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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1777/2024

ATA/781/2024 du 26.06.2024 sur JTAPI/532/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1777/2024-MC ATA/781/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2024

1re section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mai 2024 (JTAPI/532/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1993 et originaire d'Algérie (également connu des autorités sous d'autres identités, dates de naissance et pays d'origine), est arrivé en Suisse en 2019.

b. Le 13 novembre 2019, une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 9 octobre 2022 lui a été notifiée.

Le 23 février 2021, une décision de renvoi – qu'il n'a pas contestée – lui a été notifiée par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

c. Depuis son arrivée en Suisse, A______ a fait l'objet de neuf condamnations pénales (ordonnances pénales et jugements) prononcées entre les mois de mars 2021 et juillet 2023 pour des infractions (notamment entrée illégale, séjours illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, contraventions et délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 [LStup - RS 812.121], vols simples selon l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [RS 311.0 - CP], obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale [art. 148a al. 1 CP], recel [art. 160 ch. 1 al. 1 CP], utilisation frauduleuse d'un ordinateur [art. 147 al. 1 CP], appropriation illégitime [art. 137 Ch. 2 CP], rupture de ban [art. 291 al. 1 CP], importation, acquisition ou prise en dépôt de fausse monnaie [art. 244 al. 1 CP] et délit contre la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997 [LArm – RS 514.54]) commises entre les mois de septembre 2019 et juillet 2023.

Il a été condamné pour ces faits à diverses peines privatives de liberté. Il a également fait l'objet d'une mesure d'expulsion pénale, en vigueur jusqu'au 19 décembre 2026.

Il a été détenu en exécution de peine du 30 juin 2022 au 23 mars 2023 puis à nouveau du 22 septembre 2023 au 27 mai 2024.

d. Selon le dossier, A______ ne dispose d'aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni d'aucune source de revenus licite.

B. a. Dans le cadre de la procédure d'exécution du renvoi, A______ a été identifié par les autorités algériennes le 16 mars 2024.

b. À la demande des autorités genevoises, il a été inscrit à un entretien consulaire (counselling) avec les autorités algériennes, qui aurait dû se dérouler le 15 mai 2024. Cet entretien, préalable indispensable à la délivrance par les autorités algériennes d'un laissez-passer, a toutefois dû être annulé en raison du refus de l'intéressé de quitter sa cellule. Un second entretien consulaire a alors été fixé au 5 juin 2024.

c. Le 27 mai 2024, soit au terme de la détention de l'intéressé en exécution de peine, le commissaire de police a décerné à son encontre, en vue de l'organisation de son renvoi et de l'exécution de l'expulsion, un ordre de détention administrative pour une durée de quatre mois.

Les motifs de détention administrative prévus par l'art. 75 al. 1 let. b (personne ayant quitté la région qui lui est assignée ou ayant pénétré dans une zone interdite), let. c (personne ayant franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne pouvant être renvoyée immédiatement) et let. h (condamnation pour un crime ou un délit) de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), en relation avec l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion), ainsi que par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI (existence d'éléments concrets faisant craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi, respectivement comportement permettant de conclure à un refus d'obtempérer) étaient réalisés. La mesure respectait en outre le principe de la proportionnalité, l'intérêt public à la bonne exécution de la procédure de renvoi primant l'intérêt privé de l'intéressé, sans domicile fixe ni revenu licite et plusieurs fois condamné, à ne pas être momentanément privé de sa liberté. La durée pour laquelle la détention était prononcée était nécessaire au vu des formalités à effectuer et des nombreuses incertitudes sur la collaboration future de l'intéressé.

C. a. Entendu le 30 mai 2024 par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), A______ a indiqué ne jamais s'être opposé à son renvoi en Algérie ; son retour dans ce pays était toutefois impossible car sa vie y était menacée par des « membres du clan élargi de son père biologique » le considérant comme illégitime ; il avait du reste déjà fait l'objet d'agressions, soit un coup de couteau dans le dos et une balle dans la jambe. Il souhaitait se rendre aux Pays-Bas pour y rejoindre sa fiancée, de nationalité hollandaise et algérienne, ainsi que leur enfant commun, et avait déjà entrepris des démarches en ce sens auprès de la municipalité de B______.

Il a conclu principalement à l'annulation de l'ordre de mise en détention du 27 mai 2024 et, subsidiairement, à ce que la durée de la détention soit réduite à six semaines.

Il a produit un fichier vidéo, visionné par le TAPI, représentant deux hommes entièrement cagoulés, s'exprimant en dialecte algérien et en français et tenant les paroles suivantes : « A______, on sait très bien que tu es en prison en Suisse. Si tu rentres en Algérie, on va te tuer et te couper la tête ».

Le commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention. La procédure de renvoi se déroulait aussi rapidement que possible, un nouvel entretien consulaire, après celui du 15 mai 2024 auquel l'intéressé avait refusé de se rendre, ayant été fixé au 5 juin 2024. Les autorités genevoises avaient par ailleurs communiqué au secrétariat d'état aux migrations (ci-après : SEM) une demande de réadmission à l'intention des autorités néerlandaises.

b. Par jugement du 31 mai 2024, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative du 27 mai 2024 pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 26 septembre 2024 inclus.

Dans la mesure où l'intéressé ne démontrait pas en l'état pouvoir se rendre de manière légitime dans un pays autre que celui de son origine, en particulier aux Pays-Bas, la procédure de renvoi en Algérie devait se poursuivre. La détention était justifiée en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en relation avec l'art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI et 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. La mesure respectait le principe de la proportionnalité au vu de l'intérêt public à s'assurer du refoulement de l'intéressé et de l'impossibilité d'atteindre ce but par des mesures moins incisives. Les autorités avaient jusqu'alors agi avec diligence, notamment en obtenant à bref délai un nouvel entretien consulaire et en communiquant au SEM une demande de réadmission de l'intéressé en Hollande, et rien ne permettait de penser qu'elles ne continueraient pas sur cette voie. La durée de la détention respectait le cadre légal de l'art. 79 LEI et était justifiée au regard de la durée prévisible des démarches d'exécution du renvoi, ainsi que du risque que l'intéressé, qui avait déjà refusé de se rendre à un entretien consulaire, ne collabore pas le moment venu. Rien ne permettait enfin de retenir que l'exécution du renvoi vers le pays d'origine de l'intéressé serait impossible ou ne pourrait être raisonnablement exigée. Sur ce dernier point, la vidéo produite par l'intéressé ne permettait pas de tenir pour établies les menaces de mort dont il affirmait faire l'objet, dès lors que rien ne permettait d'en vérifier l'authenticité et qu'il n'était pas exclu qu'elle ait été produite pour les besoins de la cause. En tout état, même établies, ces menaces ne permettaient pas de tenir l'expulsion de l'intimée comme impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI.

D. a. Le 14 juin 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation et, principalement, à sa libération immédiate voire, subsidiairement, à ce que la durée de la détention administrative soit limitée à six semaines. À titre préalable, il a sollicité son audition.

Né d'une mère algérienne et d'un père marocain, il avait été placé en famille d'accueil à l'âge de dix ans, avec pour conséquence une rupture presque complète avec la famille de son père. Celle-ci, pour des raisons non explicitées, avait considéré ce placement comme un déshonneur et lui vouait depuis lors une haine féroce, l'avait agressé avant son départ d'Algérie et proférait à son encontre des menaces de mort. Il souhaitait rejoindre sa fiancée et leur enfant commun aux Pays‑Bas, et avait déjà entrepris des démarches à cet effet.

Au vu des menaces de mort « tout à fait concrètes et alarmantes » dont il faisait l'objet, son renvoi en Algérie était inexécutable en application de l'art. 83 al. 3 et 4 LEI. C'est à tort que le TAPI n'avait pas accordé de crédit à la vidéo produite devant lui, laquelle ne pouvait avoir été confectionnée pour les besoins de la cause. Une seconde vidéo similaire ainsi qu'une attestation de sa tante paternelle étaient nouvellement produites pour établir la réalité du risque encouru en cas de renvoi en Algérie. Il devait donc être libéré en vertu de l'art. 80 al. 7 let. a LEI.

Pour le surplus, il s'était dûment présenté à l'entretien consulaire du 5 juin 2024, de telle sorte que son renvoi devait pouvoir être organisé rapidement. Une durée de détention de quatre mois était donc disproportionnée.

b. Le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Les pièces produites ne permettaient pas d'établir la réalité des menaces dont le recourant affirmait faire l'objet, dans la mesure où elles pouvaient fort bien avoir été confectionnées pour les besoins de la cause. Au demeurant, de telles menaces ne constituaient pas un motif d'impossibilité du renvoi.

La durée de la détention était proportionnée à celle, prévisible, de la durée de la procédure de renvoi, notoirement longue pour l'Algérie. Le recourant s'était certes présenté à l'entretien consulaire du 5 juin 2024 mais les autorités algériennes ne s'étaient toujours pas déterminées sur l'octroi d'un laissez-passer. À supposer que leur réponse soit positive, il fallait compter environ un mois pour organiser un vol, de manière à ce que le laissez-passer promis soit effectivement délivré. À cela s'ajoutait en l'espèce que le comportement passé du recourant, qui avait été condamné à de multiples reprises, notamment pour ne pas avoir respecté des assignations et interdictions territoriales, et avait refusé de se présenter à un premier entretien consulaire, laissait présager des démarches longues et compliquées au moment de l'exécution proprement dite du renvoi. Selon ses propres affirmations, le recourant n'entendait pas rentrer en Algérie, où sa vie était selon lui menacée, et ne s'était présenté à l'entretien consulaire du 5 juin 2024 que pour y demander une protection spéciale qui, selon lui, lui aurait été refusée.

La demande de réadmission du recourant aux Pays-Bas, adressée par les autorités genevoises au SEM pour transmission aux autorités néerlandaises, ne leur avait en définitive pas été envoyée car dépourvue de toute chance de succès selon le SEM.

c. Le recourant a persisté dans ses conclusions par réplique du 24 juin 2024.

d. Le 25 juin 2024, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 1re phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 18 juin 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).

3.             Le recourant sollicite à titre préalable son audition.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer et de produire toute pièce utile devant le commissaire de police, le TAPI et la chambre de céans. Dans son acte de recours, il invoque certes l'utilité de son audition en relation avec les menaces dont il ferait l'objet mais n'explique pas quelles indications supplémentaires cette mesure d'instruction pourrait fournir, alors même qu'il a déjà été entendu sur ce point devant le TAPI. À cela s'ajoute que, dans la mesure où elles ne viseraient à confirmer sa propre version des faits, telle qu'alléguée dans ses écritures, la valeur probante de ses déclarations serait faible.

Il ne sera donc pas donné suite à sa demande d’audition.

4.             Les conditions de la détention administrative ne sont, dans leur principe, pas remises en cause par le recourant.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.2 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.3 Le TAPI a en l'occurrence retenu que la mise en détention administrative du recourant était fondée au regard des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI, ainsi que 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. à juste titre, le recourant ne critique pas cette motivation et ne conteste en particulier pas que sa mise en détention repose sur une base légale, de telle sorte qu'il peut être renvoyé sur ce point aux considérants du jugement contesté.

La détention administrative du recourant répond par ailleurs à un intérêt public certain consistant à assurer l'exécution de son renvoi. Au vu des nombreuses condamnations dont il a fait l'objet, en particulier pour entrée illégale en Suisse, séjour illégal et rupture de ban, de son absence de domicile fixe ainsi que de source de revenus légitimes, cet intérêt public, qui ne peut être préservé d'une autre manière que par sa mise en détention, excède par ailleurs son intérêt privé à pouvoir demeurer en liberté pendant la durée de la procédure de renvoi.

La proportionnalité de la durée de la détention ordonnée sera examinée sous considérant 5 ci-dessous.

5.             Le recourant fait valoir l'impossibilité de l'exécution de son renvoi, au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI.

5.1 Le juge de la détention administrative n'a pas à revoir le bien-fondé de la décision de renvoi de Suisse, à moins que celle-ci soit manifestement contraire au droit ou clairement insoutenable au point d'apparaître nulle (ATF 130 II 56 consid. 2 ; 128 II 193 consid. 2.2.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; 121 II 59 consid. 2c).

5.2 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l'exécution du renvoi ou l'expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »).

5.3 L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/264/2023 du 16 mars 2023 consid. 5.4 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a).

L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).

5.4 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATA/264/2023 précité consid. 5.4).

5.5 Le recourant soutient en l'espèce que sa vie serait concrètement menacée s'il devait être renvoyé dans son pays d'origine. Il se réfère à cet égard aux menaces de mort dont il allègue faire l'objet de la part de membres de la famille de son père biologique, telles qu'établies par une première vidéo produite devant le TAPI puis par une seconde vidéo produite avec son recours, ainsi que par un courrier provenant, selon ses explications, de sa tante paternelle.

Comme l'a déjà relevé le TAPI, la vidéo produite devant lui ne permet pas d'établir ou même de rendre vraisemblable l'existence de menaces à l'encontre du recourant, ni a fortiori leur caractère sérieux et concret. Les visages des personnes représentées sont dissimulés et rien ne permet de déterminer quand et où les images auraient été recueillies, de telle sorte que leur authenticité ne peut être établie. Aucune conclusion ne peut être tirée du fait que les protagonistes s'expriment pour partie en dialecte algérien, dès lors qu'il s'agit là du pays d'origine du recourant, lequel compte donc probablement parmi ses connaissances de nombreuses personnes pouvant parler cette langue. Les mêmes considérations s'appliquent à la vidéo produite devant la chambre de céans. Le fait que le recourant se trouve en détention depuis le mois de septembre 2023 ne permet pour le surplus pas d'exclure que les vidéos aient été confectionnées pour les besoins de sa cause par des tiers informés, directement ou indirectement, de sa situation.

La lettre provenant, selon le recourant, de sa tante paternelle reprend pour l'essentiel sa propre version des faits sans ajouter aucun élément concret de nature à confirmer l'existence et le caractère sérieux des menaces invoquées. Au vu de la relation de parenté alléguée de son auteur avec le recourant, sa valeur probante est limitée.

Il faut enfin relever que le recourant, tout en indiquant avoir été gravement agressé (coup de couteau dans le dos et balle dans la jambe) par des membres de sa famille paternelle, n'a présenté aucun certificat médical faisant état de séquelles consécutives à ces agressions, notamment des cicatrices.

Même supposées établies, les menaces invoquées par le recourant ne feraient pas obstacle au renvoi du recourant dans son pays d'origine. Il y aura en effet la possibilité de s'adresser aux forces de l'ordre afin d'obtenir qu'elles assurent sa protection et poursuivent les auteurs des menaces. Il explique du reste lui-même dans son recours avoir eu l'intention de solliciter, lors de l'entretien consulaire du 5 juin 2024, une protection spéciale dans la perspective de son renvoi. Son affirmation selon laquelle cette requête aurait été effectivement présentée mais rejetée ne se fonde sur aucun élément du dossier et est, quoiqu’il en soit, sans effet sur l’issue du litige.

Il ne peut ainsi être retenu que, la décision de renvoi dans son pays, soit manifestement contraire au droit ou nulle.

6.             À titre subsidiaire, le recourant fait valoir que la durée de la détention serait disproportionnée et sollicite sa réduction à six semaines.

6.1 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

6.2 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

6.3 Il ne peut en l'espèce être reproché aux autorités de ne pas avoir agi avec diligence. Les premières démarches en vue de l'exécution du renvoi, en particulier la fixation d'un premier entretien consulaire nécessaire à l'obtention d'un laissez‑passer, ont été prises avant que le recourant ait fini de purger sa peine. Après que ce dernier ait refusé de s'y rendre, un second entretien a rapidement pu être fixé et, depuis lors, les autorités n'ont d'autre choix que d'attendre la confirmation des autorités algériennes qu'un laissez-passer pourra effectivement être délivré le moment venu. Les autorités genevoises ont par ailleurs transmis au SEM, pour communication aux autorités néerlandaises, une demande de réadmission du recourant aux Pays-Bas.

Les explications du commissaire de police relatives au délai d'un mois nécessaire pour réserver un vol après confirmation de la délivrance d'un laissez-passer, compte tenu de la nécessité d'obtenir concrètement celui-ci, sont par ailleurs convaincantes.

Enfin, et comme l'a retenu le TAPI, la collaboration du recourant à l'exécution du renvoi ne paraît pas d'emblée assurée, celui-ci ayant indiqué vouloir se rendre aux Pays-Bas et craindre pour sa vie en cas de retour dans son pays.

Au vu de ces éléments, la durée de la détention ordonnée, soit quatre mois, est proportionnée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud MOUTINOT, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, à la maison d'arrêt de FAVRA ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :