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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3071/2023

ATA/350/2025 du 28.03.2025 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3071/2023-EXPLOI ATA/350/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Fabien RUTZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. L’A______ (ci-après : A______) exploite une structure d’accueil pour la petite enfance (ci-après : la crèche ou B______) ainsi qu’une école maternelle (aussi nommée Maternelle C______).

b. L’association C______ (ci-après : C______) exploite une école accueillant des enfants dès la 3P.

c. B______ accueille les enfants jusqu’à 3 ans et la maternelle les accueille de 3 à 6 ans. La date de référence pour l’accueil est l’âge de l’enfant au 31 décembre de l’année scolaire en cours.

d. En novembre 2020, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a initié une procédure de contrôle du respect des usages de la petite enfance (ci-après : UPE) par A______.

e. Le 2 août 2021, A______ a signé l’engagement de respecter les UPE.

f. Par décision du 4 juillet 2022, l’OCIRT a infligé une amende de CHF 13'900.- à A______ et refusé de lui délivrer l’attestation visée par l’art. 45 al. 1 let. a de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05).

g. Le 21 août 2023, l’OCIRT a rendu une nouvelle décision, annulant et remplaçant sa précédente décision, portant l’amende à CHF 37'600.-.

L’association, après avoir répondu à l’OCIRT le 3 août 2021 en transmettant certains documents, n’avait plus répondu aux autres demandes de l’OCIRT, ce qui avait conduit, après un avertissement, à la sanction du 4 juillet 2022. L’intéressée avait demandé la reconsidération de cette décision le 26 juillet 2022, exposant une mauvaise gestion administrative interne et être disposée à collaborer. L’OCIRT était, à bien plaire, entré en matière sur cette demande. Un certain nombre de documents et renseignements avaient été remis. Toutefois, il manquait les renseignements et justificatifs concernant D______, E______, F______, G______, H______ et I______. J______, aide poylvalente engagée en août 2010, avait travaillé pendant dix ans sans contrat de travail et sans être déclarée aux assurances sociales, car elle n’avait pas de permis de travail. Elle était rémunérée CHF 2'500.- nets par mois pour 41.5 heures, respectivement 43.25 heures de travail hebdomadaire. Un contrat avait été signé en mai 2020, retenant faussement un engagement dès le 1er juin 2020 et un taux d’occupation de 32 heures par semaine, contraire à la réalité. En raison des manquements de l’entreprise en matière d’AVS, sa demande AI avait été refusée lorsqu’elle était gravement malade.

Constatant le non-respect du salaire minimum entre 2018 et 2022, du 13ème salaire progressif, de la retenue obligatoire pour l’assurance perte de gain en cas de maladie et pour assurance-accidents non professionnels, du barème des vacances, du congé du 1er mai et du congé maternité, l’OCIRT avait invité l’association à remédier, avant le 12 décembre 2022, à ces nombreuses carences. Celles-ci n’ayant que partiellement été supprimées, un dernier délai, précédé d’un avertissement le 13 avril 2023, avait été imparti à A______ au 5 mai 2023 pour y remédier. Il convenait de procéder à un rattrapage salarial des employés pour une somme totale de CHF 640'810.68, cosigner avec les employés les avenants au contrat de travail renvoyant aux UPE, rembourser le trop-perçu, depuis le 1er janvier 2019, sur la retenue pour l’assurance perte de gain en cas de maladie et celle en cas d’accidents non professionnels et mettre en place un planning annuel de vacances et jours fériés respectant les UPE.

Compte tenu du fait que les infractions aux UPE concernaient l’ensemble du personnel de A______ entre novembre 2018 et mars 2023, de la violation particulièrement grave du salaire minimum, du droit au 13ème salaire, du droit des étrangers et du droit des assurances sociales, de l’absence de mise en conformité malgré les deux avertissements et de la faible collaboration, le refus de délivrer l’attestation prévue par l’art. 45 al. 1 let. a LIRT pendant trois ans ainsi que le prononcé d’une amende de CHF 37'600.- étaient justifiés.

B. a. Par acte déposé le 21 septembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision dont elle a demandé l’annulation. Elle a requis l’audition des parties ainsi que la production par l’OCIRT « des informations complètes sur la mise en œuvre effective des UPE » dans les lieux d’accueil privés de la petite enfance.

K______ (ci-après : K______) était la secrétaire de L______. Elle avait pris sa retraite le 31 août 2022. Son activité pour l’école maternelle et le B______ était marginale. Elle s’occupait de l’ouverture et de la fermeture des lieux d’accueil à 8h00, à 12h00 et à 16h00 et relayait les éventuelles absences du personnel au rabbin. Elle n’avait jamais travaillé plus de 40 heures par semaine. J______ avait travaillé en qualité d’agente d’entretien. Il n’était pas contesté qu’elle ne disposait pas d’une autorisation de travail. A______ était en train de régler le paiement de l’arriéré de cotisations sociales relatives à cette employée. Celle-ci n’avait travaillé pour la crèche qu’à tiers temps ; le reste de son temps était consacré à l’école maternelle. U______, agent d’entretien, travaillait à 50% pour A______ et à 50% pour C______. Compte tenu de la taille des locaux, il consacrait un tiers de son 50% au B______ et le 2/3 à l’école maternelle. La recourante était en train de régulariser le paiement de son salaire minimum.

La durée de travail maximale était de 32 heures par semaine pour le B______. Il n’y avait pas d’heures de préparation en dehors des horaires suivants : lundi, mardi et jeudi : 8h00 à 16h00 et mercredi et vendredi : 8h00 – 12h00.

Les jours fériés étaient payés. Le 1er mai n’était pas férié. Chaque année, en alternance, l’Ascension ou la Pentecôte était payée. Seul un jour de congé devait ainsi être payé. Il n’y avait pas lieu d’appliquer les UPE concernant la répartition non paritaire des primes d’assurance perte de gain et accidents non professionnels ni les règles spécifiques relatives au congé maternité, le principe même de l’application des UPE étant contesté.

b. L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

A______ n’était pas au bénéfice d’une décision l’autorisant à déroger aux conditions du cadre de référence de l’accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06). Les enfants de moins de 4 ans révolus en début d’année scolaire ne pouvaient donc être exclus de l’accueil préscolaire. Selon le tableau fourni par K______, les enfants par tranche d’âge de moins de 4 ans révolus étaient, entre 2018 et 2022, comptabilisés dans la crèche et non l’école maternelle. Ces deux structures n’étaient pas dissociées dans l’administration, le nettoyage, les repas et l’accueil parascolaire. Même en admettant un temps de travail de 32 heures hebdomadaires, les salaires versés étaient largement insuffisants.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que lorsque, comme elle le pratiquait, la structure comprenait une école maternelle, le préscolaire était rattaché à l’école. Le préscolaire ne relevait pas de la surveillance du service d’autorisation et de surveillance de l’accueil de jour (ci-après : SASAJ).

D______, E______, F______, G______, H______, I______ avaient des fonctions d’encadrement et non d’enseignement à l’école maternelle. Elle sollicitait l’audition de N______et O______, qui travaillaient pour le B______. Dans la pratique, les horaires étaient plus souples que ce que prévoyait le Manuel d’information et règlement pour le personnel du C______ (ci-après : Manuel). Pour la petite enfance, il n’existait pas de compte rendu. Une réunion mensuelle, allant de 16h15 à 17h30, était organisée. Les employés avaient une pause de 45 minutes, incluse dans leur horaire de travail, soit neuf heures non-travaillées par mois. Ces neuf heures compensaient le temps de la réunion mensuelle.

L’OCIRT admettait qu’avant le 1er janvier 2020, il n’existait pas de base légale permettant d’imposer l’application des UPE.

Elle sollicitait l’audition des témoins précités et d’P______.

d. Dans sa duplique, l’OCIRT a répété que la recourante n’était pas au bénéfice d’une dérogation du SASAJ pour accueillir des enfants dès 3 ans en classe préscolaire. La dette liée à la décision en réparation du dommage relative aux charges sociales non payées de feu J______ n’avait été honorée que le 9 janvier 2024.

Les UPE étaient entrés en vigueur le 1er novembre 2018. Un régime transitoire avait été mis en place, ce dont la recourante avait été informée, permettant aux institutions concernées de faire évaluer par l’OCIRT la conformité aux UPE.

Était joint le courrier du 30 avril 2019 du SASAJ adressé aux titulaires d’une autorisation d’exploiter une structure de la petite enfance, qui faisait suite au courrier du 15 novembre 2018 et à la séance d’information du 1er mars 2019 relatifs à la mise en application des UPE. Ce courrier invitait, notamment, les structures concernées à s’annoncer à l’OCIRT afin de faire analyser les conditions pratiquées par celles-ci et de signer un engagement avant la fin 2019 à respecter les UPE. La surveillance formelle ne commencerait que le 1er janvier 2020.

e. Dans une écriture spontanée, la recourante a réitéré ses demandes d’actes d’instruction.

Elle a produit un courriel du 29 août 2022 du service de l’enseignement privé du département de l’instruction publique exposant les conditions auxquelles les écoles privées pouvaient obtenir une dérogation en vue d’accueillir des élèves en classes préscolaires dès 3 ans.

f. Dans un courrier du 23 mai 2024, l’OCIRT s’est prévalu de faits nouveaux. Il a produit un courriel de Q______ faisant état de son engagement, en qualité de secrétaire, en 2007 par l’association C______, puis en 2010 par A______, et en 2021 par R______. Ces pièces démontraient que la gestion de l’école maternelle et de la crèche n’était pas dissociée. D’ailleurs, si le personnel administratif ne consacrait qu’un tiers de son temps à B______, il consacrerait de manière prépondérante son temps à l’école maternelle, vidant ainsi l’effectif du personnel administratif des UPE.

g. L’audience de comparution personnelle des parties prévue le 27 mai 2024 a été annulée à la suite du décès du mandataire de la recourante.

h. a. Lors de l’audience, qui s’est tenue le 24 juin 2024 devant la chambre administrative, le représentant de la recourante, L______, a exposé qu’en 2002, l'association avait acquis une villa qui s'appelait A______. Toutes les activités de l'association se déroulaient dans cette maison, à savoir la crèche, l'école et l'accueil de la petite enfance. En 2002, l’A______ avait été créée pour gérer des activités payantes telles que l'exploitation de la crèche et de l'école.

La crèche accueillait des enfants à partir de six mois. Les enfants ayant atteint l'âge de 3 ans au 31 décembre de l'année scolaire en cours étaient accueillis à la maternelle au titre de l'enseignement préscolaire. Le SASAJ avait donné les autorisations nécessaires à cet égard.

Il ne se trouvait que deux à trois heures par semaine sur place compte tenu de ses nombreuses autres activités. Chaque employée travaillait essentiellement pour la crèche ou pour la maternelle. Il pouvait arriver que le personnel de nettoyage ait à intervenir dans les deux bâtiments. Son épouse était la directrice de la crèche. B______ ne bénéficiait pas de subvention du fait que la crèche accueillait des enfants d'autres communes et uniquement de confession juive. Elle accueillait beaucoup d'enfants de familles en situation financière précaire. Lors de l'ouverture de la crèche, il y avait cinq enfants ; désormais il y en avait 55 et une douzaine d’éducatrices. Ce nombre dépassait celui prescrit par le SASAJ.

Il avait entendu parler des UPE lors d'une réunion organisée par le SASAJ pour l'ensemble des crèches du canton. Les nouvelles conditions d'emploi étaient exposées. Cette réunion avait eu lieu à l'école T______ ; la date de février 2019 lui paraissait plausible. Un courrier avait d'ailleurs suivi. Ensuite, il avait eu des contacts avec une employée du SASAJ qui avait laissé entendre que l’association pourrait obtenir des dérogations. Il n'avait toutefois pas repris le sujet par la suite. Dans les discussions avec ladite employée au sujet de la signature d'une CCT, il avait été question de soumettre une demande de dérogation. Sa secrétaire, K______, préparait toute l'administration pour lui. Il ne faisait que signer les documents. En 2020, l’employée en question du SASAJ l'avait relancé afin qu’il signe les UPE. Elle lui avait à nouveau dit qu’ils pourraient vraisemblablement bénéficier de conditions spéciales s’ils le demandaient.

À réception de la décision de l'OCIRT en 2022, il avait appelé ce service car il voulait que le nécessaire soit fait. La responsable RH avait envoyé des documents et lui avait indiqué avoir fait tout ce qu'il fallait. De l'autre côté, l'OCIRT lui indiquait qu'il manquait des documents. Il aurait souhaité que l'OCIRT l'accompagne et l'aide plutôt qu'il cherche à le « couler ».

Le rattrapage salarial, charges sociales comprises, pour U______ avait été payé. Il y avait également un rattrapage en cours pour V______ tant concernant son salaire que les cotisations sociales.

Les prétentions de K______ déposées devant la juridiction des Prud'hommes étaient contestées. Elle n'avait jamais travaillé pour la crèche. Elle avait été engagée comme secrétaire administrative pour l'association C______. Certes, un moment donné, son bureau avait été déplacé dans les locaux de la crèche à W______. Cela n'avait toutefois rien changé à son activité. Tout au plus était-il arrivé que des parents, lorsqu'ils amenaient ou venaient chercher leurs enfants, lui donnent des informations de type administratif. Elle n'avait pas été engagée pour s'occuper des enfants. Elle n'était pas la responsable hiérarchique des employées de la crèche ni leur subordonnée. Il pouvait lui arriver de transmettre des informations qui étaient destinées au rabbin. Elle gérait elle-même ses pauses et ses horaires. Elle avait décidé un moment donné de venir à 7h00, car cela l'arrangeait. Elle refusait l'accès aux locaux avant 7h45 tant aux enfants qu'aux éducatrices. Elle n'avait jamais fait de photocopies pour la crèche.

Pour répondre à une question de l'OCIRT qui relevait que K______ et Q______ travaillaient chacune pour une entité autre que celle qui les rémunérait, il répondait que jusqu'à l'instruction du dossier par l'OCIRT, il ignorait que tel était le cas. K______ s'était toujours présentée comme la secrétaire de L______ et jamais comme celle du B______.

h.b La représentante de l’OCIRT a observé que cette affirmation était contredite par les courriels figurant au dossier envoyés par K______ en relation avec la crèche.

h.c Selon L______, les courriels ou messages WhatsApps envoyés ou reçus par K______ en lien avec la crèche étaient totalement accessoires à son activité principale de secrétaire pour lui. Il avait fait organiser une fête en faveur de K______ lors de son départ à la retraite. Celle-ci avait été extrêmement dévouée et présente, y compris lorsque son épouse était malade.

h.d Le directeur de l’OCIRT a relevé que la recourante n'avait pas obtenu de dérogation pour accueillir à l'école maternelle des enfants de moins de 4 ans. Les UPE étaient entrés en vigueur en novembre 2018. L’OCIRT avait accompagné les structures de la petite enfance dans cette modification et prolongé le délai d'adaptation. Environ 140 structures s’étaient conformées à ces nouvelles dispositions. Seules quatre ne l'avaient pas encore fait. Du fait de la prolongation du délai, les sanctions n'avaient été prononcées qu'à compter de 2021.

L'OCIRT avait proposé aux structures qui le souhaitaient de lui soumettre pour un examen « en blanc », ce qu'elles avaient prévu. À la suite de la modification de la loi sur l'accueil préscolaire du 12 septembre 2019, il avait été proposé aux structures de type communautaire de pouvoir adhérer à une CCT. C'est la raison pour laquelle ce n'était qu'à partir du 1er janvier 2020 que le respect strict des UPE ou de la CCT avait été exigé. L'OCIRT estimait avoir ainsi dûment accompagné les structures à ce changement.

Toute structure qui ne s'était pas conformée au 1er janvier 2020 s'exposait à une procédure. Dans un tel cas, les salaires tels que fixés à compter de novembre 2018 étaient pris en compte. En l'occurrence, les salaires avaient été pris en compte à compter de novembre 2019.

h.e À l’issue de l’audience, un délai a été imparti à la recourante pour produire toute pièce en lien avec d'éventuels rattrapages salariaux ou de cotisations sociales effectués, ainsi que produire une liste de témoins.

i. Dans le délai imparti, la recourante a produit l’avis de débit du 9 janvier 2024 de la somme de USD 64'003.92 en faveur de la FER CIAM, avec la mention « Mme X______ » ainsi que le courrier adressé à cette caisse le 2 juillet 2024, l’informant de son intention de procéder au rattrapage de cotisations pour le salaire de U______ du 1er juin au 31 décembre 2015. Elle a également sollicité l’audition de dix témoins.

j. Par décision du 21 août 2024, la chambre administrative a rejeté la requête de suspension de la présente procédure dans l’attente de la procédure prud’homale opposant la recourante à K______.

k. a. Lors de l’audience du 9 octobre 2024, K______, entendue en qualité de témoin, a maintenu sa déposition faite le 21 octobre 2022 auprès de l’OCIRT.

Elle avait transmis le courriel du SASAJ relatif à l’entrée en vigueur des UPE en 2018 au rabbin, qui lui avait dit qu’il s’en occuperait. Ce document n’avait pas été remis aux employés concernés. Elle avait pensé qu’il attendait la réunion du mois de mars 2019 pour le faire.

Elle était l’auteur du courriel du 28 mars 2023 aux inspectrices de l’OCIRT et en confirmait le contenu. La liasse de courriels professionnels en provenance de l’adresse électronique secretariat@C______geneve.ch ainsi que d’échanges WhatsApp avec L______ avait été produite par ses soins à l’OCIRT après son audition par celui-ci.

Elle avait été engagée en 2008 par l’Association C______. En 2010, elle avait commencé à travailler au C______, à savoir au A______. Les effectifs avaient considérablement augmenté. Elle consacrait l’essentiel de son activité à la petite enfance, à savoir aux enfants âgés de moins d’un an jusqu’à 3 ans révolus. Le mercredi après-midi, elle traitait avec M. L______ les questions relatives aux 1 et 2 P. Ils n’étaient que deux, U______ et elle-même, pour s’occuper de tous les aspects administratifs s’étendant en ce qui la concernait également au service du repas et en cas d’absence de U______ aussi de la lessive et du ménage. Elle aidait U______ à décharger le repas et à préparer les plateaux de nourriture en fonction de la taille de chaque classe. Ensuite, les éducatrices de chaque classe venaient chercher les plateaux, les apportaient dans leur classe et faisaient manger les enfants.

En cas d’absence du personnel, l’employé en informait L______ qui ensuite lui disait à qui faire appel. Il arrivait plus rarement que la personne absente la prévienne. Dans ces cas, elle s’adressait au rabbin pour savoir qui contacter pour le remplacement.

Q______, secrétaire, avait travaillé pendant 17 ans pour la structure, tantôt pour l’école C______, tantôt pour le A______, puis à nouveau pour l’école. Elle avait cependant toujours utilisé le papier à en-tête de A______, comme elle-même utilisait celui de l’association C______. À l’époque, elles n’y prêtaient pas beaucoup d’importance. L’en-tête des documents figurant sur leur contrat de travail respectif n’avaient pas été modifiés. Q______ et elle n’avaient jamais travaillé ensemble car elles étaient sur deux sites différents. Elles avaient cependant très souvent des contacts professionnels en lien avec des points d’organisation ayant trait aux fournitures, aux besoins des enfants (matériel, nourriture) à des événements festifs, par exemple.

À partir de 2019, elle avait eu droit à six semaines de vacances, en application des UPE dont elle avait parlé au rabbin. À sa connaissance, les autres employés n’avaient pas bénéficié des vacances telles que prévues par les UPE.

Dans un premier temps, lorsqu’elle était la secrétaire de L______, elle s’occupait de toute la correspondance, d’aspects événementiels (réservation de salles et de matériel, de la présence d’agents de sécurité), lui rappelait les tâches urgentes, s’était chargée des demandes auprès du SASAJ, de l’établissement avec L______ du calendrier scolaire, du classement et du rangement, par exemple. Ensuite, lorsqu’elle était passée au A______, il arrivait que L______ l’appelle pour lui dicter un courrier et ils faisaient le point le mercredi après-midi. Elle réservait l’après-midi en question exclusivement pour le travail avec L______ ; elle changeait d’ailleurs de site pour se rendre là où il avait son bureau. Les tâches exécutées le mercredi après-midi comportaient également la préparation des fêtes religieuses. Celle-ci comportait la réservation d’un emplacement, de la sécurité, d’une nacelle de la mise en place de la distribution de flyers, la demande aux TPG de prévoir de la publicité, la réservation de tables notamment. Ces tâches étaient toujours les mêmes, de sorte qu’avec l’expérience elle les faisait assez rapidement. Il lui était également arrivé de contacter un journaliste afin qu’il couvre l’événement, mais cela n’avait prospéré qu’une ou deux fois. Elle avait également un dossier de sponsoring qu’elle modifiait légèrement d’année en année en vue d’obtenir des fonds pour les différents événements.

Il n’y avait pas d’horaire pour le standard téléphonique. Lorsqu’elle était présente, elle répondait. Les enseignants devaient arriver pour 7h45. Les enfants arrivaient à 8h00. C’est elle qui ouvrait les bâtiments tous les matins après avoir fait le tour des locaux. Les enseignants ne pouvaient pas entrer dans le bâtiment tant qu’elle ne l’avait pas ouvert. Entre 7h45 et 8h00, les enseignants préparaient la classe.

Elle remplissait les tableaux des heures d’arrivées des employés. Elle avait établi un tableau de ses heures supplémentaires entre 2008 et 2016, qu’elle tenait à jour et avait soumis à Mme Z______, qui s’occupait des RH en tant que bénévole. Q______ ainsi qu’à Y______ n’en revenaient pas du nombre d’heures supplémentaires accomplies, qui avait totalisé 727 heures en huit ans. Tant qu’elle travaillait pour l’école C______, Mme Z______ l’autorisait à compenser les heures supplémentaires. Par la suite, elle n’avait plus pu les compenser. Elle trouvait inutile de le demander, car cela ne bougeait pas.

Elle prenait quatre semaines de vacances en juillet, une en fin d’année et une autre au printemps. Elle n’avait jamais pris de vacances pendant la période d’ouverture de la crèche.

k.d AA______, employée de A______ depuis août 2012, a déclaré qu’elle avait été engagée en qualité d’auxiliaire. Depuis juillet 2023, elle était assistante socio-éducative. Elle s’occupait des enfants âgés entre 2 ans et 2½ ans. Il s’agissait de la « grande section ». Elle travaillait à 80%. Elle commençait à 7h45 travaillait les lundi, mardi et jeudi jusqu’à 16h15 et les mercredis et vendredis jusqu’à 12h15. Elle déjeunait avec les enfants qu’elle accompagnait pendant le repas. Après le repas, elle avait une pause de 45 minutes, organisée selon un système de roulement permettant d’assurer en permanence la présence d’adultes auprès des enfants.

Son salaire brut initial était de CHF 3'100.-. Il avait passé à un moment qu’elle ne pouvait plus préciser à CHF 3'400.-, puis à compter de septembre 2022 à CHF 4'650.-. Elle avait obtenu son diplôme d’ASE en juillet 2023. L’augmentation précitée avait fait suite à sa demande en juillet 2022. Elle s’était engagée à poursuivre la formation d’ASE dont elle souhaitait qu’il soit tenu compte dans sa rémunération. Elle avait pris connaissance des UPE lorsqu’elle avait commencé sa formation en mars 2022. Elle en avait parlé avec ses collègues, mais personne n’en avait connaissance.

Entre 7h45 et 8h00, elle s’occupait de la mise en place de la salle pour l’accueil des enfants qui arrivaient dès 8h00. En fin de journée, soit vers 15h45, chacune des personnes présentes, à tour de rôle, s’occupait du rangement de la classe, ce qui impliquait également de nettoyer la vaisselle utilisée pour le goûter. Ils étaient toujours deux ou trois à s’occuper de la « grande section ». Ils profitaient de la sieste des enfants pour discuter des situations ou de questions d’organisation qui les concernaient. Ils avaient des réunions d’équipes une fois par mois. Il s’agissait de l’équipe qui s’occupait de la petite enfance.

Les ateliers avec les enfants étaient préparés soit le matin avant l’arrivée des enfants, soit pendant leur sieste ou encore durant l’excursion au jardin où l’une des employées restait à l’intérieur pour préparer l’atelier. Il pouvait arriver de devoir discuter avec des parents, ce qui se faisait soit le matin durant la période d’accueil, soit à partir de 16h.00. Ces entretiens se terminaient rarement au-delà de 16h.15. L’essentiel de ceux-ci avait lieu durant la période d’accueil.

Ses collègues et elle établissaient une newsletter chaque semaine à l’attention des parents, chacune à tour de rôle. Elle le faisait depuis chez elle. Cela lui prenait en général environ 45 minutes, le plus chronophage étant le choix des photos. Elle participait également à différentes festivités en lien avec des fêtes de départ ou de fin d’année qui pouvaient avoir lieu en dehors des heures scolaires. Si elle devait s’absenter, elle prévenait tant Mme S______ que K______. Il lui arrivait d’effectuer des remplacements à la crèche, à la demande de K______ ou de Mme S______.

Lorsqu’elle avait demandé une augmentation en juillet 2022, elle avait également abordé l’existence des UPE. Elle ne travaillait pas lors des fêtes religieuses.

k.f. AB______ a déclaré qu’elle avait travaillé de septembre 2012 à août 2023 auprès de la crèche du A______. Elle s’occupait des bébés ; elle les langeait, les nourrissait et jouait avec eux. Elle travaillait de 8h00 à 16h00 avec une pause de 45 min à midi. Son salaire initial brut était de CHF 2'500.-. Il avait augmenté à CHF 3'000.-, à une date dont elle ne se souvenait pas précisément. Elle n’avait pas connaissance des UPE ; cela ne lui disait rien du tout. Elle ignorait comment étaient rémunérées les personnes travaillant ailleurs et n’avait pas discuté de son salaire avec ses collègues.

Elle arrivait à 7h45, le temps d’arranger la classe pour l’accueil des enfants dès 8h00. Les enfants quittaient vers 16h00 et elle partait peu après.

Si un parent avait du retard, elle restait avec l’enfant jusqu’à son arrivée, en général pas au-delà de 16h15. La pause de midi était prise de manière échelonnée, de manière à ce que les enfants ne soient jamais seuls. Elle n’avait jamais travaillé en dehors de ses horaires. Les réunions avaient lieu vers 17h00, une fois par mois. Elle ne s’était jamais occupée du parascolaire. Les fêtes d’anniversaire des enfants avaient en général lieu avec les parents au début de la matinée ou en fin d’après-midi lorsque tous les enfants étaient présents. Ses collègues et elle rangeaient la classe en fin de journée, le nettoyage était effectué par U______.

k.g AC______, engagée en 2019 par A______, avait d’abord été remplaçante, puis employée fixe depuis septembre 2020. Il y avait deux crèches. Elle s’occupait des enfants un peu plus grands qui avaient entre 13 et 24 mois.

Elle arrivait vers 7h55. L’accueil des enfants avait lieu entre 8h00 et 9h00. Ensuite, avait lieu la prière ou une chanson, les enfants prenaient le goûter, se préparaient pour sortir au jardin jusqu’à 10h30 et le repas de midi était pris vers 11h30. Pendant la sieste, chaque employée prenait, à tour de rôle, sa pause de 45 min. Elle terminait son travail à 16h00. Les parents venaient chercher les enfants à partir de 15h45.

Son salaire net était de CHF 2'313.- par mois. Elle n’avait pas entendu parler des UPE et n’avait pas demandé d’augmentation salariale.

De septembre 2020 à janvier 2021, elle avait travaillé auprès des enfants de 4 ans. À sa demande, elle avait été ensuite affectée aux petits. Sa collègue arrivait le matin un peu avant elle, à 7h45. Elles préparaient la classe avant l’arrivée des enfants. Lorsque les enfants arrivaient à 8h00, les biberons quelles avaient préparés étaient déjà prêts pour eux. En fin d’après-midi, sa collègue et elle nettoyaient les biberons, ramassaient les quelques jouets. Le nettoyage de la salle était effectué par U______. Lorsque le parent venait chercher l’enfant, elles lui faisaient un petit rapport oral de la journée. En général, elle quittait son lieu de travail à 16h00.

Elle avait deux fois par mois une réunion avec Mme S______, qui allait d’environ 16h10 à au plus tard 17h00. Y participaient toutes les éducatrices et aide-éducatrices qui s’occupaient des enfants qui n’avaient pas encore intégré la 1P, à savoir les enfants qui n’ont pas encore 3 ans.

Elle ne travaillait jamais en dehors de ses horaires de travail. Les petits rapports destinés aux parents étaient rédigés pendant la sieste des enfants. En cas d’absence ou de retard, elle avertissait K______ ; c’était normal, c’était la secrétaire. Il était rare qu’elle quitte son travail après 16h00.

l. Dans le délai prolongé pour déposer une nouvelle liste de témoins, la recourante a sollicité l’audition de N______, O______, P______ et de G______ et a insisté sur sa demande de production, par l’OCIRT, de la décision du Conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci‑après : CSME) du 19 janvier 2018 et la CCT du personnel des structures d’accueil de la petite enfance.

m. Par courrier du 20 novembre 2024, l’OCIRT a informé la chambre administrative du fait que AA______ s’était présentée à sa réception le 14 novembre 2024 afin de demander de plus amples renseignements sur les UPE en prévision d’une procédure d’arbitrage devant un tribunal rabbinique. Elle avait produit un avenant à son contrat de travail du 25 août 2024 prévoyant un taux d’occupation à 32 heures par semaine pour un salaire brut de CHF 3'400.-. Dès lors que la recourante avait annoncé un horaire de 25 heures, puis de 28 heures pour cette employée, l’OCIRT n’avait pas posé de question à celle-ci lors de son audition. Or, les informations que cette employée venait de fournir démontraient l’inexactitude de celles données par la recourante.

n. Lors de l’audience du 25 novembre 2024, N______, convoquée à titre de témoin, ne s’est pas présentée.

Le représentant de la recourante a exposé que AA______ avait, depuis qu’elle avait commencé sa formation, bénéficié chaque semaine d’une demi‑journée de congé pour suivre et préparer ses cours jusqu’à l’obtention de son diplôme en juillet 2023. Ainsi, ses heures de travail hebdomadaire n’avaient jamais dépassé 28 heures. Son salaire avait été augmenté en cours de formation d’ASE, à titre d’encouragement. Ils pensaient qu’elle obtiendrait un diplôme d’éducatrice.

L’OCIRT s’est engagé à produire les directives relatives à la mise en œuvre des UPE. Il s’agissait de directives publiées sur son site et d’un procès-verbal du 19 janvier 2018 établi par le CSME décidant de l’édiction des usages de la petite enfance.

La recourante a contesté le temps de travail allégué par K______ pour L______ (une demi-journée par semaine). Cette activité exigeait beaucoup plus de temps. Elle travaillait pour lui quasiment tous les jours.

m.d O______ a déclaré qu’elle avait travaillé de 2009 à avril 2024 pour le A______ en qualité d’éducatrice. Elle avait obtenu son diplôme d’éducatrice en 2019. Elle avait d’abord travaillé à la crèche en s’occupant d’enfants âgés de 12 à 24 mois, puis au PRE C______ ayant la charge d’enfants de 2 à 3 ans, puis après l’obtention de son diplôme, elle s’était occupée d’enfants de moins d’une année.

Une journée type lorsqu’elle travaillait à 100 % commençait à 8h00 avec l’accueil des enfants jusqu’à 9h00. À midi, des plateaux-repas étaient livrés. Ils étaient offerts au personnel. Les employés s’organisaient pour le repas et la pause de midi de manière à ce que chacune puisse prendre une heure de pause. Les parents arrivaient en grand nombre vers 15h45. L’activité se terminait régulièrement à 16h00. La salle de vie était rangée au plus tard à 16h00

En cas d’absence de sa part, elle prévenait Mme S______, puis le secrétariat où travaillait K______. Elles avaient des colloques d’équipe en moyenne une fois par mois. Ils avaient souvent lieu pendant la sieste des enfants, rarement après 16h.00. Elle tenait les procès-verbaux de ces réunions et de la « grande réunion annuelle » avec les parents et les transmettait à K______.

Elle avait perçu un salaire mensuel brut de CHF 3'600.- pendant toute la période de son emploi, tant pendant la première période où elle travaillait à 100 % que pendant celle où elle travaillait à 50 % et également pendant sa formation où elle ne travaillait que deux jours par semaine ainsi que durant son stage de trois mois auprès de la Ville de Genève. Elle avait été très reconnaissante au rabbin d’avoir perçu son salaire durant le stage effectué auprès de la Ville. À son souvenir, elle avait travaillé à 100 % de 2009 à 2013, puis de 2014 à 2016 à 50 % et, pendant les deux premières années de sa formation, toute la journée les lundi et mardi et mercredi matin et la dernière année toute la journée le jeudi et le vendredi matin, puis à 50 % de 2019 à 2024, tous les jours de 8h00 à 12h00.

Elle confirmait la pièce 5-13 recourante (calendrier des jours-fériés et vacances de 2019 à 2022) ; celle-ci correspondait aux jours-fériés et vacances dont elle avait bénéficié.

Les activités avec les enfants un peu plus grands étaient préparées soit pendant les moments creux avant l’arrivée des enfants soit par une employée alors que les autres s’occupaient des enfants.

o. Le 4 décembre 2024, l’OCIRT a produit un extrait de la séance du CSME du 19 janvier 2018 décidant de l’édiction des UPE, les « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » établis par le CSME ainsi que les « principes généraux et seuils » établis par l’observatoire genevois du marché du travail, document validé par le CSME

p. La recourante a contesté le courrier de l’OCIRT du 20 novembre 2024. AA______ avait travaillé 28 heures par semaine pour un salaire mensuel brut de CHF 4'650.-. Elle persistait à demander l’audition de N______, dont la convocation pouvait être adressée à son conseil, vu les difficultés de notifier cet acte en France.

Elle a également fait valoir que les documents susmentionnés produits par l’OCIRT étaient lacunaires.

q. Dans le délai imparti au 31 janvier 2025 pour formuler d’ultimes observations, la recourante a fait valoir que l’application des UPE revenait à procéder à une extension interdite de conventions collectives de travail. Les UPE n’étaient pas représentatives des conditions salariales de la majorité du personnel oeuvrant dans le domaine de l’accueil de la petite enfance. La « règle d’or » ainsi que les conditions permettant d’étendre la CCT aux structures qui n’étaient pas partie à celle-ci n’étaient pas respectées. L’application des UPE 2020 à compter de 2018 était contraire au principe de non-rétroactivité des lois. En outre, d’autres crèches n’avaient été sanctionnées qu’à compter de janvier 2022 ; elle subissait une inégalité de traitement. L’activité déployée par K______ pour la recourante avait été surestimée par l’OCIRT. La situation d’U______ et de J______ avait été réglée. Enfin, l’amende était disproportionnée.

r. L’OCIRT est revenu en détail sur la rémunération de AA______, K______, O______, notamment, et a exposé la manière dont il avait constaté que les UPE, qui tenaient compte de la CCT du personnel des structures d’accueil de la petite enfance de la Ville de Genève, qui engageait la majorité des travailleurs dans ce domaine, étaient conformes aux exigences légales visant à éviter la sous-enchère salariale ainsi qu’aux directives du CSME. Il a également relevé que l’École C______ ne disposait pas d’une dérogation lui permettant d’accueillir des élèves avant l’âge de 4 ans, de sorte que le personnel de cette école s’occupant des enfants de moins de 4 ans révolus était également soumis aux UPE.

Il a joint le communiqué de presse du CSME du 13 mars 2014 informant de ce que cette commission tripartite réunissant les partenaires sociaux et l’État avait décidé de la mise sur pied des nouveaux moyens d’action pour intervenir en cas de sous-enchère salariale manifeste. Le CSME avait ainsi, notamment, renforcé le rôle des CCT. Une CCT non étendue mais regroupant une majorité des travailleurs était constitutive des usages d’une branche. Ces usages servaient de référentiel dans le secteur en question.

s. Par courrier du 5 février 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite l’audition de plusieurs témoins et la production de pièces complémentaires relatives aux UPE.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 En l’espèce, l’intimé a produit les extraits du procès-verbal de la séance du CSME du 19 janvier 2018 décidant de l’édiction des UPE, le document intitulé « principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » édité par le CSME ainsi que les « Principes généraux et seuils » établis par l’observatoire genevois du marché du travail, document également validé par le CSME. Les UPE ainsi que les différentes échelles de traitement sont disponibles sur internet et ont d’ailleurs été produits par la recourante. Il n’apparaît pas que la production d’autres documents soit nécessaire pour trancher le litige.

L’audition des témoins D______, E______, F______, G______, H______ et I______ ne s’avère pas pertinente pour l’issue du litige. En effet, la décision querellée ne retient pas de sous-enchère salariale commise au détriment de ces employées. Elle reproche, en revanche, à la recourante son défaut de collaboration concernant les documents à produire au sujet de ces personnes. Or, même en admettant, comme le soutient la recourante, que celles-ci n’étaient pas ses employées – contrairement à ce qu’elle avait affirmé dans ses premiers écrits adressés à l’OCIRT – il lui appartenait néanmoins d’apporter toutes pièces utiles à cet égard. Les témoins dont l’audition est requise ne sont pas en mesure d’apporter des informations utiles pour apprécier le bien-fondé du reproche de manque de collaboration de la recourante en ce qui concerne les renseignements à fournir à l’OCIRT.

L’audition de P______, mère d’un élève, demandée afin d’établir l’heure d’ouverture de la crèche, n’apparaît pas non plus nécessaire. En effet, les éléments au dossier, notamment les déclarations des témoins déjà entendues, permettent à la chambre administrative de se prononcer sur ce point. Il ne sera donc pas procédé à l’audition de ce témoin. Il en va de même du témoin N______. Les éléments figurant au dossier, notamment les pièces apportées par les parties et les déclarations des témoins déjà entendues permettent à la chambre de céans de statuer sur les points litigieux. Le dossier apparaissant complet, il ne sera pas procédé à d’autres actes d’instruction.

3.             La recourante se plaint également d’un défaut de motivation de la décision querellée.

3.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique également l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).

3.2 En l’espèce, la décision querellée expose les manquements reprochés à la recourante et les motifs justifiant selon l’OCIRT le prononcé et la quotité de l’amende et le refus de délivrer l’attestation prévue par l’art. 25 LIRT. L’intimé, qui au demeurant n’était pas tenu de se prononcer sur l’ensemble des griefs soulevés par la recourante dans le cadre de l’exercice de son droit d’être entendue, a ainsi satisfait aux exigences de motivation. La recourante a d’ailleurs parfaitement compris la décision, comme le démontrent non seulement son recours, mais également ses écritures détaillées produites durant la procédure. Le grief est ainsi manifestement mal fondé.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCIRT sanctionnant la recourante pour le non-respect des UPE.

4.1 Le principe et l’application des usages au secteur de la petite enfance sont régis par la loi sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28).

4.1.1 À teneur de l’art. 1 LAPr, celle-ci s’applique à toutes les structures d’accueil soumises à surveillance autorisées à exercer une activité conformément à la législation fédérale et cantonale sur le placement d’enfants hors du milieu familial (al. 1), ainsi qu’à l’accueil familial de jour et aux structures qui en assurent la coordination (al. 2).

Selon l’art. 3 let. a LAPr, sont des structures d’accueil préscolaire, les institutions qui accueillent collectivement les enfants d’âge préscolaire, dites à prestations élargies, celles qui sont ouvertes au moins 45 heures par semaine, avec repas de midi et une ouverture annuelle sur au moins 45 semaines (ch.1), le cas échéant à prestations restreintes, lorsqu’elles ne remplissent pas les trois conditions cumulatives précitées (ch. 2).

4.1.2 Aux termes de l’art. 30 al. 1 LAPr, le DIP autorise et surveille les structures d’accueil préscolaire sur tout le territoire cantonal en application des dispositions fédérales et cantonales relatives aux mineurs placés hors du foyer familial. Selon l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, la délivrance et le maintien de l’autorisation d’exploitation d’une structure d’accueil préscolaire sont subordonnés notamment au respect par l’exploitant d’une convention collective de travail pour le personnel de la petite enfance ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, au sens de la LIRT.

4.1.3 L’art. 24 du règlement d’application de la LAPr du 29 juin 2022 (RAPr - J 6.28.01) prévoit que par voie de directive, le SASAJ dresse la liste des documents constituant le dossier à présenter en vue de la délivrance d'une autorisation et établit les formulaires nécessaires (al. 2). Il peut exiger toute pièce justificative et demander des renseignements complémentaires (al. 3).

4.1.4 Une motion M 2789 « Pour mettre fin à l’étranglement des crèches privées », a été déposée le 20 septembre 2021 auprès du Grand Conseil. Cette motion, visant notamment à suspendre sans délai l’application obligatoire, pour les structures de la petite enfance non-subventionnées, des UPE établis par l’OCIRT a été votée par le Grand Conseil le 14 octobre 2022 et invite le Conseil d’État à procéder à toute modification législative ou réglementaire nécessaire à favoriser le maintien et la création de structures de la petite enfance non subventionnées.

Parallèlement à cette motion, un projet de loi PL 13184 modifiant la LAPr « Pour permettre aux crèches non subventionnées d’offrir une alternative aux familles » a été déposé au Grand Conseil le 26 septembre 2022. Il prévoyait de remplacer à l’art. 20 al. 2 let. f LAPr la référence aux UPE par celle au salaire minimum, entré en vigueur le 1er novembre 2020, prévu par la LIRT. Ce projet de loi, adopté par le Grand Conseil le 23 juin 2023, a fait l’objet d’un référendum. Le 9 juin 2024, ledit projet a été rejeté en votation populaire.

4.2 La LIRT a notamment pour objet les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève (art. 1 al. 1 let. c).

4.2.1 Selon l’art. 23 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente chargée d'établir les documents qui reflètent les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève (ci-après : usages), sur la base des directives émises par le conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME) (al. 1). Pour constater les usages, il se base notamment sur les CCT, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière (al. 2). Les usages ne peuvent en aucun cas prévoir un salaire minimum inférieur à celui fixé à l'art. 39K (al. 2bis). Sauf exception reconnue par le CSME, les CCT qui ont fait l'objet d'une décision d'extension sont réputées constituer les usages du secteur concerné. L'al. 2bis est réservé (al. 3). L'office met ces informations à disposition du public intéressé par tout moyen approprié, notamment par le biais de l'Internet (al. 4).

4.2.2 Selon l’art. 25 LIRT, sont soumises au respect des usages les entreprises pour lesquelles une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle spéciale le prévoit (al. 1). Les entreprises soumises au respect des usages peuvent être amenées à signer auprès de l’office un engagement à respecter les usages lorsque cela est prévu par le dispositif ou lorsque l’entité concernée le demande. L’office délivre à l’entreprise l’attestation correspondante, d’une durée limitée (al. 3).

Jusqu’au 1er juin 2023, l’art. 25 aLIRT prévoyait que « toute entreprise soumise au respect des usages, en vertu d'une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l'office un engagement de respecter les usages. L'office délivre à l'entreprise l'attestation correspondante, d'une durée limitée (al. 1) » et que « l'engagement vaut pour l'ensemble du personnel concerné. Il prend effet au jour de sa signature, sous réserve de l’alinéa 3 » (al. 2). Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, son obligation de respecter les UPE ne dépendait pas de l’engagement à s’y conformer. L’art. 25 aLIRT prévoyait uniquement, pour les entreprises soumises au respect des usages – comme la recourante –, la nécessité de signer un engagement écrit de s’y conformer. Il ressort du texte même de la disposition que la signature d’un tel engagement n’était nullement constitutive, en tant que telle, de l’obligation de respecter les usages ; cette obligation résultait de la loi.

4.2.3 Selon l’art. 26 LIRT, le département est compétent pour contrôler le respect des usages au sein des entreprises concernées. Cette compétence est exercée par l’OCIRT, sous réserve de l’al. 2. L’inspection paritaire a également la faculté d’effectuer de tels contrôles (al. 1). Dans les secteurs couverts par une convention collective de travail étendue, le département peut déléguer aux associations contractantes le contrôle du respect des usages, par le biais d'un contrat de prestations (al. 2).

4.3 Selon l’art. 26A LIRT, les entreprises en infraction aux usages font l’objet des mesures et sanctions prévues aux art. 44A et 45 (al. 1). L’art. 45 al. 1 let. a est applicable lorsqu’une entreprise conteste les usages que l’office entend lui appliquer (al. 2).

4.4 Les UPE 2020 – dont la dernière mise à jour du 1er septembre 2024 est entrée en vigueur le 1er décembre 2024 –, sont entrés en vigueur le 1er novembre 2020. Ils ont été établis par l’OCIRT, sur la base de la LIRT et de la décision du CSME du 19 janvier 2018 et sont disponibles en ligne (www.ge.ch/document/12096/ telecharger).

Les UPE reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage sur le canton de Genève (art. I al. 1). Ils concernent les entreprises visées à l’art. 25 LIRT (art. I al. 2). Les dispositions spécifiques au secteur mentionnées au titre 3 sont tirées des dispositions de la CCT de la Ville de Genève mentionnée en préambule (art. I al. 3). Comme cela ressort du procès-verbal de la séance du 19 janvier 2018 du CSME et des principes d’édiction des usages sur la base de de la règle d’or, en particulier, le respect des UPE a été rendu obligatoire, notamment en ce qui concerne le type d’activité exercé, les heures de travail et de repos, les salaires et indemnités, les vacances et jours fériés ainsi que les assurances.

4.4.1 Selon l’art. II al. 1, les UPE s’appliquent à tout employeur, toute entreprise et secteur d’entreprise, suisse ou étranger, qui effectue ou fait effectuer dans le canton de Genève, à titre principal ou accessoire, de l'accueil dans les structures de la petite enfance. Les UPE règlent notamment le salaire minimum (art. IIIbis), la relation avec le contrat individuel de travail (art. IV), les contrôles (art. V), les sanctions (art. VI), les voies de recours (art. VII) et la faculté pour l’OCIRT de résilier l'engagement à respecter les usages d'une entreprise, notamment lorsque celle-ci n'est plus tenue de les respecter (art. VIII).

Une annexe régulièrement mise à jour (www.ge.ch/document/12096/annexe/0) fixe, pour les structures à prestations élargies et restreintes, les salaires et leur progression selon l’ancienneté, pour une durée hebdomadaire de travail et 39 et 40 heures, pour les responsables de secteur, les directrices, les adjointes pédagogiques, les éducatrices, les assistantes socio-éducatives, les auxiliaires II, les auxiliaires, les psychomotriciennes, les aides, les stagiaires et apprenties, les secrétaires comptables qualifiées, les secrétaires qualifiées, les cuisinières diplômées et non diplômées, les aides de cuisine, les jardinières diplômées et non diplômées, les lingères, le personnel de maison, ainsi que la durée et les dates des congés et vacances annuelles et le mode de calcul des salaires et des taux de vacances.

5.             La recourante fait valoir que la décision querellée, ainsi que les UPE et l’art. 30 al. 2 let. f de LAPr sur lesquels elle se fonde, viole sa liberté économique et les principes de l’égalité de traitement, dès lors qu’elle est soumise au même régime que les crèches subventionnées, et d’interdiction de l’arbitraire. Les UPE étaient le fruit de négociations entre la ville de Genève et les syndicats de la fonction publique. Les salaires prescrits étaient particulièrement élevés et économiquement pas supportables par des entités privées non subventionnées. Les UPE ne constituaient pas une base légale permettant de restreindre sa liberté économique, n’étaient pas aptes à atteindre un but, sans intérêt public.

5.1 Dans un arrêt récent 2C_577/2023 du 9 avril 2024, le Tribunal fédéral a examiné la conformité de l’art. 30 al. 2 let. f de LAPr, notamment en tant qu’il impose le respect des UPE.

Aux termes d’un examen détaillé, il a retenu qu’imposer le respect des UPE qui reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage dans le canton de Genève dans les structures d'accueil de la petite enfance, n’est pas constitutif d'une inégalité de traitement par rapport aux crèches exploitées par les communes ou subventionnées par celles-ci. En effet, il s'agit de respecter un standard minimal à toute la profession, les structures subventionnées devant respecter des obligations supplémentaires. La critique visant la charge financière causée par le respect des usages alors qu'une structure ne bénéficiait d'aucune subvention revient à s’en prendre au système de subventionnement et non à l'obligation de respecter les usages. Or, la liberté économique ne confère aucun droit à une subvention de la part de l'État. Le fait de ne pas percevoir de subvention pour l'exploitation d’une crèche ne viole pas l'égalité de traitement entre concurrents directs. Si certaines crèches bénéficient de subventions, celles-ci ne peuvent pas, contrairement aux crèches privées, prétendre au plein exercice de leur liberté économique. D’ailleurs, certaines obligations n'incombent qu'aux crèches subventionnées. Celles-ci doivent notamment fixer la participation financière des parents en fonction de la capacité économique de ceux-ci et du nombre d'enfants à leur charge (art. 20 LAPr). Cette restriction est motivée par l'objectif de garantir l'égalité de traitement entre les parents des enfants qui fréquentent une structure d'accueil subventionnée et celui de fixer un prix correspondant à leur capacité économique. Les crèches subventionnées ne peuvent ainsi pas appliquer systématiquement le plafond des tarifs, sont tenues d'ouvrir les places d'accueil préscolaire à tous les enfants sans discrimination, en particulier les enfants à besoins spécifiques, de financer la formation continue de leur personnel, notamment (consid. 4.3).

Imposer le respect des usages n’implique donc pas une distorsion de concurrence, une inégalité de traitement et une violation du principe de la neutralité de l'état en matière de concurrence (consid. 4.5).

5.1.1 Il ne peut être retenu qu'il n'existe aucun intérêt public à garantir aux travailleurs du secteur de la petite enfance des conditions salariales plus favorables que le salaire minimum genevois. En effet, imposer aux employeurs d'appliquer des conditions de travail et de salaire conformes aux usages de la profession et de la région, lesquels sont établis sur la base des conventions collectives de travail, des contrats-types de travail, des résultats de données recueillies ou d'enquêtes menées auprès des entreprises, des travaux de l'observatoire, dont son calculateur des salaires, ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière (art. 23 al. 2 LIRT), comme en l'espèce, permet d'éviter la sous-enchère salariale et d'assurer la qualité de la prise en charge des enfants. L'exigence du respect des UPE prévue à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr poursuit ainsi des objectifs de politique sociale et un intérêt public conformes à l'art. 36 al. 2 Cst. (consid. 5.4).

5.1.2 Sous l'angle de la proportionnalité, il y a lieu de se référer à la volonté du législateur cantonal. Celui-ci a voulu consacrer, à l'art. 23 al. 2 LIRT, le principe de la pluralité des sources pour dégager un usage dans une profession ou une branche économique. Selon le commentaire des articles du projet de loi, il n'y a pas à proprement parler de hiérarchie des sources. Cela étant, une éventuelle convention collective pour un secteur économique donné représentera la première source d'informations vers laquelle se tournera l’OCIRT (commentaire du projet de loi sur l'inspection et les relations du travail déposé le 19 mars 2003, PL 8965, p. 33). Compte tenu de la manière de constater les usages prévue par le législateur cantonal, on ne voit pas en quoi une disposition imposant le respect d'usages, qui représentent précisément les conditions de travail et les prestations usuelles de la branche économique en cause dans la région genevoise, pourrait revêtir un caractère disproportionné. L’augmentation des charges que cela peut impliquer pour les structures soumises au respect des UPE ne suffit pas à rendre la disposition cantonale en tant que tel contraire aux art. 27 et 36 al. 3 Cst.

En effet, cette exigence apparaît comme une mesure adéquate et proportionnée pour garantir la protection des conditions salariales et des prestations sociales des travailleurs du secteur de la petite enfance et assurer la qualité de l'accueil des enfants en âge préscolaire. Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 94 Cst., l'éventuelle charge financière qu'implique le respect des usages, qui ne pourrait pas être compensée par des subventions, apparait comme un inconvénient réduit à ce qui est nécessaire pour éviter la sous-enchère salariale, puisque les UPE reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales dans le secteur de la petite enfance. Le grief de violation de la liberté économique est donc infondé. (consid. 5.5).

5.1.3 Dans la mesure où le respect des usages prévu à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr est une exigence légale qui apparaît proportionnée, au vu des buts d'intérêt public recherchés, elle ne paraît pas non plus contraire à l'art. 203 al. 1 Cst-GE, qui prévoit que le canton et les communes encouragent la création et l'exploitation de crèches. L'obligation prévue à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr de respecter au moins les usages n'empêche pas, en tant que telle, le canton et les communes d'encourager la création et l'exploitation de crèches (consid. 6.1).

5.1.4 Pour le surplus, les dispositions cantonales litigieuses ne violent pas le principe de primauté du droit fédéral (consid. 8.2). En particulier, en tant que la LIRT implique, en sus de ce salaire minimum, la détermination de plusieurs salaires planchers distincts, selon la profession ou la branche économique, elle ne se heurte pas non plus au droit fédéral (consid. 8.3).

5.2 Au vu de la motivation détaillée de l’arrêt précité, qui examine précisément les griefs de violation de la liberté économique, du principe de l’arbitraire et de l’interdiction de l’inégalité de traitement soulevés également in casu par la recourante à l’encontre de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr et des UPE, la chambre les écartera, se référant expressément à l’arrêt précité.

6.             La recourante fait valoir que l’application automatique des UPE viole les dispositions sur l’extension des conventions collectives.

Elle perd de vue que l’art. 23 LIRT charge l’OCIRT d'identifier les conditions de travail et prestations sociales en usage dans le canton et de constater les usages, en se basant notamment sur les CCT, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière.

Comme l’a déjà constaté la chambre de céans (ATA/849/2024 du 15 juillet 2024 consid. 10.1), aucune CCT n’a été étendue formellement. L’OCIRT n’a rien fait d’autre que de constater les UPE en tenant compte de la CCT de la Ville de Genève, et s’est ainsi conformé à la loi.

La recourante soutient que l’OCIRT aurait étendu matériellement la CCT de la Ville de Genève. Ce faisant, elle raisonne contre la systématique de la loi, qui prévoit au contraire que sauf exception reconnue par le CSME, les CCT qui ont fait l'objet d'une décision d'extension sont réputées constituer les usages du secteur concerné sous réserve du respect du salaire minimal (art. 23 al. 3 LIRT). L’OCIRT a tenu compte de la CCT de la Ville de Genève pour constater les UPE, et non pas appliqué la présomption de l’art. 23 al. 3 LIRT, ce qu’il n’aurait en toute hypothèse pas pu faire en l’absence de CCT étendue (ATA/849/2024 précité).

Faute d’extension de la CCT, la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail du 28 septembre 1956 (LECCT - RS 221.215.311) ne trouve pas application en l’espèce, et ce grief tombe à faux.

Comme exposé ci-avant (consid. 5), le salaire usuel dans une branche permet de déterminer si une sous-enchère salariale a lieu. Dans le canton de Genève, l’octroi de l’autorisation d’exploiter une structure d’accueil de la petite enfance est subordonné au respect des conditions salariales minimales telles qu’elles ressortent des UPE. Ces derniers servent de référentiel pour analyser l’existence, dans le domaine en question, de situations de sous-enchère salariale. Les UPE tiennent compte de la CCT du personnel des structures d’accueil de la petite enfance de la Ville de Genève, qui respecte la « règle d’or » émise par le CSME et a été négociée par le syndicat des services publics et le syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, d’une part, et l’association faîtière des employeurs de structures d’accueil de la petite enfance, d’autre part. Vu les partenaires à la CCT ainsi que les indications fournies par la recourante elle-même, qui se réfère aux débats du Grand Conseil (https://ge.ch/grandconseil/data/texte/MO2789A.pdf) lors desquels l’OCIRT avait exposé que 75 institutions de la Ville de Genève relevaient de la CCT, ce qui représentait la majorité des places d’accueil et du personnel et que les statistiques fournies à cet occasion recensaient les places d’accueil, il n’y a pas de raison de s’écarter du constat que la CCT s’appliquait à la majorité des travailleurs dans ce secteur. En effet, compte tenu des exigences du nombre de personnel prescrit par groupe d’enfants, les places d’accueil fournissent, contrairement à ce que soutient la recourante, un critère fiable de l’estimation du nombre de personnel nécessaire aux structures d’accueil de la petite enfance. Partant, c’est conformément à la LIRT et aux directives du CSME que l’OCIRT était fondé à se servir des UPE comme référentiel lors de son contrôle de l’existence de situations de sous-enchère salariale dans le domaine de l’accueil de la petite enfance.

7.             La recourante conteste les reproches retenus à son encontre. Avant de les examiner, il convient de préciser la période pouvant être prise en considération, au regard du délai de prescription applicable en la matière.

7.1 Ni la LPA ni la LIRT ne contiennent de disposition réglant la question de la prescription. Il s’agit d’une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû fixer et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/949/2024 du 14 août 2024 consid. 3.1 ; ATA/1308/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3a).

Il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP ; ATA/917/2021 du 7 septembre 2021 consid. 2a ; ATA/871/2020 du 8 septembre 2020 consid. 2d).

7.2 Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).

L'art. 98 let. c CP règle le début de la prescription pour les délits continus (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand - code pénal I, 2éd., 2021, n. 28 ad art. 98 CP). Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. L'infraction est consommée dès que tous ses éléments constitutifs sont réalisés, mais n'est achevée qu'avec la cessation de l'état de fait ou du comportement contraire au droit (ATF 135 IV 6 consid. 3.2 ; 132 IV 49 consid. 3.1.2.2). Le délit continu ne se prescrit pas tant qu'il dure (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, op. cit., n. 29 ad art. 98 CP).

7.3 En l’espèce, l’ensemble des manquements retenus par l’OCIRT étaient encore en cours à la fin du mois de mars 2023, lorsque, le 13 avril 2023, l’OCIRT a adressé à la recourante un avertissement contenant ses constats et l’invitant à exercer une dernière fois son droit d’être entendue. Le tableau annexé à l’avertissement du 13 avril 2023 comporte le détail de la sous-enchère salaire reprochée à la recourante jusqu’à fin mars 2023. Pour deux employées, K______ et J______, la sous-enchère salariale avait pris fin en septembre 2022, respectivement en septembre 2020. Celle concernant J______ étant désormais prescrite, il ne peut plus en être tenu compte. Les autres périodes ne sont pas prescrites.

8.             Il convient d’examiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure le reproche de ne pas avoir respecté ses obligations salariales est fondé.

8.1 Il est ressorti des enquêtes que les employées de la recourante accueillaient les enfants de 7h45 à 16h15. L’enfants arrivant dès 8h00, il est manifeste que les employées étaient sur les lieux peu avant 8h00, afin de pouvoir accueillir les enfants, étant rappelé que la crèche accueillait aussi des nourrissons. Les employées assistaient à une réunion une à deux fois par mois allant jusqu’à 17h00 ou 17h15. Compte tenu de la pause de midi que l’ensemble des témoins entendues ont indiqué prendre systématiquement et des colloques précités, les employées travaillant à 100% assumaient une présence hebdomadaire moyenne de 32 heures. Plusieurs témoins ont également fait état d’activités faites en dehors des heures de présence des enfants telles que la préparation de la newsletter destinée chaque semaine aux parents (témoin AA______), la « grande réunion avec les parents » (témoin O______) ou encore la préparation et la présence à des fêtes religieuses ou de départ (témoin AA______). Selon les UPE, le personnel éducatif à plein temps a droit à un temps de préparation de 4 heures par semaine de temps de travail hors de la présence des enfants (art. 15 UPE). Il convient donc de retenir un horaire hebdomadaire de 36 heures pour le personnel éducatif, soit un horaire de quatre heures hebdomadaires de moins que celui prévu par les UPE pour une activité exercée à plein temps. Cette différence est cependant justifiée en l’espèce, la crèche exploitée par la recourante fermant ses portes le vendredi après-midi, pour des motifs religieux. L’OCIRT en a d’ailleurs dûment tenu compte en intégrant cet élément dans les calculs des salaires bruts dus selon les UPE, au pro rata de la durée de travail hebdomadaire effective.

8.2 Les UPE prévoient un 13ème salaire progressif, qui est fonction de l’ancienneté (art. 30) de même que le versement d’une annuité (art. 29). Le salaire initial tient compte de l’expérience professionnelle dans l’activité concernée (art. 28). L’employée participe à hauteur d’un tiers au paiement de la prime d’assurance perte de gain en cas de maladie (art. 37) et à concurrence de 0.1% de son traitement au paiement de la prime d’assurance-accidents non professionnels (art. 38).

8.3 La recourante fait valoir une inégalité de traitement avec d’autres crèches à qui la mise en œuvre des UPE n’aurait été imposée qu’en 2022.

Ce grief tombe à faux.

Outre le fait que la recourante n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son allégation, celle-ci est contredite par la jurisprudence de la chambre de céans, qui a constaté dans plusieurs espèces (ATA/849/2024 du 15 juillet 2024 ; ATA/1010/2023 précité), en dernier lieu dans une décision sur effet suspensif (ATA/284/2025 du 19 mars 2025), que l’autorité intimée vérifie le respect des UPE et sanctionne les écarts depuis 2020.

En revanche, les UPE ont subi des modifications importantes, entrées en vigueur le 1er novembre 2020, sur lesquelles l’OCIRT s’est appuyé dans la décision querellée. Si la recourante devait ainsi se conformer dès le 1er novembre 2018 aux règles applicables au personnel oeuvrant dans l’accueil de la petite enfance, elle ne s’exposait, compte tenu du délai d’adaptation accordé par l’OCIRT aux structures de type communautaire, que dès le 1er janvier 2020 à des sanctions en cas de non‑respect desdites règles. Il ressort du dossier que l’OCIRT s’est montré particulièrement souple à l’égard de la recourante, acceptant alors que les conditions d’une reconsidération n’étaient pas remplies, de reprendre son examen. Les conditions de rémunération pris en compte étant celles applicables dès le 1er novembre 2020, la chambre de céans n’examinera la conformité des conditions d’emploi et de rémunération des employés de la recourante qu’à partir de cette date.

8.4 La sous-enchère salariale concernant AA______, employée depuis septembre 2012 en qualité d’auxiliaire, mais ayant entrepris dès septembre 2022 une formation en vue d’obtenir le diplôme d’ASE et l’ayant obtenu en juillet 2023, a été détaillée dans l’annexe à l’avertissement du 13 avril 2023, dont les montants y figurant sont repris de l’échelle de traitement annexée aux UPE. Il ressort de cette annexe que, pour une activité exercée 32 heures avant le début de la formation d’ASE, AA______ aurait dû percevoir, selon l’échelle de traitement annexée aux UPE, un salaire brut de CHF 4'041.08 en 2020, de CHF 4’0962.46 en 2021, de CHF 4'292.59 jusqu’en août 2022, puis dès le début de sa formation, de CHF 4'829.17 jusqu’en décembre 2022 et de CHF 4'946.79 en 2023. Or, ladite employée a perçu, pendant la même période, un revenu brut de CHF 3'400.-, respectivement de CHF 4'650.- depuis septembre 2022. Il en découle une sous‑enchère salariale, entre novembre 2020 et fin mars 2023, de CHF 18'561.14 (2 x (CHF 4'041.08 – CHF 3'400.-) + 12 x (CHF 4’0962.46 – CHF 3'400.-) + 8 x (CHF 4'292.59 – CHF 3'400.-) + 4 x (CHF 4'829.17 – CHF 4'650.-) + 3 x (CHF 4'946.79 – CHF 4'650.-). À cela s’ajoutent les 13èmes salaires, jamais versés pendant cette période, se montant, en tenant compte des heures de travail et de l’ancienneté auprès de la recourante, selon l’échelle fondée sur les UPE, reprise dans l’annexe précitée établie par l’OCIRT et dont les calculs s’avèrent au demeurant corrects, à CHF 9'713.27 bruts (1/6 (nov. et déc. 2020) de CHF 3'434.90 + (CHF 3'656.21 + CHF 2'718.64 + CHF 1'529.24 + CHF 1'236.70). La sous‑enchère salariale brute totale pour AA______ était donc de CHF 28'274.40 pour la période de novembre 2020 à mars 2023.

8.5 AC______, auxiliaire engagée en 2019, qui n’avait jamais entendu parler des UPE, a confirmé que son salaire net était de CHF 2'313.- par mois, soit CHF 2'600.- brut. Son salaire/horaire était ainsi – que l’on retienne une durée de travail hebdomadaire de 32 ou de 36 heures – inférieur au salaire minimum de CHF 23.- en 2020, de CHF 23.14 en 2021, de CHF 23.27 en 2022 et de CHF 24.- en 2023. Ses responsabilités ont parfois été celles d’une enseignante, puisqu’elle a travaillé, selon ses déclarations, aussi avec les enfants de 4 ans. Le revenu brut qu’elle aurait dû percevoir, aurait dû s’élever à CHF 117'550.56 (2 x CHF 3'888.- + 12 x CHF 3'921.99 + CHF 4'157.78 + 3 x CHF 4'272.44), auquel aurait dû s’ajouter le 13ème salaire, selon le revenu brut prévu dans l’échelle des traitements des UPE, reprise correctement dans l’annexe précitée, de CHF 1'069.20 (CHF 2'138.40 : 6, en 2020), CHF 2'353.20 en 2021, CHF 2'702.55 en 2022 et CHF 747.68 en 2023, soit au total CHF 6'872.63. AC______ n’a toutefois perçu qu’un salaire brut de CHF 75'400.- entre novembre 2020 et mars 2023. La sous-enchère salariale la concernant s’est donc montée à CHF 49'023.19 (CHF 117'550.56 + CHF 6'872.63 – CHF 75'400).

8.6 O______, engagée en 2009 en qualité d’auxiliaire, devenue éducatrice en juin 2019, a perçu un salaire mensuel brut de CHF 3'600.- entre 2020 et 2023. Elle a déclaré en audience qu’elle n’avait travaillé qu’à temps partiel pendant sa formation et avait été très reconnaissante d’être payée par la recourante même lors des trois mois de stage qu’elle avait effectués auprès de la Ville de Genève. Après l’obtention de son diplôme, elle avait travaillé à 50%, à savoir tous les jours de 8h00 à 12h00. Comme exposé plus haut, les employées arrivant avant les enfants afin de les accueillir, l’horaire à 50% de cette employée était donc de 7h45 à 12h00, soit 21h15 par semaine, auquel il convient d’ajouter 4 heures de préparation par semaine, conformément à l’art. 15 UPE. L’OCIRT a retenu, dans l’annexe précitée, une durée hebdomadaire de travail de 24.75 heures à laquelle la chambre de céans se référera, malgré la légère différence de durée de travail. La sous-enchère salaire concernant cette employée a été moins importante, dès lors qu’elle a essentiellement concerné le 13ème salaire, non versé, le salaire brut en 2020 et 2021 dépassant les minima prescrits par les UPE pendant ces deux ans de CHF 3'422.15 et CHF 3'450.17. Le détail du salaire dû figurant sur l’annexe précitée apparaît correct au regard de l’ancienneté de l’employée et des salaires prévus dans l’échelle relative aux UPE. La sous-enchère salariale a ainsi été de CHF 668.04 en 2022 (12 x CHF 3'655.67 – CHF 3'600.-) et de CHF 463.80 en 2023 (3 x CHF 3'754.60 – CHF 3'600.-), montant auquel s’ajoute le 13ème salaire de CHF 8'614.85 (CHF 570.36 en 2020, CHF 3'450.17 en 2021, CHF 3'655.67 en 2022 et CHF 938.65 en 2023). Compte tenu du trop-perçu de salaire mensuel en 2020 de CHF 355.70 (CHF 3'600.- - CHF 3'422.15) et en 2021 de CHF 1'797.96 (12 x CHF 3'600.- - CHF 3'450.17), la sous-enchère salariale s’est ainsi montée à CHF 6'461.19 (CHF 8'614.29 – CHF 1'787.96) entre novembre 2020 et mars 2023.

8.7 AB______, auxiliaire, engagée en 2012, ignorait l’existence des UPE et percevait, entre 2020 et 2023, un revenu brut de CHF 3'400.- par mois. Selon les UPE, il aurait dû se monter à CHF 4'546.19 par mois en 2020, à CHF 4’5070.26 en 2021, à CHF 4'829.17 en 2022 et CHF 4'946.79 en 2023. La sous-enchère salariale la concernant se monte, 13ème salaire compris et après déduction de la somme relative aux mois de janvier à octobre 2020 de CHF 14'682.10 (CHF 17'618.52 : 12 x 10), à CHF 48'707.57 (CHF 63'389.67 – CHF 14'682.10) entre novembre 2020 et mars 2023, comme cela ressort de l’annexe à l’avertissement adressé à la recourante en avril 2023, dont les montants, corrects, peuvent être repris tels quels.

8.8 Selon les pièces au dossier, AD______, éducatrice au bénéfice d’une expérience professionnelle de 17 ans, a été engagée par la recourante en septembre 2021. Son salaire brut mensuel s’est élevé à CHF 6'000.-, alors qu’il aurait dû se monter, selon les UPE, à CHF 6'523.86 en 2021, CHF 6'756.52 en 2022 et CHF 6'906.76 en 2023. Au vu de cette différence de salaire et de l’absence de versement du 13ème salaire tenant compte du nombre d’années d’emploi auprès de la recourante, la sous-enchère salariale la concernant s’est élevée à CHF 19'733.31 depuis son engagement jusqu’au mois de mars 2023.

8.9 Il ressort des pièces que N______, éducatrice depuis novembre 2018, engagée en avril 2017, était rémunérée CHF 4'000.- brut par mois, alors que son salaire brut, selon les UPE, aurait dû s’élever à CHF 4'424.59 en 2020, à CHF 4'460.83 en 2021, à CHF 4'726.52 en 2022 et à CHF 4'854.43 en 2023. La sous-enchère salariale la concernant se monte, 13ème salaire compris, et après déduction de la somme relative aux mois de janvier à octobre 2020 de CHF 6'642.57 (CHF 7'971.09 : 12 x 10) à CHF 25'778.22 (CHF 32'420.97 – CHF 6'642.75) entre novembre 2020 et mars 2023, comme cela ressort de l’annexe à l’avertissement adressé à la recourante en avril 2023, dont les montants, corrects, peuvent être repris tels quels.

8.10 AE______, auxiliaire engagée en 2014, a perçu, selon les pièces au dossier, un revenu brut de CHF 3'000.- pendant la période sous contrôle lors de laquelle elle travaillait à 100%. Son salaire/horaire était ainsi en-dessous du salaire minimum prévu à Genève. Au vu de l’échelle des UPE tenant aussi compte de son ancienneté, son revenu brut aurait dû se monter à CHF 4'358.13 en 2020, à CHF 4'385.04 en 2021, CHF 4'637.34 en 2022 et à CHF 4'754.12 en 2023. En intégrant le 13ème salaire progressif qui aurait dû lui être versé, dont le calcul figurant sur l’annexe à l’avertissement d’avril 2023 se fonde correctement – comme d’ailleurs les autres éléments salariaux – sur l’échelle des traitements relative aux UPE, la sous-enchère en sa défaveur s’est montée à CHF 44'246.94 (2 x (CHF 4'358.13 – CHF 3'000.-) + 12 x (CHF 4'385.04 – CHF 3'000.-) + 12 x (CHF 4'637.34 – CHF 3'000.-) + 3 x (CHF 4'754.12 – CHF 3'000.-) auquel s’ajoute le 13ème salaire) de CHF 9'611.02 (CHF 3'486.51 : 6 (2020) + CHF 3'727.29 (2021) + CHF 4'173.61 (2022) + CHF 1'129.10 (2023), totalisant un montant de CHF 53'857.96 (CHF 44'246.94 + CHF 9'611.02).

8.11 AG______a été engagée en qualité d’auxiliaire en septembre 2021 pour une activité à plein temps rémunérée CHF 2'800.- brut par mois. Pour cette employée également, le salaire/horaire était en-dessous du salaire minimum prévu à Genève. Son revenu brut, déterminé selon les UPE, correctement repris dans l’annexe précitée établie par l’OCIRT, aurait dû être de CHF 3'829.38 en 2021, de CHF 3'965.95 en 2022 et de CHF 4'079.7. Compte tenu de l’écart avec ces salaires ainsi que du 13ème salaire dû pendant cette période, d’au total CHF 3'431.47 comme cela ressort correctement de l’annexe au courrier de l’intimé d’avril 2023, la sous-enchère salariale concernant cette employée s’est montée à CHF 25'379.70 depuis son engagement jusqu’à fin mars 2023.

8.12 AG______, éducatrice engagée en 2014, était rémunérée pour son activité exercée 36 heures par semaine CHF 6'000.- brut par mois, au lieu de CHF 6'270.99 en 2020, CHF 6'292.25 en 2021, CHF 6'636.58 en 2022 et CHF 6'786.31 en 2023, selon les UPE, dont les montants figurant sur l’annexe établie par l’OCIRT sont corrects. Cette différence de salaire ainsi que le 13ème salaire dû entre novembre 2020 et mars 2023 a engendré une sous-enchère salariale de CHF 27'816.12 (CHF 34'806.71 (période janvier 2020 à mars 2023) – CHF 6’890.59 (CHF 8'268.71 : 12 x 10 (période janvier à octobre 2020).

8.13 U______, employé polyvalent engagé en juin 2015, percevait en entre 2020 et 2023 un salaire-horaire de CHF 21.85, alors que le salaire-horaire minimum à Genève était de CHF 23.- en 2020, de CHF 23.14 en 2021, de CHF 23.27 en 2022 et de CHF 24.- en 2023. Il a déclaré à l’OCIRT n’avoir que deux semaines de vacances par année et n’en avoir eu que deux jours en 2022. La recourante a procédé au rattrapage de cotisations sociales en cours de procédure.

8.14 Enfin, les parties divergent sur l’importance de l’activité exercée par K______ pour l’accueil de la petite enfance. Engagée en août 2008 en qualité de secrétaire, son salaire s’élevait, jusqu’à sa retraite en août 2022, à CHF 6'000.- bruts par mois. Selon la recourante, elle consacrait 20% à la crèche et l’école maternelle, soit, en tenant compte du nombre d’enfants dans chaque groupe, 6.667% de son temps pour la crèche, son activité consistant en l’ouverture et la fermeture des portes

Or, il ressort des courriels figurant adressés à ou envoyés par cette employée qu’elle gérait, à tout le moins en partie, l’absence des enfants et employées de la crèche, les aspects administratifs de l’inscription des enfants à la crèche, d’attestations y relatives, de commandes pour la crèche, gestion de conteneurs etc. Les échanges de messages WhatsApp entre K______ et L______, produits par l’OCIRT, corroborent ces éléments. Par ailleurs, les témoins AC______ et AA______ ont déclaré prévenir K______ en cas d’absence ou de retard ; la première précisant que cela « était normal » puisque K______ était la secrétaire. AA______ a également déclaré que la secrétaire lui avait aussi demandé, comme à d’autres de ses collègues, d’effectuer des remplacements. L’estimation par la recourante du temps de travail consacré exclusivement à elle apparaît ainsi manifestement trop faible. À cela s’ajoute que l’employée s’était, en 2019, essentiellement estimée travailler pour la structure d’accueil de la petite enfance puisqu’elle avait demandé à pouvoir bénéficier, en application des UPE, de six semaines de vacances annuelles et que son employeur y avait donné suite, reconnaissant ainsi implicitement le rattachement de cette employée à la recourante.

Bien qu’un litige prud’homal oppose l’ancienne employée à cette dernière, de sorte que ses déclarations doivent être appréciées avec circonspection, il n’en demeure pas moins que ses explications relatives à sa charge de travail, singulièrement au fait que Q______ assurait le secrétariat de l’association C______ et elle‑même celui de la recourante, dénotent une activité prépondérante, pendant la période sous contrôle, pour cette dernière. Au vu des éléments au dossier, il n’est pas possible d’établir avec précision le nombre d’heures consacrées par K______ à la recourante exclusivement. Ce point pourra cependant souffrir de rester indécis au regard de l’appréciation des manquements commis par la recourante aux UPE et à la LIRT.

8.15 Au vu de ce qui ce qui précède, la sous-enchère salariale commise par la recourante entre novembre 2020 et mars 2023 a été, à tout le moins, de CHF 283'031.66 bruts (CHF 28'274.40 + CHF 49'023.19 + CHF 6'461.19 + CHF 48'707.57 + CHF 19'733.31 + CHF 25'778.22 + CHF 53'857.96 + CHF 25'379.70 + CHF 27'816.12).

Le salaire-horaire minimum prescrit par le droit cantonal n’a pas été respecté pour en tout cas quatre employés, à savoir U______, AF______, AC______ et AE______.

8.16 La recourante reconnaît ne pas octroyer le congé du 1er mai. Il ressort également de la procédure qu’elle ne s’est pas conformée non plus aux barèmes prévus par les UPE pour les jours de vacances et de congé annuels. En effet, elle a comptabilisé, dans ses décomptes, comme jours de congé des vendredis après-midi qui n’étaient de toute manière pas œuvrés et n’a octroyé de congé pour les jours fériés cantonaux de l’Ascension et de la Pentecôte qu’une année sur deux, ce qu’elle a d’ailleurs reconnu en audience. Il ressort en outre du tableau comparatif des vacances scolaires à accorder selon les UPE et le calendrier scolaire du canton de Genève et du calendrier scolaire pratiqué par la recourante que durant l’année scolaire 2020-2021, elle aurait dû accorder à ses employés sept jours de vacances et congé en sus de ce dont ils ont bénéficié, ce nombre étant de 3.5 jours durant l’année scolaire 2021-2022. Pour le surplus, la recourante n’a pas contesté qu’elle ne prévoyait pas l’octroi du même nombre de jours de congé en cas de maternité et d’adoption que ce qui est prévu par les UPE.

8.17 Enfin, la recourante ne conteste pas non plus ne pas avoir respecté la répartition non paritaire des primes d’assurance perte de gain et accidents non professionnels ni les règles spécifiques relatives au congé maternité, ayant uniquement fait valoir qu’elle n’avait pas à se conformer aux règles spécifiques des UPE à cet égard. Or, comme exposé ci-dessus, lesdites règles lui étant applicables, son manquement sur ce point a été à juste titre retenu par l’OCIRT. Dans son courrier à l’OCIRT du 1er février 2023, la recourante s’est d’ailleurs engagée à procéder aux rattrapages de ces cotisations – et à introduire un congé maternité de 20 semaines avec traitement – si la chambre de céans devait admettre l’application des UPE.

9.             L’OCIRT a également retenu un défaut de collaboration de la recourante.

Ce reproche est fondé. En effet, malgré les demandes répétées, y compris après avoir averti la recourante de son obligation de collaborer, celle-ci n’a pas fourni les documents demandés par l’OCIRT concernant D______, E______, F______, G______, H______ et I______, dont la recourante avait d’abord soutenu, dans la liste établie par ses soins le 11 janvier 2022, qu’il s’agissait de ses employées pour ensuite ne les considérer pas comme telles. Outre l’obligation de produire les pièces requises, ne serait-ce que celles sur lesquelles la recourante s’était fondée dans sa première communication, il apparaît que la demande de l’OCIRT était parfaitement fondée. Rien ne justifiait ainsi que la recourante n’y donnât pas suite, étant relevé que la recourante n’a pas non plus produit la décision du SASAJ l’autorisant à accueillir des enfants avant l’âge de 4 ans en classe préscolaire.

La recourante doit également se voir reprocher de ne pas avoir fourni ou seulement tardivement les justificatifs attestant de ce qu’elle était à jour dans les paiements de ses charges sociales, à savoir des attestations de l’AVS, la LPP, LAA, IJ. En agissant de la sorte, la recourante a violé son obligation de renseigner l’OCIRT (art. 40A al. 4 et 5 et 76 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01).

En ne respectant pas ses obligations salariales envers ses employés, y compris les prescriptions concernant les assurances sociales et les jours de congé et de vacances, la recourante a violé les art. 17, 18, 20, 37, 38 UPE et leurs annexes relatives au salaire minimal. En sa qualité de titulaire d’une autorisation d’exploiter une structure d’accueil de la petite enfance, soumise à la LAPr, elle était tenue de respecter les UPE, conformément d’ailleurs à l’engagement qu’elle avait signé le 2 août 2021 visant à respecter les UPE.

Comme cela vient d’être exposé, les reproches retenus par l’autorité intimée étant fondés, les nombreuses infractions commises par la recourante aux UPE justifient le prononcé d’une sanction au sens des art. 44 et 45 LIRT (art. 26A LIRT), quand bien même la sous‑enchère salariale pouvant finalement être retenue à l’encontre de la recourante est moins importante que telle que fixée dans la décision querellée.

10.         La recourante conteste la quotité de l'amende qui lui a été infligée.

10.1 L’art. 45 al. 1 LIRT prévoit que lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou le salaire minimum prévu à l'art. 39K, l'OCIRT peut prononcer : (a) une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 pour une durée de 3 mois à 5 ans. La décision est immédiatement exécutoire ; (b) une amende administrative de CHF 60'000.- au plus ; (c) l'exclusion de tous marchés publics pour une période de 5 ans au plus. Selon l’al. 2 de la même disposition, les mesures et sanctions visées à l’al. 1 sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées.

10.2 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b). Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée).

10.3 L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/464/2024 du 10 avril 2024 consid. 2; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/20 du 13 décembre 2022 consid. 3b). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a réduit de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- l’amende infligée à un employeur pour une sous-enchère salariale de CHF 381'701.18 dans le domaine de l’économie domestique, ayant eu lieu pendant quatre ans au préjudice de cinq employées successives. La collaboration de l’employeur avait été moyenne, et non faible, et il n’avait pas d’antécédents (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022). Dans une autre affaire, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 12'000.- l’amende infligée à un employeur, sans antécédents, pour une sous-enchère salariale d’au minimum CHF 105'080.-, estimée par l’OCIRT à CHF 203'045.91, concernant cinq employés, qui s’était déroulée de novembre 2020 à mai 2022. La collaboration de l’employeur avait été jugée faible en raison de la production tardive et lacunaire de documents (ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022). Enfin, elle a réduit une amende de CHF 27'400.- à CHF 25'000.- pour une sous-enchère salariale de CHF 471'691.67, concernant 23 des 67 employés de l’entreprise, commise entre novembre 2020 à novembre 2022, de nombreux rattrapages salariaux restant encore dus et la collaboration ayant été faible. L’absence d’antécédents avait conduit à la réduction de l’amende pour non-respect du salaire minimum cantonal, dont le maximum était de CHF 30'000.- (ATA/935/2024 du 12 août 2024).

10.4 En l’espèce, les faits visés par la procédure de contrôle se sont déroulés entre le 1er novembre 2018 et le 31 mars 2023. L’OCIRT n’a cependant tenu compte que de la période allant de janvier 2020 à fin mars 2023. Comme l’a exposé son directeur en audience, l’OCIRT, soucieux d’accorder aux structures d’accueil de la petite enfance de type communautaire le temps de s’adapter aux UPE, a décidé de ne sanctionner les infractions aux UPE qu’à compter de janvier 2020. Pour les raisons évoquées plus haut (consid. 8.3), la chambre de céans n’a tenu compte des infractions commises qu’à compter du 1er novembre 2020.

Les manquements de la recourante ont concerné l’ensemble de son personnel, pendant toute la période allant du 1er novembre 2020 à fin mars 2023. Il s’agit d’infractions particulièrement graves, concernant le respect du salaire minimum prescrit par les UPE, voire même le salaire minimum cantonal, ainsi que des jours de congé et de vacances.

La recourante avait été rendue attentive dès le 15 novembre 2018 à son obligation de se conformer aux UPE. En avril 2019, le SASAJ avait encore expressément rappelé qu’elle devait se conformer, au plus tard, à fin 2019 aux UPE et que dès le 1er janvier 2020 des contrôles allaient être opérés. Enfin, le représentant de la recourante a reconnu qu’il avait assisté à une réunion organisée par le SASAJ lors de laquelle le contenu des UPE et l’obligation de s’y conformer avaient été exposés. Les manquements de la recourante relèvent donc d’une volonté délibérée de ne pas se conformer aux UPE, contrairement pourtant à l’engagement de respecter lesdits usages que la recourante avait signé le 2 août 2021.

Le montant de la sous-enchère salariale, d’au minimum CHF 283'031.66, constitue indéniablement une somme importante. Même si la sous-enchère salariale pratiquée par la recourante aux mois de novembre et décembre 2020 ne devait, comme celle‑ci le soutient, pas être prise en compte, la sous-enchère demeurerait importante, ce d’autant plus que la recourante persiste, à ce jour, dans son refus d’appliquer les UPE et le salaire minimum prescrit par le droit cantonal, de sorte que le montant de la sous-enchère commise n’a cessé d’augmenter depuis mars 2023.

La recourante n’a procédé que très partiellement au rattrapage des charges sociales, concernant uniquement deux employés, à savoir U______ et J______, après le prononcé de la sanction. À noter que la somme due au titre de rattrapage des charges sociales pour cette dernière est élevée (US 64'003.92). Elle n’a en revanche entrepris aucune démarche pour se conformer aux demandes de rattrapages salariaux formulées à plusieurs reprises par l'intimé. Elle a persisté tout au long de la procédure à invoquer l'inapplication des UPE et des dispositions légales sur le salaire minimum, ce qui dénote un certain mépris du respect de ces dispositions auquel s'ajoutent une absence de prise de conscience et une volonté de tirer profit de l'ignorance des employés à ce sujet.

Enfin, elle a, pour l’ensemble de son personnel, pendant toute la période du contrôle, violé les prescriptions régissant le droit aux vacances, le droit au salaire en cas de maladie, la répartition non paritaire des primes d’assurance perte de gain et accidents non professionnels et les règles spécifiques relatives au congé maternité ou adoption.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l'intimé a retenu à juste titre que la faute de la recourante était grave.

Il convient également de tenir compte du fait que la recourante n’a pas d’antécédents. Sa collaboration n’a été que partielle et n’est intervenue, qui plus est, essentiellement qu’après le prononcé d’une première décision la sanctionnant. En outre, bien qu’elle s’en soit prévalue, elle n’a apporté ni devant l’OCIRT ni devant la chambre de céans de pièce rendant vraisemblable, ni a fortiori établissant, sa situation financière difficile.

À l’aune de l’ensemble de ces éléments, notamment du fait que le montant de la sous-enchère pouvant lui être imputé est moins important que celui retenu dans la décision querellée, l’amende sera ramenée à CHF 25'000.-.

Le refus de délivrer l’attestation visée par l’art. 25 LIRT pendant trois ans, à compter du 4 juillet 2022, apparaît, en revanche proportionné aux infractions commises par la recourante, étant relevé qu’en l’absence d’effet suspensif sur ce point, le refus en question arrivera à échéance prochainement, à savoir le 4 juillet 2025.

11.         Les émoluments et frais de contrôle, non contestés, apparaissent pour le surplus conformes aux dispositions applicables (art. 42 LIRT, 66A du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01) et au travail induit par le contrôle (art. 66B RIRT).

La recourante succombant très largement, un émolument, réduit, de CHF 1'500.-, y compris pour la décision de rejet de la requête de suspension de la procédure, sera mis à sa charge de la recourante, et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 septembre 2023 par A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 21 août 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement, annule la décision précitée en tant qu’elle fixe l’amende due par l’A______ à CHF 37'600.-;

réduit cette amende à CHF 25'000.- et rejette le recours pour le surplus ;

met l’émolument de CHF 1'500.- à la charge de l’A______ ;

alloue à l’A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fabien RUTZ, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière :

 

N. DESCHAMPS

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :