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A/2654/2023

ATA/1171/2024 du 08.10.2024 sur JTAPI/460/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2654/2023-PE ATA/1171/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leurs noms et aux noms et pour le compte de leurs enfants mineurs C______ et D______ et E______

représentés par Me Michel CELI VEGAS, avocat recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2024 (JTAPI/460/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1981, son épouse, B______, née le ______ 1982, et leurs enfants E______, né le ______ 2005, C______, né le ______ 2008, et D______, né le ______ 2016, sont ressortissants du Kosovo.

A______ est venu en Suisse sans autorisation. Ses allégations quant à la date de son arrivée sont fluctuantes.

Sa femme et ses enfants sont venus le rejoindre en Suisse en juillet 2019, sans autorisation.

b. A______ travaille en qualité de peintre en bâtiment. Il perçoit un salaire mensuel moyen net de CHF 4'744.35 auprès de F______ SàRL entreprise de gypserie, peinture, selon ses fiches de salaire de janvier à mai 2024.

c. La famille ne perçoit aucune prestation financière de l’hospice général. Elle loge à l’avenue G______ pour un loyer mensuel de CHF 1'645.-.

d. Les époux ne font l’objet d’aucune poursuite ni d’acte de défaut de biens.

e. Le couple possède des compétences de français de niveau A1 à l’oral selon un examen du 20 octobre 2022 pour l’épouse et 29 août 2023 pour son mari. Selon une attestation du 23 décembre 2022 de l’association H______, centre d’accueil, de formation et d’insertion professionnelle, l’intéressée suivait des cours de français depuis septembre 2019 et semblait avoir acquis un niveau A2 pour la communication et la compréhension orale.

B______ a participé au conseil des habitants de la commune de I______ les 23 septembre, 14 octobre, 18 novembre et 9 décembre 2023 dans le cadre d’un projet du bureau de l’intégration.

f. E______ était scolarisé à l’école de culture générale J______ (ci-après : ECG) en troisième année en 2023/2024. Selon son bulletin scolaire du 29 janvier 2024, sa moyenne générale était de 4.4. Il avait une moyenne insuffisante (italien : 3.3), quatorze absences excusées, une non excusée et quatre devoirs non faits/oublis. Selon son responsable de groupe, il avait effectué un bon premier semestre et il l’en félicitait. Des efforts supplémentaires étaient attendus en italien. Dix jours de stage devaient encore être validés avant fin avril 2024.

Il a réussi son cours de premiers secours destiné aux candidats au permis de conduire.

g. C______ était scolarisé à l’école de culture générale J______ en première année en 2023/2024. Selon son bulletin scolaire du 30 janvier 2024 sa moyenne générale était de 4.3. Il avait deux moyennes insuffisantes (italien : 2.6 ; mathématiques : 3.9), dix-sept absences excusées, huit non excusées, cinq arrivées tardives, cinq devoirs non faits/oublis. Selon son responsable de groupe, il devait impérativement faire de gros efforts en italien. Il lui était conseillé de suivre des cours d’appui. Sa promotion se jouait à 0.1 point.

h. Pendant l’année scolaire 2023/2024, D______ était en 3e primaire. Les documents produits ne concernent que l’année précédente.

i. Le 28 juillet 2021, A______ a sollicité un visa de 30 jours pour rendre visite à sa famille.

j. La demande de permis de séjour pour cas de rigueur du 27 juin 2017 de A______ a été refusée par décision définitive de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) du 15 janvier 2018. Son renvoi a été prononcé. Il avait indiqué être arrivé en Suisse courant 2012.

k. Par ordonnance pénale du 10 mai 2024, entrée en force, A______ a été condamné à 180 jours amende pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), notamment pour tentative d’induire en erreur les autorités.

Le 30 juillet 2018, dans le cadre du dépôt de sa demande Papyrus, il avait fabriqué et annexé des feuilles d’heures et neuf fiches de salaire de la société K______ SàRL couvrant les années 2008 et 2009 alors qu’il n’avait jamais travaillé pour cette entreprise, dans le but de tromper l’OCPM sur la réalité de la durée de son séjour et son travail en Suisse et lui permettre d’obtenir un titre de séjour.

B. a. Le 30 juillet 2018, A______ a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour dans le cadre de l’opération Papyrus. Il a indiqué résider en Suisse depuis 2007. À l’appui de sa demande, il a notamment fourni des fiches de salaire, un contrat de travail, un formulaire M, un extrait de casier judiciaire vierge, des attestations de l’office des poursuites et de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) ainsi que la copie de son passeport.

À la demande de l’OCPM, il a complété son dossier par des attestations de l’Hospice général et de l’office des poursuites, une attestation d’inscription au test de français ainsi qu’une attestation de connaissance de la langue française niveau A2, puis par un extrait de compte individuel AVS, un extrait de casier judiciaire ainsi qu’une attestation de l’Hospice général.

b. Le 9 mai 2022, l’OCPM a dénoncé A______ au Ministère public pour suspicion de faux documents.

c. Le 6 octobre 2022, A______ a été auditionné par les services de police. Il a notamment déclaré être arrivé en Suisse pour la première fois en avril 2009, avant de repartir pour le Kosovo en décembre 2009. Peu après, il était revenu en février 2010 pour regagner à nouveau son pays d’origine en 2011. Il était ensuite revenu en Suisse en août 2012 avant de retourner au Kosovo en 2013. Enfin, il était une fois de plus revenu en février 2014, puis reparti dans sa patrie en fin d’année 2015, avant de revenir en Suisse en janvier ou février 2016. Sa femme et ses enfants étaient en Suisse depuis juillet 2019, sans titre de séjour valable. Il a admis avoir payé un compatriote afin qu’il rédige une attestation de connaissance de la langue française et qu’il n’avait jamais passé un tel test. Par ailleurs, après la décision de renvoi du 15 janvier 2018, il était parti au Kosovo mais était revenu ultérieurement en Suisse. Il avait également formulé une demande d’asile en France en 2012.

d. Le 23 janvier 2023, A______ a déposé une demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses trois enfants.

e. Le 17 mai 2023, la famille a sollicité de l’OCPM des autorisations de séjour pour « cas de rigueur ».

f. Par décision du 21 juin 2023, l’OCPM a refusé la demande de régularisation du séjour de A______ ainsi que des membres de sa famille, et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Lors de son audition par les services de police du 6 octobre 2022, il avait admis avoir quitté la Suisse suite à la décision de renvoi prononcée le 15 janvier 2018 et être revenu à une date indéterminée. Sa situation ne correspondait dès lors pas aux critères de l’opération Papyrus, notamment sous l’angle de la durée du séjour.

Par ailleurs, bien qu’aucune condamnation n’avait été prononcée, il avait reconnu avoir payé une tierce personne afin d’obtenir l’attestation de connaissance de la langue française niveau A2 et ainsi avoir induit en erreur l’autorité. Il avait également omis d’informer du dépôt de sa demande d’asile en France dans le courant de l’année 2012. Cette façon d’agir démontrait un comportement inadéquat pour toute personne souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Il n’avait pas établi qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place. Il avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, de sorte qu’il y était encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’était pas si profonde et irréversible qu’un retour dans son pays constituerait un déracinement complet. Il avait bénéficié de plusieurs visas ces derniers années afin de se rendre au Kosovo où se trouvaient encore, jusqu’en septembre 2019 à tout le moins, son épouse et ses enfants.

Enfin, il n’invoquait pas l’existence d’obstacles à son retour dans son pays d’origine.

Dans ces conditions, la demande de regroupement familial déposée pour le compte de son épouse et de leurs enfants devenait sans objet.

C. a. Par acte daté du 4 octobre 2021 déposé à La Poste le 23 août 2023, A______ et les membres de sa famille ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée concluant, préalablement, à ce qu’il ordonne leur comparution personnelle, principalement, annule la décision précitée et, subsidiairement, renvoie le dossier à l’OCPM pour nouvel examen.

A______ résidait de manière continue en Suisse depuis 2014, de sorte que la condition de la durée de séjour de cinq ans pour une famille était largement remplie.

Il avait reconnu et regrettait qu’il y eut des erreurs lors de la création de son dossier de régularisation. Sa négligence ne devait cependant pas porter préjudice à l’ensemble des membres de sa famille.

Cette dernière était très bien intégrée à Genève. Il avait une activité lucrative stable et disposait d’un revenu supérieur à CHF 5'616.-, de sorte à subvenir aux besoins des siens. Les trois enfants étaient scolarisés et obtenaient de bons résultats. Ils parlaient bien le français et continuaient leurs efforts pour mieux maitriser la langue.

Ils n’avaient plus aucun soutien au Kosovo. Leur réintégration était impossible et un retour dans leur pays d’origine constituerait un véritable déracinement.

Il convenait également de prendre en compte les dispositions pertinentes de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) relatives à l’unité familiale.

b. Par jugement du 16 mai 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Les déclarations de A______ sur la durée de son séjour divergeaient : il avait indiqué être arrivé en Suisse en 2012 (demande du 27 juin 2017), puis 2007 (demande Papyrus), puis 2009 avec de nombreux allers-retours entre la Suisse et le Kosovo jusqu’à 2016 (audition par les services de police). À teneur du dossier, en particulier son extrait de compte individuel AVS, il ne parvenait à démontrer son séjour, au mieux, qu’à partir de l’année 2014. Son séjour allégué concernant la période 2009 à 2014 devait être fortement relativisé. Partant, il ne remplissait manifestement pas la condition de séjour continu de dix ans minimum nécessaire à l’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre de l’opération « Papyrus ».

Sa femme et ses enfants étaient arrivés en juillet 2019, soit après la fin de l’opération Papyrus, de sorte que la durée de leur séjour en Suisse n’avait pas à être prise en compte sous cet angle. Les conditions strictes nécessaires à l’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’opération « Papyrus » n’étaient pas remplies.

Au moment du dépôt de sa requête de régularisation, A______ ne pouvait se prévaloir, au mieux, que d’un séjour continu depuis 2014, soit une durée de quatre ans. Il avait toujours séjourné en Suisse sans titre de séjour. Depuis le dépôt de sa demande d’autorisation, le 30 juillet 2018, son séjour se poursuivait au bénéfice d’une simple tolérance. Son épouse et ses enfants n’étaient pas encore présents sur le territoire au moment de la demande d’autorisation de séjour. La durée de leur séjour devait être relativisée.

Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait pas être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Il ne s’était pas investi dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Actif dans le domaine du bâtiment, il ne pouvait se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays. Il n’avait pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable. S’il n’avait certes pour l’heure pas fait l’objet d’une condamnation pénale, les faits qui lui étaient reprochés, et qu’il avait expressément admis avoir commis, démontraient à l’évidence son manque d’intégration. S’il avait effectivement avoué avoir produit de faux documents, ses déclarations ne pouvaient pas être considérées comme une preuve de sa bonne foi, celles-ci n’étant intervenues qu’au stade de son audition par la police.

Aucun élément du dossier ne démontrait que son épouse exercerait une activité professionnelle, bien qu’elle suive des cours de français. Son intégration socio‑professionnelle ne pouvait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle.

A______ était arrivé à l’âge de 28 ans, selon ses déclarations du 6 octobre 2022. Il avait passé toute son enfance et son adolescence ainsi que le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine et en maîtrisait manifestement la langue ainsi que les us et coutumes. Il pourrait faire valoir au Kosovo les compétences linguistiques et professionnelles acquises à Genève. Il était encore jeune et en bonne santé. Il en allait de même de son épouse. Il pouvait être exigé qu’ils retournent vivre dans leur pays d’origine.

E______, arrivé en Suisse en 2019 alors âgé de 14 ans, avait 19 ans. La durée de son séjour devait être relativisée, n’étant pas autorisé mais toléré. Sur le plan de l’intégration, sa situation était plus délicate, dès lors qu’il avait passé presque toute son adolescence en Suisse, période jugée essentielle pour la formation de la personnalité. Un tel élément ne justifiait toutefois pas, en soi et à lui seul, de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à moins de reconnaître, de facto, un droit à chaque jeune passant la totalité de son adolescence en Suisse à y demeurer. Il fallait déterminer si sa relation avec la Suisse était si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans son pays d’origine. À Genève, il avait suivi sa scolarité obligatoire à l’école publique et poursuivait actuellement ses études auprès de l’ECG. Sa scolarité pouvait ainsi être qualifiée de bonne. Cependant, même en reconnaissant que le processus d’intégration entamé par E______ depuis son arrivée en Suisse ne pouvait être nié, il n’était pas à ce point profond et irréversible qu’un renvoi ne puisse être envisagé. Il avait en effet passé son enfance et le début de son adolescence dans son pays d’origine, de sorte qu’il en maîtrisait manifestement les us et coutume. Ainsi, sous l’angle de la durée, du degré de réussite, de l’effort d’intégration et de l’état d’avancement de sa formation, son renvoi ne représenterait pas une rigueur excessive, étant par ailleurs observé que les compétences qu’il avait acquises en Suisse devraient lui profiter dans la suite éventuelle de sa formation et que sa bonne intégration scolaire dénotait des capacités d’adaptation qu’il pourrait sans doute mettre à profit dans son pays natal.

Il en allait de même de C______, arrivé en Suisse à l’âge de 12 ans et aujourd’hui âgé de 16 ans. Bien que scolarisé, il ne pouvait être retenu qu’il aurait fait preuve en Suisse d’une intégration particulière. En outre, il avait passé toute son enfance et les prémisses de son adolescence au Kosovo, de sorte qu’un renvoi dans son pays d’origine ne serait manifestement pas constitutif d’un déracinement.

Enfin, s’agissant d’D______, âgé de 3 ans à son arrivée et désormais âgé de 8 ans, scolarisé à Genève depuis son arrivée, compte tenu de la capacité d’adaptation des jeunes enfants, un déménagement dans son pays d’origine, en compagnie de ses parents qui s’occupaient de lui depuis sa naissance, ne représenterait pas un obstacle insurmontable pour lui.

L’art. 8 CEDH n’était d’aucun secours aux recourants, ces derniers n’ayant pas séjourné légalement en Suisse pendant au moins dix ans, ni ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration.

La décision de l’OCPM était conforme au droit.

D. a. Par acte du 20 juin 2024, A______ et B______, agissant en leurs noms et pour le compte de C______ et D______, ainsi qu’E______ (ci-après : les recourants) ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation, ainsi qu’à celle de la décision de l’OCPM et à ce qu’ils soient autorisés à séjourner sur le territoire suisse en raison d’un cas de rigueur et de l’art. 8 CEDH. Préalablement, une comparution personnelle devait être ordonnée.

Le recourant avait résidé sur le territoire helvétique de manière irrégulière entre 2009 et 2019, année au cours de laquelle il s’y était établi. Il se trouvait dès lors en Suisse depuis une période continue de plus de cinq ans, à l’instar de ses enfants. Le couple avait réussi l’examen « FIDE » de langue. E______ poursuivait sa scolarité à l’école de culture générale où il obtenait d’excellents résultats. C______ et D______ (sic) « [avaie]nt suivi les premières années de l’école primaire au Kosovo mais [continuaient] leur éducation à Genève ». La famille était au bénéfice d’assurances-maladie. Les revenus du recourant étaient déclarés auprès de l’AVS. Il était financièrement indépendant et pouvait assumer les charges incompressibles de sa famille. Ils participaient à la vie sociale et culturelle de la ville et pouvaient compter sur de nombreuses amitiés à Genève.

L’art. 30 al. 1 let. b LEI avait été violé, sous l’angle des années passées en Suisse, des connaissances en langue française, de la demande d’asile en France et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance.

Le TAPI avait procédé à une interprétation « arbitraire et disproportionnée ».

Les arguments et le contenu des pièces produites seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. A______ avait été condamné par ordonnance pénale du 10 mai 2024 à 180 jours amende pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) pour avoir produit de faux documents dans le cadre de la procédure Papyrus.

c. Dans le délai imparti pour répliquer, les recourants ont transmis une correspondance de la docteure L______, spécialiste FMH en pédiatrie, concernant le projet professionnel d’E______. Ils sollicitaient une audience dans le but de détailler les projets personnels et professionnels de leurs enfants.

Selon l’annexe, la praticienne était la pédiatre des enfants. E______ venait de terminer l’ECG avec option Matura (filière santé) avec le projet de devenir infirmier. Sans permis de séjour, il ne pourrait pas s’inscrire et sa demande semblait liée à la demande du reste de sa famille, même majeur. Il était difficile de comprendre les raisons pour lesquelles il était obligé de retarder sa formation professionnelle d’au moins une année en raison de formalités administratives. S’il ne s’inscrivait pas pour la rentrée « prochaine » il perdrait le droit de le faire ultérieurement. La Suisse manquait de personnel soignant qualifié et engageait des infirmiers avec une formation étrangère. E______ était motivé et qualifié pour suivre une formation suisse de haute qualité. Elle lui avait conseillé de faire une formation d’auxiliaire de soins à la Croix-Rouge, de travailler dans les soins des personnes âgées pour s’occuper durant cette année « sabbatique » et gagner de l’expérience pratique avant de se lancer dans les études. Elle sollicitait « toute souplesse possible dans le traitement de la demande de permis B pour Monsieur E______» dans le but de lui permettre de poursuivre ses ambitions professionnelles dans une filière qui manquait de jeunes.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent une audience de comparution personnelle des parties aux fins d’expliquer les projets personnels et professionnels notamment de leurs enfants.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n’implique pas le droit à l’audition orale (art. 41 LPA) ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, les recourants ont versé de très nombreuses pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI. Ils ont actualisé notamment leurs pièces devant la chambre de céans y compris dans le cadre de leur réplique où ils ont produit l’attestation de la pédiatre des enfants. Les besoins en personnel infirmier et la motivation d’E______ pour une telle formation ne sont pas contestés. Les projets personnels et professionnels de C______ et D______ ne sont en l’état pas déterminants pour l’issue de la présente procédure, au vu de leur scolarité, respectivement en 2e ECG depuis août 2024 et en primaire. Une audience de comparution personnelle des parties n’est en conséquence pas nécessaire, étant rappelé qu’il n’existe pas de droit, en application de l’art. 41 LPA, à la tenue d’une telle audience.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l’OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier des recourants avec un préavis favorable, et prononçant leur renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007
(OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 pour la demande en lien avec l’opération Papyrus, sont régies par l’ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse ([SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6.12).

3.3 L’« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d’une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l’examen des cas individuels d’extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s’agit pas d’un nouveau droit de séjour en Suisse ni d’une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu’elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d’un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l’âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L’« opération Papyrus » n’emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu’à celles relatives à la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l’examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

3.4 En l’espèce, le recourant a formulé sa demande de régularisation le 30 juillet 2018, soit alors que l’opération Papyrus était encore en cours. Il se prévaut du fait qu’il remplit tous les critères posés par cette opération.

Il ressort toutefois de ses déclarations à la police du 6 octobre 2022, qu’il serait arrivé en Suisse pour la première fois en avril 2009, avant de repartir pour le Kosovo en décembre 2009. Il est revenu en février 2010 pour regagner à nouveau son pays d’origine en 2011. Il a, à nouveau, séjourné en Suisse d’août 2012 avant de retourner au Kosovo en 2013. Enfin, il est revenu en février 2014, puis reparti dans sa patrie en fin d’année 2015, avant de revenir en Suisse en janvier ou février 2016. Après la décision de renvoi du 15 janvier 2018, il est parti au Kosovo mais est revenu ultérieurement en Suisse.

Il en résulte que le recourant ne remplit pas la condition nécessaire et cumulative d’avoir séjourné à Genève de manière continue pendant dix ans avant le dépôt de sa requête Papyrus.

Sa femme et ses enfants n’étant venus en Suisse qu’en juillet 2019, soit une fois l’opération Papyrus terminée, l’intéressé ne peut pas se voir appliquer le délai de cinq ans prévu pour les familles avec enfants scolarisés.

C’est en conséquence à bon droit que l’OCPM a rejeté la demande de régularisation au titre de l’opération Papyrus.

4.             L’épouse et les enfants ont déposé une demande pour cas de rigueur le 23 janvier 2023, laquelle est soumise au nouveau droit.

4.1 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

4.2 L’art. 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) prévoit que, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse ([SEM], Directives LEI, ch. 5.6).

Selon l’art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration de l’étranger, l’autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d). Les art. 77a ss OASA concrétisent ces critères d’intégration (ATF 148 II 1 consid. 2.2).

4.3 En vertu de l’art. 77a OASA, il y a notamment non-respect de la sécurité et de l’ordre publics au sens de l’art. 58a al. 1 LEI lorsque la personne concernée viole des prescriptions légales ou des décisions d’une autorité. Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien droit qui garde sa pertinence pour l’interprétation du nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_342/2021 du 20 septembre 2021 consid. 6.2), des condamnations pénales mineures n’excluent pas forcément d’emblée la réalisation de l’intégration (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_342/2021 du 20 septembre 2021 consid. 6.2 ; 2C_541/2019 du 22 janvier 2020 consid. 3.4.1 et les arrêts cités).

À teneur de l’art. 77e OASA, une personne participe à la vie économique lorsque son revenu, sa fortune ou des prestations de tiers auxquelles elle a droit lui permettent de couvrir le coût de la vie et de s’acquitter de son obligation d’entretien.

Selon la jurisprudence, une intégration réussie n’implique pas nécessairement la réalisation d’une trajectoire professionnelle particulièrement brillante au travers d’une activité exercée sans discontinuité. L’essentiel en la matière est que l’étranger subvienne à ses besoins, n’émarge pas à l’aide sociale et ne s’endette pas de manière disproportionnée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_822/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.3 et les arrêts cités). L’impact de l’endettement dans l’appréciation de l’intégration d’une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si la personne les a remboursées ou s’y emploie de manière constante et efficace (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 7.2 et les arrêts cités).

L’absence de liens sociaux très étroits en Suisse n’exclut pas non plus d’emblée l’existence d’une intégration réussie, de même que l’absence de vie associative (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_642/2020 du 16 novembre 2020 consid. 5.2 et l’arrêt cité).

La jurisprudence a précisé que l’évaluation de l’intégration d’un étranger devait s’examiner à l’aune d’une appréciation globale des circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 2C_342/2021 du 20 septembre 2021 et les références citées).

Dans l’examen de ces critères d’intégration, les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_385/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4.1).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.4 Dans l’examen d’un cas de rigueur concernant le renvoi d’une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d’enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d’extrême gravité.

D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l’angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du TAF C_3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

4.5 En l’espèce, le recourant a reconnu avoir voulu tromper l’OCPM pour obtenir un permis de séjour. Il a produit de faux documents à l’intimé en vue de régulariser sa situation et a récemment fait l’objet d’une ordonnance de condamnation de 180 jours amende. Celle-ci n’est pas anodine, puisqu’elle a directement trait à l’un des critères permettant de retenir une intégration sociale réussie, à savoir le respect de l’ordre public. Or, le recourant, en produisant de faux relevés de salaire, a – quoi qu'il en dise – cherché à induire en erreur les autorités en vue d’obtenir un titre de séjour. Ce comportement dénote un mépris certain pour les institutions du pays. Il a par ailleurs tenu des propos contradictoires notamment sur sa date d’arrivée en Suisse et a caché avoir déposé une demande d’asile en France. Si le recourant est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. Bien qu’indépendant économiquement, il travaille dans le secteur de la construction et ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. Il bénéficie de quelques attestations, louant son intégration et ses qualités. Leur portée doit toutefois être relativisée, les documents présentant un texte type, dactylographié, identique sur au moins trois documents et émanant tous de voisins. Il n’allègue pas s’être investi dans une association culturelle ou sportive notamment. Pour le surplus, les possibilités de réintégration dans son pays d’origine sont bonnes. Il y a grandi, y est régulièrement retourné plusieurs mois selon ses propres déclarations. Sa femme et ses enfants y ont vécu jusqu’en 2019. Il est en bonne santé et pourra faire valoir les connaissances professionnelles et linguistiques acquises en Suisse, étant toutefois relevé qu’alors qu’il revendique avoir vécu en Suisse depuis 2009, il ne possède en français qu’un niveau A1, récemment obtenu, à l’oral. Les conditions d’un cas de rigueur ne sont en conséquence pas remplies pour le recourant.

La recourante et ses enfants sont arrivés en Suisse 2019, sans autorisation et y ont séjourné illégalement pendant plus de trois ans avant de solliciter une autorisation de séjour. La durée de leur séjour en Suisse de six ans peut être qualifiée de relativement longue, s’agissant de l’épouse et des enfants du requérant. Elle doit cependant être relativisée au vu de son caractère non autorisé.

L’épouse ne travaille pas et ne fait en conséquence pas l’objet d’une intégration professionnelle. L’intéressée prouve avoir un niveau de français à l’oral A1, voire, selon l’attestation de H______ A2, pour la communication et la compréhension orale. Elle a certes participé au conseil des habitants de I______ les 23 septembre, 14 octobre, 18 novembre et 9 décembre 2023 dans le cadre d’un projet du bureau de l’intégration. Ce seul élément ne permet toutefois pas de considérer qu’elle bénéficie d’une intégration sociale suffisante pour satisfaire aux conditions d’un cas de rigueur. S’agissant des possibilités de réintégration, la recourante a vécu 37 ans au Kosovo, y a suivi sa scolarité, vécu l’intégralité de son adolescence, soit les années jugées cruciales et déterminantes pour la formation de sa personnalité. Elle y a construit sa famille et éduqué ses enfants jusqu’en 2019.

L’analyse faite par le TAPI de la situation de chacun des enfants est détaillée et conforme aux exigences légales et jurisprudentielles. Elle est reprise dans la partie en fait du présent arrêt. Il peut y être renvoyé. Les enfants auront vécu près de six ans en Suisse, notamment, s’agissant d’E______ et C______, pendant leur adolescence. Leurs résultats scolaires sont bons et malgré quelques absences non excusées pour C______, leur attitude et comportement ne font pas l’objet de critiques. Certes la jurisprudence précitée relève qu’une adolescence en Suisse entraine une intégration accrue dans un milieu déterminé. Il ne ressort toutefois pas du dossier qu’ils se soient investis dans la vie de la cité notamment dans des clubs sportifs ou toute autre association ou groupe de jeunes. Aucune pièce au dossier, autre que leur parcours scolaire, ne fait mention d’amis, d’activités partagées, de loisirs en commun ou d’une intégration quelconque. Les quelques attestations produites n’évoquent que l’intégration de leur père. Il n’est dès lors pas démontré qu’ils se soient créés des liens amicaux si profonds en Suisse qu’il ne puisse être envisagé qu’ils retournent au Kosovo, où ils ont vécu quatorze années pour E______ et onze ans pour C______. Les enfants ont commencé leur scolarité au Kosovo, en connaissent les us et coutumes et en parlent la langue. Si certes D______ a vécu plus longtemps en Suisse (six ans) qu’au Kosovo (presque trois ans), son jeune âge (bientôt 8 ans) lui permettra de s’adapter rapidement au Kosovo, entouré de ses parents et de sa fratrie. Les recourants ont encore de la famille dans leur pays d’origine, une demande de visa ayant été formulée dans ce sens en juillet 2021. Les enfants sont en bonne santé et pourront faire valoir au Kosovo les compétences, notamment linguistiques, acquises en Suisse. E______ a fini sa scolarité à l’ECG et est dans l’attente de commencer une formation professionnelle. Il n’est pas allégué ni a fortiori démontré qu’il ne pourrait pas réaliser ses projets dans le domaine médical dans sa patrie d’origine. Le fait que la Suisse soit en manque de personnel infirmier n’est pas un critère qui permet à lui seul de considérer que les conditions, strictes, d’un cas de rigueur soient remplies. C______ a commencé sa seconde année à l’ECG. À l’instar d’D______, ils pourront poursuivre leur formation au Kosovo.

En conséquence, leur intégration au milieu socioculturel suisse n’est pas si profonde et irréversible qu’un retour dans leur patrie constituerait un déracinement complet. Le critère jurisprudentiel de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse permet de considérer que si, certes, les enfants ont réussi à s’intégrer au niveau scolaire, le renvoi décidé par l’OCPM dans le cadre d’une analyse globale de la famille, comme l’impose la loi, n’est pas incompatible et inexigible de la part des enfants qui pourront poursuivre leur cursus scolaire au Kosovo. Enfin, même à considérer qu’à teneur de la jurisprudence, l’appréciation de la situation de C______ devrait tendre à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, la situation globale de la famille ne permet pas de considérer que l’OCPM aurait abusé de son pouvoir d’appréciation compte tenu de l’intégration très limitée des parents, tant sur le plan professionnel, linguistique que socioculturel, et surtout de la condamnation pénale, définitive, du père pour des faits graves en lien avec la procédure d’autorisation de séjour.

Ainsi, au vu de tous les critères pertinents, pour chacun des recourants, c’est sans violer le droit, ni abuser de son large pouvoir d’appréciation, que l’autorité intimée a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants et à leurs trois enfants.

Le grief de violation de l’art. 30 al. 1 let. e LEI sera rejeté, étant précisé que les recourants ne peuvent se prévaloir de l’art. 8 CEDH, aucun membre de la famille, n’ayant de droit de séjour en Suisse.

Enfin, conformément aux considérants qui précèdent, l’analyse différenciée selon l’âge des enfants réalise la prise en compte de leur intérêt supérieur, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 CDE.

5.             Selon l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’a pas été prolongée
(let. c) en assortissant ce renvoi d’un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

En l’espèce, rien ne permet de retenir que l’exécution du renvoi des recourants ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

6.             Vu l’issue, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 juin 2024 par A______ et B______, agissant en leurs noms et aux noms et pour le compte de leurs enfants mineurs C______ et D______ ainsi que par E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ et B______, pris solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel CELI VEGAS, avocat des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.