Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1297/2024

ATA/627/2024 du 22.05.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1297/2024-FPUBL ATA/627/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 mai 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

B______ intimée
représentée par Me Bettina NAVRATIL, avocate

 



Vu la décision de la B______ (ci-après : la commune) du 28 février 2024 résiliant les rapports de service de A______ avec effet au 31 mai 2024 et libérant celui-ci de son obligation de travailler avec effet immédiat ; que ses prestations étaient globalement satisfaisantes, voire très satisfaisantes en particulier dans les domaines techniques, jusqu’en 2022 ; que la situation s’était nettement détériorée dès le début de l’année 2023 ; qu’elle lui avait demandé le 10 mai 2023 d’améliorer son mode de fonctionnement, « pesant » et ne répondant pas aux attentes de la commune ; que la confiance à son égard était alors ébranlée ; que la situation n’était plus supportable ni pour lui ni pour sa hiérarchie et ses collègues ni pour la commune, et qu’en cas de survenance de nouveaux problèmes, la commune prendrait une décision quant à son avenir ; qu’un avertissement lui avait encore été adressé le même jour à la suite d’un incident ; qu’aucun changement d’attitude au niveau du savoir-être n’avait par la suite été observé, que ses relations avec ses collègues et les partenaires ne s’étaient pas améliorées et que la conduite de l’élaboration du plan directeur communal avait dû lui être retirée ; qu’il persistait à violer ses devoirs statutaires ; que le lien de confiance avait été irrémédiablement rompu ;

vu le recours interjeté le 15 avril 2024 par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant au constat de la nullité de la résiliation des rapports de service, subsidiairement à son annulation et à sa réintégration et en cas de refus à ce que la commune soit condamnée à lui verser une indemnité équivalant à 24 mois de traitement brut avec intérêts ;

qu’il a expliqué que la décision était nulle ; qu’il était en arrêt de travail pour cause de maladie depuis le 10 janvier 2024 ; qu’il avait, à la demande de l’assurance perte de gain de la commune, été examiné durant 1h35 le 21 février 2024 par le docteur C______, psychiatre FMH, lequel avait estimé dans un rapport du 28 février 2024 qu’il n’existait pas d’incapacité de travail en lien avec une maladie ; que la commune l’avait aussitôt licencié sans l’interpeller au sujet de ce rapport ; qu’à réception, le 11 mars 2024, du certificat prolongeant l’arrêt de travail elle avait maintenu sa position ; qu’il avait dû longuement insister pour que l’assureur lui remette une copie du rapport du psychiatre ; qu’il avait contesté auprès de ce dernier le 8 avril 2024 les conclusions du rapport, son entretien avec le Dr C______ n’ayant porté que sur ses relations avec son employeur et l’examen visuel du médecin s’étant fondé uniquement sur son apparence, occultant entièrement la tristesse et la dépression qui le rongeaient au quotidien ; qu’un certificat du docteur D______, psychiatre FMH, du 29 mars 2024 mettait en évidence des signes et symptômes évoquant fortement un trouble dépressif caractérisé s’inscrivant dans l’évolution d’un trouble de l’adaptation avec manifestations anxieuses ; que son médecin traitant avait estimé le 26 mars 2024 que son état de santé nécessitait la prise en charge par un psychiatre dans un contexte de troubles de l’anxiété et de dépression avec insomnies ; que son droit d’être entendu avait été violé, faute pour la commune de l’avoir interpellé à réception du rapport du psychiatre de l’assureur ; que les faits avaient été établis de manière inexacte et incomplète ; que la commune avait abusé de son pouvoir d’appréciation ;

qu’à titre préalable, l’effet suspensif devait être restitué au recours – l’art. 79 al. 2 du statut du personnel de la B______ du 12 novembre 2013 (statut - LC 07 151) disposant que la décision portant sur le licenciement était exécutoire nonobstant recours ; que compte tenu de son âge, 60 ans, de ses chances limitées de retrouver un emploi et de son état de santé, son intérêt privé à la suspension de l’effet de la décision attaquée devait prévaloir ; qu’il avait en outre été licencié en période de maladie, de sorte que son intérêt à garder son poste primait ; que son recours n’était pas dénué de chances de succès ;

que le 2 mai 2024, la commune a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; que le recourant avait été en arrêt maladie le 10 octobre 2023 alors que la date pour l’entretien de service initialement fixée au 9 octobre 2023 avait été reportée à sa demande au 11 octobre 2023 ; qu’il avait été apte au travail entre le 1er novembre 2023 et le 9 janvier 2024, soit durant une période où son conseil avait demandé des informations et des documents ainsi que des reports de délais pour qu’il puisse exercer son droit d’être entendu ; qu’il avait à nouveau été malade à compter du 10 janvier 2024, soit la première date utile à laquelle le conseil administratif se réunissait pour décider de la suite à donner aux rapports de travail ; que le séquencement des arrêts maladie et de l’aptitude au travail du recourant étaient systématiquement tombés, à chaque fois et au jour près, sur des échéances procédurales cruciales ; que ces coïncidences étaient trop nombreuses pour que l’incapacité dont se prévalait le recourant fût crédible ; que les arrêts-maladie avaient également interpellé l’assureur perte de gain, qui avait ordonné une expertise médicale dont les conclusions étaient limpides : le recourant ne présentait pas d’incapacité de travail en lien avec une maladie ; que le licenciement n’avait ainsi pas été notifié en temps inopportun ; que la réintégration ne pouvait être imposée à la commune, laquelle avait d’ores et déjà annoncé qu’elle ne le réintégrerait en aucun cas ; que le recourant ne pouvait ainsi prétendre qu’à une éventuelle indemnité et ne subissait aucun préjudice irréparable ;

que le 16 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions ; qu’un projet de décision avait été préparé en vue de la séance du conseil administratif du 17 janvier 2024, de sorte qu’il était douteux que sa détermination du 8 janvier 2024 avait été réellement prise en compte ; que ses droits avaient été largement bafoués, ce qui imposait la restitution de l’effet suspensif ; que les coïncidences dont se prévalait la commune ne remettaient pas en cause les avis professionnels de ses médecins et revenaient une fois de plus à nier l’impact des agissements coupables de la commune sur sa santé ;

que le 17 mai 2024 les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de
ceux-ci, par un juge ;

que l'art. 66 LPA prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, l’art. 79 al. 2 du statut prévoit que la décision portant sur les sanctions disciplinaires ou le licenciement est exécutoire nonobstant recours ;

que si le recourant devait obtenir gain de cause au fond, la chambre de céans ne pourrait contraindre la commune à le réintégrer et ne pourrait que lui allouer une indemnité correspondant au plus à 24 traitements mensuels (art. 79 al. 3 et 4 statut) ; qu’ainsi la restitution de l’effet suspensif reviendrait à octroyer au recourant plus que ce qu’il pourrait obtenir au fond, ce qui n’est pas envisageable s’agissant de mesures provisionnelles et doit pour ce motif déjà conduire au rejet de la requête ;

que le recourant fait valoir son intérêt personnel à conserver son emploi, en raison de son âge et de la difficulté à retrouver une emploi ; qu’il ne fournit cependant aucune information sur sa situation financière et les ressources dont il disposerait ;

que la commune peut se prévaloir de la jurisprudence constante de la chambre de céans en matière de résiliation des rapports de service, selon laquelle l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que les griefs du recourant appellent une instruction, la réponse au fond de la commune devant encore parvenir à la chambre de céans ;

qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

qu’en particulier la pertinence du grief de nullité reposant sur la capacité de travail n’apparaît, pas de prime abord et sans préjudice de l’examen au fond, s’imposer de façon manifeste compte tenu de l’existence d’une expertise ordonnée par l’assureur perte de gain, dont la pertinence est contestée par le recourant, mais dont celui-ci n’a produit qu’un extrait d’un peu plus d’une page, expertise que la chambre de céans devrait pouvoir examiner dans son intégralité pour pouvoir peser les griefs que le recourant lui adresse ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sera ainsi rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

invite le recourant à produire une copie complète de l’expertise du Dr C______ du 26 février 2024 ;

réserve le sort des frais de la procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

 

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu'à Me Bettina NAVRATIL, avocate de la B______.

 

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

 

F. PAYOT ZEN RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :