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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4100/2015

ATA/231/2016 du 15.03.2016 ( PATIEN ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4100/2015-PATIEN ATA/231/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mars 2016

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL

 



EN FAIT

1. Madame A______ est psychiatre et psychothérapeute et exerce à Genève.

2. Elle suit le jeune B______, né le ______ 2007, en psychothérapie individuelle depuis le mois d'avril 2013. À cette époque, la mère de B______, Madame C______, était seule titulaire de l'autorité parentale sur son fils.

3. Le père de l'enfant, Monsieur D______, avec lequel elle n'a jamais été mariée, a néanmoins demandé à bénéficier de la nouvelle réglementation du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Par ordonnance du 13 avril 2015, le Tribunal de protection de l'enfant et de l'adulte (ci-après : TPAE) a institué l'autorité parentale conjointe, constaté que la mère avait la garde de l'enfant, modifié les modalités d'exercice des relations personnelles entre l'enfant et son père et ordonné aux deux parents d'entreprendre un suivi de guidance parentale.

Dans sa décision, le TPAE a notamment estimé qu'il « n'apparai[ssait] pas que le père soit opposé au principe du suivi thérapeutique de l'enfant », même s'il a relevé que la mère pensait au contraire que le père de l'enfant s'y opposerait.

4. Le 22 septembre 2015, Mme A______ a adressé à la commission chargée de statuer sur les demandes de levée du secret professionnel (ci-après : la commission) une demande visant à la délier de son secret médical concernant B______. Elle souhaitait pouvoir fournir des informations au TPAE en vue d'un éventuel retrait de l'autorité parentale conjointe, au thérapeute de famille chargé de mettre en place la guidance parentale ordonnée par le TPAE, et communiquer avec le corps enseignant de l'école et d'autres intervenants du réseau si cela s'avérait nécessaire.

Le père de B______ insistait pour que le traitement soit interrompu, faisant pression sur la mère et sur l'enfant en ce sens. Depuis l'instauration de l'autorité parentale conjointe, il multipliait les interventions perturbatrices dans l'éducation de son enfant, allant même jusqu'à lui instiller l'idée que l'école n'était pas importante car il pourrait devenir une « star de foot ». Il importait donc que le TPAE soit informé de la situation.

5. Mme A______ a été entendue par la commission le 26 octobre 2015.

Elle a exposé pourquoi elle voulait s'adresser aux différents intervenants mentionnés dans sa demande, ainsi qu'au service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), en précisant toutefois que le juge du TPAE demandait « à ne pas recevoir de renseignements de [s]a part » (NDR : par courrier du 1er octobre 2015, il lui avait été enjoint de s'adresser directement au SPMi). Elle avait fait 96 séances de psychothérapie avec B______, et avait rencontré son père à deux reprises.

6. Par décision du 12 novembre 2015, communiquée à Mme A______ ainsi qu'aux deux parents de B______, la commission a levé partiellement le secret professionnel de Mme A______, l'autorisant à transmettre au thérapeute chargé de la guidance parentale les renseignements pertinents relatifs à la prise en charge médicale de B______.

Il était précisé que le père de B______ avait manifesté son opposition à la levée du secret professionnel par courriers des 10 septembre et 9 novembre 2015, tandis que la mère s'était déclarée favorable à cette levée par courrier du 6 octobre 2015.

Ni le dispositif ni les considérants de la discussion n'abordaient la levée du secret professionnel par rapport aux autres personnes et entités visées dans la demande.

7. Le 18 novembre 2015, Mme A______ s'est adressée à la commission. Elle ne comprenait pas pourquoi son secret médical n'était pas levé vis-à-vis du TPAE ; quant à la levée vis-à-vis du SPMi, ou de l'enseignante de B______, le refus lui avait été communiqué sans aucun argument.

8. Le 19 novembre 2015, la commission a répondu qu'elle n'entendait pas reconsidérer sa décision, Mme A______ étant libre d'user des voies de droit à sa disposition.

9. Par acte posté le 25 novembre 2015, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission du 12 novembre 2015, concluant à la levée de son secret médical vis-à-vis du SPMi, de l'enseignante de B______, du thérapeute de famille voire du TPAE.

Depuis l'instauration de l'autorité parentale conjointe, le père de B______ ne cessait de mettre en cause le traitement psychothérapeutique, pourtant indiqué en raison du comportement agressif et bagarreur de l'enfant et son manque de concentration en classe. De plus, il interdisait la communication d'informations essentielles avec d'autres membres du réseau de professionnels.

Une levée du secret médical plus large que celle autorisée par la décision attaquée était nécessaire pour pouvoir poursuivre le traitement de l'enfant, en collaboration avec les autres professionnels chargés de cette situation problématique. Elle avait également appris le nom de la logopédiste et de la pédiatre de l'enfant, et souhaitait aussi communiquer avec elles.

10. Le 18 décembre 2015, la commission a conclu au rejet du recours.

La demande initiale ne faisait pas état de manière identifiable d'une volonté de levée du secret professionnel vis-à-vis de la logopédiste et de la pédiatre de B______.

La commission avait admis qu'il y avait un intérêt prépondérant à la transmission de renseignements de Mme A______ au thérapeute chargé du suivi de la guidance parentale.

En revanche, au vu du refus de l'un des parents de l'enfant à la transmission de renseignements concernant son fils, et de l'absence de demande faite à Mme A______ par le SPMi, le TPAE ou l'enseignante, la protection de la confidentialité l'emportait sur l'intérêt à la révélation de renseignements concernant l'enfant. L'application de l'art. 364 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) demeurait réservée.

11. Le 29 janvier 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 26 février 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

12. Le 2 février 2016, la commission a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

13. Le 18 février 2016, Mme A______ a persisté dans les termes de son recours.

Elle demandait à pouvoir transmettre des renseignements concernant B______ car cela correspondait à son intérêt. La mère de l'enfant partageait cet avis et était même demandeuse de cette démarche.

L'enseignante de l'enfant lui avait laissé un message sur son répondeur téléphonique, il n'était donc pas exact de dire qu'elle ne l'avait pas contactée. De même, le SPMi l'avait également, en décembre 2014, invitée à les informer pour pouvoir établir leur rapport. Le SPMi ne s'occupait plus du cas et devait donc le cas échéant être recontacté. En outre, dans le cadre d'un réseau, un intervenant n'attendait pas nécessairement qu'un autre lui demande des renseignements, mais se manifestait spontanément dès qu'il disposait d'informations importantes pour les autres professionnels.

Au moment de faire sa demande à la commission, elle ne connaissait pas encore le nom de la logopédiste, et ne savait pas que la pédiatre serait également impliquée dans le processus, et ne connaissait pas non plus son nom.

L'intérêt de l'enfant restait sa préoccupation centrale.

 

EN DROIT

1. Interjeté dans le délai légal de dix jours et devant la juridiction compétente pour connaître des décisions de la commission, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 12 al. 5 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03).

2. En revanche, la conclusion de la recourante tendant à la levée du secret médical vis-à-vis de la logopédiste et de la pédiatre de B______ sont irrecevables, dans la mesure où elles n'avaient pas fait l'objet d'une demande expresse à la commission, et que le cadre matériel admissible du litige est limité par l'objet du recours, soit la décision attaquée (ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 6b). Or celle-ci ne pouvait en tout état pas trancher la question de la levée du secret vis-à-vis de deux intervenants non mentionnés dans la demande initiale, pas plus que lors de l'audition orale de la recourante.

Que la recourante n'ait pas connu à l'époque les noms de ces deux intervenantes n'y change rien, et nécessite qu'elle fasse, le cas échéant et si elle s'y estime fondée, une demande spécifique à la commission à ce sujet.

3. La recourante se plaint tout d'abord, matériellement du moins, de la violation de son droit d'être entendu, le refus de certaines de ses demandes lui ayant été communiqué sans aucun argument.

4. a. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, l'autorité doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 135 III 670 consid. 3.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_179/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3.1 et 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 4.1). Elle n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 133 III 235 consid. 5.2 ; 126 I 97 consid. 2b).

b. La violation du droit d'être entendu – pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant du même pouvoir d'examen que l'autorité de décision (ATF 129 I 129 consid. 2.2.3 ; 126 I 68 consid. 2 ; 124 II 132 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 du 6 juin 2012 consid. 2.4.1). Toutefois, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127 V 431 consid. 3d.aa ; 126 V 130 consid. 2b et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 précité consid. 2.4.1).

c. Au-delà du droit d'être entendu du justiciable, la motivation de la décision a également pour fonction de permettre à l'autorité de recours d'exercer son contrôle et de vérifier la correcte application du droit ; il faut pour cela qu'elle puisse se faire une idée de la portée de la décision (ATF 126 I 15 consid. 2a.aa ; 124 V 180 consid. 1a).

5. En l'espèce, la décision attaquée ne contient aucune motivation concernant le refus de la demande de levée du secret professionnel vis-à-vis du SPMi, du TPAE et de l'enseignante de l'enfant. La commission a donc violé son obligation de motiver.

Dans sa réponse au recours, la commission a néanmoins justifié sa décision sur ces points comme suit : au vu du refus de l'un des parents de l'enfant à la transmission de renseignements concernant son fils, et de l'absence de demande faite à Mme A______ par le SPMi, le TPAE ou l'enseignante, la protection de la confidentialité l'emportait sur l'intérêt à la révélation de renseignements concernant l'enfant.

Il convient dès lors d'examiner si cette prise de position permet à la chambre de céans de contrôler l'application du droit ; et si l'on peut admettre une guérison de la violation du droit d'être entendue de la recourante.

6. Selon l’art. 321 ch. 1 CP les médecins qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l'exercice de celle-ci, sont punissables. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit (art. 321 ch. 2 CP).

Le secret médical couvre tout fait non déjà rendu public communiqué par le patient à des fins de diagnostic ou de traitement, mais aussi des faits ressortissant à la sphère privée de ce dernier révélés au médecin en tant que confident et soutien psychologique (ATA/717/2014 du 9 septembre 2014 et références citées).

7. En droit genevois, l’obligation de respecter le secret professionnel est rappelée à l’art. 87 al. 1 LS.

Elle est le corollaire du droit de toute personne à la protection de sa sphère privée, garanti par les art. 13 Cst. et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). C’est ainsi qu’en droit cantonal genevois, la loi dispose que le secret professionnel a pour but de protéger la sphère privée du patient. Il interdit aux personnes qui y sont astreintes de transmettre des informations dont elles ont eu connaissance dans l’exercice de leur profession. Il s’applique également entre professionnels de la santé (art. 87 al. 2 LS).

8. D’une manière plus générale, le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les parties contractantes à la CEDH (ATA/717/2014 précité et les références citées). Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH), il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades, mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l’art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le devoir de discrétion est unanimement reconnu et farouchement défendu (arrêts de la CourEDH Z. c/ Finlande du 25 février 1997 et M.S. c/ Suède du 27 août 1997 cités in Dominique MANAÏ, Droit du patient face à la biomédecine, 2013, p. 127-129 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.111/2006 du 7 novembre 2006 consid. 2.3.1. ; ATA/146/2013 du 5 mars 2013).

9. Comme tout droit fondamental, le droit à la protection du secret médical peut être restreint moyennant l’existence d’une base légale, la présence d’un intérêt public prépondérant à l’intérêt privé du patient concerné (ou la protection d’un droit fondamental d’autrui) et le respect du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 Cst.).

10. La base légale pouvant fonder la restriction est, en cette matière, constituée par l'art. 321 ch. 2 CP, selon lequel a révélation n'est pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit ; et par l’art. 88 LS, qui dispose qu’une personne tenue au secret professionnel peut en être déliée par l'autorité supérieure de levée du secret professionnel, même en l’absence du consentement du patient (art. 88 al. 1 LS en relation avec l’art. 12 LS).

Une telle décision doit cependant se justifier par la présence de « justes motifs » (art. 88 al. 1er LS).

À teneur de l’art. 87 al. 3 LS, les intérêts du patient ne peuvent constituer un « juste motif » de levée du secret, si ce dernier n’a pas expressément consenti à la levée du secret le concernant. La notion de justes motifs de l’art. 88 al. 1 LS se réfère donc uniquement à l’existence d’un intérêt public prépondérant, tel que le besoin de protéger le public contre un risque hétéro-agressif ou à la présence d’un intérêt privé de tiers dont le besoin de protection serait prépondérant à celui en cause, conformément à l’art. 36 Cst. (ATA/202/2015 du 24 février 2015 consid. 6).

11. a. Les considérations qui précèdent valent cependant seulement pour le patient capable de discernement.

b. Selon l'art. 48 al. 2 LS, les personnes habilitées à représenter la personne incapable de discernement dans le domaine médical sont celles désignées par le CC, dont les dispositions en la matière s'appliquent pour le surplus.

12. a. Les père et mère déterminent les soins à donner à l'enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC). L'enfant capable de discernement soumis à l'autorité parentale peut s'engager par ses propres actes dans les limites prévues par le droit des personnes et exercer ses droits strictement personnels (art. 305 al. 1 CC).

b. Est capable de discernement au sens du droit civil celui qui a la faculté d'agir raisonnablement (art. 16 CC). Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 124 III 5 consid. 1a ; 117 II 231 consid. 2a). La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 ; 118 Ia 236 consid. 2b in fine).

c. En matière médicale, la jurisprudence a souligné que la capacité de discernement d'un patient mineur, condition indispensable pour que celui-ci puisse consentir seul à un traitement, doit être appréciée dans chaque cas, en regard de la nature des problèmes que pose l'intervention. Les détenteurs de l'autorité parentale devraient être appelés à intervenir seulement s'il y a un doute que la personne mineure puisse apprécier objectivement les tenants et aboutissants de l'intervention proposée, mais l'intérêt thérapeutique du patient doit rester prépondérant dans tous les cas. Il est nécessaire d'analyser in concreto la capacité de discernement d'un patient mineur en fonction de son aptitude à comprendre sa maladie, à apprécier les conséquences probables d'une décision et à communiquer son choix en toute connaissance de cause ; dans cette analyse, qui incombe au médecin, il faut notamment tenir compte de l'âge de l'enfant, de la nature du traitement ou de l'intervention proposée et de sa nécessité thérapeutique (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2).

13. a. Lorsque le mineur est capable de discernement, le secret professionnel du médecin vaut également vis-à-vis de ses représentants légaux ; et en cas de violation du secret, le mineur peut porter plainte personnellement, sans le concours de son représentant légal (Ariane AYER et al. [éd.], Loi sur les professions médicales [LPMéd] – commentaire, 2009, n. 132 ad art. 40 LPMéd ; Olivier GUILLOD/Gladys WINKLER, Un professionnel de la santé peut-il être tenu de signaler les cas de mise en danger de mineurs ?, revue suisse de droit de la santé 2008 105-124 = Jusletter 13 août 2008, n. 43 et 46). Dans ce cas de figure, c'est donc le mineur qui est le maître du secret et peut (seul) en accepter la levée.

b. En revanche, lorsque le mineur est incapable de discernement, ce sont ses représentants légaux qui sont les maîtres du secret (Sandra BURCKHARDT et al., Secret professionnel : généralités, in Droit de la santé et médecine légale, 2014, 327-340, p. 332). Dans le cas d'un mineur dont les parents ne sont pas mariés, les représentants légaux du point de vue médical sont les deux parents en cas d'autorité parentale conjointe au sens de l'art. 298b al. 2 CC (Olivier GUILLOD/Marina MANDOFIA BERNEY, Le mineur face au traitement proposé, in Droit de la santé et médecine légale, 2014, 289-294, p. 291). Les parents doivent néanmoins agir dans l'intérêt de l'enfant et en tenant compte de sa capacité propre, sur la base notamment de l'art. 301 CC précité ; dans la mesure où la loi ne pondère pas ces différents critères, il appartient au professionnel de la santé, et à l'autorité ainsi qu'au juge en cas de litige, de procéder à une pesée d'intérêts ; plus l'enfant est petit, plus le critère objectif de son intérêt revêt de l'importance (ibid., p. 292).

Il doit donc être admis qu'en cas de refus de levée du secret professionnel par l'un des parents – titulaire de l'autorité parentale – d'un mineur incapable de discernement sur le plan médical, l'intérêt du patient et donc de l'enfant peut constituer un juste motif au sens de l'art. 88 al. 1 LS, une pesée d'intérêts devant alors être opérée.

14. En l'espèce, B______ est âgé de 8 ans et demi. Tant la recourante que la commission semblent être partis de l'idée qu'il était incapable de discernement, mais cet aspect n'a fait l'objet d'aucune discussion ; pourtant, la compétence ratione materiae de la commission lui était subordonnée, aspect qui devait être examiné d'office (art. 11 LPA). Cela étant, le résultat auquel aboutit la décision attaquée sur ce point ne prête pas le flanc à la critique, dans la mesure où l'enfant est encore très jeune et semble devoir faire face à un conflit de loyauté entre ses deux parents par rapport à sa thérapie (cf., mutatis mutandis, l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_459/2015 du 13 août 2015 consid. 6.3).

En admettant ainsi l'incapacité de discernement de l'enfant par rapport à la levée du secret professionnel, le refus de son père constituait certes la condition préalable à l'entrée en jeu de la commission ; il ne pouvait s'agir en revanche d'un critère décisif dans le cadre de la pesée des intérêts, laquelle doit prendre en compte toutes les circonstances de l'espèce.

Quant au fait que ni le TPAE, ni le SPMi, ni l'enseignante n'aient demandé de renseignements par eux-mêmes à la recourante, d'une part celle-ci fournit des indications selon lesquelles une telle affirmation ne serait pas exacte, et d'autre part et surtout cet élément apparaît tout à fait insuffisant, à lui seul et sans examen d'autres aspects du cas, à faire pencher la balance du côté du maintien du secret. En effet, la commission n'a donné aucune indication quant aux critères véritablement pertinents. Elle n'a ainsi pas évalué le poids de l'accord de la mère de l'enfant, ni évalué les bénéfices et les risques potentiels d'une communication des informations litigieuses aux différents intervenants, en les comparant et en les ramenant en fin de compte à l'intérêt supérieur de l'enfant.

15. Par conséquent, ni la décision attaquée ni l'instruction du présent recours ne permettent à la chambre de céans de contrôler la correcte application de la législation ; la violation du droit de la recourante d'être entendue doit du même coup être considérée comme non guérie dans le cadre de la procédure de recours.

Le recours sera dès lors admis partiellement dans la mesure où il est recevable, la décision attaquée annulée en tant qu'elle porte sur la levée du secret professionnel vis-à-vis du TPAE, du SPMi et de l'enseignante principale de l'enfant, et la cause renvoyée à la commission pour nouvelle décision au sens du considérant qui précède.

16. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) ; il ne sera toutefois pas alloué d'indemnité de procédure à la recourante, celle-ci n'en ayant pas fait la demande (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 25 novembre 2015 par Madame A______ contre la décision de la commission du secret professionnel du 12 novembre 2015 ;

annule la décision de la commission du secret professionnel du 12 novembre 2015 en tant qu'elle porte sur la levée du secret professionnel vis-à-vis du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, du service de protection des mineurs et de l'enseignante principale de l'enfant B______ ;

renvoie la cause à la commission du secret professionnel pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______ ainsi qu'à la commission du secret professionnel.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :