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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/640/2023

ATA/1077/2024 du 10.09.2024 sur JTAPI/1394/2023 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/640/2023-LCI ATA/1077/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2024

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC recourant

contre

A______
B______ Sàrl
C______ SA intimés

représentés par Me Romain CANONICA, avocat

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2023 (JTAPI/1394/2023)


EN FAIT

A. a. Par décision du 8 octobre 2018, le département du territoire (ci-après : le département) a délivré l’autorisation de construire DD 1______ portant sur la construction d’un habitat groupé (47.70% en très haute performance énergétique [THPE]), d’un garage souterrain et l’abattage d’arbres sur les deux parcelles nos 5'037 et 3'231 – cette dernière étant une dépendance de la première – de la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune).

b. L’établissement et le dépôt de la demande d’autorisation de construire relative à ce projet ont été effectués par le bureau d’architecte D______.

c. À teneur des plans visés ne varietur relatifs à cette autorisation de construire, des éléments techniques (panneaux solaires photovoltaïques) devaient être installés sur l’ensemble du toit de l’immeuble et d’autres (système de ventilation de type double flux) dans ses sous-sols.

d. Par décision du 19 août 2019, faisant suite à une demande d’autorisation de construire complémentaire (enregistrée sous la référence DD 1______/2) déposée par le bureau d’architecte D______, le département a autorisé la création de balcons et de sauts-de-loup, non prévus dans l’autorisation de construire originelle.

e. Le 16 novembre 2019, un contrat d’entreprise générale a été conclu entre deux des copropriétaires des parcelles précitées et C______ SA (ci-après : C______ SA), entreprise générale, pour la construction de l’immeuble autorisé.

f. Par décision du 25 janvier 2021, faisant suite à une demande d’autorisation de construire complémentaire (enregistrée sous la référence DD 1______/3) déposée par A______ du bureau d’architecte B______ Sàrl (dont il est l’unique associé gérant, avec signature individuelle) en octobre 2020, le département a autorisé la création de deux sauts-de-loup au sous-sol de l’immeuble, lesquels n’étaient prévus ni dans l’autorisation de construire originelle DD 1______ ni dans celle complémentaire DD 1______/2, car requis a posteriori par deux copropriétaires.

B. a. À la suite d’une plainte, le département a ouvert le dossier d’infraction
n° I-2______ le 8 décembre 2021 et a interpellé A______ afin qu’il s’explique sur une installation technique sur la toiture de l’immeuble, laquelle n’aurait pas fait l’objet d’une autorisation de construire.

Le département a précisé que cette situation était susceptible de constituer une infraction à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et a invité A______ à se déterminer dans un délai de dix jours.

b. Par courrier du 22 décembre 2021, A______ a expliqué avoir remplacé l’installation technique autorisée (panneaux solaires en toiture) par un autre type d’installation technique (ventilation double-flux) et indiqué les raisons qui avaient motivé cette permutation technique.

c. Par décision du 28 janvier 2022, le département a considéré que la réalisation de l’installation incriminée ne correspondait pas aux plans visés ne varietur datés du 8 octobre 2018, ce qu’avait admis A______. L’installation technique en toiture n’ayant jamais été autorisée, elle ne pouvait être maintenue en l’état. Un délai de 30 jours lui était imparti pour requérir une autorisation de construire complémentaire.

Le prononcé d’une sanction administrative était réservé.

d. Par requête du 1er mars 2022, par l’intermédiaire de A______, C______ SA a déposé une demande d’autorisation de construire complémentaire portant sur la régularisation de l’installation technique en toiture. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 1______/4.

e. Lors de l’instruction de cette demande, le département a notamment recueilli l’avis de la commission d’architecture (ci-après : CA), laquelle a sollicité la production de pièces complémentaires, soit un reportage photographique, par préavis du 29 mars 2022, pour analyser l’impact visuel de l’installation réalisée, puis s’est déclarée défavorable au projet par préavis des 14 juillet et 29 septembre 2022. Dans son dernier préavis, elle a relevé que l’installation technique en toiture de grande envergure, de surcroît sur un attique, venait dénaturer l’architecture d’ensemble, avec un élément inesthétique qui avait un impact visuel péjorant sur le site. La proposition d’un écran en tôle perforée, qui ne réussissait pas à couvrir toutes les installations, ne résolvait pas la situation déjà désordonnée.

f. Les autres instances de préavis sollicitées ont émis des préavis favorables.

g. Par décision du 12 décembre 2022, le département a refusé d’octroyer l’autorisation de construire complémentaire DD 1______/4 sur la base de
l’art. 15 LCI. Faisant sien le préavis de la CA, il a estimé que le projet réalisé, de par ses dimensions, sa situation et son aspect portait atteinte au caractère du quartier.

h. Cette décision a été contestée le 31 janvier 2023 par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), lequel a rejeté le recours et confirmé la décision du 12 décembre 2022 par jugement JTAPI/1343/2023 du 30 novembre 2023. Ce jugement a fait l’objet d’un recours que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté par arrêt de ce jour.

i. Par décision du 20 janvier 2023 adressée à A______, avec pour adresse « c/o B______ Architecte, _____ – ______», le département lui a infligé une amende administrative de CHF 20'000.-, indiquant avoir notamment pris en considération le fait accompli devant lequel il l’avait placé et le statut de professionnel de l’immobilier de A______.

Il lui a aussi octroyé la possibilité de soumettre plusieurs propositions alternatives permettant d’atténuer l’impact négatif de l’installation litigieuse d’ici au 24 février 2023, faute de quoi, il donnerait la suite qu’il convenait au dossier, notamment un ordre de remise en état.

C. a. Par acte du 22 février 2023, A______, B______ Sàrl et C______ SA ont interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant à son annulation et à la réduction du montant de l’amende administrative. Préalablement, ils ont requis un transport sur place, l’audition des parties et celle d’un témoin, E______.

Au cours de l’année 2021, alors que l’immeuble était en grande partie achevé, ils avaient découvert que contrairement aux plans visés ne varietur du 8 octobre 2018 et aux directives techniques imposées dans le cadre de l’autorisation de construire DD 1______, le système de ventilation de type double-flux ne pouvait être installé dans les sous-sols de l’immeuble, l’installation technique au sous-sol se heurtant à plusieurs contraintes. Afin d’éviter une destruction d’une grande partie de l’immeuble dans le seul but de respecter la position initiale du système de ventilation de type double-flux, avec les conséquences humaines et financières que cela pouvait engendrer pour les copropriétaires et elle-même, C______ SA avait décidé d’implanter cette installation technique sur le toit de l’immeuble, en lieu et place des panneaux solaires photovoltaïques. Ils avaient estimé que cette mesure revenait à remplacer un élément technique prévu dans l’autorisation de construire originelle (panneaux solaires photovoltaïques) par un autre (système de ventilation de type double-flux) et que dès lors aucun problème légal, esthétique ou technique ne s’y opposait, a fortiori dans un contexte où un respect à la lettre de l’autorisation de construire originelle aurait impliqué une destruction d’une grande partie du bâtiment. À la suite de l’ouverture du dossier d’infraction n° I-2______, des exigences du département et de leur volonté d’éviter des retards et autres désagréments pour les copropriétaires de l’immeuble, A______ avait déposé la demande d’autorisation de construire DD 1______/4, sachant que si le système de ventilation de type double-flux devait être effectivement installé dans le sous-sol de l’immeuble, cela impliquerait des travaux d’un coût total pouvant être estimé à
CHF 750'148.90, sans compter les dommages financiers et humains subis par les copropriétaires de l’immeuble du fait de leur impossibilité provisoire de résider dans leurs appartements respectifs.

A______ et B______ Sàrl étaient les premiers concernés par la décision querellée dans la mesure où l’amende leur était infligée directement, sans aucune référence à un autre destinataire, sous réserve de C______ SA qui en avait reçu une copie. C______ SA intervenait en tant qu’entreprise générale chargée de la réalisation de l’immeuble. Elle devrait principalement assumer les conséquences, particulièrement financières, qui seraient imputables à un refus de l’autorisation de construire DD 1______/4 et le paiement d’une amende administrative y relative. Elle était donc touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grande que la généralité des administrés, a fortiori dans sa position d’entreprise générale, soit celle se trouvant au bout de la chaîne du projet de construction.

Il convenait de suspendre la procédure dans l’attente de l’issue du recours interjeté le 31 janvier 2023 contre le refus de l’autorisation de construire complémentaire DD 1______/4. En effet, si le principe même de l’infraction ne pouvait être contesté, la quotité du montant de l’amende infligée dans la décision querellée dépendrait de facto du caractère « autorisable » ou non de l’installation du système de ventilation de type double-flux sur le toit de l’immeuble.

L’ouverture d’une procédure d’infraction avait été motivée par le caractère « non‑autorisé » des travaux, mais c’étaient les dimensions, la situation et l’aspect du système de ventilation de type double-flux installé sur le toit de l’immeuble qui avaient défini, de toute évidence, en grande partie la quotité de l’amende. À cet égard, le département avait fait fi du fait que l’installation de ce système n’était quasiment pas, voire pas visible lorsque l’on se trouvait, qu’importe l’angle de vue, dans un rayon proche ou éloigné de l’immeuble. Il avait aussi ignoré que C______ SA avait prévu l’installation d’abris/pare-vues en tôle perforée, de telle sorte que ledit système soit dissimulé et ne constitue pas une immission dans le paysage urbain. Enfin, le quartier de Saconnex d’Arve et de manière générale la commune de Plan‑les-Ouates connaissaient un développement urbain sans précédent et nombreuses étaient les constructions voisines disposant aussi d’installations techniques sur leurs toits, comme cela se faisait d’ordinaire dans la plupart des constructions modernes. Un transport sur place permettrait de constater que l’installation du système en cause sur le toit de l’immeuble s’intégrait parfaitement au paysage urbain, a fortiori avec l’installation d’abris/pare-vues en tôle perforée, et qu’un tel type d’installation était usuel sur les toits des constructions du quartier, constats nécessaires pour juger de la quotité de l’amende administrative infligée.

Les aspects techniques revêtant une évidente pertinence – et devant dès lors obtenir un éclairage aussi complet et précis que possible – étaient nombreux. Qu’il s’agisse des raisons ayant motivé l’installation du système de ventilation de type double‑flux sur le toit de l’immeuble et/ou les conséquences techniques, financières et humaines que pourrait avoir le maintien de la décision querellée, l’audition, respectivement la participation des parties et de E______, chef de projet de C______ SA, était essentielle à l’appréciation de la présente cause, en particulier quant au montant de l’amende.

La décision querellée était prématurée. En infligeant une amende administrative alors même que la décision du 12 décembre 2022 n’était pas en force et que le caractère « autorisable » ou non de l’installation du système de ventilation de type double-flux sur le toit de l’immeuble n’était pas définitif, le département avait méconnu la nuance induite par l'art. 137 al. 2 LCI qui impliquait de jure de savoir si une construction était « autorisable » ou non pour définir le montant de l’amende.

En prononçant une amende administrative aussi élevée, le département semblait avoir fait abstraction des intérêts publics de manière générale et de ceux des recourants s’agissant des démarches engagées et ayant mené au constat d’infraction. Le refus du 12 décembre 2022 les exposait ainsi que les copropriétaires à une situation inextricable au nom d’une exigence esthétique excessive. Leurs intérêts étaient donc non seulement financiers, mais aussi vitaux. On peinait à comprendre comment l’intérêt public, soit celui de déplacer un élément technique d’un toit vers un sous-sol pour des aspects esthétiques, permettrait de justifier la grave lésion de leurs intérêts. L’installation du système de ventilation de type double-flux sur le toit de l’immeuble avait donc un but purement altruiste visant à préserver des intérêts supérieurs. Ils n’avaient pas agi par cupidité et/ou dans le but de favoriser leurs propres intérêts, mais avaient engagé des travaux pragmatiques afin d’éviter des conséquences dramatiques. Ils n’étaient nullement familiers de ce genre de pratique et ne pouvaient être considérés comme des récidivistes. Dans ces circonstances, la décision querellée était contraire au principe de proportionnalité, devait être annulée et le montant de l’amende réduit.

Enfin, la décision litigieuse consacrait une appréciation des faits incomplète, qui ne reflétait pas la réalité du dossier telle qu’elle ressortait des pièces le composant. Le département avait fait abstraction de nombreux éléments factuels qu’ils avaient exposés dans leurs écritures, comme la genèse, le but de la demande d’autorisation de construire complémentaire sollicitée et les conséquences qu’impliquait son refus injustifié.

b. Le 6 mars 2023, le département s’est opposé à la suspension de la présente procédure.

c. Dans ses observations du 28 avril 2023, il a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

La qualité pour recourir de B______ Sàrl et de C______ SA était sujette à caution puisque ces dernières n’étaient pas destinataires de la décision querellée. L’amende étant clairement destinée à A______ exclusivement. B______ Sàrl et C______ SA n’étaient donc pas directement touchées par la décision litigieuse.

Les mesures d’instruction sollicitées devaient être rejetées.

L’amende était fondée dans son principe. Les conditions prévues par l’art. 137 LCI n’imposaient pas d’attendre que la décision de refus soit définitive avant le prononcé de l’amende. Aucune jurisprudence ou doctrine n’étayait une telle thèse et l’instruction parallèle par les juridictions administratives des procédures relatives d’une part aux mesures et sanctions administratives et d’autre part aux autorisations de construire plaidait pour le contraire. En l’occurrence, le refus de la DD 1______/4 confirmait que l’installation litigieuse n’était pas autorisable, de sorte que l’art. 137 al. 2 LCI ne s’appliquait pas. En tout état, même à admettre que les travaux fussent autorisables, le montant de la sanction litigieuse respecterait néanmoins la limite de CHF 20'000.- fixée par l’art. 137 al. 2 LCI.

On peinait à identifier quels étaient les intérêts publics en cause allégués par les recourants. Ceux-ci semblaient invoquer un intérêt des habitants du voisinage à éviter les nuisances d’un nouveau chantier, mais on ne comprenait pas en quoi le prononcé de l’amende à l’encontre de A______ nuirait à cet intérêt. S’agissant de leurs intérêts privés « financiers et vitaux », les recourants n’exposaient pas en quoi l’amende prononcée les impacterait ; ils n’alléguaient en particulier pas que le paiement de l’amende par A______ placerait celui-ci ou les autres recourants, dans une situation financière difficile. Ils semblaient également discuter la gravité de la faute et soulignaient le but « altruiste » des travaux litigieux réalisés, l’absence de cupidité et de récidive. Or, il était indubitable que A______ avait conscience de l’infraction commise puisqu’il avait admis, dans ses déterminations du 22 décembre 2022, « [être conscient qu’il devait régulariser] cette situation en passant par le dépôt d’une autorisation de construire complémentaire ». Sa faute était d’autant plus lourde qu’au vu de son statut de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), il avait un devoir spécial vis-à-vis de l’autorité quant au respect du droit public. Le but « altruiste » allégué était en outre sujet à doutes dès lors que les travaux litigieux avaient été réalisés, selon les indications de A______ dans ses déterminations précitées, pour des motifs purement techniques et afin de ne pas péjorer les habitants des logements construits. S’agissant de l’absence de cupidité et de récidive, ces circonstances aggravantes n’avaient aucunement été retenues. Enfin, le montant de l’amende se situait dans la fourchette basse des montants fixés par l’art. 137 al. 1 LCI.

Les recourants lui reprochaient enfin d’avoir constaté les faits de manière inexacte, renvoyant à cet égard à la partie « en fait » de leur recours, sans toutefois préciser exactement les faits qu’il aurait omis de constater ou constatés de manière inexacte. Ils indiquaient certes de manière générale qu’il aurait fait abstraction de la genèse, du but de la demande d’autorisation de construire complémentaire et des conséquences qu’impliquerait, selon eux, la décision de refus. On peinait toutefois à saisir en quoi les circonstances précitées auraient une influence sur la décision querellée, ceux-ci n’étant en tous les cas pas de nature à remettre en cause le fondement et la quotité de l’amende entreprise.

d. Par réplique du 23 juin 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

B______ Sàrl était potentiellement visée par la décision entreprise dans la mesure où elle y était citée comme destinataire. Si le département confirmait qu’elle n’était pas destinataire de la décision aux côtés de A______, il serait admis que sa qualité pour recourir pouvait effectivement être écartée. C______ SA était, pour les motifs exposés dans le recours, titulaire de la qualité pour recourir.

Un transport sur place était pertinent dans le cadre de la présente procédure puisque c’étaient les dimensions, la situation et l’aspect du système de ventilation de type double flux installé sur le toit de l’immeuble qui avaient défini en grande partie la quotité de l’amende. Un tel transport permettrait aux parties de s’exprimer sur les mesures envisagées par C______ SA afin de dissimuler ce système, soit l’installation d’abris/pare-vues en tôle perforée, point manifestement soupesé lors de l’évaluation de la quotité de l’amende infligée.

Le département se méprenait en affirmant qu’ils n’auraient pas saisi les contours de l’art. 137 LCI. Ils ne contestaient pas le principe de l’amende, mais avaient noté que la décision entreprise était manifestement prématurée.

Le département critiquait une partie de leur argumentation en lien avec leurs intérêts publics et privés ainsi que ceux des copropriétaires de l’immeuble. Il remettait aussi en cause le caractère altruiste de leur démarche au motif que A______ avait conscience de l’infraction commise et que « les travaux litigieux avaient été réalisés pour des motifs purement techniques et afin de ne pas péjorer les habitants des logements construits ». Le premier point n’avait jamais été contesté et on peinait à discerner en quoi le second viendrait exclure le caractère altruiste de leur démarche. Il paraissait douteux d’exclure un tel caractère lorsque l’on savait que ladite démarche avait pour but d’éviter des conséquences dramatiques, notamment pour les acquéreurs, ce que toutes les autorités spécialisées sous réserve de la CA semblaient partager.

Le fait que le département considérait la genèse, le but de la demande d’autorisation de construire complémentaire et les conséquences du refus DD 1______/4 comme n’étant pas de nature à remettre en cause le fondement et la quotité de l’amende était la démonstration par l’exemple qu’il ne saisissait pas la nuance induite par
l’art. 137 al. 2 LCI mais aussi et surtout la nature pénale de l’amende infligée, laquelle impliquait de tenir compte des circonstances qu’ils avaient exposées afin d’évaluer sa quotité.

e. Par duplique du 3 août 2023, le département a persisté dans ses conclusions.

Les recourants n’exposaient pas en quoi un transport sur place serait nécessaire pour leur permettre de s’exprimer sur la mesure proposée par C______ SA afin de dissimuler le système de ventilation litigieux. Ils ne démontraient ni ne prétendaient que les éléments qu’ils souhaiteraient apporter oralement ne pouvaient pas l’être par écrit, étant rappelé que la procédure administrative était menée en principe par écrit.

On peinait à saisir la pertinence de la proposition d’installer des écrans dans le cadre de la présente cause. Les recourants semblaient avancer qu’elle devrait avoir une influence sur la quotité de l’amende infligée, mais l’infraction reprochée à A______ était d’avoir réalisé des travaux d’installations techniques en toiture sans autorisation pour ce faire. Sa faute était grave et ne pouvait être atténuée par la proposition d’installer un écran en tôle perforée, ce qui avait d’ailleurs été rejeté par la CA.

f. Par jugement du 14 décembre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours.

Il a admis la qualité pour recourir de A______ et de B______ Sàrl, mais dénié celle de C______ SA, qui n’était pas destinataire de la décision litigieuse, et a rejeté les réquisitions de preuve.

Seule la quotité de l’amende était contestée, non son principe. A______, qui ne pouvait ignorer les dispositions applicables du fait de son domaine d’activité, avait remplacé l’installation technique autorisée par un autre type de procédé sans autorisation. Cette situation aurait pu être évitée s’il avait déposé une requête complémentaire avant d’effectuer le remplacement. Or, il ne l’avait fait qu’à la suite de l’ouverture du dossier d’infraction n° I-2______. Il avait sciemment réalisé des travaux sans autorisation car selon lui, un respect à la lettre de l’autorisation de construire aurait impliqué la destruction d’une grande partie du bâtiment et des dommages financiers et humains. En estimant qu’aucun problème légal, esthétique ou technique ne l’empêchait de procéder ainsi, A______ avait substitué son appréciation à celle du département, seul compétent en la matière
(art. 2 al. 1 LCI). Enfin, il faisait valoir que le système mis en place n’était quasiment pas visible et que des abris/pare-vues en tôle perforée allaient être installés, ce qui ne constituait pas une immission dans le paysage urbain. Ce faisant, il perdait de vue qu’il ne pouvait substituer sa propre appréciation à celle du département pour réaliser des travaux sans autorisation.

L’infraction réprimée par l’art. 137 al. 1 let. a LCI était dès lors pleinement réalisée et l’amende litigieuse devait être confirmée dans son principe.

Le recourant n’avait aucun antécédent en matière d’infraction à la LCI. Interpellé par le département sur la construction illicite le 8 décembre 2021, il avait donné suite immédiatement en admettant avoir remplacé l'installation autorisée. Il ne s’était pas dédouané et s'était ensuite conformé à l'ordre du département en déposant la demande d'autorisation de construire complémentaire dans le délai imparti. Son comportement durant le déroulement de la procédure d'infraction devait être qualifié de bon. Dans les circonstances aggravantes, il devait être pris en considération sa qualité de MPQ. Ainsi, si une sanction pouvait être infligée au recourant pour cette infraction, d’une certaine gravité, le montant de l’amende apparaissait cependant excessif et devait être ramené à CHF 5'000.-, montant conforme au principe de proportionnalité et à la jurisprudence récente de la chambre administrative.

D. a. Par acte du 29 janvier 2024, le département a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI.

Les juges de première instance avaient abusé de leur pouvoir d’appréciation en réduisant l’amende à CHF 5'000.-, faisant preuve d’arbitraire.

Les jurisprudences citées par le TAPI n’étaient pas pertinentes ou applicables au cas d’espèce, les situations étant sensiblement différentes.

Le montant de l’amende était régi par l’art. 137 al. 1 LCI, de sorte que le maximum qui pouvait être infligé était de CHF 150'000.-. Une amende de CHF 20'000.- infligée à un MPQ sans antécédent était dès lors parfaitement proportionnée. Des amendes supérieures à CHF 5'000.- avaient été confirmées à maintes reprises.

Le comportement du recourant ne pouvait être qualifié de « bon » comme l’avait retenu le TAPI. En effet, ce n’était qu’après avoir été interpelé par le département et invité à se déterminer sur les faits constatés qu’il s’était exécuté. C’était en outre à la suite d’un ordre du département qu’il avait déposé une demande d’autorisation de construire complémentaire, pour tenter de régulariser les travaux illicites. Il n’avait en définitive fait qu’obéir à ses ordres, comme il y était légalement tenu. S’il ne l’avait pas fait, il se serait exposé à une autre sanction. Son comportement était donc dépourvu de tout acte spontané et il n’avait jamais expliqué pour quelle raison il aurait été empêché de déposer une demande d’autorisation de construire complémentaire avant d’entreprendre les travaux ou avant l’intervention du département.

Le recourant n’avait en outre pas fait usage de la possibilité laissée par le département de proposer des solutions alternatives permettant d’atténuer l’impact négatif des installations litigieuses, ce qui soulignait l’absence de comportement proactif.

Qualifier le comportement du recourant de « bon » contrevenait aux intérêts publics poursuivis par la LCI et la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40) qui instituaient le rôle central du MPQ dans le système d’autorisation de la police des constructions avec les responsabilités conséquentes que cela impliquait. En effet, cela reviendrait à qualifier positivement le comportement répréhensible d’un MPQ qui, une fois découvert, ne faisait que suivre les directives du département.

Il convenait également de retenir, à titre d’aggravante, le fait que le recourant l’avait mis devant le fait accompli. Il ressortait clairement des préavis rendus par le CA qu’une telle installation technique en toiture n’aurait jamais été autorisée si elle avait fait l’objet d’une demande préalable à sa réalisation. Il s’agissait d’une violation crasse de la LCI qui devait être sanctionnée sévèrement, sans quoi elle risquerait de se répéter.

Le TAPI avait ainsi tenu compte de considérations non pertinentes pour justifier la réduction de l’amende et avait donc fait preuve d’une appréciation erronée et arbitraire du comportement de A______.

c. Dans leur réponse du 28 février 2024, les intimés ont conclu au rejet du recours.

Le département se contredisait lui-même en indiquant que l’ATA/440/2019 cité par le TAPI n’était pas applicable, mais en le citant ensuite dans son raisonnement juridique. Cette jurisprudence était non seulement pertinente, mais elle était également récente, contrairement aux arrêts cités par le département. Le fait qu’ils aient été rendus dans des affaires où les circonstances n’étaient pas identiques n’y changeait rien tant il était vrai que chaque cas soumis aux autorités administratives était unique et qu’on ne pouvait dès lors appliquer un barème mathématique pour les amendes. Soutenir le contraire reviendrait à faire abstraction du large pouvoir d’appréciation dont disposaient les autorités administratives en la matière.

Les arrêts cités par le département dans son recours n’étaient pas comparables et applicables au cas d’espèce. Dans l’ATA/213/2018 (amende de CHF 10'000.-), bien qu’il se rapportât à une installation sur le toit, non autorisée, le MPQ sanctionné n’avait pas admis son erreur ni pris les mesures pour la corriger. A______ avait été transparent et collaborant vis-à-vis du département dès le constat de l’infraction. Celle-ci avait de plus un but altruiste, visant à préserver des intérêts supérieurs, à savoir sauver les logements d’un immeuble d’habitation.

S’agissant de l’ATA/829/2016 (amende de CHF 20'000.-), la situation était totalement différente. Le bâtiment agrandi substantiellement se trouvait en zone agricole et la justiciable n’avait pas fait preuve de bonne foi, induisant le département en erreur sur la réalité des travaux exécutés.

Dans l’ATA/1151/2015 (amende de CHF 15'000.-), l’avocate, bien qu’informée par la commune qu’elle devait demander une autorisation de construire, avait décidé de passer outre et d’effectuer des travaux conséquents sur sa villa en zone protégée.

Enfin, s’agissant de l’ATA/206/2020 (amende de CHF 50'000.-), les transformations réalisées sans autorisation étaient lourdes et le MPQ avait mis le département devant le fait accompli en justifiant que l’aspect artistique de son projet devait l’emporter sur les règles du droit des constructions. Une telle attitude était aux antipodes du cas d’espèce.

Au vu de ces jurisprudences, la réduction de l’amende par le TAPI était justifiée vu les motivations et l’attitude de A______.

La qualification du comportement de A______ visait son attitude et sa collaboration sans faille après le constat d’infraction. Les jurisprudences citées par le département démontraient que A______ n’avait pas été, contrairement à de nombreux justiciables sanctionnés dans ces arrêts, de mauvaise foi et n’avait nullement cherché à tromper les autorités dans un but égoïste ou cupide. Au contraire, il avait admis son erreur et avait immédiatement tout fait pour la réparer dans les meilleurs délais, le tout pour préserver des intérêts supérieurs, à savoir les logements d’un immeuble d’habitation. C’était donc à raison que le TAPI avait jugé son comportement « bon » et réduit l‘amende à CHF 5'000.-.

Enfin, le département ne pouvait pas reprocher à A______ de ne pas avoir fait usage de la possibilité laissée de proposer des solutions alternatives permettant d’atténuer l’impact négatif des installations litigieuses alors qu’une procédure (A/333/2023) était toujours pendante. A______ s’était contenté de respecter les droits procéduraux les plus élémentaires de tout justiciable et attendait simplement que la décision du département soit confirmée ou annulée pour prendre de nouvelles mesures.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

La qualité pour défendre de B______ Sàrl, laquelle n’est au demeurant pas contestée, sera également admise, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le TAPI. Celle de C______ SA sera quant à elle niée, par identité de motifs et du fait qu’elle n’a pas pris part à la procédure devant l’instance précédente (art. 60 al. 1 let. a LPA).

2.             L’objet du litige consiste à déterminer si le département a abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant le montant de l’amende à CHF 20'000.- et si c’est à bon droit que le TAPI l’a ramené à CHF 5'000.-.

2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 515 p. 179).

L'autorité chargée d'appliquer la loi dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manœuvre. Cette dernière peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l'autorité dispose au moment d'interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi. Bien que l'interprétation de notions juridiques indéterminées relève du droit, que le juge revoit en principe librement, un tribunal doit néanmoins restreindre sa cognition lorsqu'il résulte de l'interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l'utilisation de telles notions, reconnaître à l'autorité de décision une marge de manœuvre que le juge doit respecter, étant précisé que cette marge de manœuvre ne revient pas à limiter le pouvoir d'examen du juge à l'arbitraire (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

2.2 Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

3.             Selon l’art. 137 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d’application, ainsi qu’aux ordres du département (art. 137 al. 1 LCI). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité ou les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI).

3.1 Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 9.2 ; ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.1.3 et les références citées).

3.2 En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 et les références citées).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c).

3.3 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 
134 IV 17 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/ 2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

3.4 S’agissant de la quotité de l’amende, la jurisprudence de la chambre administrative précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant et n’est censuré qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/702/2023 du 27 juin 2023
consid. 6.1 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019).

3.5 En outre, l’administration doit faire preuve de sévérité, afin d’assurer le respect de la loi (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c). L’autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

3.6 Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes la qualité de mandataire professionnellement qualifié ainsi que celle de professionnel de l'immobilier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16 octobre 2020 consid. 2.3.2 ; ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5 et les références citées, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2022 du 21 avril 2023), le fait de mettre l'autorité devant le fait accompli (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.1 et les références citées), le fait d’avoir agi par cupidité, la récidive ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation. Au titre de circonstances atténuantes, doit être prise en compte notamment l’absence de volonté délictuelle. Il doit être tenu compte de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/174/2023 précité consid. 2.1.9 et les références citées).

3.7 Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.2)

4.             Dans le cas présent, il résulte des considérations qui précèdent que les intimés ont commis les manquements reprochés, ce qu’ils ne contestent pas, lesquels constituent des fautes, passibles d’une amende administrative. Celle-ci est donc fondée dans son principe.

5.             Le département a indiqué, dans sa décision du 20 janvier 2023 qu’une amende administrative de CHF 20'000.- était infligée aux intimés pour avoir engagé des travaux sans autorisation, en qualité de MPQ et en mettant le département devant le fait accompli.

5.1 Il a précisé par la suite avoir pris en considération que A______ avait conscience de l’infraction commise puisqu’il l’avait admise. Sa faute était d’autant plus lourde qu’il avait un statut de MPQ et avait un devoir spécial vis-à-vis de l’autorité quant au respect du droit public. Il n’avait de plus pas retenu les aggravantes de cupidité ou de récidive pour fixer le montant de l’amende, qui se trouvait par ailleurs dans la fourchette prévue par l’art. 137 al. 1 LCI.

La faute des intimés ne doit pas être minimisée. Ils ont construit, en leur qualité de professionnels, des installations d’une certaine ampleur et contraires aux autorisations de construire délivrées, sur les toits des immeubles. Or, ils connaissaient les risques d’un tel comportement et n’ont pas cherché à réparer leur erreur avant que le département ne s’en rende compte en déposant, par exemple, spontanément une demande d’autorisation.

Les intimés ont ainsi commis une infraction objectivement grave.

Leur comportement ne peut être qualifié de bon. Comme l’a retenu à juste titre le département, ce n’est qu’après avoir reçu un ordre du département qu’ils ont déposé une demande d’autorisation complémentaire pour tenter de régulariser les travaux illicites. Ils s’étaient ainsi éloignés des plans autorisés pour construire une installation illicite et n’avaient pas envisagé de la régulariser avant que le département ne s’en rende compte. Ils n’avaient jamais expliqué pour quels motifs ils auraient été empêchés de solliciter à l’avance une autorisation complémentaire. Ils n’avaient pas non plus proposé de solution alternative permettant d’atténuer l’impact négatif des installations litigieuses lorsque le département leur avait offert la possibilité d’en suggérer.

À juste titre aussi le département relevait que l’on peinait à identifier les intérêts publics invoqués par les recourants. Les conséquences dramatiques évoquées notamment pour les acquéreurs ne relevaient pas d’intérêt publics. Les difficultés techniques, le confort des habitants des bâtiments construits voire les impacts financiers étaient en lien avec leurs intérêts privés. Le respect des autorisations délivrées ainsi que de l’impact visuel sur le site d’une installation relevaient d’intérêts publics et devaient primer les intérêts privés des constructeurs.

La qualité de MPQ était par ailleurs déterminante au vu de l’importance de leur rôle dans les procédures de construction.

5.2 Aux circonstances aggravantes précitées s'opposent les circonstances atténuantes dont ils se prévalent, en particulier le fait qu'ils ont pleinement collaboré après l'ouverture de la procédure administrative et répondu à pleine satisfaction et dans les meilleurs délais aux demandes du département. En revanche, l'absence d'antécédents n'est pas une circonstance atténuante, mais une circonstance neutre.

Ces circonstances doivent être relativisées. En effet, le dépôt d'une demande d'autorisation de construire à la suite d'un ordre du département est une obligation et non une faculté laissée au bon vouloir des administrés. De plus, une bonne collaboration est attendue d'eux, dans la mesure où elle est nécessaire au traitement efficace d'un dossier, de surcroît déposé par leurs soins et qu’elle est dûment prévue dans les procédures administratives en application de l’art. 22 LPA.

Au vu de tout ce qui précède, le département n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en fixant l'amende à CHF 20'000.-, soit à 13.3% du maximum prévu de CHF 150'000.- (art. 137 al. 1 LCI), les intimés n'exposant au demeurant pas rencontrer de difficultés financières. Le montant est d’autant plus justifié que l’installation a été entreprise sans autorisation et que les travaux ne sont pas autorisables conformément à l’arrêt de la chambre de céans prononcé ce jour dans la cause parallèle.

C’est ainsi à tort que le TAPI a substitué son appréciation à celle du département, sans élément nouveau ou qui n’aurait pas été déjà pris en compte par ce dernier dans la fixation du montant de l’amende.

5.3 En conséquence, le recours du département sera admis, le jugement du TAPI annulé et les décisions du département rétablies.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des intimés, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 janvier 2024 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2023 ;

rétablit la décision du département du 20 janvier 2023 ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ Sàrl un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain CANONICA, avocat de A______ , B______ Sàrl et C______ SA, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :