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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2860/2024

ATA/82/2025 du 21.01.2025 ( PATIEN ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DU PATIENT;PATIENT;PROTECTION DE L'ADULTE;PROFESSION SANITAIRE;SECRET PROFESSIONNEL;SAUVEGARDE DU SECRET
Normes : Cst.7; Cst.13; CEDH.8; LPMéd.40.letf; LPMéd.40.letc; LS.86; CP.321; CC.443.al1; CC.443.al2; aaLaCC.388
Résumé : Rejet du recours d’une patiente ayant des troubles cognitifs, constatés par les médecins des HUG et la commission du secret professionnel en audience, ayant besoin d’un suivi médical en ambulatoire et se trouvant dans une situation personnelle précaire. Confirmation des levées du secret professionnel d’une médecin et d’un assistant social, s’étant occupés de la patiente aux HUG, aux fins de signaler sa situation médicale et sociale au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE). La pesée des intérêts met en cause des intérêts essentiellement privés de la recourante, à savoir, d’un côté, le droit à la dignité humaine et, de l’autre côté, le respect à sa vie privée et secrète. Compte tenu des circonstances concrètes fondant un besoin de protection de la patiente, dont la question de la capacité de discernement doit aussi être éclaircie, l’intérêt à la levée du secret professionnel prime, en l’espèce, celui au maintien de ce dernier.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2860/2024-PATIEN ATA/82/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 janvier 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL intimée


_________



EN FAIT

A. a. A______, ressortissante étrangère, née en 1954, habite à Genève. Elle ne parle pas le français mais le russe. Elle n’a ni statut légal ni assurance-maladie. Elle a consulté les urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 23 juin 2024 et y a été hospitalisée du 24 juin au 5 juillet 2024. Elle n’a pas d’enfants ni de famille. Elle serait arrivée à Genève il y a une dizaine d’années après un séjour en Allemagne dont elle n’est pas ressortissante ni ne parle la langue. Une personne dénommée B______ (ou C______) D______ (ou E______), ressortissante étrangère, née en 1971 et domiciliée à Genève, fait partie de son entourage.

B. a. Par courrier du 1er juillet 2024, la docteure G______, médecin cheffe de clinique auprès du service de médecine interne et réadaptation des HUG, et H______, alors assistant social auprès du même service des HUG, ont saisi la commission du secret professionnel (ci-après : la commission) d’une demande de levée de leur secret professionnel à l’égard d’A______. La patiente était incapable de les délier du secret professionnel car elle n’avait pas la capacité de discernement sur cet objet. Ils ont joint à cette demande la lettre et le certificat médical qu’ils souhaitaient respectivement adresser au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci‑après : TPAE) concernant A______ afin de protéger ses intérêts.

aa. Le projet de lettre de l’assistant social, destiné au TPAE et daté du 1er juillet 2024, s’intitulait « Signalement - demande de mise sous curatelle ». Il souhaitait signaler au TPAE la situation d’A______ qui, de son expertise, devrait être mise au bénéfice d’une mesure de protection. Hospitalisée depuis le 23 juin 2024, elle était notamment suivie par la Dre G______. Originaire de Lettonie, résidant à Genève depuis 2014 après avoir vécu en Allemagne, elle ne parlait pas le français. Elle n’avait pas de statut légal ni d’assurance-maladie, elle n’avait pas d’enfant ni de famille à Genève. Il pouvait communiquer avec elle en russe grâce à l’aide d’un interprète. Cependant, une personne dénommée « F______ E______ » s’était présentée comme étant la « nièce de cœur » de cette patiente. Toutefois, celle-ci exprimait qu’« F______ » (recte : C______) E______ n’était qu’une connaissance. La patiente ne voulait pas qu’ils partagent des informations médicales avec cette tierce personne. Compte tenu de sa situation économique et sociale, décrite dans cette lettre, A______ se retrouvait dans une situation sociale précaire livrée à elle-même. À la question de savoir comment elle subvenait à ses besoins, elle n’y répondait pas et parlait de politique. Ses réponses étaient parfois incohérentes, non liées aux questions posées et souvent fixées sur des situations de persécutions et le contexte géopolitique Russie-Ukraine ainsi qu’un conflit actuel en Allemagne. Elle ne désirait pas retourner en Allemagne car, selon ses dires, « il y a[vait] la guerre », mais elle ne mettait pas non plus en avant le souhait de rester à Genève. Il relevait l’importance et la nécessité qu’un curateur soit nommé d’urgence pour gérer les affaires administratives d’A______. Cette demande était appuyée par la Dre G______ dont le certificat médical mentionnait des troubles cognitifs sévères ainsi qu’une potentielle démence rapidement progressive.

ab. Selon le certificat médical daté du 28 juin 2024, rédigé à l’attention du TPAE par la Dre G______, A______, âgée de 70 ans et a priori en bonne santé sous traitement spécifié depuis 2017, avait été amenée aux urgences le 23 juin 2024 par une connaissance qui se désignait comme « nièce de cœur ». Cette dernière avait décrit la patiente avec un comportement inhabituel depuis plusieurs jours, avec la présence d’une confusion, de propos incohérents, ainsi que des difficultés à articuler et dénommer des objets. Elle avait également décrit une chute de la patiente en se levant pour se rendre aux toilettes.

Plusieurs examens avaient été effectués, notamment des imageries cérébrales et une ponction lombaire. Durant son séjour hospitalier, plusieurs entretiens/consultations avaient eu lieu avec la patiente en présence d’une interprète professionnelle russophone (qui serait a priori la langue maternelle de la patiente). La patiente ne semblait pas comprendre les raisons de son hospitalisation. La médecin n’arrivait pas à savoir quelles étaient ses sources de revenus ni d’autres éléments d’ordre économique. La « nièce de cœur » avait fait part de conflits avec un voisin qui serait violent, avec mention de plainte déposée auprès de la police, source d’anxiété intense pour la patiente, mais la patiente elle-même niait tout conflit de voisinage. La « nièce de cœur » avait refusé de lui communiquer le nom du pharmacien fournissant gratuitement le traitement chronique par anticoagulant et bétabloquant sur prescription d’un cardiologue dont elle ne se souvenait pas du nom. La patiente ne comprenait pas la conversation lorsqu’on lui parlait de traitements chroniques. Elle lui demandait de ne pas transmettre d’informations médicales à cette « nièce de cœur ». La médecin n’arrivait pas à établir si cette « nièce de cœur », omniprésente pendant l’hospitalisation, était une ressource bienveillante ou non. Elle avait réalisé un mini-mental state (MMS) évalué à 15/30, résultat en faveur de troubles cognitifs sévères. La patiente était incapable de mener une conversation en français ou en allemand. Lors de ce test, avait notamment été retrouvée une désorientation spatiale sévère, avec une patiente incapable de désigner son lieu de vie actuel, ce qui était détaillé par la médecin dans ledit certificat médical.

Compte tenu d’échanges avec la patiente, décrits dans ce certificat, celle-ci ne semblait pas savoir/comprendre qu’elle devait suivre un traitement chronique pour son trouble du rythme cardiaque dépisté en 2017. Dès lors, elle suspectait des troubles cognitifs sévères et une potentielle démence rapidement progressive. Les investigations allaient être poursuivies et prendraient plusieurs semaines. Par ailleurs, la patiente présentait des risques de saignements et d’évènement thrombo-embolique. Il était difficile d’établir le degré d’autonomie de cette personne, mais la médecin doutait fortement de sa capacité à gérer ses affaires administratives et financières, à comprendre une situation d’ordre médical, à prendre les décisions conformes à ses intérêts s’agissant d’un traitement et d’un suivi médical ainsi qu’à suivre un traitement médical. Elle ne la sentait pas non plus capable de se protéger de l’influence de personnes mal intentionnées. Il lui semblait dès lors indispensable de protéger cette patiente a priori très isolée socialement et sans capacité de discernement concernant sa santé.

D’autres détails en lien avec le suivi médical et l’état de santé de la patiente suivaient en réponse à des questions-types. Selon la médecin, la patiente collaborait quand elle n’était pas agacée par la multiplication des questions lors des entretiens médico-sociaux ; alors, elle arrêtait de répondre tout en restant très calme. Elle ne semblait pas comprendre la situation médicale et ne se rendait pas compte des troubles cognitifs/état confusionnel. La médecin estimait qu’il était impossible de protéger cette patiente sans famille ni réseau social fiable dans l’attente de clarifier la situation médico-socio-administrative et d’être certain que le suivi pouvait être assuré en ambulatoire. Selon la médecin, en raison de l’atteinte à sa santé, la patiente ne possédait pas sa capacité de discernement suffisante sur l’objet et n’était a priori pas capable de se prononcer sur la mesure et le choix du mandataire, ni d’en contrôler l’activité.

b. Le 15 août 2024, la commission a simultanément entendu la Dre G______ et H______, en l’absence de la patiente dûment convoquée mais excusée.

Selon la médecin cheffe de clinique, elle avait suivi la patiente pendant la première partie de son séjour en médecine aiguë, puis un autre médecin avait pris le relais. Une partie des informations en sa possession était issue des discussions avec ses collègues. La patiente s’était présentée le 19 juillet à un rendez-vous avec une personne se déclarant être « sa filleule de cœur/nièce », à savoir « Mme E______ ». Les médecins pensaient qu’il y avait des informations que la patiente n’osait pas révéler devant cette personne. Durant l’hospitalisation intervenue du 24 juin au 5 juillet 2024, les médecins avaient demandé à cette personne de ne pas être présente lors des entretiens. Cela avait été compliqué à imposer ; cette personne souhaitait être présente. La patiente verbalisait ponctuellement avoir confiance. Quand elle était seule, elle demandait aux médecins de ne pas transmettre des informations médicales à B______ E______. Celle-ci ouvrait le courrier de la patiente. Il était arrivé que le courrier soit retourné aux HUG, par exemple pour la convocation du suivi neurologique. À son arrivée aux urgences le 23 juin 2024, la patiente était dans un état confusionnel aigu, mais aucune raison à cet état n’avait été trouvée. La piste des troubles cognitifs avait été explorée et des petits AVC avaient été observés à l’imagerie. Un test avait conduit à considérer l’existence de troubles modérés à sévères. La patiente avait pu quitter l’hôpital avec poursuite des investigations et du suivi en ambulatoire. La patiente ne comprenait pas ce qui était fait à l’hôpital et ne pouvait pas prendre de décisions concernant son suivi médical. Les médecins n’arrivaient pas à déterminer si B______ E______ était bienveillante ou non. Selon son expérience, la Dre G______ estimait qu’une méfiance à l’égard de cette personne était fondée. La situation sociale de la patiente était aussi opaque. B______ E______ décidait pour la patiente ; celle-là lui avait dit que la patiente allait déménager en Espagne avec l’aide du mari d’B______ E______. Les neurologues avaient conclu le 3 juillet 2024 à l’existence de troubles cognitifs avec indication à poursuivre des investigations, notamment une ponction lombaire complémentaire que la patiente refusait. H______ n’avait rien à ajouter à sa lettre susmentionnée.

c. Ce même jour, la commission a entendu B______ E______ à titre de renseignements.

La patiente était sa marraine qu’elle connaissait depuis sa naissance. Elle-même était née au Kazakhstan et était divorcée d’un fonctionnaire international. Elle avait eu un commerce d’alimentation et la patiente l’avait aidée quotidiennement, par exemple pour nettoyer et s’occuper des chiens. Elles parlaient en russe. La patiente habitait un studio à Genève et était partie à la montagne avec une voisine à cause de la chaleur. Elle-même prévoyait d’aller en Espagne où se trouvait son époux et où il y avait des « médecins gratuits », raison pour laquelle elle aimerait envoyer la patiente dans ce pays à la fin de l’année. La patiente voulait partir en Espagne. B______ E______ a répondu que la patiente était une personne de sa famille éloignée et ne pas avoir d’enfants, raison pour laquelle elle était attachée à la patiente. Elle pensait que la patiente était capable de gérer ses affaires et de se gérer elle‑même.

d. Le 22 août 2024, A______ a été entendue par la commission en présence d’une interprète en langue russe.

Elle n’arrivait pas à se souvenir de son année de naissance et ne savait pas pourquoi elle était là. Elle vivait seule et les personnes l’attendant dans une salle séparée (une dame et un monsieur) n’étaient pas de sa famille. Il s’agissait de personnes d’une association/église qui l’aidaient. Elle ne les rémunérait pas pour leur aide. Elle n’avait pas besoin de l’aide d’une autre personne. Son travail consistait à promener des chiens. Elle recevait l’argent pour la garde des chiens.

Au début de l’audition, l’interprète a eu la sensation que la patiente ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ne la comprenait pas très bien. La patiente ne répondait pas précisément à ses questions et parlait d’autre chose. Elle disait aller bien depuis sa sortie de l’hôpital. Au moment de la question sur ses revenus, l’interprète a indiqué ne pas comprendre très bien la réponse de la patiente. Celle-ci s’égarait. Elle parlait d’une personne qui lui donnait de l’argent, CHF 400.- par mois, ce qui suffisait pour manger, mais ne donnait pas son identité.

Lorsque la patiente expliquait être venue en Suisse après avoir perdu sa famille, elle a indiqué qu’on lui avait proposé un travail pour promener les chiens et garder les enfants. Elle recevait CHF 300.- ou CHF 400.- par mois, ce qui lui suffisait. Sur question de la commission, la patiente a répondu qu’ « ils » lui ont donné une chambre, ce qui lui suffisait, qu’elle ne payait pas pour cette chambre. L’interprète a indiqué à la commission que la patiente ne répondait pas à la question de savoir qui lui avait donné la chambre.

La patiente a ensuite refusé la levée du secret professionnel de la Dre G______ et H______. Puis l’audition s’est terminée.

e. Par deux décisions distinctes du 26 août 2024, la commission a décidé de lever respectivement la Dre G______ et H______ de leur secret professionnel. Lors de son audition, la commission avait constaté qu’A______ n’était pas capable de discernement s’agissant de la levée du secret professionnel.

Elle a autorisé la Dre G______ à transmettre au TPAE un certificat médical relatif à A______. Elle l’a également autorisée, le cas échéant, à répondre oralement aux questions du TPAE, en indiquant les éléments pertinents de sa prise en charge médicale d’A______, tels que décrits à la commission. Cette transmission de renseignements au TPAE était nécessaire pour qu’il puisse décider d’une éventuelle mesure de protection en faveur d’A______, ceci correspondant à l’intérêt présumé de cette dernière.

Elle a autorisé H______ à transmettre au TPAE un document social relatif à A______. Elle l’a également autorisé, le cas échéant, à répondre oralement aux questions du TPAE, en indiquant les éléments pertinents de sa prise en charge sociale d’A______, tels que décrits à la commission. Cette transmission de renseignements au TPAE était nécessaire pour qu’il puisse décider d’une éventuelle mesure de protection en faveur d’A______, ceci correspondant à l’intérêt présumé de cette dernière.

f. Par courriel du 29 août 2024, la commission a informé B______ E______ avoir reçu son courrier contenant le document du 21 août 2024 intitulé « Mandat pour cause d’inaptitude », décrit plus bas. Cela étant, elle ne pouvait pas avoir accès aux dossiers de la patiente, faute d’être partie à la procédure.

C. a. Par acte expédié le 4 septembre 2024, A______ a contesté ces deux décisions.

Elle a produit deux documents, à savoir un certificat médical « circonstancié » du 30 août 2024 émanant d’un psychiatre-psychothérapeute, le Docteur I______, ainsi qu’un test « MINI MENTAL STATE (MMS) » réalisé par ce dernier ce même jour. Selon ces documents, le score de 22 à ce test indiquait une atteinte légère. Les résultats semblaient être perturbés par une aphasie. La patiente semblait avoir une difficulté à retrouver certains mots dont elle pouvait donner une définition. Une grande fatigabilité psychique limitant son endurance cognitive était également notée. Ces résultats n’étaient pas illustratifs d’un tableau clinique classique de démence sévère. Une recherche d’un micro AVS thrombotique des aires du langage lui semblerait opportun.

La patiente s’était plainte du traitement médical dispensé pendant son hospitalisation aux HUG, qui n’aurait pas été approprié, de l’incompétence des traducteurs car elle s’était dès le début opposée à la décision de la commission ainsi que du comportement de la Dre G______ à laquelle elle reprochait d’exprimer des suppositions au lieu de lui fournir une « assistance médicale nécessaire et urgente ».

Elle se sentait désormais « beaucoup mieux ». Son état de santé s’était « considérablement amélioré ». Elle allait régulièrement à la piscine, payait elle-même le loyer de sa chambre à la poste, faisait ses courses, etc. Elle n’était dès lors pas une personne incapable et ne représentait aucun danger pour elle-même ou pour la société. À la fin de l’année, elle avait l’intention de s’installer définitivement en Espagne où elle recevrait l’assistance nécessaire et où un logement lui serait fourni.

B______ E______ avait toujours été sa « mandataire de confiance », comme elle l’avait indiqué dans le mandat rédigé le 21 août 2024, décrit ci-dessous, « ce qui écart[ait] toute question superflue concernant son intervention ». Ce mandat, qui avait été rejeté « sans raison apparente » par la commission, représentait sa « volonté réelle et valide ».

b. Elle a ensuite produit plusieurs documents en complément à son recours et relevé ne pas être seule mais entourée de l’attention et des soins de ses amis. Elle était disposée à fournir des preuves écrites à ce sujet. Elle a en particulier fourni le procès-verbal de l’audition de la Dre G______ devant la commission ainsi qu’un document intitulé « Mandat pour cause d’inaptitude » daté du 21 août 2024 et traduit en français par une traductrice-jurée.

Selon ce document daté du 21 août 2024, A______, originaire de Russie et de nationalité lettonne, chargeait B______ E______, ressortissante du Kazakhstan, de son assistance personnelle, de la gestion de son patrimoine et de sa représentation dans ses rapports juridiques avec les tiers. Le mandat portait notamment sur les dispositions nécessaires pour sa santé et la garantie de ses intérêts financiers. L’exécution du mandat serait « à titre gracieux et sans rémunération ». Elle déliait toutes les personnes soumises au secret professionnel de leur obligation de discrétion à l’égard du « mandataire ».

c. Le 9 septembre 2024, la commission, informée du recours de la patiente, a prié la Dre G______ et H______, ayant quitté les HUG pour un autre service étatique, de ne pas envoyer leur signalement au TPAE avant la décision de la juridiction saisie.

d. Dans sa réponse, la commission a rappelé les circonstances précitées de sa saisie et maintenu ses décisions.

Dans leurs projets de certificats, la Dre G______ et H______ avaient précisé que la patiente avait consulté les urgences des HUG, sur l’initiative de sa « nièce de cœur », en raison de propos incohérents et d’une chute. Plusieurs irrégularités les avaient interpellés lors de la prise en charge, notamment le comportement de la « nièce de cœur » et les réponses incohérentes de la patiente qui était sans famille ou réseau social fiable. Ils devaient s’assurer que le suivi médical pour sa pathologie pouvait être assuré en ambulatoire, aucun motif justifiant la prolongation de l’hospitalisation.

Lors de leurs auditions devant la commission, ces professionnels de la santé avaient indiqué qu’ils pensaient que la patiente n’osait pas révéler des informations devant sa « nièce de cœur ». La patiente leur avait demandé de ne pas lui transmettre d’informations médicales la concernant. Ils n’arrivaient pas à déterminer si cette proche de la patiente était bienveillante ou non. La commission avait auditionné la patiente et constaté qu’elle ne possédait pas la capacité de discernement, de sorte que les documents remis, signés par cette dernière, n’avaient pas été retenus.

Dans ces circonstances, l’intérêt à la prise de connaissance de cette situation par le TPAE, compétent pour prendre les mesures garantissant l’assistance et la protection de la personne ayant besoin d’aide, prévalait sur l’intérêt de la patiente au respect de sa sphère privée. Dans la mesure où la capacité de discernement faisait défaut, le propre intérêt de la patiente devait être pris en compte.

e. Le 21 octobre 2024, la recourante a répliqué, considérant que la réponse de la commission reposait sur des « soupçons non confirmés qui ne correspondaient pas à la réalité ».

Les médecins des HUG s’étaient occupés de « travail social, perdant ainsi un temps précieux » au lieu de chercher la cause de sa maladie et de la traiter. Ils avaient inversé l’ordre des priorités et s’étaient concentrés sur l’analyse de ses relations avec « sa nièce de cœur », mais ne lui avait pas fourni l’assistance médicale « qualifiée et opportune ». Sa « nièce de cœur » l’avait emmenée aux HUG lors de son malaise. Grâce à cette dernière et après sa sortie des HUG, de « vrais médecins » avaient été « trouvés » avec pour conséquence la pose d’un diagnostic et la fourniture immédiate des « soins médicaux nécessaires », avec un « traitement approprié » grâce auquel elle se sentait désormais beaucoup mieux.

Sa « nièce de cœur » lui avait également proposé de venir vivre chez elle jusqu’à son départ pour l’Espagne, ce qu’elle avait accepté « avec plaisir ». Elle tenait à souligner qu’elle n’avait aucun secret pour sa « nièce de cœur » à qui elle faisait entièrement confiance.

f. La commission a dupliqué et signalé l’existence d’une incohérence de signatures attribuées à la recourante, en produisant les documents utiles. La signature apposée sur son courrier daté du 21 octobre 2024 ne correspondait pas à celle apposée par l’intéressée devant la commission sur le procès-verbal de son audition, daté du 22 août 2024.

g. La recourante a maintenu sa position et confirmé être l’auteure des courriers adressés à la chambre administrative malgré les différences entre les signatures, étant disposée à apposer sa signature devant celle-ci ou à participer à une expertise graphologique.

Le 22 août 2024, elle avait été dans un état de fatigue « au bord d’une crise nerveuse » en raison du nouvel interrogatoire subi à cause de la Dre G______ et de la commission, ainsi que des effets secondaires d’un micro-AVC, après une mauvaise nuit où elle s’était endormie au petit matin et avait dormi jusqu’en début d’après-midi. Elle avait ce jour-là été « sous pression constante » de la Dre G______ et de la commission, précisant qu’il avait été refusé à sa « filleule », B______ E______, de l’accompagner dans la salle de réunion, ce qui avait détérioré son état moral. Elle avait signé « rapidement tant bien que mal » le procès-verbal « uniquement pour mettre fin à leur pression et arrêter cette persécution à son égard ».

Elle se plaignait du traitement dispensé par la Dre G______ et reprochait à la commission de « continue[r] d’utiliser tous les arguments inventés possibles dans le seul but de cacher l’incompétence [de cette médecin] ». C’était grâce à sa « nièce de cœur », B______ E______, qu’elle avait reçu les soins adéquats « immédiatement après [son] retour à la maison » à la suite de son séjour aux HUG.

h. Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente par la patiente concernée, maîtresse du secret, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 12 al. 5 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03).

2.             Compte tenu de la connexité matérielle entre les deux décisions querellées, notifiées simultanément et concernant la situation sociale et médicale de la même patiente, suivie par les deux professionnels de la santé exerçant, au moment des faits déterminants, au sein des HUG, il y a lieu d’ouvrir une seule cause pour traiter le recours de la patiente contre ces deux décisions, ainsi jointes (art. 70 LPA).

3.             La recourante conteste les décisions de la commission de lever le secret professionnel de la médecin-cheffe de clinique et de l’assistant social à son égard, aux fins de permettre le signalement de sa situation médicale et sociale au TPAE, autorité de protection de l’adulte dans le canton de Genève (art. 105 LOJ).

3.1 Le secret professionnel est, à la fois, un devoir professionnel du médecin et de ses auxiliaires (art. 40 let. f de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 - loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11 ; art. 86 LS) ainsi qu’un droit du patient (arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4.2). L’art. 40 let. c LPMéd fait obligation aux médecins de respecter les droits des patients, notamment le respect de la dignité humaine (art. 7 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) et celui du secret professionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 précité consid. 4.2).

3.1.1 Le secret médical découle du droit constitutionnel au respect de la sphère privée des individus (art. 13 Cst. ; art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101) et sert à protéger la sphère secrète du patient. Il sert également à protéger la relation de confiance particulière entre le médecin et le patient. En outre, le secret médical protège la santé publique en permettant au patient de se confier sans réserve au médecin et d'être traité de manière appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_683/2022 du 5 janvier 2024 consid. 6.1.3 ; 2C_759/2022 précité consid. 4.4.1 et les références citées).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le respect du caractère confidentiel des informations de santé est capital non seulement pour protéger la vie privée des patients (art. 13 Cst. ; art. 8 CEDH), mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l'art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale (ACEDH M.S. c. Suède du 27 août 1997 § 41 ; Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, Vol. II : Le médecin et les soignants, 2021, n. 6332).

3.1.2 L'art. 40 let. c et let. f LPMéd ne définit pas la notion de secret médical, mais renvoie pour ce faire, dans une démarche dynamique, à l'ordre juridique suisse, spécialement à l'art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_683/2022 précité consid. 6.1.1 ; 2C_759/2022 précité consid. 4.4.2 et les références citées).

3.1.3 En droit genevois, l’art. 86 LS, dans sa teneur actuelle en vigueur depuis
le 2 juin 2021, prévoit que les professionnels de la santé et leurs auxiliaires sont tenus au secret professionnel au sens de l'art. 321 CP (al. 1). Ils peuvent en être déliés par le patient ou, s’il existe de justes motifs, par l'autorité supérieure de levée du secret professionnel (al. 2). Sont réservées les dispositions légales concernant l’obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (al. 3).

Contrairement à sa teneur antérieure, la réglementation cantonale renvoie désormais expressément au secret professionnel au sens de l’art. 321 CP. Les conditions de la libération du secret sont demeurées identiques (ancien art. 88 aLS ; art. 86 al. 2 et 3 LS). En revanche, l’art. 86 LS ne reprend pas la teneur de l’al. 3 de l’ancien art. 87 aLS, à l’origine de la jurisprudence de la chambre administrative selon laquelle les intérêts du patient ne peuvent pas constituer un « juste motif » de levée du secret, si ce dernier n’a pas expressément consenti à la levée du secret le concernant, de sorte que la notion de justes motifs de l’ancien art. 88 al. 1 aLS est interprétée comme se référant uniquement à l’existence d’un intérêt public prépondérant (ATA/202/2015 du 24 février 2015 consid. 6). À titre d’exemples d’intérêt public prépondérant, la jurisprudence cantonale cite régulièrement le besoin de protéger le public contre un risque hétéro-agressif et la présence d’un intérêt privé de tiers dont le besoin de protection serait prépondérant à celui en cause conformément à l’art. 36 Cst. (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 13c ; ATA/202/2018 du 6 mars 2018 consid. 2e ; ATA/11/2018 du 9 janvier 2018 consid. 6a ; ATA/202/2015 précité consid. 6). Les ATA/231/2016 du 15 mars 2016 (consid. 11a) et ATA/972/2024 du 20 août 2024 (consid. 2.5) ont toutefois relativisé cette jurisprudence cantonale en précisant que ces considérations valaient seulement pour le patient capable de discernement.

3.2 Selon l'art. 321 ch. 1 CP, les médecins, ainsi que leurs auxiliaires, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l’exercice de celle-ci, seront, sur plainte, punis d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l’intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l’autorité supérieure ou l’autorité de surveillance l’a autorisée par écrit (art. 321 ch. 2 CP). Demeurent réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant un droit d’aviser une autorité et de collaborer, une obligation de renseigner une autorité ou une obligation de témoigner en justice (art. 321 ch. 3 CP).

3.2.1 La liste des professions soumises au secret professionnel est exhaustive. Selon la doctrine, les assistants sociaux n’y appartiennent pas, mais il peut exister un autre fondement à l’obligation de confidentialité, en particulier le secret de fonction de l’art. 320 CP pour un assistant social ayant le statut de fonctionnaire (Benoît CHAPPUIS in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand du code pénal II, 2017, n. 48 ad art. 321 CP). L’art. 321 CP soumet également au secret professionnel les auxiliaires des personnes exerçant l’une des professions visées. La notion d’auxiliaires est large et étend le champ d’application de l’art. 321 CP. Les auxiliaires collaborent avec les personnes pratiquant l’une des professions visées par l’art. 321 CP. Ils leur sont nécessaires dans l’accomplissement de leur travail et acquièrent ainsi connaissance de secrets (Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 50 ad art. 321 CP). Parmi les auxiliaires des professions médicales, on trouve l’infirmier, l’instrumentiste, l’assistant, le personnel de laboratoire, le technicien-dentiste, le secrétaire et le thérapeute exerçant son activité sur mandat ou sous contrôle d’un médecin. Le médecin est en droit de recourir à des auxiliaires à qui il transmet des informations confidentielles, ce qui est une nécessité pratique. La qualification juridique de la relation existant entre la personne pratiquant l’une des professions visées par l’art. 321 CP et son auxiliaire n’est pas déterminante pour que ce dernier soit également soumis au secret professionnel. Il n’est notamment pas nécessaire qu’une relation de subordination existe entre le détenteur du secret et l’auxiliaire (Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 53 s ad art. 321 CP).

L’approche de la LPMéd est différente. Seul le médecin est concerné par l’art. 40 let. f LPMéd. C’est à lui qu’incombe l’obligation de s’assurer que ses auxiliaires respecteront le secret dont lui seul est titulaire du point de vue du droit disciplinaire. À cela s’ajoutent les obligations, personnelles, des autres collaborateurs du médecin, fondées sur d’autres lois fédérales ou cantonales. Ainsi, on admet une notion d’auxiliaire plus large à l’art. 40 let. f LPMéd qu’à l’art. 321 CP. Comme pour le secret de fonction, il s’agit des collaborateurs professionnels généralement subordonnés au détenteur du secret qui sont amenés à prendre connaissance de secrets couverts dans l’exercice de cette collaboration. Le personnel des hôpitaux n’a la qualité d’auxiliaire que dans la mesure où son travail s’effectue à proximité de patients ou d’informations qui concernent les patients. À titre d’exemples, sont cités l’ambulancier, les secrétaires, les assistants sociaux, le personnel médical - infirmiers - et paramédical (Yves DONZALLAZ, op. cit., n. 6464 à 6466).

La chambre administrative a déjà admis la procédure de levée du secret professionnel devant la commission concernant simultanément un médecin et une assistante sociale, par rapport à un même patient ayant des troubles cognitifs et étant durablement inapte à gérer ses affaires (ATA/1228/2019 du 13 août 2019). Il n’y ainsi pas lieu, en l’espèce, de développer ce point qui n’est pas contesté.

3.2.2 L'art. 321 al. 2 CP ne mentionne pas les critères selon lesquels l'autorisation doit être accordée ou refusée. Il convient de procéder à une pesée des intérêts et des biens juridiques en présence, la levée du secret ne devant être accordée que si elle est nécessaire pour sauvegarder des intérêts privés ou publics prépondérants. Seul un intérêt public ou privé nettement supérieur peut la justifier. Dans le cadre de la pesée des intérêts, il faut notamment tenir compte du fait que le secret professionnel est un bien juridique majeur. L'intérêt à la recherche de la vérité matérielle n'est pas en soi un intérêt prépondérant. C'est l'autorité compétente qui détermine dans quelle mesure et à qui les renseignements doivent être donnés. La levée du secret ne doit en principe être autorisée que dans la mesure où elle est nécessaire dans le cas concret, compte tenu de la sphère secrète du maître du secret (arrêts du Tribunal fédéral 2C_683/2022 précité consid. 6.2.1 ; 2C_1049/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.4 ; 2C_37/2018 du 15 août 2018 consid. 6.4.2 ; ATA/972/2024 du 20 août 2024 consid. 2.4).

Sauf à vider le secret de sa substance, il faut admettre que seuls des intérêts prépondérants, qui l’emportent clairement sur l’intérêt du maître au maintien du secret, justifient la levée de ce dernier. Il s’agit donc de procéder à une pesée des intérêts en présence. Les intérêts justifiant la levée du secret peuvent être publics ou privés. Parmi les intérêts pris en considération figurent en priorité ceux du maître du secret. Il s'agit là de la cause la plus fréquente en matière médicale où nombre de praticiens demandent régulièrement à l'autorité compétente de pouvoir porter la situation de patient à la connaissance soit de l'autorité de protection de l'adulte soit d'autres professionnels de la santé (Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 153 et 154 ad art. 321 CP).

À cet égard, la chambre administrative a déjà confirmé les levées du secret professionnel de médecins exerçant aux HUG afin de répondre aux questions de l’autorité de protection de l’adulte. Tel a été le cas d’un médecin convoqué par cette autorité en qualité de témoin concernant un patient incapable de discernement (ATA/608/2011 du 27 septembre 2011 consid. 3). Il en est allé de même d’un médecin, cité dans le cadre de l’instauration d’une mesure de protection adaptée, qui avait amené sa voisine, souffrant d’une cécité presque complète et étant dans un déni total de la précarité de sa situation, à se faire hospitaliser (ATA/557/2012 du 21 août 2012 consid. 3). Dans les deux cas, la chambre de céans a souligné que l’intérêt de la patiente, recourante, résidait dans le fait que l’autorité de protection de l’adulte (anciennement le Tribunal tutélaire) soit parfaitement informée avant de rendre une décision concernant la patiente.

3.3 En droit de la protection de l’adulte, l’art. 443 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) dispose que toute personne a le droit d’aviser l’autorité de protection de l’adulte qu’une personne « semble » avoir besoin d’aide (phr. 1). Les dispositions sur le secret professionnel sont réservées (phr. 2). Selon l’art. 443 al. 2 CC, toute personne qui, dans l’exercice de sa fonction officielle, a connaissance d’un tel cas est tenue d’en informer l’autorité si elle ne peut pas remédier à la situation dans le cadre de son activité (phr. 1). Les dispositions relatives au secret professionnel sont réservées (phr. 2). L’al. 3 de l’art. 443 CC prévoit que les cantons peuvent prévoir d’autres obligations d’aviser l’autorité. Dans le canton de Genève, le TPAE est compétent dans ce domaine (art. 105 LOJ).

L’art. 443 CC est le pendant de l’art. 448 al. 1 à 3 CC qui règle l’obligation de collaborer à l’établissement des faits en matière de protection de l’adulte (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, in Pascal PICHONNAZ/Bénédicte FOËX/Christiana FOUNTOULAKIS [éd.], Commentaire romand - Code civil I - Art. 1-456 CC, 2e éd., 2024, n. 3 ad art. 443 CC). S’agissant notamment des médecins et de leurs auxiliaires, l’al. 2 de l’art. 448 CC prévoit qu’ils ne sont tenus de collaborer que si l’intéressé les y a autorisés ou que l’autorité supérieure ou l’autorité de surveillance les a déliés du secret professionnel à leur demande ou à celle de l’autorité de protection de l’adulte. Par ailleurs, l’art. 453 al. 2 CC autorise les personnes liées par le secret de fonction ou le secret professionnel à communiquer les informations nécessaires à l’autorité de protection de l’adulte, s’il existe un réel danger qu’une personne ayant besoin d’aide mette en danger sa vie ou son intégrité corporelle ou commette un crime ou un délit qui cause un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui (al. 1).

3.3.1 Le but premier du droit de la protection de l’adulte est d’assurer le bien de la personne (art. 388 CC ; Audrey LEUBA in Pascal PICHONNAZ/Bénédicte FOËX/Christiana FOUNTOULAKIS [éd.], Commentaire romand - Code civil I - Art. 1-456 CC, 2e éd., 2024, n. 1 ad art. 388 CC). L’autorité de protection appelée à prendre des mesures au sens de l’art. 388 CC cherche à protéger la personne contre elle-même et contre une éventuelle mise en danger de son bien-être et de ses intérêts par des tiers. Le curateur s’emploie aussi à atténuer l’état de faiblesse de la personne concernée ou à prévenir sa détérioration (art. 406 al. 2 CC). Il s’agit du but premier du droit de la protection de l’adulte. À titre subsidiaire, ce droit vise aussi à protéger la famille ainsi que la sécurité des proches et des tiers (art. 390 al. 2 CC ; Audrey LEUBA, op. cit., n. 8 ad art. 388 CC).

L’art. 388 CC incorpore également un véritable droit de la personne concernée à obtenir de l’État l’aide dont elle a besoin lorsque les conditions de la loi sont remplies. Ce droit découle également du droit à la dignité humaine (art. 7 Cst.) ainsi que de nombreuses dispositions de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (Audrey LEUBA, op. cit., n. 2 ad art. 388 CC).

3.3.2 L’art. 388 CC pose les principes généraux guidant l’action des autorités et personnes agissant dans ce domaine pour le bien de la personne : il s’agit, d’une part, du principe d’assistance et de protection de la personne qui a besoin d’aide (al. 1) et, d’autre part, du principe de respect de son autonomie (al. 2). Bien qu’ancré dans le droit civil, le droit de la protection de l’adulte relève matériellement du droit social au sens large, à cheval entre le droit privé et le droit public. Il est marqué par une tension constante entre, d’un côté, le respect de l’autonomie de la personne concernée et, de l’autre côté, l’objectif de lui apporter soutien et assistance. Il appartient à l’autorité de protection de trouver à cet égard le juste équilibre ; elle doit se laisser guider par les principes de proportionnalité et de subsidiarité ancrés à l’art. 389 CC (Audrey LEUBA, op. cit., n. 1 et 3 ad art. 388 CC et n. 1 ss ad art. 389 CC).

Par droit social, on entend les normes qui sont l’expression de notre État social et qui visent à garantir les besoins considérés comme nécessaires ainsi que le
bien-être de base là où ils ne sont plus assurés en raison notamment de l’environnement économique et social dans le cadre duquel nous évoluons. Ce droit social au sens large comprend un droit social dit d’intervention, qui se caractérise par des mesures empiétant sur les droits fondamentaux de la personne et dont relève le droit de la protection de l’adulte et de l’enfant (Audrey LEUBA, op. cit., note de bas de page n. 4 et n. 3 ad art. 388 CC).

3.3.3 La condition à l’origine des mesures prévues par les art. 388 ss CC (à savoir quatre types de curatelle [art. 393 ss CC], placement à des fins d’assistance [art. 426 ss CC] ou mesures prévues en cas de renonciation à une curatelle [art. 392 CC]) est que la personne a besoin d’aide, ce qui est examiné au regard des circonstances du cas d’espèce. L’existence d’un besoin d’aide est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit avec une certaine retenue ; il n’intervient que si l’autorité cantonale a outrepassé son pouvoir d’appréciation. Les domaines dans lesquels la personne peut avoir besoin d’aide sont l’assistance personnelle, la gestion du patrimoine ou les rapports juridiques avec les tiers (Audrey LEUBA, op. cit., n. 9 s ad art. 388 CC).

3.3.4 Afin de renforcer l’efficacité de la protection de l’adulte, l’art. 443 al. 1 CC autorise expressément toute personne à signaler à l’autorité de protection le cas d’une personne qui « semble » avoir besoin d’aide. Les signalements devront être « un tant soit peu » étayés et apparaître comme étant faits dans l’intérêt de la personne concernée ; ils doivent amener à penser qu’il existe un besoin de protection auquel l’autorité peut contribuer à répondre. Il n’est cependant pas nécessaire que les faits soient déjà établis (la loi demande que la personne concernée « semble » avoir besoin d’aide) et le signalant n’est pas tenu de prouver la mise en danger (Philippe MEIER, Droit de la protection de l’adulte - Article 360-456 CC, 2e éd., 2022, n. 181). L’objectif de l’art. 443 CC est d’assurer une protection efficace de la personne concernée (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 3 ad art. 443 CC).

L’art. 443 al. 1 CC prévoit un « droit » d’aviser en faveur de toute personne, sous réserve du secret professionnel. L’auteur de l’avis doit faire état d’une mise en danger possible et la personne concernée doit sembler avoir besoin d’aide. Il n’a pas à vérifier si tel est réellement le cas. L’apparence justifiée du besoin d’aide ou de protection est suffisante (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 8 ad art. 443 CC).

En revanche, l’al. 2 de l’art. 443 CC prévoit une « obligation » d’aviser pour toute personne exerçant une « fonction officielle ». Cette notion doit être interprétée largement. Elle vise toute personne qui exerce des compétences de droit public, même si elle n’occupe pas une position de fonctionnaire ou d’employé dans une collectivité publique. À titre d’exemple, la doctrine cite le cas du travailleur social employé par une collectivité publique et celui du médecin travaillant dans un hôpital public (Philippe MEIER, op. cit., n. 184 et note de bas de page n. 260 ; Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 8 ad art. 443 CC). Le devoir d’aviser n’est pas absolu : les informations relatives à une mise en danger doivent être certaines (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 11 ad art. 443 CC). Les faits visés par l’art. 443 al. 2 CC doivent être aussi « un tant soit peu » établis avant que la personne en question ne soit tenue au signalement. Dans un premier temps, l’avis ne comportera que les informations strictement nécessaires sous l’angle de la protection de l’adulte ; des informations complémentaires pourront être sollicités par l’autorité dans la suite de la procédure (Philippe MEIER, op. cit., n. 184). Cela étant, lorsque la personne tenue d’aviser est capable de remédier au problème, le devoir d’aviser est devenu explicitement subsidiaire (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 2 ad art. 443 CC).

3.3.5 Depuis le 1er janvier 2019, l’art. 443 al. 2 CC prévoit expressément que le secret professionnel prime l’obligation d’aviser ancrée dans cette disposition (Philippe MEIER, op. cit., n. 185 ; Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 2 et 21 ad art. 443 CC).

Les personnes soumises au secret professionnel, en particulier les médecins et leurs auxiliaires, doivent demander à être déliés du secret professionnel selon l’art. 321 ch. 2 CP avant de pouvoir aviser l’autorité de protection, ce qui implique qu’il existe une procédure de levée du secret dans la profession concernée. Avant de lever le secret professionnel, l’autorité doit toujours faire une pesée des intérêts. La levée du secret professionnel ne devrait intervenir que si des intérêts prépondérants privés ou publics l’emportent clairement sur l’intérêt au maintien du secret. Le maître du secret a le droit d’être entendu (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 22 et 23 ad art. 443 CC ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_622/20217 19.2.2018 consid. 2.2.1). Il existe ainsi trois conditions à la levée du secret professionnel : la requête de la personne soumise au secret, le respect du droit d’être entendu du titulaire du secret et la nécessité d’une protection d’intérêts prépondérants (Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 149 ss ad art. 321 CP).

La levée du secret médical procède toujours d’une pesée des intérêts. Dans cette opération, l’intérêt privé du patient au maintien du secret peut s’opposer à d’autres intérêts privés ou un intérêt public, par exemple l’aboutissement d’une poursuite pénale, le besoin de protéger le public contre un risque hétéro-agressif, la défense de personnes vulnérables comme les enfants ou l’intérêt collectif dans certains domaines où la santé publique peut être mise en danger. Mais cet intérêt privé concourt également avec un autre intérêt public, à savoir celui qui existe à ce que les patients ne soient pas dissuadés de se faire soigner en raison de l’absence de secret médical ou de son caractère chancelant. Selon la jurisprudence et la doctrine, les intérêts mis en balance avec celui au maintien du secret ne doivent pas être simplement de même importance, ou prévaloir de peu, mais bien être manifestement supérieurs à lui pour autoriser la levée. L’importance même du secret postule ainsi une approche restrictive de la faculté d’y porter atteinte, la démarche revêtant un caractère subsidiaire par rapport à d’autres moyens d’atteindre le but recherché par la libération du secret (Yves DONZALLAZ, op. cit., n. 6710 et les arrêts cités).

Une fois libérée de son secret professionnel, la personne visée par l’art. 443 al. 1 CC peut, mais ne doit pas, aviser l’autorité de protection. La décision repose sur une pesée des intérêts, en particulier entre le devoir de confidentialité, la relation de confiance et le droit d’aviser. En revanche, les personnes exerçant une activité officielle libérées du secret professionnel sont tenues d’informer l’autorité de protection si elles ne peuvent remédier au problème dans le cadre de leur activité (art. 443 al. 2 CC). En ce qui concerne le détenteur du secret, il opérera cette pesée d’intérêts avant de requérir la levée du secret par l’autorité compétente (Isabelle CHABLOZ/Corinne COPT, op. cit., n. 24 ad art. 443 CC).

3.4 Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/972/2024 du 20 août 2024 consid. 2.3), comme tout droit découlant d'une liberté, le droit à la protection du secret médical peut, conformément à l'art. 36 Cst., être restreint moyennant l'existence d'une base légale (al. 1), la justification par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et le respect du principe de la proportionnalité, par rapport au but visé (al. 3).

La base légale pouvant fonder la restriction est, en cette matière, constituée par l'art. 321 ch. 2 CP et par l'art. 86 al. 2 LS. L'autorité supérieure au sens de ces deux dispositions est, en vertu de l'art. 12 al. 1 LS, la commission, qui, bien que rattachée administrativement au département chargé de la santé (art. 12 al. 6 LS), exerce en toute indépendance les compétences que la LS lui confère (art. 12 al. 7 LS).

4.             Il convient dès lors de procéder, conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), à une pesée entre l’intérêt au maintien du secret médical et l’intérêt plaidant à sa levée, celui-ci se confondant avec l’examen de la condition de l’existence d’un intérêt public (ou d’un droit fondamental d’autrui à protéger) posée à l’art. 36 al. 2 Cst. Ces intérêts peuvent être publics ou privés, conformément à la jurisprudence fédérale susmentionnée.

4.1 En l’espèce, la pesée de ces intérêts concerne essentiellement des intérêts privés de la patiente. On y trouve, d’un côté, le respect de sa vie privée et secrète (art. 13 Cst. et art. 8 CEDH) sous l’angle du secret médical et, d’un autre côté, la garantie de son droit à la dignité humaine (art. 7 Cst.) qui sous-tend les mesures de protection de l’adulte prévues aux art. 388 ss CC.

Le premier volet lié au secret médical comprend également une dimension de santé publique incitant le patient à se confier sans réserve au médecin afin d’être soigné de manière appropriée. Face à cet intérêt public, le droit de la protection de l’adulte vise à garantir les besoins considérés comme nécessaires, tels que l’assistance personnelle et la gestion de son patrimoine, en protégeant la personne concernée contre une éventuelle mise en danger de son bien-être et de ses intérêts par des tiers, y compris contre elle-même, tout en préservant au mieux son autonomie. Pour rendre cette protection effective, l’art. 443 CC prévoit, sous réserve du secret professionnel, un « droit d’aviser » (al. 1) et, à certaines conditions, une « obligation » d’aviser (al. 2) imposée aux personnes exerçant une « fonction officielle » comme la médecin et l’assistant social visés par les décisions litigieuses.

Ainsi, pour demander la levée de son secret professionnel et procéder au signalement auprès du TAPI, une personne exerçant une « fonction officielle », comme la médecin et l’assistant social ici en cause, et soumise au secret professionnel doit démontrer l’existence d’un besoin d’aide de la personne, qui peut être apparent – l’art. 443 al. 1 CC employant le terme « semble » avoir besoin d’aide – mais qui doit être « un tant soit peu » étayé et fondé sur des informations certaines. Ce besoin d’aide doit être mis en balance avec l’intérêt au maintien du secret professionnel ; il doit être prépondérant à celui-ci en ce sens que ce besoin d’aide doit apparaître nettement supérieur au bien juridique majeur que constitue le secret professionnel, pour admettre la levée de celui-ci. Cette appréciation doit se faire au regard des circonstances concrètes, et ce en premier lieu par le détenteur du secret, en particulier s’il exerce une fonction « officielle » (art. 423 al. 2 CC), puis par la commission composée des spécialistes du domaine médical (art. 12 al. 2 LS).

4.2 Dans la présente affaire, les demandes de la médecin et de l’assistant social étayent suffisamment, chacun dans son domaine de compétence, la situation médicale et sociale de la patiente. Elles font apparaître plusieurs éléments justifiant un besoin de protection de cette dernière, en particulier afin d’assurer son suivi et traitement médical en mode ambulatoire, nécessaires à son état de santé.

Parmi ces éléments, figurent non seulement la situation personnelle de la recourante mais également son état de santé attesté par des examens médicaux effectués par les professionnels compétents des HUG. À ce sujet, le certificat médical produit par la recourante n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse médicale détaillée de son état de santé effectuée par la Dre G______ et l’équipe de son service. En effet, indépendamment de l’opinion du médecin consulté fin août 2024 sur le caractère classique ou non du tableau clinique de démence de la recourante, celui-ci constate également une aphasie et la difficulté de la patiente à retrouver certains mots ainsi qu’une grande fatigabilité psychique limitant son endurance cognitive, ce qui le conduit à conclure à la recherche d’un micro AVC thrombotique des aires du langage. Le fait que le score du test MMS effectué fin août 2024 (score de 22) soit différent, et meilleur, que celui effectué aux HUG (score de 15) lors de son hospitalisation de fin juin à début juillet 2024 ne change rien aux constats médicaux faits aux HUG, mais confirme l’importance et la nécessité d’assurer un suivi médical approprié de la recourante. D’ailleurs, l’avis de ce médecin fondé sur un seul test n’est pas un élément suffisant, compte tenu des examens préalables des HUG, pour démontrer l’absence de troubles cognitifs de la patiente. Il ne permet pas non plus d’infirmer l’hypothèse médicale des médecins des HUG sur la présence d’une potentielle démence rapidement progressive. En outre, les neurologues des HUG ont conclu, à la fin du séjour hospitalier de la recourante le 3 juillet 2024, à l’existence de troubles cognitifs et à la poursuite des investigations.

À cela s’ajoute le comportement de la patiente observé tant par les professionnels de la santé sollicitant la levée de leur secret professionnel que par la commission, présidée par un médecin conformément à l’art. 12 al. 2 LS, lors de l’audition de la recourante en présence d’une interprète. Les réponses de la patiente étaient parfois incohérentes et sans lien avec la question posée. Celle-ci ne comprenait pas toujours ce qui se passait autour d’elle, voire ignorait la nécessité pour elle de suivre un traitement chronique pour son trouble du rythme cardiaque dépisté en 2017. Elle ne se souvenait pas de son année de naissance. Ce comportement a amené la commission et la Dre G______ à conclure à l’absence de capacité de discernement de la recourante, même si celle-ci estime devant la chambre administrative aller beaucoup mieux et ne pas avoir besoin d’aide. Ainsi, et malgré les critiques acerbes contre la Dre G______ contenues dans les écritures de la recourante, il y a lieu d’admettre la présence de troubles cognitifs chez la recourante. Dans ces circonstances, s’impose la nécessité d’élucider la question de sa capacité de discernement, qui relève de la compétence du TPAE.

Ce fragile état de santé se cumule, en l’espèce, à une situation personnelle précaire. Sans statut légal, la patiente n’a pas de famille ni de réseau social fiable. On ignore ses moyens de subsistance et elle ne parle pas français. Elle se trouve ainsi dans une situation de vulnérabilité, d’isolement social et de dépendance à l’égard de tiers. Cumulés à son état de santé, ces éléments confirment le besoin de protection de la recourante, à tout le moins le signalement de sa situation au TPAE afin qu’il établisse l’existence d’un tel besoin et les mesures nécessaires pour préserver son bien-être et ses intérêts.

Enfin, le comportement de la tierce personne, dénommée B______ E______, envers la patiente ne permet pas d’infirmer le besoin de protection de cette dernière. Les professionnels de santé des HUG sollicitant la levée de leur secret professionnel ont témoigné de divergences de vue concernant la relation entre cette tierce personne et la patiente. La première utilise des termes affectueux pour la décrire, tels que « nièce de cœur », alors que la recourante répond qu’il s’agit d’une « connaissance » et refuse, lorsque cette personne n’est pas présente, que ses informations médicales lui soient communiquées. Il y a aussi des versions différentes entre elles par rapport à un potentiel traitement violent de la part d’un voisin sur la patiente. En outre, cette tierce personne a refusé de communiquer aux médecins des HUG le nom du pharmacien fournissant, a priori gratuitement, le traitement chronique par anticoagulant et bétabloquant sur prescription d’un cardiologue dont elle ne se souvenait pas du nom. C’est ainsi sur la base d’éléments pertinents et objectifs, qui plus est compte tenu du contexte médical et social de la patiente, que les professionnels des HUG ont été amenés à s’interroger sur le caractère bienveillant de la relation unissant la recourante à cette tierce personne, au surplus très insistante pour être présente lors de ses examens médicaux. Le fait qu’B______ E______ déclare à la commission penser que la patiente est capable de gérer ses affaires et de se gérer, est en décalage avec les constats médicaux susmentionnés et rend ses propos peu plausibles. Dans ces circonstances et vu les critiques injustifiées à l’égard des médecins des HUG contenues dans les écritures de la recourante, le document intitulé « Mandat pour cause d’inaptitude » daté du 21 août 2024 visant à confier tous les intérêts de la patiente à cette tierce personne, produit au stade de l’instruction devant la commission, confirme la nécessité et l’importance de signaler la situation de la recourante au TPAE afin qu’il éclaircisse les points peu clairs et nécessaires à la protection de son bien-être et de ses intérêts, y compris le cas échéant à l’égard de tiers.

Dans ces circonstances, c’est à raison et sans arbitraire que la commission estime que l’intérêt à la levée du secret professionnel de la Dre G______ et de l’assistant social aux fins de signalement de la situation médicale et sociale de la recourante au TPAE, dans les termes des décisions litigieuses, prime en l’espèce l’intérêt de cette dernière au maintien dudit secret relevant de sa sphère privée. Les décisions litigieuses de levée du secret professionnel sont donc conformes au droit et doivent être confirmées. Mal fondé, le recours de la patiente doit dès lors être rejeté, de sorte que la question de signatures potentiellement différentes, relevée par la commission, peut rester ouverte.

5.             Malgré l’issue du litige, il ne sera pas mis d’émolument à la charge de la recourante, qui est au bénéfice de l’assistance juridique (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 ; art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

joint les deux causes distinctes ouvertes par l’autorité intimée sous une seule cause ;


 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2024 par A______ contre les décisions de la commission du secret professionnel du 26 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commission du secret professionnel, ainsi qu'à la Docteure G______ et à H______ pour information.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN,
Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :