition du 2 mars 2022.

Du reste, même si la chambre de céans ordonnait une expertise judiciaire et que celle-ci concluait à la stabilisation de l’état de santé du recourant à une date donnée, il ne serait de toute façon pas possible de statuer sur un éventuel droit à une rente d’invalide et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de l’intéressé, faute d’éléments nécessaires au dossier. Un renvoi à l’intimée apparait donc également justifié sous cet angle.

10.         En conclusion, le recours doit être partiellement admis. La cause doit être renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire, en particulier pour que celle-ci mette en œuvre une expertise orthopédique indépendante portant notamment sur l’existence d’un lien de causalité naturel entre les troubles à la hanche du recourant (y compris la tendinopathie au grand fessier droit) et l’évènement du 27 janvier 2021, ainsi que sur le moment éventuel de la stabilisation médicale du cas.

11.         Bien qu'il obtienne partiellement gain de cause, le recourant, non représenté et n'ayant pas fait valoir de frais engendrés par la procédure dans le délai de recours n'a pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 9 ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 [arrêt de principe] consid. 9 ; ATAS/177/2021 [arrêt de principe] du 4 mars 2021 consid. 11).

Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA en lien avec l’art. 1 LAA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Renvoie à la cause à la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents pour instruction complémentaire au sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le