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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1091/2025

ATA/623/2025 du 03.06.2025 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1091/2025-FPUBL ATA/623/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 juin 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Toni KERELEZOV, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Mes Anne MEIER et Amel BENKARA, avocates



Vu le recours interjeté le 28 mars 2025 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 24 février 2025 résiliant les rapports de service de la précitée avec effet au 31 mai 2025 ; qu’elle conclut, préalablement, à la production de plusieurs documents, à l’audition des parties ainsi que de plusieurs témoins selon une liste à produire, à l’inexploitabilité de plusieurs pièces des HUG et, principalement, à l’annulation de la décision, à sa réintégration, au paiement d’indemnités de CHF 13'004.- pour harcèlement sexuel, de CHF 38'545.- pour licenciement contraire à la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) et de CHF 39'000.- pour dommages et intérêts ainsi que tort moral au sens de la LEg, avec intérêts à 5% dès le 24 mars 2025 ;

qu’elle explique qu’elle a travaillé comme aide-soignante depuis 2009 ; qu’elle a été engagée aux HUG par contrat du 1er avril 2020, nommée fonctionnaire le 1er avril 2022, transférée au département de psychiatrie dès le 1er septembre 2022 ; que dès son arrivée elle y a été victime de comportements attentatoires à sa personnalité ; qu’elle a régulièrement été questionnée sur son apparence physique, son âge et sur les raisons de son domicile en Suisse bien qu’elle soit de nationalité française ; qu’elle a subi du harcèlement tant psychologique que sexuel ; qu’elle a dénoncé le comportement de certains responsables du service des soins, sans succès ; qu’en réaction à ses dénonciations, elle a été mise sous forte pression par sa hiérarchie ; qu’elle a subi un accident le 19 novembre 2022 ; qu’elle en a informé B______, adjointe du responsable du service des soins, qui en a parlé à C______, infirmière responsable d’équipe (ci-après : IRES) laquelle a transmis ces informations à une patiente ; qu’elle a dûment interpellé l’IRES sur le bien-fondé de la communication d’informations si personnelles et sensibles entre responsables et encore plus à des patients ; qu’après sa reprise d’activité, à temps partiel, le 1er juillet 2023, différents incidents sont survenus (dessin d’un phallus sur son casier ; propos inappropriés à son égard « je n’aime pas les blondes » ; accusation infondée de refuser le port du masque pour ne pas abîmer son maquillage) ; que le 19 avril 2024, lors d’une réunion surprise, il lui a été reproché de n’avoir pas respecté le protocole de soins à différentes reprises ; qu’elle a été victime le 16 mai 2024 d’un accident et s’est retrouvée en incapacité de travail totale jusqu’au 7 octobre 2024, date à laquelle elle a été conviée à un entretien de reprise ; que lors de ce dernier, elle a été convoquée à un entretien de service lequel s’est tenu le 18 novembre 2024 ;

qu’à cette occasion, il lui a été reproché des difficultés récurrentes de communication ainsi que du harcèlement et de la diffamation envers une collègue, ce qu’elle contestait ; que de surcroît la production des messages échangés avec celle-ci relevait d’une violation de son domaine privé et de sa personnalité ; que la collègue en question avait remis des bribes de conversation qui ne permettaient pas de comprendre le contexte des échanges ; que ceux-ci étaient tout à la fois non pertinents, illicites et devaient être retirés de la procédure ; qu’elle contestait posséder un compte Tik Tok sous le pseudonyme mentionné ; qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune évaluation annuelle depuis sa nomination ; qu’elle n’avait bénéficié d’aucune mesure d’accompagnement afin de répondre aux prétendues lacunes en matière de communication ; que la décision de résiliation des rapports de service du 24 janvier 2025 contre laquelle elle avait dû interjeter recours était nulle compte tenu de son incapacité de travail, ce que les HUG avaient reconnu ; qu’une nouvelle résiliation des rapports de service lui avait été notifiée le 24 février 2025 ; qu’il était d’usage que les femmes soient davantage visées par des mesures managériales, procédure de licenciement y compris, dans le service de psychiatrie ;

que l’effet suspensif devait être restitué au recours ; que sa réintégration était légalement possible, les faits allégués par son employeur comme étant à l’origine de la décision de licenciement datant d’avant la réforme du mois de mai 2024 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ; que la procédure serait plus longue que le délai de congé ; qu’elle serait en conséquence contrainte de s’inscrire au chômage et sortir de sa caisse de pension ; que ces conséquences ne pourraient pas être réparées intégralement avec une décision finale qui lui serait favorable ; qu’elle devrait de surcroît continuer à chercher du travail pour éviter une pénalité de l’assurance‑chômage ; que la résiliation des rapports de service ne reposait sur aucun motif fondé, était discriminatoire et constitutive d’un congé de rétorsion ; que la décision était contraire au droit puisque les HUG avaient refusé de procéder à un reclassement ;

que les HUG ont conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif ; que le bilan de fin de période d’essai était globalement pas satisfaisant puisque la majorité des compétences professionnelles de l’intéressée était évaluée entre 2 et 3 sur 5 ; que l’intéressée avait eu l’opportunité de travailler dans différents services du département de psychiatrie ; que les mêmes difficultés avaient été mises en lumière lors de chacune de ses missions ; qu’un bilan intermédiaire avait été dressé en décembre 2023 dans lequel la recourante ne répondait que partiellement aux attentes ; que des objectifs lui avaient été fixés le 2 février 2024 ; qu’un bilan intermédiaire avait été réalisé le 19 avril 2024 qui mettait en évidence des difficultés de communication et de collaboration ; qu’un nouveau bilan intermédiaire était prévu en mai 2024 qui n’avait toutefois pas pu être établi en raison de l’incapacité de travail de l’intéressée ; que l’ensemble des éléments soulevés par la recourante – qu’elle qualifiait faussement de discrimination et/ou de harcèlement – avait fait l’objet d’une vérification par les HUG mais qu’aucune discrimination ni aucun harcèlement n’avait pu être objectivé ; que la LEg ne trouvait pas application ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé avoir rendu vraisemblable l’existence d’une discrimination laquelle était dès lors présumée ; que les HUG n’apportaient pas le moindre élément pour renverser cette présomption ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge ;

que l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), applicable aux HUG selon l'art. 1 al. 1 let. e LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ; les modalités sont fixées à l’art. 46A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ;

que selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ;

qu’aux termes de l'art. 31 al. 3 LPAC, entré en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration ;

que la chambre de céans a jugé récemment que les règles posées par l’art. 31 LPAC étaient des règles de procédure et non de droit matériel, dès lors qu’elles lui donnaient des indications sur ses compétences procédurales pour ordonner ou uniquement proposer la réintégration dans les cas où elle aboutirait à la conclusion que la résiliation des rapports de service était injustifiée (ATA/1284/2024 du 6 janvier 2025 consid. 4.3) ; dans ce même arrêt, qui contrairement au cas faisant l’objet du présent recours concernait une décision prononcée avant l’entrée en vigueur de la novelle, la chambre de céans a retenu que l’abrogation de la compétence qui lui était jusqu’alors conférée d’ordonner la réintégration constituait une rupture par rapport au système procédural antérieur, ce qui justifiait d’appliquer l’art. 31 al. 3 LPAC dans son ancienne teneur ;

qu’elle n’a pas encore tranché la question au fond lorsque la décision était postérieure au 11 mai 2024 (ATA/127/2025 du 28 janvier 2025) ;

qu’en l'espèce, la recourante conclut sur effet suspensif à sa réintégration ;

que la réponse à la question de savoir si l’ancien droit de procédure s’applique ou si au contraire le nouvel art. 31 al. 3 LPAC doit s’appliquer in casu n’est pas manifeste et nécessite un examen au fond ;

que dans l’hypothèse où le nouvel art. 31. al. 3 LPAC trouverait application, la chambre de céans ne pourrait pas, en cas d'admission du recours, ordonner la réintégration de la recourante, mais uniquement la proposer ; la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de réintégrer la recourante pendant la durée de la procédure, irait alors au-delà des compétences de la chambre administrative, de sorte que celle-ci ne pourrait pas l’ordonner ;

que cependant, en toute hypothèse, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier de la recourante à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que le harcèlement sexuel ne bénéficie pas de la présomption de l’art. 6 LEg ;

que l’annulabilité du congé de l’art. 10 LEg n’est prévue prima facie que pour les rapports de droit privé ;

que la recourante se réfère à un congé discriminatoire au sens des art. 3 al. 2 LEg et conclut à une indemnité conformément à l’art. 5 al. 2 LEg ; que cette dernière disposition se réfère de prime abord aussi au droit privé ; que les analogies faites par la recourante devront faire l’objet d’une analyse plus approfondie au fond ;

que la recourante ne démontre ni même n’allègue que la décision querellée le mettrait dans une situation financière très difficile ;

qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond ;

qu’a priori, la valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.- ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Toni KERELEZOV, avocat de la recourante, ainsi qu'à Mes Anne MEIER et Amel BENKARA, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

 

 


Le président :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :