Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1502/2024 du 23.12.2024 sur JTAPI/1182/2024 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3980/2024-MC ATA/1502/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 décembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2024 (JTAPI/1182/2024)
A. a. A______, né le ______ 1991, est originaire de Gambie. Il est titulaire d'un passeport gambien délivré le 24 janvier 2022 et valable jusqu'au 24 janvier 2027.
b. Selon la base de données centrale de l'Union européenne EURODAC, A______ a déposé des demandes d'asile le 31 décembre 2013 en Italie et le 4 août 2015 en Allemagne.
Il a également déposé une demande d'asile en Suisse le 6 juin 2015, qui a toutefois été radiée en raison de la disparition de l'intéressé.
c. De 2017 à 2024, A______ a été condamné à 19 reprises par les autorités pénales suisses pour diverses infractions à la législation sur les étrangers, contraventions et délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), violence ou menace contre les autorités ou fonctionnaires (art. 285 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), dommages à la propriété (art.144 al. 1 CP) et empêchements d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).
En dernier lieu, il a été condamné par jugement du 25 juin 2024 par le Tribunal de police de Genève à une peine privative de liberté de huit mois, sous déduction de 85 jours de détention avant jugement, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]), non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et infraction à l'art. 19 al. 1 let c LStup. Sa libération conditionnelle ayant été refusée par ordonnance du Tribunal d'application des peines et mesures (TAPEM) du 28 août 2014, il a terminé d'exécuter sa peine le 1er décembre 2024.
d. À plusieurs reprises depuis 2020, A______ a été refoulé, en application de l'art. 18 al. 1 let. b et d du Règlement (UE) n° 604/2013, en Italie ou en Allemagne.
Depuis 2017, il a par ailleurs fait l'objet de mesures d'éloignement (interdiction d'entrée en Suisse notifiée le 29 septembre 2020, valable jusqu'au 29 janvier 2024, et interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une période de 24 mois, notifiée le 9 août 2023), qu'il n'a pas respectées.
e. À ce jour, il fait l'objet des décisions en force suivantes :
- décision de renvoi de Suisse, ainsi que du territoire des états membres de l'Union européenne et des états associés à Schengen, prononcée le 22 février 2024 par l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) et notifiée le 23 février 2024 à l'intéressé ;
- décision d'interdiction d'entrée en Suisse pour une durée de cinq ans dès la date de son départ, prononcée le 27 février 2024 par le secrétariat d'état aux migrations (SEM) et notifiée le 29 février 2024 à l'intéressé ; cette décision précise que son effet s'étend à l'ensemble du territoire des états Schengen ;
- expulsion judiciaire de Suisse pour une durée de cinq ans prononcée le 25 juin 2024 par le Tribunal de police de Genève en application de l'art. 66abis al. 1 CP).
f. Le 28 novembre 2024, A______ a refusé d'embarquer à bord de l'avion devant le renvoyer en Gambie.
B. a. Le 1er décembre 2024, le commissaire de police a prononcé à l'encontre d'A______ un ordre de détention administrative pour une durée de six mois, en application des art. 75 al. 1 let. b et g et 76 al. 1 let. b ch. 1 à 4 LEI.
b. Entendu le 3 décembre 2024 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a confirmé refuser de retourner en Gambie. Il a motivé ce refus par son homosexualité, alléguée à teneur du dossier pour la première fois à cette occasion, laquelle était également la raison pour laquelle il avait initialement quitté son pays. Il a ajouté vouloir déposer une demande d'asile compte tenu des risques qu'il courait en cas de retour en Gambie.
c. La représentante du commissaire de police a pour sa part indiqué que, dans la mesure où les vols avec escorte policière n'étaient pas possibles à destination de la Gambie, A______ avait été inscrit pour un vol spécial. Elle a remis au TAPI une enveloppe contenant la confirmation par le SEM de cette inscription ainsi qu'une estimation de la période – début de l'année 2025 – au cours de laquelle un tel vol était en l'état prévu.
d. Par jugement du 3 décembre 2024, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention du 1er décembre 2024 pour une période de six mois, soit jusqu'au 31 mai 2025.
Les conditions de la mise en détention prévues par les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. b et g. LEI, ainsi que 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI étaient réalisées.
Il existait un intérêt public certain à exécuter le renvoi de l'intéressé et une mesure de détention était à la fois apte et nécessaire à cette fin. Les autorités compétentes pour l'exécution du renvoi avaient agi avec diligence et la durée de la détention n'apparaissait pas disproportionnée au vu des démarches en cours et à entreprendre. Le TAPI avait à cet égard pu vérifier qu'un vol spécial avait été réservé et pourrait avoir lieu pendant la durée de la détention,
Il n'appartenait enfin pas au TAPI de déterminer si les allégations de l'intéressé relatives à son homosexualité – qu'aucune pièce du dossier ne permettait de confirmer – et aux risques qui en résulteraient pour lui en cas de renvoi en Gambie étaient ou non crédibles.
C. a. Par acte du 16 décembre 2024, A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.
Il déposait simultanément à son recours une demande de reconsidération de la décision de renvoi du 22 février 2024, dont il n'avait pas saisi au moment de sa notification qu'elle s'étendait également aux états de l'espace Schengen, croyant qu'il serait refoulé comme par le passé en Italie ou en Allemagne.
Il déposait également le même jour une demande de report de l'expulsion judiciaire prononcée le 25 juin 2024 par le Tribunal de police ainsi qu'une requête d'asile.
C'était en violation des art. 80 al. 6 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), 5 de la la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) et 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) que le TAPI avait renoncé à examiner le caractère exécutable du renvoi. Après avoir été agressé dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle, il avait vécu son homosexualité de manière très discrète en Europe, de telle sorte qu'il ne pouvait en apporter aucune preuve. Il avait néanmoins récemment pris contact, par l'intermédiaire de son conseil, avec des associations susceptibles de lui venir en aide. Son renvoi en Gambie, où l'homosexualité était passible de sanctions pénales pouvant atteindre quatorze ans d'emprisonnement, violerait l'art. 3 CEDH.
b. Dans ses observations du 19 décembre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.
Bien qu'il en ait eu l'occasion à de nombreuses reprises, notamment lors de ses auditions par l'autorité les 21 juin 2017, 13 janvier 2022 et 4 avril 2024, A______ n'avait jamais, jusqu'à son audition par le TAPI le 3 décembre 2024, mentionné sa prétendue homosexualité. Celle-ci ne constituait au demeurant pas, selon la jurisprudence, une cause d'impossibilité du renvoi ou de l'expulsion.
Les conditions d'une mise en détention administrative étaient réalisées : aux dispositions retenues dans le jugement attaqué s'ajoutait désormais l'art. 75 al. 1 let. f LEI.
Sous l'angle de la proportionnalité, il était manifeste que la mise en détention de l'intéressé, qui avait fait l'objet de multiples condamnations pénales, notamment pour trafic de drogues dites « dures » (cocaïne et crack), avait violé de manière réitérée les interdictions d'entrée ou de territoire prononcées à son encontre, avait expressément refusé de rentrer dans son pays d'origine et avait refusé d'embarquer à bord d'un avion à destination de la Gambie, était le seul moyen de garantir l'exécution de son expulsion. L'intérêt public à cette exécution l'emportait sur son intérêt personnel à ne pas être privé de sa liberté.
c. Dans sa réplique, le recourant a fait valoir que l'art. 42 LAsi permettait à toute personne ayant déposé une demande d'asile d'y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure d'asile. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 140 II 409 consid. 2.3.3), le maintien en détention administrative d'un requérant d'asile fondé sur l'art. 75 al. 1 let. f LEI était admissible si l'on pouvait compter dans un avenir prévisible sur une clôture de la procédure d'asile et une exécution du renvoi. Tel n'était pas le cas en l'espèce puisque la requête d'asile venait d'être déposée.
d. La cause a été gardée à juger le 20 décembre 2024.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
1.1 Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 16 décembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
1.2 À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).
2. Le recourant conclut à l’annulation de sa mise en détention administrative.
2.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
2.2 En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 LEI (art. 75 al. 1 let. b LEI), franchit la frontière malgré une interdiction d'entrée en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI), ou encore menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI).
Une mise en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion est également possible lorsque des éléments concrets font craindre qu’elle entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).
Enfin, une telle mise en détention est possible lorsque la personne concernée séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d'asile dans le but manifeste d'empêcher l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion ; tel peut être le cas notamment lorsque le dépôt de la demande d'asile aurait été possible et raisonnablement exigible auparavant et que la demande est déposée en relation chronologique étroite avec une mesure de détention, une procédure pénale, l'exécution d'une peine ou la promulgation d'une décision de renvoi (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. f LEI).
2.3 En l'occurrence, le recourant fait l'objet de décisions de renvoi et d'expulsion de première instance. Le fait qu'il ait requis la reconsidération de la première et la suspension de l'exécution de la seconde est dénué de pertinence dans le cadre de l'examen de la réalisation des conditions de la détention administrative en vue du renvoi ou de l'expulsion, telles que prévues par l'art. 76 al. 1 LEI.
Il résulte par ailleurs du dossier que le recourant n'a pas respecté les décisions d'interdiction de pénétrer sur le territoire de Genève notifiée le 9 août 2023 ni la décision d'interdiction d'entrée en Suisse notifiée le 29 septembre 2020. Il a par ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour avoir participé à un trafic de stupéfiants portant sur des drogues dites « dures » (cocaïne et crack), ce qui, ajouté à l'absence de toute source légitime de ressources, doit conduire à retenir un risque non négligeable de récidive. Il n'a enfin pas respecté les décisions de renvoi prises à son encontre, a exprimé à plusieurs reprises qu'il n'entendait pas rentrer dans son pays d'origine et, le 28 novembre 2024, a refusé de monter à bord d'un vol à destination de ce pays.
Au vu de ces comportements, le TAPI a retenu que les conditions d'une détention administrative prévues par les art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, ainsi que 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en relation avec l'art. 75 al. 1 let. b, c et g LEI, étaient réalisées. À juste titre, le recourant ne le conteste pas.
À cela s'ajoute que, à la suite de sa mise en détention administrative et à la confirmation de celle-ci par le TAPI, le recourant, dont la présence en Suisse remonte à tout le moins à l'année 2017, a (re)déposé une demande d'asile. Sa détention administrative est ainsi également fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. f LEI.
3. Le recourant soutient que l’exécution de son renvoi n’est pas exigible, notamment en raison des risques que son homosexualité alléguée lui ferait courir dans son pays d'origine.
3.1 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).
3.2 À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention est levée si le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l’étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d’origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1120/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.5 ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10).
3.3 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
3.4 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio‑économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).
3.5 L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).
3.6 Dans le cas d'espèce, il sera relevé en premier lieu que le recourant s'est vu notifier le 23 février 2024 une décision de renvoi indiquant expressément que sa portée s'étendait à l'ensemble des états de l'Union européenne et de l'espace Schengen. Bien que connaissant à ce moment déjà son homosexualité alléguée ainsi que les risques qu'elle lui ferait courir en Gambie – puisqu'il indique que c'est en raison de ces risques qu'il aurait initialement quitté ce pays – il s'est abstenu de contester cette décision, admettant ainsi implicitement que son renvoi en Gambie était exigible.
En deuxième lieu, comme l'a relevé le TAPI et comme il le concède lui-même, aucune pièce du dossier ne permet de confirmer ou même de rendre vraisemblables les allégations du recourant selon lesquelles il serait homosexuel. Au contraire, la tardiveté et les circonstances des assertions y relatives du recourant, qui ne prétend pas qu'il aurait mentionné son homosexualité alléguée lors d'une quelconque de ses – pourtant nombreuses – auditions par les autorités pénales et de police des étrangers depuis 2017, ne permettent pas d'exclure l'hypothèse qu'il s'agisse là d'un argument de dernier recours, visant à éviter un renvoi non souhaité dans son pays d'origine. De simples affirmations de la part du recourant, de même que le fait qu'il aurait, postérieurement à sa mise en détention, pris contact avec des associations ayant pour activité la protection des personnes homosexuelles, ne sauraient lever les doutes subsistant.
Pour cette raison déjà, il ne peut être retenu que, en cas de retour dans son pays d'origine, le recourant y courrait un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH.
À cela s'ajoute que la chambre de céans a eu l'occasion d'examiner dans un arrêt récent (ATA/890/2024 du 30 juillet 2024 consid. 3.3.6), au regard de l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH dans la cause B. et C. contre Suisse (requêtes nos 889/19 et 43987/16) et d'un arrêt prononcé le 2 août 2022 par la chambre pénale de recours (ACPR/516/2022 précité consid. 3.4 et 3.5) puis confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 7B_149/2022), s'il pouvait être considéré de manière générale que les personnes homosexuelles couraient en Gambie un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH. Elle a répondu de manière négative à cette question, relevant notamment que, dans son arrêt précité, la CourEDH avait analysé la situation de manière nuancée, soulignant en particulier que les sanctions pénales réprimant l'homosexualité en droit gambien n'étaient en réalité plus appliquées, les risques de traitements contraires à l'art. 3 CEDH provenant plutôt – à la date de l'arrêt – d'acteurs non étatiques. La simple allégation par le recourant des peines prévues par le droit pénal gambien en cas d'homosexualité n'aurait donc pas permis à elle seule de retenir l'existence pour le recourant d'un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH, et ce même dans l'hypothèse non réalisée où son homosexualité avait été rendue vraisemblable.
L'argument tiré de l'inexigibilité du renvoi sera donc écarté.
4. Le recourant conteste la proportionnalité de la détention administrative, tant dans son principe que dans sa durée. Il fait notamment valoir que l'art. 42 LAsi s'opposait à son renvoi de Suisse pendant la durée de la procédure d'asile qu'il venait d'engager, de telle sorte que l'exécution de la décision de renvoi ne serait plus possible dans un avenir proche.
4.1 La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; ATA/1037/2022 du 14 octobre 2022 consid. 4 et l’arrêt cité).
4.2 Aux termes de l’art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).
Conformément à l’art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.
La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).
Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).
4.3 Selon l'art. 42 LAsi, quiconque dépose une demande d'asile en Suisse peut y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure.
La procédure d'asile débute par une phase préparatoire durant au maximum dix jours pour les procédures dites « Dublin » et 21 jours pour les autres (art. 26 al. 1 LAsi). Au terme de cette phase préparatoire, la procédure d'asile se poursuit sous forme accélérée – auquel cas une décision de première instance doit être rendue dans les huit jours ouvrables suivant la fin de la phase préparatoire – ou, si des mesures d'instruction sont nécessaires, sous forme étendue, auquel cas une décision de première instance doit être rendue dans les deux mois suivant la fin de la procédure préparatoire (art. 26c, 26d et 37 al. 2 et 4 LAsi).
La demande d'asile est rejetée si la qualité de réfugié n'est ni prouvée ni rendue vraisemblable ou s'il existe un motif d'exclusion au sens des art. 53 et 54 LAsi. L'art. 53 let. c LAsi prévoit que l'asile n'est pas accordé au réfugié qui est sous le coup d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66a bis CP.
4.4 En l'occurrence, le recourant, qui a démontré à de multiples reprises, que ce soit par la commission répétée d'infractions ou par le non-respect des décisions rendues à son encontre en matière de police des étrangers, faire peu de cas des instructions reçues des autorités, a expressément indiqué qu'il refusait d'être renvoyé en Gambie. Il a par ailleurs refusé d'embarquer sur un vol à destination de ce pays. Il existe donc un risque important qu'il ne défère pas à une convocation en vue d'embarquer sur un vol spécial, voire qu'il tente de disparaître dans la clandestinité, de telle sorte que sa mise en détention constitue le seul moyen pour assurer sa présence le moment venu.
L'intérêt public à l'exécution de son renvoi, au vu notamment des nombreux actes délictuels qu'il a commis en Suisse, l'emporte par ailleurs sur son propre intérêt à demeurer en liberté.
Les autorités chargées de l'exécution du renvoi se sont comportées de manière diligente, d'abord en réservant pour le recourant une place à bord d'un vol à destination de la Gambie pour le 28 novembre 2024, soit avant même qu'il ait terminé de subir la peine privative de liberté qui lui avait été infligée, puis en l'inscrivant pour un vol spécial, étant précisé qu'il n'est pas contesté que les vols avec accompagnement ne sont pas possibles vers la Gambie.
La durée de la détention administrative demeure dans les limites fixées par l'art. 79 LEI et est proportionnée aux démarches engagées. Le vol spécial à bord duquel le recourant devrait prendre place est en l'état prévu pour le début de l'année 2025, et une certaine marge de manœuvre doit être laissée à l'autorité pour en organiser les modalités précises et coordonner l'exécution éventuelle du renvoi avec le déroulement de la procédure d'asile.
Rien ne permet enfin de penser qu'il ne pourra être statué – à tout le moins par une décision de première instance – sur la demande d'asile déposée par le recourant dans un délai compatible – si elle devait être rejetée – avec l'exécution du renvoi.
Le principe de la proportionnalité est donc respecté.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Dina Bazarbachi, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l’établissement de détention administrative de l’aéroport de Zurich (Flughafengängnis), pour information.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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