Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/632/2025 du 06.06.2025 ( PRISON ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/899/2025-PRISON ATA/632/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 6 juin 2025 1ère section |
| ||
dans la cause
A______ recourant
contre
PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée
A. a. A______ est en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon (ci‑après : la prison) depuis le 18 mars 2024.
b. De cette date jusqu’au 11 mars 2025, il a fait l’objet de cinq procédures disciplinaires, avec des sanctions allant de trois jours de suppression des promenades collectives à quatre jours de cellule forte.
B. a. Selon un rapport d’incident rédigé par un surveillant de la prison, le 11 mars 2025 à 14h50, sur le chemin de la grande salle de sport, A______ a grimpé à la porte « PSQ » donnant sur la promenade Sud et a crié en direction de celle-ci.
b. Le même jour à 15h50, le gardien responsable du sport lui a notifié une décision de sanction pour trouble à l'ordre de l'établissement lui supprimant, du 11 au 23 mars 2025, le sport dans la grande salle. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours, sans motivation spécifique à cet égard. L’intéressé avait été entendu à 15h45 et avait pu s’exprimer sur les faits. Il avait refusé de signer la notification de la décision.
C. a. Par acte posté le 16 mars 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles. La décision était injustifiée. Il subissait, depuis plus d’une année, l’acharnement d’un surveillant qui travaillait « au sport ». Ce n’était pas la première fois que ce dernier le sanctionnait sans motif valable. Il contestait avoir parlé avec des détenus sur le chemin de la salle de sport. D’ailleurs, d’autres détenus avaient parlé sans être sanctionnés ni même avertis. Il s’agissait de la sanction de trop.
Par courrier spontané du 20 mars 2025 à la chambre de céans, A______ a précisé qu’il avait écrit à la direction en raison du comportement d’un surveillant s’acharnant à son encontre. Il souhaitait que les tensions s’apaisent et désirait trouver une solution pour éviter que cela se reproduise. Il n’avait pas obtenu de réponse.
b. À la demande de la juge déléguée, la prison a transmis les images de vidéosurveillance.
c. La prison a conclu au rejet du recours. Le comportement répréhensible du recourant était visible sur les images transmises.
d. Le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
e. Le contenu des images de vidéosurveillance ainsi que le contenu des précédentes sanctions seront détaillés dans la partie en droit en tant que de besoin.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10), étant précisé que même si le recours ne comporte pas de conclusions formelles, on peut en déduire que le recourant estime la sanction infondée ou du moins trop sévère.
2. Le litige porte sur la sanction infligée au recourant de 15 jours de suppression d’accès à la grande salle de sport.
2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
2.2 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).
2.3 Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l’égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).
Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).
À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer a) la suppression de visite pour quinze jours au plus, b) la suppression des promenades collectives, c) la suppression des activités sportives, d) la suppression d’achat pour quinze jours au plus ou encore g) le placement en cellule forte pour dix jours au plus. Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP).
2.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/719/2021 du
6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3b et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/738/2022 du 14 juillet 2022 consid. 3d ; ATA/36/2019 du 15 janvier 2019).
2.5 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 5f ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e).
2.6 Récemment, la chambre de céans a confirmé une sanction de quinze jours de suppression du sport dans la grande et la petite salle à un détenu qui avait retiré son t-shirt pendant l’entraînement, ce qui était interdit, avait poursuivi sa séance malgré l’interpellation d’un gardien et avait tutoyé ce dernier en disant « vas-y, vas-y, lâche l’affaire », étant précisé que le détenu en cause avait déjà sept antécédents disciplinaires (ATA/1400/2024 du 29 novembre 2024).
Plus récemment, la chambre administrative a réduit de 30 à 15 jours de suppression de sport (grande et petite salle) la sanction d’un détenu qui avait crié en direction de personnes se trouvant à la promenade Nord et ne s’était pas arrêté de le faire malgré plusieurs demandes en ce sens du gardien principal responsable du sport. Si un tel comportement contrevenait au bon ordre de l’établissement et pouvait justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire, il ne s’agissait clairement pas là d’une violation grave du règlement. Dès lors, même en tenant compte des antécédents déjà assez fournis du recourant, une suppression de sport pendant 30 jours apparaissait – notamment au regard de l’arrêt du 29 novembre 2024 – trop sévère par rapport à la faute commise (ATA/79/2025 du 20 janvier 2025).
2.7 En l’espèce, il ressort des images de vidéosurveillance que, le 11 mars 2025 à 14h50, le recourant monte sur des barres métalliques fixées devant une porte vitrée afin de mieux voir d’autres détenus en promenade. Les faits se déroulent dans un corridor, relativement étroit, en bas d’escaliers, où quelques 20 personnes se retrouvent aux fins de se rendre dans la salle de sport. Le recourant reste plus d’une minute sur les barres en question. Si son comportement apparaît calme, il n’a pas obéi aux consignes interdisant d’utiliser les barres et de s’y hisser. Cette attitude contrevient aux obligations d’une personne en détention et ne peut être tolérée dans un établissement pénitentiaire. Enfin, quand bien même le recourant aurait eu des motifs de se plaindre de l’attitude de l’agent de détention, cela n’aurait pas justifié le comportement qui lui est reproché.
La sanction de quinze jours de suppression du sport dans la grande salle apparaît apte à atteindre le but d’intérêt public au respect de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement, nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’établissement et au respect de la loi (art. 81 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) primant sur l’intérêt privé du recourant à pouvoir bénéficier de la grande salle de sport pendant une durée de quinze jours. Le choix de la sanction est en lien avec les faits reprochés. Elle est mesurée car limitée à la grande salle, le recourant ayant pu continuer à pratiquer le sport dans la petite. La durée de quinze jours est proportionnée puisqu’elle tient compte des antécédents, étant précisé que l’intéressé avait déjà fait trois fois l’objet d’une suppression des promenades collectives respectivement à deux occasions pendant trois jours puis pendant cinq jours et qu’il avait déjà été sanctionné de quinze jours de suppression du sport dans les petite et grande salles toujours en raison de troubles à l’ordre de l’établissement. En conséquence, la durée de la sanction apparaît cohérente avec la gravité relative de la faute et les autres antécédents. Le principe de la proportionnalité est respecté.
Les faits tels que relevés par le gardien correspondent aux images de vidéosurveillance. Dans ces conditions, les griefs du recourant quant à un comportement chicanier de ce dernier, de surcroît assermenté, doivent être écartés en lien avec cet épisode.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
3. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2025 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 11 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
C. MARINHEIRO
|
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière : |