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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1903/2023

ATA/102/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/528/2024 ( EXP ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.02.2025, rendu le 09.04.2025, IRRECEVABLE, 1C_119/2025
Descripteurs : GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ;EXPROPRIATION MATÉRIELLE;EXPROPRIATION TEMPORAIRE;INDEMNITÉ D'EXPROPRIATION;ÉPIDÉMIE;VIRUS(MALADIE);LOI COVID-19;LÉGALITÉ;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;CONDITION DE RECEVABILITÉ;CHOSE JUGÉE;APPLICATION DU DROIT;CONCLUSIONS;MOTIF DU RECOURS;OBJET DU LITIGE;RÉPONSE AU RECOURS;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PROTECTION DES DONNÉES
Normes : LPA.65; LPA.68; LPA.74; Cst; Cst-GE.9.al3; Cst-GE.28.al2; LIPAD.1.al1; LIPAD.1.al2; Cst; Cst; Cst; Cst; LPA.69.al1; LCOVID-19.12; OMCR 20.1.al1; covid
Résumé : Conclusions partiellement recevables compte tenu de leurs modifications entre la première et la deuxième instance. Des mesures d’instruction, en particulier la demande de production de documents soumis à la LIPAD, ne sauraient être requises pour contourner celle-ci. Le recourant ne peut bénéficier d’une indemnité pour expropriation matérielle en raison de la fermeture de sa société durant l’épidémie de COVID-19, alors que les conditions n’en sont pas remplies et qu’il a pu bénéficier des indemnités prévues à cet effet. La voie de l’expropriation matérielle, étant précisé que le recourant n’était pas propriétaire des locaux occupés par sa société d’alors, ne peut être invoquée pour pallier l’absence de contestation des décisions relatives aux indemnités accordées. Recours rejeté.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1903/2023-EXP ATA/102/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre


ÉTAT DE GENÈVE intimé
représenté par Me David HOFMANN, avocat

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2024 (JTAPI/528/2024)


EN FAIT

A. a. Jusqu’au 1er novembre 2021, A______ était l’associé gérant et fondateur de B______ Sàrl (ci‑après : la société), inscrite au registre du commerce (ci‑après : RC) le ______ 2016, dont le siège est à Genève, rue C______ 8 et ayant pour but social : « l’exploitation d'un espace de bien-être axé sur la détente et la relaxation au moyen de spas, de jacuzzis et autres appareils de bien-être ».

b. Selon convention de vente du 17 juin 2016, la société a acheté le fonds de commerce du B______ (ci-après : le B______), sis à Genève, rue C______ 8, propriété de D______ SA, pour la somme de CHF 700'000.-.

D’après le bilan et le compte d’exploitation 2016-2021 de la société, A______ lui a prêté la somme de CHF 919'300.- en 2016. Cette dette a été remboursée au fur et à mesure de l’activité pour s’élever à CHF 300'000.- en 2019.

c. Le 5 février 2019, A______ a signé une promesse de vente avec E______ portant sur la société, pour un montant de CHF 500'000.-, la transaction devant s’effectuer fin 2020, au plus tard fin 2021. La dette de la société à l’égard de A______ serait acquittée. Si les liquidités de l’actif de la société devaient être insuffisantes ou s’il devait exister encore une dette résiduelle au jour de la remise des clés et de la transaction, le prix de vente serait diminué en conséquence. Une clause pénale de CHF 50'000.- a été fixée en cas de non-respect de la promesse. A______ resterait pendant quelques mois comme salarié consultant à temps partiel de la société pour assistance technique et administrative et la formation de F______ comme nouveau gérant.

d. Le 31 octobre 2021, la société a été vendue pour la somme de CHF 300'000.-, sa dette à l’égard de A______ s’élevant à CHF 200'000.- à cette date.

Selon l’art. 4 de la convention de vente, « le prix de vente de [la société était] fixé d’un commun accord à CHF 300'000.- pour le rachat de toutes les actions de [la société] par [E______]. [Ce dernier était] conscient que selon les bilans de [la société], une créance d’environ CHF 200'000.- (projection fin 2021) devra[it] être remboursée aux cours des deux prochaines années à [A______]. Cette créance correspond[ait] à l’amortissement restant du fonds de commerce […] ».

E______ a été inscrit eu RC en tant qu’associé gérant de la société en remplacement de A______ le 1er novembre 2021.

B. a. Par arrêté du 16 mars 2020, le Conseil d’État a institué des mesures contre la propagation de l’épidémie du Covid-19 prévoyant notamment, la fermeture à 18h00 le même jour des entreprises destinées à la récréation de la population, mesure levée le 29 mars 2020 à 18h00, provoquant la fermeture de l’exploitation de la société durant treize jours.

b. Par arrêté subséquent du 1er novembre 2020, en application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de Covid-19 du 19 juin 2020 (ordonnance 3 COVID-19 ; RS 818.101.24), le B______ a été fermé du 3 novembre 2020 au 31 mai 2021.

c. Pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, la société a perçu des indemnisations en raison de la crise du Covid-19 pour un montant total de CHF 98'203.55.

Par plusieurs courriers/décisions successifs du département du développement économique, devenu depuis le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), A______ a été informé du versement des indemnisations suivantes à la société :

- le 16 juin 2020, octroi d’une indemnité de CHF 5'856.- correspondant à la moitié de la créance totale que son bailleur consentait à abandonner pour les loyers des mois de mai et juin 2020 (accord tripartite entre l’État de Genève, la Chambre genevoise immobilière [ci-après : CGI], l’Union suisse des professionnels de l’immobilier [ci-après : USPI] et l’Association genevoise des locataires [ci‑après : ASLOCA]) ;

- le 8 décembre 2020, octroi d’une indemnité forfaitaire de CHF 1'750.- pour le mois de novembre 2020 (loi 12'833) ;

- le 21 janvier 2021, octroi d’une indemnité forfaitaire complémentaire de CHF 525.- pour la période du 1er au 9 décembre 2020 (loi 12'833) ;

- le 26 janvier 2021, octroi d’une aide financière de CHF 4'684.- pour les loyers de novembre et décembre 2020 (loi 12'826) ;

- le 29 janvier 2021, octroi d’une indemnité complémentaire pour charges salariales du mois de novembre 2020 à hauteur de CHF 1'683.95, en plus de l’indemnité pour réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) de CHF 12'885.85 versée par sa caisse de compensation le 9 décembre 2020 (loi 12'824) ;

- le 2 février 2021, octroi de la troisième partie de l’aide financière accordée depuis le 1er novembre 2020, à savoir une indemnité forfaitaire complémentaire de CHF 466.65 portant sur la période de fermeture comprise entre les 24 et 31 décembre 2020 (loi 12'833) ;

- les 29 mars et 28 avril 2021, octroi de deux indemnités complémentaires pour charges salariales à hauteur de CHF 583.85 et de CHF 908.20 pour le mois de décembre 2020, en plus de l’indemnité RHT de CHF 11'936.05 versée le 20 janvier 2021 par sa caisse de compensation (loi 12'824) ;

- les 1er mars et 29 avril 2021, octroi d’une aide financière de respectivement CHF 27'121.- et de CHF 26'323.60 pour les périodes de fermeture du 1er janvier au 3 février 2021, ainsi que du 4 février au 8 mars 2021 (loi 12'863). Une nouvelle demande devait être déposée à la fin de la période de fermeture pour les jours à venir non couverts par cette période d’indemnisation. Si une nouvelle demande était déposée plus tôt, une autre devrait l’être à la fin de la période de fermeture. Les coûts fixes pris en considération s’élevaient à CHF 291'153.30 et le chiffre d’affaires était nul ;

- le 20 décembre 2021 octroi d’une aide financière de CHF 28'301.30 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 (loi 12'938). Il était tenu compte d’un chiffre d’affaires de CHF 143'913.92, de coûts totaux de CHF 225'659.85 et de coûts fixes de CHF 130'639.90. Il était précisé que dans l’hypothèse où la société avait déjà bénéficié « d’une aide financière "cas de rigueur" pour la même période sous la forme d’un acompte, [ce] montant [était] à considérer comme un complément à l’aide octroyée. La participation de l’État [serait] versée sur le compte bancaire de l’entreprise et devra[it] être dûment comptabilisée, étant donné qu’elle influen[çait] notamment la détermination du résultat imposable ». Les voies de recours étaient indiquées.

Les décisions précitées n’ayant fait l’objet d’aucune contestation, elles sont entrées en force.

À ces indemnités, s’ajoutent celles pour RHT pour un montant de CHF 133'479.35. Au total, cela représente un montant de CHF 231'682.90 (CHF 98'203.55 + CHF 133'479.35).

C. a. Par courrier du 6 octobre 2021, A______ a demandé au département des finances et des ressources humaines, devenu depuis lors le département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci‑après : DF) une indemnisation complémentaire, compte tenu de la baisse de son chiffre d’affaires mensuel en raison de l’introduction du pass sanitaire.

b. Par courriers des 13 avril et 23 juin 2022, A______ a relancé le DEE - auquel avait été transféré son précédent courrier pour raison de compétence -, en sollicitant à nouveau une indemnisation lui permettant de réparer la perte subie d’au moins CHF 200'000.- en raison des restrictions sanitaires.

c. Dans sa réponse du 8 juillet 2022, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (ci-après : DG DERI) du DEE a refusé de verser à la société la somme de CHF 200'000.- correspondant à la différence entre le prix de vente négocié et le prix de vente effectif, le dispositif d’indemnisation visant à indemniser les coûts fixes que les entreprises ne pouvaient pas couvrir par leurs propres revenus, ce qui n’était pas le cas de la somme requise. Sur la base de ses différentes demandes d’indemnisation, la société avait perçu une somme totale de CHF 81'749.90 pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, correspondant aux coûts fixes non couverts par celle-ci durant la période de la pandémie de Covid-19.

d. Par pli du 14 juillet 2022, A______ a réitéré sa demande d’indemnisation en contestant la position de la DG DERI. Il s’agissait de tenir compte du fait que le prix de vente de la société avait dû être réduit en raison de l’impossibilité d’amortir la dette de CHF 200'000.- due aux restrictions sanitaires imposées. Au cours des années 2020 et 2021, la société avait dû rester fermée durant dix mois et avait également subi une baisse de son chiffre d’affaires. L’indemnité de CHF 81'749.90 versée pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, correspondant aux coûts fixes non couverts par la société durant la pandémie de Covid-19, ne tenait pas compte de l’amortissement du fonds de commerce, comptabilisé en 2018 et 2019 et déclaré aux impôts. Dès lors que les charges d’amortissement faisaient partie des coûts fixes que l’indemnité devait couvrir, cette dernière devait être rectifiée en conséquence. Dans la mesure où les restrictions subies s’apparentaient à une expropriation matérielle, celle-ci fondait également sa demande d’indemnisation.

e. Le 6 septembre 2022, A______ a relancé la DG DERI.

f. Selon une cession de créance du 5 octobre 2022, signée par A______ et E______, la société cédait au premier « toutes les créances éventuelles correspondant aux compléments des indemnités COVID non encore reçues des années 2020 et 2021 [qu’il] pourrait réclamer aux autorités cantonales et fédérales après la vente du B______. Ainsi, le B______, sous la direction de E______, certifi[ait] ne plus vouloir réclamer de nouvelles indemnités dites "cas de rigueur" Covid 2020 2021 à partir du 5.10.2022 ».

Dite « cession a[vait] été rachetée par [A______] sous la forme d’une diminution du prix de vente du spa. En effet, le prix de vente prévu initialement était de CHF 500'000.- alors que le B______ a[vait] été vendu à CHF 300'000.- puisqu’une dette résiduelle de CHF 200'000.-, en faveur de [A______], grevait encore le B______. Cette dette n’aurait pas existé au moment de la vente si la fermeture administrative Covid de dix mois en tout (2020 et 2021) n’avait pas eu lieu ».

g. Dans sa réponse du 1er novembre 2022, la DG DERI a maintenu sa position. Par décision du 20 décembre 2021, une aide complémentaire de CHF 28'301.30 avait été allouée à la société, seule compétente pour élever réclamation contre les décisions d’indemnisation la concernant. Dès lors qu’aucune desdites décisions n’avaient été contestées, celles-ci étaient désormais entrées en force. Aucune demande de reconsidération n’avait été formulée.

h. Selon le bilan et compte d’exploitation 2016-2021 de la société, elle a subi des pertes en 2016 et 2020 de respectivement, CHF 19'280.83 et CHF 83'628.59, ainsi que des bénéfices en 2017, 2018, 2019 et 2021 de respectivement, CHF 19'922.28, CHF 74'015.10, CHF 69’933.44 et CHF 7'222.53.

D. a. Par acte du 1er juin 2023 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a déposé une demande d’indemnisation pour expropriation matérielle, en concluant à ce que l’État de Genève soit condamné à lui verser la somme de CHF 268'658.15, avec intérêt à 5% l’an, dès le 31 mai 2021.

Au bénéfice d’une cession de créance afin de faire valoir ses droits aux indemnités Covid, il pouvait faire valoir ses droits à ce titre. La fermeture de son établissement avait restreint dans sa forme la plus incisive sa possibilité de jouir de son spa, acquis à un but commercial. En ne visant que certains commerces, considérés comme essentiels, les mesures avaient fait subir un sacrifice disproportionné aux commerces concernés et étaient contraires à l’égalité de traitement.

Les mesures ne pouvaient pas être considérées comme des mesures de police ne donnant pas droit à une indemnisation. Fondées sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 (LEp - RS 818.101), elles relevaient de la police sanitaire. Les commerçants ayant fait l’objet des restrictions n’avaient pas provoqué la situation sanitaire et n’étaient pas directement les auteurs du trouble à l’ordre public. L’art. 40 LEp instituait des mesures d’ordre collectif et avait pour but de réduire la probabilité de transmission de maladie et était ainsi d’ordre général et abstrait. Dès lors, les mesures prises sur cette base n’avaient pas vocation à être dirigées contre un danger concret.

En l’absence de véritables mesures d’accompagnement pour les propriétaires, les mesures n’étaient pas conformes au principe de la proportionnalité au sens étroit. La durée de celles-ci ne remettait pas en doute l’existence d’une expropriation matérielle. Le lien de causalité entre les mesures et le manque à gagner était incontestable.

À cette demande, étaient notamment joints les documents suivants :

- les bilans et comptes d’exploitation de la société de 2016 à 2021 ;

- un diagramme sur l’évolution du chiffre d’affaires journalier de la société de 2016 à 2020 ;

- un diagramme sur la corrélation entre les recettes de la société et les mesures liées à l’épidémie de Covid-19 durant la période de janvier 2020 à décembre 2021.

b. Lors de l’audience de conciliation du 4 septembre 2023, les parties ne sont pas parvenues à un accord.

c. L’État de Genève a conclu au rejet de la demande.

d. A______ a persisté dans ses conclusions. Il a sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle et de plaidoiries et à ce qu’il soit ordonné à l’État de Genève de produire la liste de toutes les expropriations matérielles qu’il avait opérées, avec le motif, la durée de l’atteinte, les indemnisations et la justification de l’indemnisation durant les dix dernières années ainsi que les pièces relatives au traitement des G______ (ci-après : G______) et du I______ lors de la pandémie de Covid-19, comprenant la détermination des charges fixes des établissements pour 2020, les dates de fermeture des établissements, le total des RHT pour les années 2020 et 2021, le total des aides pour cas de rigueur pour les années 2020 et 2021 ainsi que toutes les aides et subventions communales, cantonales, fédérales et d’autres origines publiques ou privées en 2020 et 2021.

Il ne se plaignait pas uniquement du prix de vente inférieur obtenu mais de toutes les conséquences néfastes qui découlaient de l’atteinte à la propriété dont il avait fait l’objet. Il ne pouvait être déduit de l’absence de contestation des aides étatiques perçues, qu’il avait toléré la situation dont il avait été victime. Il avait attendu de savoir qu’aucune indemnisation additionnelle ne viendrait pour déterminer l’ampleur de l’indemnisation supplémentaire à réclamer.

e. L’État de Genève a dupliqué en maintenant sa position et concluant au rejet des mesures d’instruction sollicitées.

f. Par écriture spontanée, A______ a exigé la tenue d’une audience. L’association d’Usagers des G______ avait reçu un soutien de CHF 1'250'000.- durant la pandémie de Covid-19. Il s’agissait d’une discrimination particulièrement injuste.

g. Ultérieurement, A______ a produit les comptes 2020 et 2021 des G______, la décision du DEE du 16 avril 2021 octroyant une aide financière aux G______, la décision sur reconsidération du DEE du 28 février 2023 concernant les G______, ainsi que l’extrait d’une décision relative à l’aide financière accordée à l’établissement « J______ » aux K______, afin de faire valoir une inégalité de traitement.

h. Par la suite, A______ a derechef conclu spontanément à une non‑imposition de l’indemnisation reçue, à une garantie de non-rétorsion envers la société et le J______, à recevoir une dernière tranche d’indemnisation et au remboursement de ses frais d’avocat. Il faisait en outre valoir une inégalité de traitement avec les indemnisations versées aux entreprises durant le sommet États‑Unis/Russie du 16 juin 2021.

i. Lors de l’audience du 28 mai 2024, A______ a déclaré que lorsqu’il avait acheté le B______, celui-ci était déjà ouvert puisqu’il existait depuis quarante ans. En septembre 2016, le B______ avait été fermé pour cause de travaux, puis immédiatement rouvert. Il n’avait pas recouru contre les décisions prises par le département du développement économique car il avait d'autres préoccupations. Il avait dû se battre pour obtenir des aides, notamment les RHT. C’était une période difficile. En janvier 2021, le DF avait indiqué qu'il allait les aider. Il avait fixé les frais fixes à CHF 291'000.-. Ils avaient été aidés pour les mois de janvier et février 2021. Il s'attendait à ce qu'il en soit de même pour les mois suivants jusqu'à fin mai 2021. C'était pour cette raison qu’il n’avait pas recouru contre les décisions. Ensuite, la clientèle était revenue, comme avant les fermetures, voire davantage. C'était bien la preuve que son chiffre d’affaires avait baissé uniquement à cause des fermetures. Sans celles-ci, au plus tard à la mi-2021, il aurait pu amortir toutes ses dettes selon ses calculs. À l'époque, aucune banque ne voulait prêter de l'argent à la société. Il avait donc dû effectuer un prêt de ses propres deniers. Il avait fait le pari qu'en cinq ans, la société pouvait lui restituer la somme prêtée. Il pensait qu’il allait être indemnisé de tous les frais fixes au prorata des jours fermés, ce qui ne correspondait pas à une pleine indemnité mais il aurait tout de même été d’accord avec celle-ci. Il avait dû vendre le 31 octobre 2021, soit au dernier moment, à cause de la promesse de vente signée et de la clause pénale de CHF 50'000.-.

L’attaché à la DG DERI, représentant l’État de Genève, a indiqué qu’il était chargé des dispositifs de cas de rigueur durant la pandémie de Covid-19. Beaucoup de mesures avaient été prises. Lors des premières fermetures, toutes les mesures d’aides n'existaient pas encore. Il avait été répondu aux besoins au fur et à mesure de la crise. Pour les mesures, il fallait à chaque fois une nouvelle base légale, donc un processus législatif, ce qui prenait du temps. Fin 2020, le paradigme avait changé et les cas de rigueur avaient été introduits. Dès lors, l’État avait indemnisé sur la base des coûts fixes. L'idée était de remplacer toutes les autres mesures prises jusque-là. Dix collaborateurs géraient cela, aidés de trente externes. Chaque dossier avait été visé par trois personnes, afin de garantir l'égalité de traitement et le principe de la légalité. L’État de Genève n’avait pas envisagé d'indemniser via des procédures d'expropriation matérielle. Il s’était inspiré des cas de rigueur développés par la Confédération. Les calculs effectifs appliqués n'avaient pas varié au fil du temps, à une exception près en décembre 2020 par des dispositions transitoires. Plus de 10'000 décisions en indemnisation avaient été rendues, contrôlées par la Cour des comptes. Il existait un rapport en ligne sur le site Internet de la Cour des Comptes confirmant la légalité des décisions ainsi que la conformité au principe de l'égalité de traitement. L'administration fédérale avait contrôlé et contrôlait toujours la légalité de ces décisions.

j. Par jugement du 30 mai 2024, le TAPI a rejeté la requête en indemnisation de A______, en déclarant irrecevables les conclusions tendant à la non‑imposition de l’indemnisation reçue, à une garantie de non-rétorsion envers la société et le J______ et à la perception d’une dernière tranche d’indemnisation.

Il n’y avait pas lieu de donner suite aux mesures d’instruction requises, dès lors qu’une audience de comparution personnelle des parties avait eu lieu et que, selon une appréciation anticipée des preuves, le TAPI considérait disposer d’un dossier complet.

Les mesures prises par les autorités en lien avec la fermeture de son établissement public ne pouvaient être assimilées à une expropriation matérielle. Dès lors que A______ ne prétendait pas que le refus d’aide constituait une atteinte à son droit de propriété, mais soulevait que c’était la fermeture de son établissement par l’autorité qui constituait une telle atteinte, la jurisprudence fédérale invoquée ne pouvait lui être appliquée. Cette atteinte ne pouvait pas non plus être considérée comme grave, s’agissant d’une restriction temporaire d’un peu moins de huit mois. Aucun sacrifice particulier en faveur de la communauté ne pouvait être retenu in casu dans la mesure où A______ avait fait l’objet de mesures identiques prises à l’encontre de tous les établissements publics, dans des circonstances analogues. S’il devait être admis que ces mesures relevaient d’une restriction à la propriété, ce qui n’était pas le cas, elles constituaient manifestement des mesures de police, non sujettes à indemnisation, destinées à protéger la santé publique et à écarter un danger concret, sérieux et imminent qui constituaient un but d’intérêt public. Il importait peu que l’atteinte provienne d’un fait de la nature et non pas de A______ lui-même. Il était également douteux que la fermeture d’établissements publics pendant une courte durée limitât directement le droit de propriété. Il s’agissait davantage d’une mesure portant atteinte à la liberté économique.

E. a. Par acte expédié le 24 juin 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à ce que l’État de Genève soit condamné à lui verser la somme de CHF 99'140.70, laquelle devait être « considérée fiscalement comme le remboursement partiel d’une créance existante et déjà déclarée à l’AFC en 2022 et ne [devait] donc pas être soumise à un impôt sur le revenu ni sur la fortune du demandeur », avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2021.

Les périodes de fermeture du spa durant la pandémie de Covid-19 avaient affecté le chiffre d’affaires de celui-ci, alors qu’il était en augmentation depuis qu’il l’avait repris. Entre 2016 et 2020, l’actif du fonds de commerce et la dette avaient pu être rapidement, respectivement, amortis et remboursés. Dès l’ouverture du spa, le chiffre d’affaires était à nouveau devenu rapidement normal. Pendant les jours d’ouverture durant la pandémie de Covid-19, le chiffre d’affaires journalier moyen était de CHF 2'400.-. Compte tenu des 294 jours de fermeture, la perte s’élevait à environ CHF 700'000.-, à laquelle s’ajoutait une perte d’environ CHF 40'000.- due au pass sanitaire introduit le 13 septembre 2021 et de CHF 200'000.- en raison de la diminution du prix de vente de la société.

Les indemnités versées au spa avaient été mentionnées correctement par l’intimé, mais demeuraient insuffisantes au regard des pertes subies et des promesses faites au début de l’année 2021. Au final, le montant total de l’indemnité Covid-19, y compris les RHT, s’élevait à CHF 231'682.90, soit près de 31% du chiffre d’affaires de CHF 740'000.-. Ayant constaté des incohérences dans le calcul des indemnités pour cas de rigueur, il avait mené sa propre enquête auprès de diverses entreprises du canton de Genève, dont les G______ et le J______, constatant une inégalité de traitement entre celles-ci durant les années 2020 et 2021. Les dancings et autres établissements publics nocturnes avaient bénéficié en 2020 d’une forme d’aide de cas de rigueur, dont les autres établissements comme le B______ n’avaient pas bénéficié.

Le jugement querellé confondait expropriation matérielle et expropriation temporaire, et refusait de se prononcer sur les inégalités entre les différents commerces. Le Conseil fédéral avait toutefois confirmé dans un rapport sur les aides Covid-19 pour les cas de rigueur, que les cantons avaient commis des inégalités dans leur octroi. Il était incompréhensible que l’intimé ne veuille pas fournir les documents demandés. En outre, pour comparer la situation du spa à un commerce semblable, il avait besoin de savoir comment avaient été indemnisés les H______ en 2021.

Référence était faite à la légalité uniquement par rapport aux lois liées à la pandémie de Covid-19 élaborées dans l’urgence, en oubliant les autres lois existantes. Le respect du principe de l’égalité de traitement était invoqué à tort, vu le système d’indemnisation discriminatoire et arbitraire mis en place. Le principe d’indemnisation était anormalement favorable dans le cas du sommet États‑Unis/Russie en comparaison des indemnités versées pour les longues fermetures durant la pandémie de Covid-19. En plus de la distinction discriminatoire entre les entreprises dites « essentielles » et celles dites « non‑essentielles », ces dernières avaient subi des traitements différents entre elles. En outre, le calcul des aides « cas de rigueur » pour la société était faux. Cette dernière aurait dû recevoir CHF 119'652.- au lieu de CHF 53'444.60. La dernière tranche d’indemnisation versée très tardivement après la vente du spa ne pouvait pas être considérée comme ayant été reçue par lui-même. Par ailleurs, il n’était pas explicable que les spas des hôtels avaient pu rester ouverts alors que le sien avait dû fermer. En n’indemnisant pas toutes les charges fixes, l’intimé l’avait obligé à puiser dans sa propre épargne pour combler le déficit financier du spa. Ce dernier était ainsi encore endetté de CHF 200'000.- au moment de la vente alors qu’il n’aurait plus dû l’être. Cela correspondait à « un impôt énorme, disproportionné et discriminatoire sur [sa] fortune auquel le reste la population n’a[vait] pas été soumis ». Il était improbable que l’administration en charge de calculer ces indemnisations ne fût pas consciente de ces inégalités, de sorte que les fonctionnaires concernés avaient agi de façon illicite, par négligence ou à dessein. Un avis de droit qu’il produisait confirmait l’illégalité et la disproportion des fermetures de commerces, ce qui renforçait le devoir de l’intimé d’indemniser correctement les entreprises fermées.

Il lui avait été reproché de ne pas avoir fait recours à temps alors qu’il avait fallu huit mois à l’administration pour lui répondre et qu’il lui avait fallu attendre la fin des onze versements d’indemnités pour se rendre compte de leur adéquation ou non. Aucune voie de recours n’était indiquée sur les deux premières décisions de versement « cas de rigueur » 2021, seule la dernière mentionnait la possibilité d’une réclamation (celle-ci n’avait toutefois été reçue que par E______). Les demandes adressées par l’intermédiaire de son conseil devaient être considérées comme des réclamations. De même, sa « plainte » et son recours concernaient l’indemnité pour cas de rigueur du 20 décembre 2021.

Par conséquent, pour réparer les inégalités subies, il manquait un montant de CHF 66'207.40 (CHF 119'652.- - CHF 53'444.60). Il acceptait que « cette somme corresponde aux dommages dus aux actes illicites de l’administration, sans majoration, pour autant que la condamnation soit effective dans ce jugement ». Il fallait ajouter les frais d’avocat déjà payés en CHF 32'933.35, ce qui représentait un total de CHF 99'140.70. « Cette somme [devait] être considérée fiscalement comme le remboursement partiel d’une créance existant et déjà déclarée à l’AFC en 2022 et ne [devait] donc pas être soumis[e] à un impôt sur le revenu ni sur la fortune ».

À l’appui de son recours, il produisait notamment les documents suivants :

- un document récapitulatif des aides financières reçues pour un montant total de CHF 231'682.90, établi par lui-même ;

- divers courriels en lien avec ses demandes fondées sur la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) des 10 mars 2024 et les réponses apportées à celles-ci par le DEE ;

- une copie du rapport n°173 de la Cour des comptes de septembre 2022 concernant la mission d’accompagnement et de soutien à la DG DERI pour les aides financières « cas de rigueur », concluant qu’ « à l’issue de ses travaux, la Cour constate que, de manière générale, l’organisation mise en place par la DG DERI a permis d’assurer le versement rapide des aides financières aux bénéficiaires, pour un montant supérieur à CHF 550'000'000.-, dans le respect des dispositions légales, tout en limitant les risques d’erreur et d’abus. Elle rappelle que la DG DERI a dû s’organiser, notamment en engageant près de 25 gestionnaires au plus fort de son activité, pour effectuer des tâches qui sont éloignées de sa mission d’origine » ;

- un courrier de la Cour des comptes du 20 juin 2024 lui confirmant avoir vérifié que « les contrôles mis en place étaient adéquats et qu’ils permettaient d’assurer le respect des conditions d’éligibilité et des modalités de calcul de l’aide financière » ;

- quatre notes d’honoraires de son précédent conseil, datées des 7 juin 2023, 5 février 2024, 22 avril 2024 et 12 juin 2024 pour des montants de respectivement CHF 5'614.55, CHF 10'383.65, CHF 5'760.80 et CHF 3'635.35.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Dans le cadre du dispositif cas de rigueur, le canton de Genève prévoyait une indemnisation pour « perte économique » pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021 (sous condition du constat d’un recul de chiffre d’affaires d’au moins 25% par rapport à 2018 et 2019), et une indemnisation en cas de fermeture d’au moins 40 jours dès le 1er novembre 2020, portant sur la période de fermeture effective en 2021. Ces deux types d’indemnisation, portant sur une période de couverture et un calcul pour déterminer le montant de l’indemnité différents, n’étaient pas cumulables, le DEE appliquait l’approche la plus favorable pour l’entreprise. Comme le B______ était en situation bénéficiaire en 2020 (chiffre d’affaires supérieur aux coûts totaux), il ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour « perte économique » sur l’année considérée. Bien que la décision du 29 avril 2021 portant sur une deuxième indemnité pour cas de rigueur mentionnait qu’une demande d’aide supplémentaire pour fermeture devrait être déposée, tel n’avait pas été le cas. En revanche, une troisième demande cas de rigueur avait été déposée le 13 octobre 2021. Par décision du 20 décembre 2021, le département avait accordé une aide financière complémentaire pour le premier semestre 2021. L’indemnité pour perte économique pour cette période étant supérieure aux aides pour fermeture déjà versées, le département avait versé uniquement la différence entre les deux montants.

Concernant le dispositif d’aide Covid-19 en général, il ressortait des documents publiés tant par la Confédération que par la Cour des comptes que l’aide avait été accordée à environ 3'300 entreprises (sur 4'000 entreprises ayant demandé une aide), ce qui représentait environ 10'000 décisions pour un total d’aides accordées d’environ CHF 600'000'000.-.

Il s’en rapportait à justice quant à la recevabilité du recours, bien que celle-ci fût douteuse sous l’angle des griefs invoqués. Le recourant ne critiquait pas le jugement attaqué, mais formulait des critiques générales sur le rôle de l’État, sur la crise sanitaire, les aides financières accordées à des tiers, voire les décisions précédentes notifiées au spa. En deuxième instance, le recourant modifiait le cadre formel du litige, en changeant ses conclusions. Certains faits étaient également modifiés par rapport à la demande au TAPI, tels que le nombre de jours de fermeture en 2020/2021 et le chiffre d’affaires quotidien entre 2019-2021, ceux-ci ayant été augmentés. La conclusion constatatoire sur la non-soumission à l’impôt de l’éventuel remboursement d’une créance n’était pas recevable, dès lors qu’aucune procédure fiscale n’était en cours.

L’envoi de courriels successifs par le recourant au DEE et au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : PPDT) ne facilitait pas le suivi de ses demandes LIPAD. Néanmoins, le DEE y avait répondu avec diligence, lui transmettant notamment une copie anonymisée des décisions concernant les G______ et les H______ dans le cadre du dispositif pour cas de rigueur. Les nouvelles questions LIPAD ne pouvaient pas être soumises à la chambre administrative sans avoir fait l’objet au préalable d’une médiation devant le PPDT et d’une décision du département.

Vu les bases légales applicables concernant la pandémie de Covid-19 et la jurisprudence y relative, cette procédure en indemnisation pour expropriation ne permettait pas d’aller au-delà des règles Covid-19 cas de rigueur. Faute de responsabilité étatique et de base légale, elle ne permettait pas non plus le paiement des frais d’avocat réclamés par le recourant.

Il n’était pas contesté que le B______ avait perçu des aides financières étatiques à hauteur de CHF 231'682.90. Ces aides étaient fondées sur la législation topique et n’avaient pas été contestées. Compte tenu des principes de légalité et d’égalité, l’État ne pouvait avantager le B______ par rapport à d’autres entreprises qui se trouvaient dans les mêmes circonstances de fermeture. Selon les considérations générales en matière d’expropriation, les mesures de police, parmi lesquelles les mesures de santé publique, ne donnaient pas droit à indemnisation pour atteinte à la propriété. Le calcul du dommage allégué par le recourant avait beaucoup varié en cours de procédure. En outre, il avait librement choisi de conclure un contrat pour la vente du spa au 21 octobre 2021, avec un avenant et en accordant une baisse de prix à l’acheteur. L’empressement du recourant à encaisser un prix de vente réduit n’était pas imputable à l’État.

Quant aux griefs formulés par le recourant devant la chambre administrative, la distinction opérée entre les entreprises « essentielles » et « non‑essentielles » ne se trouvait pas dans la législation en matière d’aide Covid-19. Les indemnisations des entreprises respectaient strictement le cadre légal et un contrôle judiciaire aurait pu être effectué au besoin. Le recourant faisait fi de la dernière aide versée le 20 décembre 2021, alors que les décisions en cause étaient bien fondées s’agissant de leur calcul. Lors de la fermeture de l’automne 2020, une exception était faite pour les installations des hôtels, vu la nécessité de limiter les regroupements de foule dans ces lieux et le plus faible nombre de personnes concernées par les hôtels. Cette procédure ne visait pas à contrôler la légalité de l’arrêté du Conseil d’État du 1er novembre 2020. Si le Tribunal fédéral ne s’était pas prononcé sur la fermeture concrète du spa du recourant, il avait néanmoins d’ores et déjà admis que les mesures prises par les autorités étaient aptes à protéger la santé publique et juridiquement admissibles en application du principe de proportionnalité. Les fermetures/indemnités Covid-19 se distinguaient des indemnisations lors du sommet États-Unis/Russie, puisque les premières étaient imposées par une crise sanitaire, tandis que des raisons sécuritaires imposaient la fermeture de certaines rues pour les secondes. L’arrêté du 16 juin 2021 ne faisait pas référence à l’expropriation. Les aides Covid-19 cas de rigueur ne visaient pas à indemniser les choix économiques des entreprises. Les différentes bases légales et réglementaires fixaient le dispositif d’aide, en prévoyant notamment les bénéficiaires de l’aide, les méthodes de calcul et le plafond des aides, afin d’éviter une distribution inégale, voire arbitraire de l’aide. Il était contesté que les fonctionnaires aient agi de manière illicite. Compte tenu du nombre de demandes reçues, il était logique que leur examen ait pris du temps. Il n’était pas imputable à l’intimé que la décision du 20 décembre 2021 ait été reçue par le repreneur du spa, vu que l’établissement était le bénéficiaire formel de l’aide. Même si une voie de droit devait être ouverte contre les indemnités Covid-19 cas de rigueur, la légalité de leur montant devrait être confirmée. Le courrier du 6 octobre 2021 ne pouvait pas être considéré formellement comme une réclamation, faute de se référer aux décisions des 1er mars et 29 avril 2021 et étant antérieur à celle du 20 décembre 2021.

Étaient joints notamment les documents suivants :

- une copie de la demande pour cas de rigueur de la société du 3 février 2021 ;

- un questionnaire pour demande supplémentaire cas de rigueur motif fermeture de la société du 8 mars 2021 ;

- une déclaration complémentaire 2021 pour cas de rigueur de la société du 13 octobre 2021 ;

- un courriel de A______ au département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) du 17 février 2024, consistant en une demande d’accès au sens de la LIPAD aux décisions d’indemnisation rendues pour les G______ (à laquelle le DIN a répondu le 14 mars 2024), ;

- un courriel de A______ au DIN du 29 mai 2024 posant plusieurs questions en lien avec la méthode de calcul des indemnisations octroyées, notamment en comparaison de celles accordées aux H______ ;

- les courriels des 5, 12 et 13 juin 2024 de A______ au PPDT demandant des documents et renseignements complémentaires notamment concernant les H______, auxquels le DEE a répondu et donné suite le 22 juillet 2024 ;

- un courrier du 22 juillet 2024 du DEE à A______, transmettant à celui-ci trois décisions anonymisées des 1er et 11 mai, ainsi que 6 octobre 2021 concernant les indemnités accordées aux H______. Le DEE a confirmé par courriel du 23 juillet 2022 que la totalité des décisions les concernant lui avait été transmises ;

- un courriel du 22 juillet 2024 de A______ au DEE et au PDDT faisant part de son indignation quant à la teneur de l’art. 11c de l’arrêté du 1er novembre 2020.

c. Le recourant a répliqué en maintenant sa position. Il demandait la récusation de la juge déléguée.

Il contestait avoir modifié le cadre formel de sa plainte, se contentant de la compléter en fonction des nouveaux éléments obtenus. Le point commun de toutes ses plaintes était « des indemnisations de fermeture et de privation d’usage nettement insuffisantes ». Ses demandes LIPAD étaient légitimes. Si le total des indemnités reçu par le B______ pouvait sembler important, tel n’était pas le cas en comparaison de la perte de chiffre d’affaires sur dix mois de fermeture. Les écritures de réponse reprenaient en partie celles de première instance, ce qui n’était pas admissible. S’il appartenait à l’entrepreneur d’assumer « un risque entrepreneurial normal », il ne lui revenait pas d’assumer celui d’une fermeture administrative et d’une « privation grave d’usage non imputable à lui-même ». Il était dans l’impossibilité de recourir contre les décisions du département, dans la mesure où il n’était plus propriétaire du spa. Il n’avait appris l’existence du troisième versement qu’en février 2022. Les audiences de conciliation et de comparution n’avaient été qu’un « simulacre de justice expéditive et sommaire ». Il n’avait pas pu s’exprimer sur les points essentiels. Le juge de première instance avait fait montre « d’un déni méprisant de justice et d’une forme d’abus d’autorité ». Il était vrai qu’il avait corrigé et modifié certaines informations, notamment le nombre de jours de fermeture qui n’était pas exact. Le fait que le chiffre d’affaires de la société était plus important en 2020/2021 qu’en 2019/2020 montrait seulement qu’il avait bien géré son commerce, lequel avait été ralenti par les fermetures prononcées. Si le chiffre d’affaires 2020 mentionné par l’intimé était correct, tel n’était pas le cas des charges. Compte tenu des pertes résultant des comptes 2020, il avait volontairement diminué les amortissements pour ne pas les aggraver. Il n’avait jamais demandé des indemnités pour perte économique mais pour fermeture. Il lui manquait les indemnités pour la période du 9 mars au 31 mai 2021. En réalité, il avait adressé une demande déjà le 14 septembre 2021, et non pas le 13 octobre 2021. Les chiffres indiqués étaient erronés, ce qui était particulièrement problématique. Tout avait été fait pour lui cacher la vérité dans le but de lui verser le moins possible d’indemnités. L’arrêté du 1er novembre 2020 constituait un « acte illicite de l’État » qui nécessitait « une plainte séparée ».

En complément, il produisait notamment les documents suivants :

- une déclaration complémentaire 2021 pour cas de rigueur au nom de la société, datée du 14 septembre 2021 ;

- une demande pour cas de rigueur au nom de la société du 3 février 2021 ;

- une copie du compte d’exploitation de la société pour la période de 2020 à mi‑2021.

d. Par arrêt ATA/1130/2024 du 23 septembre 2024, une délégation des juges de la Cour de justice en matière de récusation a écarté celle formulée par le recourant à l’encontre de la juge déléguée.

e. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige doit être précisé.

2.1 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

En outre, l’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2c et les références citées). L’exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_823/2017 du 23 mars 2018 consid. 4).

2.2 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA).

Le mémoire de réplique ne peut contenir qu’une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l’acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; ATA/1064/2023 du 26 septembre 2023 consid. 1.2 et les références citées).

2.3 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 4b et l'arrêt cité). N'est donc pas nouveau un chef de conclusions n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4 ; ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 4b et l'arrêt cité).

La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 4b et l'arrêt cité).

2.3.1 En l’espèce, dans sa requête en indemnisation déposée par-devant le TAPI, le recourant, alors représenté et assisté d’un avocat, avait conclu, principalement, à ce que l’intimé soit condamné à lui verser la somme brute de CHF 268'658.15, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mai 2021, « sous suite de frais et dépens ». Dite somme équivalait à la différence entre le manque à gagner de la société durant les périodes de fermeture liées à l’épidémie de Covid-19 et le total des indemnités perçues par celle-ci à ce titre lorsque le recourant en était propriétaire.

Dans son acte de recours par-devant la chambre de céans, le recourant, comparaissant désormais en personne, conclut, principalement, à ce que l’intimé soit condamné à lui verser la somme de CHF 99'140.70, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mai 2021. Ledit montant se compose d’un montant de CHF 66'207.40 dû au titre des aides indûment non perçues, ainsi que d’un montant de CHF 32'933.35 correspondant à ses honoraires d’avocat pour la totalité de la procédure, y compris avant le dépôt de sa requête en indemnisation auprès du TAPI. Le recourant précisait, en outre, que « cette somme [devait] être considérée fiscalement comme le remboursement partiel d’une créance existante et déjà déclarée à l’AFC en 2022 et ne [devait] donc pas être soumis à un impôt sur le revenu ni sur la fortune du demandeur ».

S’il ressort de ce qui précède que le recourant, ne disposant pas des connaissances juridiques d’un avocat, a certes modifié sa conclusion principale, soit le montant de l’indemnité réclamée à l’intimé, il n’en demeure pas moins que celui-ci a été réduit. Ainsi, il demande finalement une indemnité moins importante que précédemment. Dans les deux cas, celle-ci vise majoritairement à indemniser le recourant du déficit subi par la société durant l’épidémie de Covid-19 lorsqu’il en était l’animateur. Cependant, si en première instance, le recourant a généralement conclu à l’octroi de dépens, ceux-ci n’ont alors pas été chiffrés et ne visaient pas non plus expressément les frais engendrés avant le dépôt de sa requête en indemnisation.

Dans la mesure où il n’est pas exclu que l’objet du litige soit réduit en cours de procédure, la conclusion principale du recourant doit être considérée comme recevable en tant qu’elle vise le montant de l’indemnisation réclamée, à l’exception de son traitement fiscal ne relevant pas de l’objet du présent litige. En revanche, celle relative à la prise en charge des honoraires d’avocat doit être considérée comme élargissant l’objet du litige, à tout le moins s’agissant des frais encourus avant le dépôt de la requête en indemnisation. Par conséquent, la conclusion y relative sera déclarée recevable en tant qu’elle porte sur les frais engendrés dès le dépôt de la requête en indemnisation.

Par ailleurs, il apparaît qu’en dépit de l’indication formelle de conclusions en tête de son acte de recours, le recourant ne conclut pas expressément à l’annulation du jugement querellé. Toutefois, il ressort de ses écritures, en particulier du chiffre 21, qu’il estime que le TAPI a confondu les notions d’expropriation matérielle et d’expropriation temporaire, en violation de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933 (LEx-GE - L 7 05) et sans se prononcer sur la violation du principe de l’égalité de traitement.

Il apparaît ainsi clairement compréhensible que le recourant, agissant désormais par lui-même, est en désaccord avec le jugement de l’autorité de première instance, en en contestant tant le bien-fondé que le résultat.

2.3.2 Concernant les griefs invoqués, dans son acte de recours, le recourant fait valoir principalement une confusion entre l’expropriation matérielle et l’expropriation temporaire, une violation de la LEx-GE, une violation du principe de l’égalité de traitement, en particulier par rapport aux concurrents de la société et aux indemnisations accordées durant le sommet États-Unis/Russie, une violation du principe de la légalité, une distinction entre entreprises dites « essentielles » et celles dite « non-essentielles » contraire au droit, des erreurs de calcul des aides octroyées pour cas de rigueur, la responsabilité de l’intimé au travers d’une action illicite des fonctionnaires dans l’application de lois régissant l’épidémie de Covid‑19, l’illégalité et la disproportion de fermeture des commerces ordonnées durant cette période, l’absence de voies de recours indiquées dans les deux premières décisions d’octroi d’aide pour cas de rigueur notifiées, la non réception de la troisième décision d’octroi d’aide pour cas de rigueur, ainsi que le traitement de ses diverses demandes comme des réclamations à l’encontre desdites décisions.

Dans sa réplique, reprenant les griefs précités, le recourant soulève en sus une violation de son droit d’être entendu lors des audiences de conciliation et de comparution personnelle du TAPI, en reprochant au premier juge, une attitude inadéquate dénotant une forme d’abus d’autorité. Il avait par ailleurs admis avoir rectifié deux faits par rapport à sa requête en indemnisation, à savoir le nombre de jours de fermeture et une augmentation inférieure aux prévisions du chiffre d’affaire de la société durant l’épidémie de Covid-19 en raison des fermetures ordonnées.

Conformément à la jurisprudence sus rappelée, le recourant disposait d’une certaine latitude dans le contenu de son acte de recours qu’il ne pouvait toutefois pas étendre à sa réplique. Hormis un grief nouvellement invoqué, le recourant se contente en réalité de répondre aux arguments développés par l’intimé. Au surplus, il ne peut lui être reproché d’avoir formulé de nouveaux griefs dans son acte de recours, dès lors que ceux-ci visent le même objet du litige, à savoir obtenir l’indemnisation du préjudice subi en raison de la fermeture du spa durant l’épidémie de Covid-19.

3.             Le recourant conteste la recevabilité des écritures responsives de l’intimé, dans la mesure où celles-ci reprendraient en partie le contenu de celles de première instance.

3.1 L’autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours (art. 73 al. 1 LPA). Dans ce cas, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures (art. 75 LPA).

L'art. 73 LPA n'impose pas d'exigences particulières auxquelles doit satisfaire la réponse au recours. Cette disposition se limite à offrir aux parties ayant participé à la procédure de première instance la possibilité de s'exprimer sur le recours et de faire valoir leurs points de vue (ATA/170/2024 du 6 février 2024 consid. 3.4 ; ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2a). En outre, le délai fixé par la juridiction administrative à teneur de l'art. 75 LPA est, au sens technique, un terme, susceptible d'être prolongé (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3a).

3.2 In casu, l’intimé a fait usage de la possibilité accordée de répondre au recours dont est objet afin de se déterminer sur celui-ci.

Les points que le recourant reproche à l’intimé d’avoir repris de ses écritures responsives de première instance visent des faits étayés par des pièces. À cela s’ajoute que l’intimé confirme, dans le cadre de la présente procédure de recours, maintenir sa position, tant par rapport aux faits retenus qu’à son refus de donner suite aux revendications du recourant.

En ces circonstance, il ne peut être reproché à l’intimé d’avoir adopté une position cohérente entre les deux instances. Il a expliqué sa position sur les éléments lui paraissant pertinents, tout en se déterminant sur les nouveaux griefs invoqués par le recourant.

L’intimé n’ayant ainsi pas d’obligation de se déterminer sur chaque allégué exposé dans le recours, étant rappelé que ni la LPA, ni le droit supérieur n'impose une telle prise de position – mode de faire lourd et inutile en procédure administrative, laquelle est généralement peu formaliste –, ce grief est infondé.

4.             Le recourant sollicite également des mesures d’instruction, notamment la production de certains documents de la part de l’intimé, en particulier les décisions ayant trait aux indemnités pour cas de rigueur accordées aux établissements nocturnes pour la période d’août à décembre 2020 et aux H______ en 2021, ainsi que celles ayant abouti à l’indemnisation des entreprises dont la fermeture a été ordonnée lors du sommet États-Unis/Russie.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

4.2 En l’occurrence, l’intimé a produit l’ensemble des échanges de courriels du recourant relatif à la remise des documents demandés concernant les G______, les H______ et les indemnités versées dans le cadre du sommet États-Unis/Russie, de même que les décisions déjà notifiées en réponses à ces demandes, en particulier au sujet des G______ et des H______.

Ainsi, pièces à l’appui, l’intimé a démontré avoir donné suite aux requêtes du recourant visant la remise des décisions concernant l’octroi des aides pour cas de rigueur accordées aux G______ et aux H______.

À ce stade, les autres demandes semblent encore en cours de traitement, étant précisé que tant le DEE que le PPDT en ont d’ores et déjà été informés. La LIPAD prévoyant expressément la procédure à suivre en vue de l’obtention de tels documents, il n’appartient pas ici à la chambre de céans de la contourner en ordonnant la remise de ceux-ci.

À cela s’ajoute qu’au vu des considérants qui suivent, de tels documents n’apparaissent pas pertinents afin de résoudre le présent litige. Compte tenu des écritures des parties et des pièces produites par celles-ci, la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige.

5.             Sur le fond, le recourant réclame une indemnité à l’intimé, basée sur une « expropriation temporaire » du spa dont il était le gérant, en raison des fermetures ordonnées durant l’épidémie de Covid-19, soit entre les 1er janvier 2020 et 30 juin 2021. Celles-ci auraient engendré une diminution du chiffre d’affaires journalier de la société et une perte lors de la vente du spa équivalant à CHF 200'000.-, alors que les aides, notamment pour cas de rigueur, octroyées pour cette période étaient insuffisantes.

5.1.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi COVID-19 - RS 818.102).

À son art. 12 al. 1, celle-ci prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises et les modalités de l’intervention de la Confédération à la demande des cantons. L’art. 12 al. 1bis, introduit le 18 décembre 2020, prévoit qu’il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts. Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un chiffre d’affaires de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).

5.1.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ou OMCR-20 ; RS 951.262).

Selon l’art.1 al. 1 OMCR-20, en vertu de l’art. 12 de la loi Covid-19 et dans les limites du crédit d’engagement approuvé par l’Assemblée fédérale, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton si les conditions énoncées sont réunies.

5.1.3 Dans le canton de Genève, le 27 novembre 2020, le Grand Conseil a adopté trois lois en lien avec la crise sanitaire du Covid-19, à savoir la loi sur l’aide financière extraordinaire de l’État destinée aux installations et établissements accessibles au public, fermés conformément à l’arrêté du Conseil d’État du 1er novembre 2020 dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 (loi 12'824), la loi sur l’aide financière extraordinaire de l’État pour les mois de novembre et de décembre 2020 destinée à certains bailleurs de locaux commerciaux dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 (loi 12'826) et la loi sur l’aide financière extraordinaire de l’État destinée aux installations et établissements accessibles au public voués à la restauration et au débit de boissons, fermés conformément à l’arrêté du Conseil d’État du 1er novembre 2020, dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 (loi 12'833).

Cette dernière en particulier régit l'aide financière extraordinaire apportée par l'État aux installations et établissements accessibles au public voués à la restauration et au débit de boissons, fermés conformément à l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population, du 1er novembre 2020, et à l'arrêté modifiant l'arrêté, du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population, du 21 décembre 2020 (art. 1 al. 1 loi 12'833). Cette aide financière extraordinaire vise à atténuer le poids des charges fixes par une indemnité forfaitaire durant les périodes de fermeture des établissements concernés ordonnée par les autorités fédérales ou cantonales (art. 1 al. 2 loi 12'833).

L’aide financière prévue par la loi 12'833 est extraordinaire par rapport aux sources de financement usuelles et aux autres mesures prises lors de crises sanitaires ou d’autres événements entraînant une paralysie du système économique (art. 2 loi 12'833).

5.1.4 La loi 12'833 a notamment été modifiée par la loi relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (loi 12'863), adoptée par le Grand Conseil le 29 janvier 2021 et complétée par son règlement d’application du 3 février 2021, dont le but était notamment de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie pour les entreprises sises dans le canton, conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (art. 1 al. 1 loi 12'863).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1 loi 12'863). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7 loi 12'863).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1 loi 12'863).

5.1.5 La loi 12'863 a été abrogée par la loi relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 du 30 avril 2021 (loi 12'938), ayant pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de Covid‑19 pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi Covid‑19 et à l’ordonnance Covid‑19 cas de rigueur (art. 1 al. 1 loi 12'938), et son règlement d’application du 5 mai 2021, en reprenant pour l’essentiel le dispositif.

L’aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l’État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l’entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 loi 12'938).

5.1.6 La loi 12'938 a ensuite été modifiée le 2 juillet 2021 (loi 12'991), le 7 octobre 2021 (loi 13'029) et le 24 février 2022 (loi 13'072). Son règlement d’application a en conséquence été modifié le 7 juillet 2021. Ces modifications sont toutefois sans effet sur la résolution du présent litige.

5.2.1 Selon l'art. 26 Cst., la garantie de la propriété est assurée (al. 1). Les expropriations et les restrictions à la propriété équivalant à une expropriation sont entièrement indemnisées (al. 2).

5.2.2 La garantie de la propriété ne garantit pas la propriété de manière illimitée, mais uniquement dans les limites qui lui sont imposées par l'ordre juridique dans l'intérêt public (ATF 146 I 70 consid. 6.1 ; 145 II 140 consid. 4.1). Selon la jurisprudence, la liberté de contracter est déduite de la liberté économique et non de la garantie de la propriété (ATF 146 I 70 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_659/2020 du 23 décembre 2021 consid. 5.1 avec renvois). Par ailleurs, les restrictions légales à la propriété doivent en règle générale être acceptées sans indemnisation. À teneur de l'art. 26 al. 2 Cst., l'obligation d'indemniser n'existe que pour les expropriations formelles et les restrictions de la propriété qui équivalent à une expropriation (expropriation matérielle). Selon la jurisprudence constante, cette dernière est réalisée lorsqu'un propriétaire se voit interdire ou restreindre de manière particulièrement importante l'usage actuel ou futur prévisible de sa propriété foncière, parce qu'il est privé d'un pouvoir essentiel découlant de la propriété. Si l'atteinte est moins importante, une restriction de propriété peut exceptionnellement être assimilée à une expropriation si un seul ou quelques propriétaires fonciers sont touchés de telle manière que leur sacrifice paraît déraisonnable par rapport à la collectivité et qu'il est incompatible avec l'égalité de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_510/2023 du 16 mai 2024 consid. 3.3 et les références citées). Les expropriations et les restrictions à la propriété équivalant à une expropriation sont entièrement indemnisées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_583/2021 du 31 août 2023 consid. 4.1).

Une restriction de la propriété qui équivaut à une expropriation et qui déclenche donc une obligation d'indemnisation pour expropriation matérielle n'existe qu'exceptionnellement, lorsque l'atteinte est particulièrement grave ou qu'elle exige des particuliers un sacrifice spécial inacceptable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_392/2022 du 3 mai 2023 consid. 4.1).

5.2.3 Lorsque le contenu du droit de propriété reçoit une nouvelle définition, supprimant des possibilités dont disposait jusqu'alors le propriétaire, les personnes concernées ne peuvent en principe prétendre à aucune indemnité ; nul ne saurait en effet faire valoir un droit au maintien de l'ordre juridique et de la réglementation du droit de propriété. Cela étant, pour les propriétaires concernés, une nouvelle définition du contenu du droit de propriété peut déployer les mêmes effets qu'une restriction de ce droit et exceptionnellement atteindre des propriétaires isolés de la même façon qu'une expropriation. La doctrine précise qu'il peut dès lors s'avérer nécessaire d'accorder des indemnités lorsque concrètement le passage de l'ancien au nouvel ordre juridique introduit des inégalités crasses que le législateur n'a pas envisagées et déploie des conséquences trop rigoureuses pour certains propriétaires particuliers (ATF 144 II 367 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.1).

5.2.4 La jurisprudence ne fixe pas de manière schématique et générale ce qu'il faut entendre par restriction à la propriété de longue durée. En règle générale, une interdiction limitée à cinq ans n'est pas constitutive d'une expropriation matérielle, alors qu'une interdiction d'une durée supérieure à dix ans l'est. Quoi qu'il en soit, il convient d'examiner sur la base des circonstances concrètes de chaque cas si l'intensité de l'atteinte équivaut à une expropriation matérielle (ATF 123 II 481 consid. 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_510/2009 du 14 juillet 2010 consid. 4.1 et les références citées).

5.2.5 La gravité est, d'après la jurisprudence, l'une des trois conditions qui doivent être réalisées pour l'octroi d'une indemnité. La réparation n'est due, en d'autres termes, que si le dommage atteint un certain montant, ou un certain pourcentage de la valeur globale de l'immeuble (arrêt du Tribunal fédéral 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 consid. 6.1 et les références citées).

5.2.6 Comme tout droit fondamental, la garantie de la propriété ancrée à l’art. 26 al. 1 Cst. peut être restreinte aux conditions fixées à l’art. 36 Cst., soit notamment selon des restrictions reposant sur des mesures de police (arrêts du Tribunal 1C_253/2013 et 1C_259/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.2 et 3.3).

5.3.1 Dans son arrêt 2C_991/2022 du 24 mars 2023, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les recours dirigés contre un arrêt du 1er novembre 2022 (GE.2021.0133) du Tribunal cantonal du canton de Vaud, lequel avait retenu que la recourante ne pouvait être indemnisée pour expropriation de son droit de propriété provoquée par les mesures destinées à lutter contre le coronavirus. En effet, les mesures fondées sur l'art. 40 LEp), à l'instar des fermetures de certains types de commerces ou de restaurants ordonnées pendant l'épidémie de Covid-19, ne donnaient lieu à une indemnisation en application de l'art. 63 LEp que si les conditions pour admettre une responsabilité de l'État étaient remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 6). L'instance précédente avait ajouté qu'il était douteux que la fermeture des cafés et restaurants pendant une durée restreinte limitait directement le droit de propriété, considérant qu'il s'agissait bien plutôt d'une mesure qui portait atteinte à la liberté économique (ATF 118 lb 241). Ainsi, sur la base des art. 40 et 63 LEp, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a retenu que le grief de violation de la garantie de la propriété devait être rejeté.

Auparavant, le Tribunal fédéral avait déjà considéré qu’il ne pouvait y avoir d’expropriation matérielle dans le cas d’un restaurateur saint-gallois en raison du refus du canton de Saint-Gall de lui accorder une aide pour cas de rigueur en rapport avec l’épidémie de Covid-19, à laquelle il n’existait aucun droit. Ce refus n’interdisait ni ne limitait l’utilisation d’une chose par la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_401/2022 du 2 novembre 2022 consid. 4). Par ailleurs, on ne voyait pas en quoi l'art. 26 al. 2 Cst. donnerait droit à des mesures cantonales pour cas de rigueur, d'autant plus que les deux « lockdowns » avaient été provoqués par la Confédération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 4).

Le Tribunal fédéral a également retenu que la garantie de la propriété du requérant n'était pas affectée par l'obligation de certificat pour les restaurants. Même si l'on devait voir dans la limitation des clients aux seuls titulaires d'un certificat une restriction des droits du propriétaire, il ne s'agirait en outre que d'une légère restriction des droits fondamentaux, qui remplit les conditions de l'art. 36 Cst. Comme l'avait considéré à juste titre l'instance précédente, la fréquentation du restaurant avec certificat était possible pour la grande majorité de la population, raison pour laquelle le recourant pouvait accueillir une grande partie des clients (potentiels) à l'intérieur du restaurant. En outre, le certificat servait précisément à éviter une fermeture totale des restaurants. En raison de l'atteinte non grave aux droits fondamentaux, le seuil de l'expropriation matérielle ne serait donc clairement pas dépassé. Il en allait de même pour la décision de fermeture de sept jours seulement pour non-respect des prescriptions ayant pour but la protection de la santé publique. Elle ne constituait pas une atteinte grave aux droits fondamentaux. En outre, les conditions de l'art. 36 Cst. étaient remplies. Ici aussi, il n'y avait pas d'expropriation matérielle, faute d'intensité de l'atteinte. Le fait que la fermeture de sept jours ait entraîné des pertes de chiffre d'affaires ou de bénéfices équivalentes à une expropriation matérielle n'était pas non plus invoqué à juste titre par le recourant (arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 2023 consid. 3.4 et 3.5).

5.3.2 Par ailleurs, dans le cadre d’un recours dirigé contre l’ordonnance du Conseil d’État du canton de Fribourg du 25 août 2020 concernant l’obligation du port du masque dans les commerces en tant que restriction de la liberté personnelle, le Tribunal fédéral a rappelé que, s'agissant de mesures de police ordonnées pour lutter contre des dangers difficilement prévisibles et qui doivent ainsi pouvoir être adaptées à des situations spécifiques, le législateur ne peut pas se passer d'utiliser des définitions générales, relativement vagues. Le degré de précision attendu ne se détermine donc pas de manière abstraite et il est dans la nature des choses d'accepter que la base légale soit moins précise. Dans le cas de normes indéterminées, le principe de la proportionnalité revêt alors une importance particulière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2020 du 8 juillet 2021 consid. 5.1.1 et les références citées).

5.4.1 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel individuel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

5.4.2 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).

Un arrêté viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).

Le droit à l'égalité de traitement est un droit constitutionnel qui peut être invoqué séparément tant dans un recours en matière de droit public que dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire. Dès lors et a fortiori, il doit pouvoir également être invoqué séparément dans le cadre d'un recours devant la chambre de céans (ATA/810/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.5 et 4 et les références citées).

5.4.3 Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée, auxquels correspondent, après jugement, la force et de l’autorité de la chose jugée. Une décision, rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée, ce qui signifie qu’elle ne peut plus être remise en cause devant une autorité administrative ou judiciaire, et elle a acquis l’autorité de chose décidée par l’effet juridique qu’elle génère par son contenu. Une décision entrée ainsi en force ne peut plus être remise en question à moins que l’autorité décisionnaire ne la reconsidère, ce qu’elle ne peut ou ne doit faire qu’aux conditions de l’art. 48 LPA (ATA/685/2016 du 16 août 2016 consid. 6).

5.4.4 La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

5.5 En l’espèce, le recourant reconnaît que, durant la période où il était l’animateur et gérant de la société, cette dernière a reçu diverses aides durant l’épidémie de Covid-19, fondées notamment sur les lois 12'833, 12'826, 12'824, 12'863 et 12'938. En outre, il confirme les montants reçus sur la base des dix décisions mentionnées, en contestant toutefois ne pas avoir reçu celle du 20 décembre 2021 au motif que celle-ci aurait été notifiée trop tardivement à la société, soit après la vente de celle‑ci à E______.

5.5.1 En premier lieu, le recourant ne contredit pas ne pas avoir recouru contre les décisions précitées, en particulier celles des 1er mars, 29 avril et 20 décembre 2021. Il estime cependant que cette absence de contestation ayant engendré leur entrée en force ne saurait lui être imputée, puisque les deux premières décisions n’indiquaient pas les voies de recours, tandis qu’il n’était plus gérant de la société lorsque la troisième a été notifiée à celle-ci en tant que bénéficiaire desdites aides.

Or, d’une part, contrairement aux allégations du recourant, les deux premières décisions mentionnaient expressément qu’une nouvelle demande devait être déposée à la fin de la période de fermeture pour les jours à venir non couverts par cette période d’indemnisation. Si une nouvelle demande était déposée plus tôt, une autre devrait l’être à la fin de la période de fermeture. D’autre part, la décision du 20 décembre 2021, en tant qu’elle statuait sur la dernière demande déposée par le recourant au nom de la société pour réclamer une aide pour cas de rigueur, indiquait bel et bien les voies de recours.

À cet égard, le fait que le recourant n’ait pas pu en avoir connaissance avant le début de l’année 2022 comme il n’était plus animateur de la société ne saurait être reproché à l’intimé. Sachant qu’à tout le moins l’une de ses demandes à ce titre demeurait en cours de traitement pour l’avoir lui-même déposée, il lui appartenait d’être vigilant au sujet d’une décision à venir, d’autant plus que la promesse de vente du 5 février 2019 prévoyait qu’il resterait pendant quelques mois comme salarié consultant à temps partiel de la société pour assistance technique et administrative et la formation de E______ comme nouveau gérant. Dès lors que ce dernier a finalement acquis la société le 31 octobre 2021 et été inscrit au RC en tant qu’associé gérant à partir du 1er novembre 2021, il paraît douteux que lors de la notification de la décision du 20 décembre 2021, le recourant n’ait pas pu en avoir connaissance entre le 1er novembre et le 20 décembre 2020, le délai étant suffisamment court pour correspondre aux mois durant lesquels il avait convenu de rester employé de la société en soutien à E______. À cela s’ajoute que, selon la cession de créance conclue le 5 octobre 2022 avec E______, le recourant s’est vu accorder tous les droits relatifs aux aides pour cas de rigueur octroyées et susceptibles d’être réclamées par la société. Il a ainsi dû récupérer le montant de CHF 28'301.30 versé le 20 décembre 2021. De plus, il n’allègue pas avoir entrepris d’autres démarches depuis cette date-là au nom de la société pour demander une éventuellement reconsidération des décisions en cause auprès de l’intimé.

Il s’ensuit que le recourant ne saurait, par le biais de sa requête en indemnisation, contourner les voies de droit afin de contester des décisions désormais entrées en force de chose décidée. Il ne peut davantage remettre en question les méthodes de calcul des aides pour cas de rigueur, en se prévalant de la responsabilité de l’intimé en raison de la prétendue incompétence des fonctionnaires ayant traité ses demandes.

5.5.2 Les éléments qui précèdent peuvent expliquer que le recourant ait fait le choix de déposer une requête en indemnisation en la fondant sur une expropriation.

Sur ce point, il reproche aux premiers juges d’avoir confondu les notions d’ « expropriation matérielle » et d’ « expropriation temporaire », sans se prononcer sur les inégalités de traitement consacrées entre les différents commerces et en se contentant de se référer aux lois régissant les aides aux entreprises fermées durant l’épidémie de Covid-19.

Contrairement aux allégations du recourant, aucune confusion ne saurait être reprochée aux premiers juges. En l’absence d’existence d’un cas d’expropriation dite légale, il leur appartenait d’examiner les conditions de réalisation d’un cas d’expropriation matérielle. Au nombre de celles-ci, la durée doit être prise en considération, tel que rappelé dans les considérants qui précèdent. Elle sert notamment d’indicateur en terme de gravité de la restriction en cause.

Quoi qu’il en soit, il ressort clairement de la jurisprudence précitée qu’en application notamment du principe de la légalité, une indemnisation pour expropriation matérielle ne saurait être accordée à des établissements dont la fermeture durant l’épidémie de Covid-19 a été ordonnée. D’une part, les conditions présidant au constat de la réalisation d’une expropriation matérielle et à l’octroi d’une indemnisation pour ce motif n’apparaissent pas réalisées, en particulier s’agissant d’une restriction temporaire de l’ordre de huit mois ordonnée par des mesures de police pour une société exerçant dans des locaux dont elle est locataire. D’autre part, le recourant, au travers de la société bénéficiaire, a confirmé avoir perçu diverses aides de la part de l’intimé en raison des fermetures ordonnées sur la base des lois les régissant.

S’agissant de la violation du principe de l’égalité de traitement, il n’apparaît pas que les établissements mentionnés par le recourant auraient perçu une indemnisation pour expropriation matérielle. Il ne ressort pas non plus du dossier que le recourant aurait, lors de leur entrée en vigueur, recouru contre les arrêtés ordonnant la fermeture des établissements publics pour contester leur légalité ou leur proportionnalité, ni - encore une fois - les décisions qui lui avaient été notifiées entre le 8 décembre 2020 et le 21 décembre 2021.

5.5.3 Vu les considérants qui précèdent, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la requête en indemnisation était mal fondée.

Partant, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à Me David HOFMANN, avocat de l'intimé, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :