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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4157/2024

ATA/1085/2025 du 07.10.2025 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4157/2024-PRISON ATA/1085/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 octobre 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 28 septembre 2024 en détention avant jugement.

b. De cette date et jusqu'au 24 novembre 2024, il a fait l'objet d'une sanction de deux jours de cellule forte, infligée le 6 octobre 2024 pour violence physique exercée sur une personne détenue.

B. a. Selon rapport d'incident du 24 novembre 2024, il a « sonné » lors de son passage au magnétomètre au sortir de la messe à 8h35. Invité à retirer sa jaquette (ou veste), il ne s'est pas exécuté immédiatement. Lors de l'examen de ce vêtement, une arme artisanale formée de deux lames de rasoir dénudées collées sur un manche de rasoir a été découverte dans la poche intérieure.

Interrogé sur cette arme, A______ a dans un premier temps contesté qu'elle se soit trouvée dans sa jaquette avant, dans un second temps, d'indiquer qu'il en ignorait la présence.

Lors de son audition par le gardien-chef adjoint, il a précisé ne posséder la jaquette que depuis une semaine. Il ignorait que l'arme litigieuse, qui ne lui appartenait pas, s'y trouvait.

b. Par décision signifiée le même jour à 15h45 à A______, le gardien chef adjoint l'a sanctionné de trois jours de cellule forte pour confection ou possession d'objets prohibés.

C. a. Par acte expédié le 11 décembre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a contesté cette sanction.

La veste qu'il avait portée le 24 novembre 2024 pour assister à la messe lui avait été donnée quatre jours plus tôt par un autre détenu, et il ignorait le jour en question que l'arme artisanale, qui ne lui appartenait pas, se trouvait dans sa poche intérieure.

b. La prison a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n'ayant pas répliqué, les parties ont été informées le 4 mars 2025 que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conteste la sanction de trois jours de cellule forte qui lui a été infligée.

2.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

2.2 Les détenus doivent observer les dispositions du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention ainsi que les ordres du directeur et du personnel pénitentiaire
(art. 42 RRIP). En toute circonstance, ils doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus de détenir d'autres objets que ceux qui leur sont remis et d'introduire ou de faire introduire dans l'établissement d'autres objets que ceux autorisés par le directeur (art. 45 let. e et f RRIP), ; d’une façon générale, il leur est interdit de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).

2.3 Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, les sanctions peuvent être la suppression de visite pour quinze jours au plus (let. a), la suppression des promenades collectives, des activités sportives, d’achat pour quinze jours au plus ou la suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus (let. c à e), la privation de travail (let. f) ou encore le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g).

2.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/487/2025 du 29 avril 2025 consid. 2.4 ; ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3b et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/487/2025 précité ; ATA/738/2022 du 14 juillet 2022 consid. 3d ; ATA/36/2019 du 15 janvier 2019).

2.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101)., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4 ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

2.6 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).

2.7 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une sanction de cinq jours de cellule forte pour attitude incorrecte envers le personnel, possession d'un objet prohibé et refus d'obtempérer (ATA/1115/2022 du 4 novembre 2022). Elle a également confirmé des sanctions de trois jours de cellule forte pour violence physique exercée sur un détenu, trouble à l'ordre de l'établissement et détention d'un objet prohibé, respectivement pour trouble à l'ordre de l'établissement et détention d'un objet prohibé (ATA/1139/2024 du 30 septembre 2024 ; ATA/946/2024 du 19 août 2024).

2.8 Dans le cas d'espèce, il n'est plus contesté qu'une arme artisanale, formée de deux lames de rasoir dénudées fixée sur un manche de rasoir, a été découverte dans la poche intérieure de la veste portée par le recourant pour se rendre à la messe le 24 novembre 2024.

Le recourant soutient qu'il ignorait la présence de cette arme dans sa veste, qui lui aurait été donnée quelques jours plus tôt par un autre détenu dont il ne communique pas le nom. Ces dénégations sont toutefois dénuées de crédibilité, dans la mesure où elles supposeraient qu'il ait porté la veste litigieuse à plusieurs reprises sans vérifier le contenu des poches ni remarquer la présence, dans la poche intérieure, d'un objet de forme irrégulière représentant un certain volume. La possibilité alternative selon laquelle un tiers non identifié lui aurait, peu avant la fouille, glissé l'objet dans la poche intérieure de sa veste sans qu'il le remarque, est tout aussi invraisemblable. Il doit donc être retenu que le recourant était bel et bien le possesseur, conscient, d'un objet prohibé.

Il a, par ce comportement, violé les règles de la prison, en particulier les art. 45 let. e et h et 42 RRIP.

Reste à examiner si la sanction prononcée est proportionnée.

La détention d'objets prohibés constitue une violation grave du RRIP (ATA/946/2024 précité consid. 5.2). C'est plus particulièrement le cas lorsque l'objet concerné est une arme, par nature apte et destinée à blesser, ou au mieux à menacer, d'autres détenus ou des membres du personnel de la prison. Compte tenu de cette dangerosité intrinsèque, et du fait que le recourant avait déjà fait l'objet d'une sanction pour violence physique sur un autre détenu, la sanction prononcée, dont la quotité se situe au bas de la fourchette prévue par l'art. 47 al. 3 let. g RRIP, paraît tout à fait proportionnée, voire légère.

Le recours sera donc rejeté.

3.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2024 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 24 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ‑Dollon.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :