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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3509/2025

ATA/1252/2025 du 11.11.2025 sur JTAPI/1102/2025 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3509/2025-MC ATA/1252/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 novembre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2025 (JTAPI/1102/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1979 et originaire de Gambie, a déposé une demande d'asile en Suisse le 1er novembre 2012, sur laquelle le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) n'est pas entré en matière le 24 janvier 2013 et a prononcé son renvoi de Suisse. La prise en charge de l'intéressé et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Neuchâtel.

b. A______ n'a pas pu être transféré dans les délais légaux en Espagne, État Dublin compétent pour l'examen de sa demande de protection internationale.

c. Par ordonnance pénale rendue par le Ministère public du canton de Genève le 22 septembre 2015, il a été condamné notamment pour infraction à l’art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), pour avoir transporté et détenu deux sachets contenant au total 21.1 g de marijuana ainsi que sept pilules d’ecstasy le 19 septembre 2015 destinées à être vendues. Cette ordonnance indique que selon l’extrait de son casier judiciaire suisse, il avait été condamné à quatre reprises depuis le 23 août 2013, la dernière fois le 17 mars 2014, par le Ministère public du canton de Genève, pour, notamment, délit selon l’art. 19 al. 1 LStup et contravention selon l’art. 19a LStup.

d. Le 20 décembre 2015, le Commissaire de police a prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois sur la base de 74 al. 1 let. a de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) en relation avec son interpellation du 19 septembre 2015.

e. Par ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 8 juin 2017, il a été condamné notamment pour infraction aux art. 19 al. 1 et 19a LStup, pour avoir participé à un trafic de stupéfiants et avoir vendu a réitérées reprises, entre le 13 mai et le 7 juin 2017, des sachets minigrip de marijuana et avoir détenu 574.4 g de cette drogue, ainsi que pour avoir régulièrement consommé des stupéfiants.

f. Par ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 25 janvier 2021, il a été condamné notamment pour infraction à l’art. 19 al. 1 LStup, pour s’être adonné au trafic de stupéfiants en vendant une quantité indéterminée de marijuana d’août 2020 au 23 janvier 2021, et pour avoir détenu, le 23 janvier 2021, 111.5 g de marijuana ainsi que deux parachutes de cocaïne d’un poids total de 1.8 g, destinés à la vente.

g. Le 25 janvier 2021, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois sur la base de 74 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

h. Par ordonnance pénale rendue par le Ministère public du canton de Genève le 11 mai 2022, A______ a été condamné notamment pour infraction à l’art. 19a LStup, pour avoir détenu, le 11 mai 2022, 5 g de cannabis destinés à sa consommation personnelle.

i. Par jugement du 12 août 2022, le Tribunal d’application des peines et des mesures du canton de Genève (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de A______, détenu à la prison de Champ-Dollon depuis le 11 mai 2022. Bien que son comportement en détention fût bon, il avait fait l’objet de multiples condamnations et séjours en détention, et avait bénéficié d’une libération conditionnelle en 2014, révoquée moins d’une année après. Sa situation ne semblait pas avoir évoluée depuis les trois derniers examens effectués par le TAPEM et il ne présentait aucun projet de réinsertion concret. Dans ce contexte, le risque qu’il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé.

j. Par arrêt du 5 mars 2025, la Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève (ci-après : CPAR) a confirmé un jugement rendu le 26 septembre 2024 par le Tribunal de police, déclarant A______ coupable notamment d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. d LStup, pour avoir détenu, lors de son interpellation le 20 avril 2023, 112 g de marijuana, 16 g de haschisch, six pilules d’ecstasy d’un poids total de 3.3 g et plusieurs cailloux de crack conditionnés pour la vente d’un poids total de 5 g, destinés à la vente. Lors de son audition à la police, il avait déclaré qu’il ne connaissait pas les noms et prénoms de ses amis qui s’étaient cotisés avec lui pour l’achat de la drogue. Ensuite, devant le Ministère public, il avait expliqué que ces stupéfiants étaient destinés à sa consommation personnelle, sauf peut-être aussi à la personne qui l’hébergeait à Annemasse ou à des amis qui étaient présents lorsqu’il consommait. Enfin, devant le Tribunal de police, il avait expliqué que cette drogue était destinée à sa propre consommation et qu’il avait l’intention de l’amener à Annemasse. C’était par erreur qu’il avait dit à la police qu’il avait acheté cette drogue pour des amis. La quantité détenue était élevée, mais il avait acheté cette drogue pour être sûr d’avoir son stock s’il manquait d’argent.

La faute n’était pas négligeable, étant donné qu’il était à nouveau jugé pour une infraction à la LStup, alors que sa dernière condamnation datait de mai 2022. Il avait par ailleurs été arrêté avec un large éventail de drogues, ce qui démontrait une certaine polyvalence dans leur acquisition, à tout le moins. La commission répétée d’actes en la matière dénotait en outre un ancrage sérieux dans cette délinquance et rendait en l’espèce nécessaire une peine d’une certaine sévérité, les précédentes n’ayant manifestement pas eu l’effet dissuasif escompté. Il avait fourni des explications fluctuantes et peu crédibles en affirmant que la drogue trouvée en sa possession était destinée à sa consommation personnelle, au vu de la diversité des substances et des quantités retrouvées sur lui, les montants en jeu paraissant par ailleurs totalement disproportionnés par rapport à ses revenus allégués.

k. Selon le rapport d’arrestation établi par la police du canton de Genève le 4 avril 2025, A______ a été arrêté après avoir été observé et suivi jusqu’à un contact avec une autre personne avec laquelle il s’était rendu dans un passage souterrain, avant de s’en séparer. Au moment de son interpellation, sa fouille avait permis de découvrir qu’il était porteur de 138.8 g de marijuana. Lors de son audition, il avait expliqué avoir acheté cette drogue à la personne qu’il venait de rencontrer.

l. Le 1er octobre 2025, A______ a été interpellé par les forces de l'ordre en possession d’une goutte contenant 10,2 g brut de cocaïne, d’un sachet minigrip contenant 2,5 g brut de pilules et des restes de pilules d'ecstasy, de trois sachets d’aluminium contenant 53,3 g brut de marijuana, d’une balance électronique et de la somme de CHF 1'238.10.

Entendu dans les locaux de la police, il a déclaré que la drogue retrouvée sur lui était destinée à sa consommation personnelle. Il ne pouvait quantifier sa consommation de stupéfiants quotidienne, ni l'argent dépensé pour cela et il avait acheté les diverses drogues à un Africain aux Pâquis. Il n'avait ni famille, ni attache à Genève et était démuni de moyens de subsistance.

Prévenu d'infractions à la LStup et à la LEI, il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du Commissaire de police.

Le 2 octobre 2025, A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour, en particulier, infractions à l’art. 19 al. 1 LStup et à la LEI, en rapport avec des éléments de son arrestation de la veille.

m. Le 2 octobre 2025, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 24 mois, se fondant également sur les éléments de son arrestation du 1er octobre 2025.

B. a. Le 7 octobre 2025, A______ a formé opposition contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI).

b. Le 16 octobre 2025, lors de son audition devant le TAPI, il a déclaré s’opposer à la mesure d’éloignement litigieuse parce qu’elle était d’une durée trop importante. Il venait de temps en temps à Genève pour y rencontrer des amis et passer du temps avec eux. Par exemple, ils allaient dans des night-clubs. Habituellement, il vivait à Annemasse. Lorsqu’il se rendait en Espagne, il y restait pendant des durées variables, mais cela pouvait être pendant huit mois ou pendant une année et parfois, il y travaillait. La dernière fois qu’il avait séjourné pendant une longue durée en Espagne, c’était en 2022. Depuis cette année-là, il était retourné durant trois ou quatre mois en Espagne, puis il était retourné en Gambie pendant environ cinq ou six mois, avant de retourner en Espagne à nouveau pendant deux ou trois mois, puis il était ensuite resté à Annemasse. Il avait l’impression que cela faisait maintenant quatre ans qu’il était installé à Annemasse, mais en y réfléchissant c’était peut-être un peu moins, soit peut-être deux ans, mais en tout cas plus d’une année. Il n’avait pas d’emploi fixe à Annemasse, mais il trouvait régulièrement du travail.

Lorsqu’il venait à Genève depuis Annemasse, c’était pour des visites de deux ou trois heures, jamais plus. S’il venait en night-club, il arrivait à Genève vers minuit et en repartait vers 05h00. Pour être très clair, il confirmait qu’il ne séjournait jamais quelques jours d’affilée à Genève, mais uniquement durant quelques heures. Lorsque la police l’avait arrêté à Genève le 1er octobre 2025, son projet était de nouveau de n’y rester que quelques heures. Les quantités de drogue et la balance saisies sur lui lors de sa dernière arrestation correspondaient à la drogue qu’il avait achetée en venant exprès à Genève pour cela. Il lui arrivait régulièrement de venir à Genève pour acheter de la drogue. S’il n’achetait pas à Annemasse, c’était parce qu’il n’y connaissait personne dans ce cadre. Il préférait venir à Genève pour s’approvisionner pour des achats en gros. Les quantités de drogue qui avaient été saisies sur lui le 1er octobre 2025 lui permettaient de tenir environ trois ou quatre mois.

Il a produit son opposition formée contre l’ordonnance pénale du 2 octobre 2025 et conclu principalement à la réduction de la durée de la mesure.

c. Par jugement du 21 octobre 2025, le TAPI a rejeté l’opposition et confirmé la mesure d’interdiction territoriale d’une durée de 24 mois.

Les condamnations pénales prononcées à plusieurs reprises contre A______ en raison de sa participation au trafic de stupéfiants, ainsi que les appréciations sévères portées à son encontre notamment par le TAPEM et par la CPAR, impliquaient qu’une troisième mesure d’interdiction territoriale pouvait légitimement être prononcée pour une durée sensiblement supérieure à la durée de douze mois prononcés en 2021.

C. a. Par acte remis au greffe le 3 novembre 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation. Subsidiairement, la durée de l’interdiction territoriale devait être réduite à douze mois.

Il ne contestait pas le principe, mais la durée de l’interdiction territoriale.

C’était à tort que le TAPI avait considéré que celle-ci devait être déterminée en fonction de la probabilité qu’elle soit respectée. Elle devait simplement respecter le principe de proportionnalité. Il avait toujours respecté ses précédentes interdictions territoriales de six et douze mois prononcées en 2015 et 2021, soit il y a dix et quatre ans. Il était venu à Genève pour acheter les stupéfiants nécessaires à sa consommation personnelle, et non pour les vendre. Il avait fait opposition à l’ordonnance du Ministère public.

b. Le 5 novembre 2025, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le recourant, qui n’avait aucune attache avec le canton, n’avait cessé depuis dix ans de commettre des infractions à la LStup. Il avait été condamné à plusieurs reprises et avait fait l’objet de deux interdictions territoriales. Aucune de ces mesures n’avait produit d’effet.

c. Le recourant n’a pas répliqué.

d. Le 7 novembre 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 novembre 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire du canton pendant 24 mois.

3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

3.2 Si le législateur a ainsi expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants, cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

Ainsi, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.2) ; de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2021 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité).

Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).

3.3 En l’espèce, l’interdiction territoriale est fondée dans son principe, le recourant ne disposant d’aucun titre lui permettant de séjourner en Suisse, n’ayant aucune attache avec le canton et faisant l’objet d’une nouvelle procédure pour infraction à la LStup.

Le recourant ne conteste ni le principe ni l’étendue géographique de l’interdiction territoriale mais uniquement la durée de la mesure, laquelle sera examinée sous l’angle de la proportionnalité.

3.4 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

Appliqué à la problématique de l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l’art. 74 LEI, le principe de proportionnalité implique de prendre en compte en particulier la délimitation géographique d’une telle mesure ainsi que sa durée. Il convient de vérifier, dans chaque cas d’espèce, que l’objectif visé par l’autorité justifie véritablement l’interdiction de périmètre prononcée, c’est-à-dire qu’il existe un rapport raisonnable entre cet objectif et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre (ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 du 5 août 2021 consid. 3.4.2 ; 2C_796/2018 du 4 février 2019 consid. 4.2).

3.5 L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue géographique de la mesure. Elle doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/1126/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.3). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

La mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

3.6 Le Tribunal fédéral a confirmé une assignation territoriale d’une durée de deux ans au territoire d’une commune zurichoise pour un étranger qui ne s’était pas soumis au renvoi qui lui avait été notifié (arrêt du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018).

3.7 La chambre de céans a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève, y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019), à l'encontre d'un ressortissant sénégalais, jusqu'alors inconnu de la justice pénale suisse, pour avoir vendu 0,6 g de crack à un toxicomane pour le prix de CHF 20.-, l'intéressé disposant de documents de séjour en Italie en cours de validité et n'ayant aucun lien avec le canton de Genève (ATA/1186/2024 du 9 octobre 2024), à l’encontre d’une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022), ou encore à l'encontre d'un ressortissant nigérian au bénéfice d'un titre de séjour valable délivré par les autorités italiennes, disant être domicilié à Brindisi et condamné à plusieurs reprises à Genève, notamment pour infractions à la LStup (ATA/1028/2024 du 30 avril 2024).

Elle a confirmé des interdictions territoriales étendues à tout le canton de Genève pour des durées de 18 mois prononcées contre : un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ; un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup, qui avait longtemps caché sa véritable identité et était revenu en Suisse malgré un renvoi (ATA/536/2022 du 20 mai 2022) ; un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, plusieurs fois condamné pour infractions à la LStup, objet de décisions de renvoi et traité sans succès pour une dépendance aux stupéfiants (ATA/411/2022 du 14 avril 2022).

Elle a confirmé une interdiction territoriale étendue au centre‑ville de Genève, compte tenu des relations du recourant avec sa compagne et son enfant, pour une durée de 24 mois prononcée contre un étranger interpellé en possession de huit boulettes de cocaïne et condamné auparavant à six reprises pour infractions à la LStup et à la LEI (ATA/537/2022 du 23 mai 2022).

Elle a rétabli à 24 mois une interdiction territoriale réduite à 18 mois par le TAPI dans le cas d’un ressortissant algérien ne disposant d’aucun lieu de vie en Suisse, hormis le domicile à Genève de sa compagne, où quelques affaires lui appartenant avaient été retrouvées. Il paraissait également vivre chez sa sœur en France voisine. Il n’établissait pas sa paternité sur l’enfant qu’il prétendait être le sien. Il avait fait l’objet de multiples condamnations pénales notamment pour infractions à la LStup et d’autres procédures pénales étaient en cours contre lui. Il n’avait eu aucune considération pour la première décision d’interdiction territoriale prononcée à son encontre, pour une durée de douze mois, ni pour l’interdiction d’entrée. Une durée de 18 mois paraissait donc faible au regard de ces circonstances (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

Dans un arrêt récent, elle a confirmé une interdiction de 24 mois dans le cas d'un ressortissant sénégalais ayant été interpellé pour vente d'une boulette de cocaïne, drogue dont il admettait consommer 3 à 4 grammes par semaine. Il avait son travail, son domicile et sa famille (deux enfants) en France et ses relations avec le canton n'étaient qu'épisodiques ou non établies. Il avait été condamné à plusieurs reprises, notamment pour des infractions à la LStup, et avait fait l'objet de deux mesures d'interdiction d'entrée en Suisse, qu'il n'avait pas respectées (ATA/611/2025 du 3 juin 2025).

3.8 En l’espèce, le TAPI a estimé que les condamnations pénales prononcées à plusieurs reprises contre le recourant en raison de sa participation au trafic de stupéfiants, ainsi que les appréciations sévères portées à son sujet par le TAPEM et par la CPAR justifiaient qu’une troisième mesure d’interdiction territoriale soit prononcée pour une durée sensiblement supérieure.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Le recourant a été condamné en 2015, 2017, 2021 et 2024 pour des infractions à la LStup. Il a en outre fait l’objet d’interdictions territoriales en 2015 et 2021.

Contrairement à ce qu’il semble considérer, le fait qu’il aurait, comme il l’affirme, respecté les interdictions territoriales ne lui est d’aucun secours. Ce qui est déterminant, c’est qu’il a été condamné à quatre reprises et a fait l’objet de deux interdictions territoriales et qu’il a, ce nonobstant, été à nouveau arrêté le 4 avril 2025 dans le cadre d’une transaction portant sur 138.8 g de marijuana puis le 1er octobre 2025 en possession d’une goutte de 10,2 g bruts de cocaïne, d’un sachet minigrip de 2,5 g brut de pilules et des restes de pilules d'ecstasy, de trois sachets d’aluminium de 53,3 g brut de marijuana ainsi que d’une balance électronique et de la somme de CHF 1'238.10.

Le recourant, qui admet être toxicomane, conteste toutefois s’être livré au trafic et indique avoir fait opposition à l’ordonnance de condamnation. Une condamnation définitive n’est toutefois pas nécessaire pour le prononcé d’une mesure d’interdiction territoriale. Un soupçon suffit et en l’occurrence le recourant a été trouvé en contact avec les milieux de la drogue à deux reprises et la seconde fois il détenait, outre des stupéfiants, une balance, soit un accessoire notoirement utilisé par les trafiquants pour peser les doses qu’ils vendent.

Le recourant ne fait pour le surplus valoir aucune attache en Suisse ni aucun intérêt à séjourner dans le canton. Il soutient certes qu’il vient y rencontrer des amis et fréquenter des night clubs, sans plus de précisions, étant entendu que ces rencontres peuvent avoir lieu en France, où la vie nocturne est accessible et où le recourant affirme résider. Il soutient enfin qu’il vient à Genève se fournir en stupéfiants, mais il n’établit ainsi aucune nécessité de se rendre dans le canton qui serait pertinente pour arrêter la mesure d’interdiction.

Compte tenu de ces éléments, la durée de l’interdiction territoriale apparaît nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés par le recourant, et est partant conforme au principe de proportionnalité et à la jurisprudence susdécrite.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles ARCHINARD, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :