Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1169/2025

ATA/603/2025 du 28.05.2025 ( FORMA ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1169/2025-FORMA ATA/603/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 mai 2025

sur effet suspensif et demande de suspension de la procédure

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Yannick BERSOT, avocat recourante

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



Attendu, en fait, qu'A______ (ci-après également : la doctorante), née le ______1995 et originaire de Biélorussie, a, dès le semestre d'automne de l'année universitaire 2022/2023, été immatriculée à l'Université de Genève (ci-après : l'université) et inscrite à la faculté de médecine (ci-après : la faculté) en vue de l'obtention d'un doctorat ès sciences en sciences de la vie, mention sciences biomédicales ; ses codirecteurs de thèse étaient les professeurs B______, directeur, et C______, co-directrice ;

que, le 1er septembre 2023, elle a échoué à l'examen oral de doctorat (ci-après : examen TAC) auquel elle devait se soumettre au terme de sa première année, évalué par un comité de thèse (thesis advisory committee, ou TAC) composé de cinq membres ; elle avait la possibilité de repasser l'examen dans un délai maximum de six mois ;

qu'à l'occasion de cet examen, A______ s'est plainte d'une supervision et d'un soutien à ses yeux insuffisants de la part de sa co-directrice de thèse, la prof. C______ ; que plusieurs échanges de courriels entre elle-même, son directeur de thèse et divers cadres de la faculté s'en sont suivis ;

que la doctorante se trouve depuis le 30 janvier 2024 en incapacité de travail, laquelle trouve selon elle son origine dans ses relations avec la prof. C______ ;

qu'un processus de conciliation entre la doctorante et la faculté s'est engagé, dans le cadre duquel une séance a été tenue le 17 mai 2024 ; il lui a été proposé à cette occasion soit de se présenter une nouvelle fois à l'examen TAC, devant le même comité de thèse, une fois que son incapacité de travail aurait pris fin, ou de changer de sujet et de directeur de thèse et de reprendre ab initio son cursus doctoral ;

que, par courriel du 22 mai 2024, elle a opté pour la seconde possibilité, ce dont la faculté a pris acte par lettre du 27 mai 2024, l'informant qu'elle ne se trouvait dès lors plus sous la direction des prof. D______ et C______ et disposait d'un délai de douze mois à compter de la fin de son incapacité de travail pour trouver de nouveaux sujets et directeur de thèse ; réagissant par lettre du 12 juin 2024 à ce courrier, A______ a demandé confirmation qu'elle resterait inscrite en qualité de doctorante sous la direction des prof. D______ et C______ jusqu'à la fin du délai de douze mois qui lui était imparti pour trouver de nouveaux sujet et directeur de thèse, et que les « contenus » de l'examen TAC du 1er septembre 2023 et les références y relatives seraient supprimées ; dans sa réponse du 20 juin 2024, la faculté, se référant aux « points conciliatoires », lui a notamment confirmé qu'elle n'était plus encadrée par ses anciens directeurs de thèse, ce dont ceux-ci avaient été informés ; elle resterait néanmoins immatriculée à l'université, et inscrite en qualité de doctorante à la faculté de médecine, pendant le délai de douze mois au maximum à compter de la fin de son incapacité de travail dont elle disposerait pour trouver un nouveau sujet de thèse et un nouveau directeur de thèse ; l'examen TAC du 1er septembre 2023 ne serait pas comptabilisé dans son cursus mais les pièces y relatives seraient conservées dans son dossier à titre historique ; une acceptation écrite par la doctorante de ces « points conciliatoires » était nécessaire à la formalisation des engagements pris ;

que, par courrier du 25 juin 2024, A______ a soumis son acceptation de cette « demande » à la condition que divers documents, énumérés dans ledit courrier, lui soient au préalable communiqués ;

que, par lettre du 8 août 2024, la faculté a imparti à la doctorante un délai de quinze jours pour lui faire part de son accord sur les « points conciliatoires » énoncés dans son courrier du 20 juin 2024 ; après avoir sollicité le 22 août 2024 la prolongation au 20 septembre 2024 de ce délai – sans obtenir de réponse expresse de la faculté – A______ ne s'est pas déterminée ;

que, par décision stipulée immédiatement exécutoire du 30 septembre 2024, la faculté, se fondant sur les dispositions topiques du règlement d'études applicable au doctorat ès sciences en sciences de la vie des facultés de médecine et des sciences (ci-après : RE), a prononcé la révocation de l'inscription de la doctorante audit doctorat ;

que l'opposition formée par A______ à l'encontre de cette décision a, conformément au préavis émis le 28 février 2025 par la commission d'opposition pour les études en faculté de médecine, été rejetée par décision rendue le 28 février 2025 par le doyen de la faculté, déclarée exécutoire nonobstant recours ;

que, par acte adressé le 2 avril 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a formé un recours contre cette décision sur opposition, concluant, sur le fond, à son annulation et à sa réinscription au doctorat en sciences de la vie et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif ainsi qu'à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la plainte pour atteintes à sa personnalité qu'elle avait adressée le 29 novembre 2024 au rectorat de l'université, en application des art. 69 à 79 du règlement sur le personnel de l'université (ci‑après : RPers) ; la décision consacrait une violation du principe de la bonne foi dans la mesure où, compte tenu des correspondances échangées, elle était en droit de penser que la faculté ne mettrait pas unilatéralement un terme à sa supervision par les prof. D______ et C______ pour s'en prévaloir ensuite pour révoquer son inscription au doctorat ; les faits avaient été constatés de manière inexacte dans la mesure où la décision contestée ne mentionnait ni les manquements de la prof. C______, ni les atteintes en ayant découlé pour sa santé, ni enfin la plainte pour atteintes à sa personnalité qu'elle avait adressée au rectorat de l'université ; l'exécution immédiate de la décision contestée aurait pour conséquence son exmatriculation de l'université et la priverait ainsi de l'accès aux ressources nécessaires pour trouver un nouveau sujet et un nouveau directeur de thèse ;

que, dans ses observations sur effet suspensif et sur demande de suspension, l'université a conclu au rejet des conclusions préalables formées par la recourante ; la restitution de l'effet suspensif entraînerait sa réinscription en qualité de doctorante, ce qui, outre le fait de ne faire académiquement aucun sens, reviendrait à faire droit à ses conclusions au fond ; contrairement à ce qu'elle soutenait, elle n'avait, à l'instar de tout nouveau candidat à une formation de doctorat, besoin d'aucun accès à de quelconques ressources universitaires pour rechercher un nouveau sujet de thèse et un nouveau directeur de thèse, après quoi elle pourrait solliciter sa réinscription ; en tout état, l'intérêt public de l'université et de la faculté à n'accueillir que des personnes remplissant les conditions règlementaires d'admission et de poursuite de la formation considérée l'emportait sur l'éventuel intérêt privé de la recourante à continuer à bénéficier provisoirement du statut de doctorante, alors qu'elle n'était matériellement pas en mesure de poursuivre ce cursus en l'absence de supervision ; la plainte pour atteinte à la personnalité déposée le 29 novembre 2024 par la recourante auprès du rectorat ne pourrait éventuellement conduire qu'au constat d'une atteinte à la personnalité et à l'identification de son auteur (art. 78 al. 2 RPers) ;

que l'université a en outre indiqué que, dès lors qu'elle n'était plus inscrite en qualité de doctorante, la recourante, par décision du 11 avril 2025, avait été exmatriculée de l'université avec effet au 30 septembre 2024 ;

que, par lettre du 16 avril 2025, la recourante a informé la chambre administrative de son intention de former opposition à cette décision d'exmatriculation ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif et suspension de la procédure du 9 mai 2025, la recourante a fait valoir que ses recherches d'un nouveau sujet et directeur de thèse seraient facilitées si elle demeurait immatriculée à l'université et inscrite en qualité de doctorante ; dans la mesure où l'université s'était précédemment montrée disposée à maintenir cette inscription pour une durée de douze mois suivant la fin de son incapacité de travail, aucun intérêt public ne paraissait devoir s'opposer à la restitution de l'effet suspensif ; la révocation de l'inscription au doctorat constituait le fondement de la décision d'exmatriculation, qui la mettait dans une situation difficile : toujours incapable de travailler et ne disposant que de moyens financiers limités, elle se voyait en effet privée des prestations du pôle santé de l'université ; le renouvellement de son permis de séjour, qui expirait le 31 août 2025, était également mis en péril ; son intérêt privé à la restitution de l'effet suspensif l'emportait donc sur un éventuel intérêt public contraire ; la plainte pour atteinte à la personnalité déposée auprès du rectorat avait été rejetée par décision de la rectrice du 30 avril 2025, contre laquelle une opposition était envisagée : la suspension de la procédure était donc toujours justifiée ;

que la cause a ensuite été gardée à juger sur restitution de l'effet suspensif et sur la requête de suspension de la procédure de recours ;

Considérant, en droit, que, selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un-e juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3). Par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/292/2021 du 9 mars 2021 ; ATA/288/2021 du 3 mars 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265). Par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

qu'ainsi, lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que, lors du prononcé de mesures provisionnelles, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce la révocation de l'inscription de la recourante au cursus de doctorat ès sciences en sciences de la vie qu'elle avait entamé à la faculté paraît certes, de prime abord, trouver un appui dans les dispositions règlementaires régissant ledit cursus, en particulier les art. 5 al. 1 et 5 et 6 al. 5 RE ; le cas d’espèce présente espèce présente toutefois des particularités en ce sens que la fin de la supervision du cursus doctoral par les co-directeurs de thèse, qui constitue le fondement factuel de la décision contestée, est intervenue dans le cadre, à tout le moins sous l’angle temporel, d'un processus conciliatoire finalement inachevé ;

que l'intérêt public à ce que ne soient admis à la formation concernée que des personnes en remplissant les conditions académiques, régulièrement souligné par la chambre de céans (ATA/157/2022 du 11 février 2022 consid. 4 ; ATA/292/2021 précité ; ATA/952/2020 du 24 septembre 2020 ; ATA/1135/2019 du 9 juillet 2019), doit dans les circonstances particulières du cas d'espèce être relativisé, au regard du fait que l'intimée paraissait elle‑même disposée à y déroger dans le cadre des « points conciliatoires » discutés avec la recourante ; qu'il n'apparaît pour le surplus pas que le maintien essentiellement formel, pendant la durée de la présente procédure de recours, de l'inscription de la recourante au cursus doctoral contreviendrait à d'autres intérêts publics, notamment financiers ou organisationnels, étant relevé que celle-là se trouve actuellement en incapacité de travail de longue durée et ne semble pas vouloir reprendre le parcours doctoral engagé en 2022 ;

que la recourante a pour sa part rendu vraisemblable son intérêt privé à demeurer inscrite, pour la durée de la présente procédure, en qualité de doctorante, afin d'une part de pouvoir continuer à bénéficier d'un suivi médical auprès du pôle santé de l'université et d'autre part, de pouvoir rechercher de nouveaux directeur et sujet de thèse sans craindre de devoir quitter le territoire suisse ;

que cet intérêt privé doit être considéré, à ce stade, comme prédominant, ce qui entraîne l'octroi de l'effet suspensif ; qu'il sera relevé que cet octroi ne préjuge en rien de l'issue du litige ;

que, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA) ; l'art. 14 LPA est une norme potestative, son texte clair ne prévoyant pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1099/2023 du 5 octobre 2023 et l'arrêt cité) ;

qu'il ne se justifie pas en l'espèce de suspendre la présente procédure de recours dans l'attente de l'issue de la procédure de plainte pour atteinte à la personnalité introduite le 29 novembre 2024 par la recourante, comme celle-ci y conclut ; d'une part, une décision de classement de ladite plainte a d'ores et déjà été rendue par la rectrice de l'université sans que l'on sache aujourd'hui si elle sera frappée d'opposition ; d'autre part et surtout, la procédure de plainte prévue par les art. 69 ss. RPers ne peut conduire qu'à une décision de classement (art. 71 al. 3 R-pers) ou à une décision constatant l'existence ou l'inexistence d'une atteinte à la personnalité et son auteur (art. 78 al. 2 RPers) ; que, quelle qu'elle soit, l'issue de la procédure de plainte ne paraît ainsi pas devoir déployer d'effet direct dans la présente procédure ;

que la demande de suspension sera donc rejetée ;

que, conformément à la pratique, il sera statué sur les frais du présent incident avec l’arrêt au fond ;

 

 


LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours formé le 2 avril 2025 par A______ ;

rejette la requête de suspension de la procédure de recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Yannick BERSOT, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.



 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :