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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/132/2024

ATA/612/2024 du 21.05.2024 ( PATIEN ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/132/2024-PATIEN ATA/612/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

B______ intimés



EN FAIT

A. a. A______ était la propriétaire de C______, un chat ______ femelle, née le ______2013.

b. Le 14 juin 2022, la docteure D______, vétérinaire traitante de C______, lui a diagnostiqué un carcinome d'une glande salivaire accessoire, sans présence de métastases à distance.

c. Le 29 juin 2022, A______ a confié C______ à B______, spécialiste en chirurgie oncologique vétérinaire.

d. Le 1er juillet 2022, C______ a été opérée par B______ pour une glossectomie et une exérèse des ganglions rétropharyngés.

e. Au cours de la deuxième semaine d'août 2022, C______ a recommencé à tousser et à avoir des difficultés pour avaler.

f. Le 19 août 2022, C______ a été auscultée par B______ pour un contrôle.

g. Le 26 août 2022, C______ a été auscultée une nouvelle fois par B______.

Il existait une possible source infectieuse. Des médicaments lui ont été prescrits.

h. Le 14 septembre 2022, la Dre D______ a pratiqué une endoscopie dans la mesure où l'état de C______ ne s'améliorait pas. Des images ont été transmises à B______ afin de recueillir son avis.

i. Par courriel du 16 septembre 2022, B______ a répondu à la Dre D______ qu'un traitement à base de stéroïdes pouvait être essayé dans la mesure où une sévère inflammation de l'œsophage de C______ faisait partie du différentiel. Si elle ne répondait pas à ce traitement, des biopsies pourraient être effectuées pour exclure une extension du carcinome.

j. Le 27 octobre 2022, C______ a été euthanasiée.

k. Le 7 décembre 2022, A______ a demandé à B______ de se déterminer sur les circonstances exactes de la prise en charge de C______.

En excluant délibérément la possibilité d'une récidive de son cancer, il avait en effet manqué les symptômes de l'extension de son carcinome qui n'avait, par conséquent, été détecté qu'à un stade trop avancé pour être pris en charge. L'absence de thérapie adjuvante, pourtant soutenue par un confrère qui avait examiné le dossier de C______, alors même que le risque de récidive avait été mis en évidence par deux laboratoires distincts, appelait à questionner le caractère approprié de la prise en charge. Enfin, il restait à expliquer son refus de procéder à un examen complet de C______ qui souffrait des mêmes symptômes que ceux ayant initialement conduit au diagnostic de cancer moins de deux mois après son opération.

l. Le 31 janvier 2023, B______ a contesté toute négligence ou violation des règles de l'art dans la prise en charge de C______ et a réfuté toute responsabilité dans le cadre de son décès.

B. a. Le 3 mai 2023, A______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : ComPS ou la commission) lui demandant d'ouvrir une instruction à l'encontre de B______.

Le patient et la personne habilitée à décider des soins au nom du patient qui saisissaient la ComPS avaient la qualité de partie. En matière d'affaires vétérinaires, le propriétaire d'un animal devait être considéré comme ayant la qualité de partie.

B______ avait omis de mentionner suffisamment clairement les risques de récidive tout au long de la prise en charge de C______. Il avait en outre exclu la nécessité du recours à des thérapies supplémentaires dans la lutte contre le cancer de C______ et omis de procéder à un examen clinique complet de suivi après-cancer, malgré les risques connus de récidive. Les mesures visant à exclure une extension du carcinome de C______ n'avaient été envisagées qu'en dernier recours, uniquement dans l'hypothèse d'une absence de réponse au traitement par stéroïdes, alors que les symptômes de la récidive s'étaient déjà manifestés plus d'un mois auparavant.

b. Le 12 mai 2023, la ComPS a accusé réception de ce courrier et a informé A______ que l'affaire serait prochainement soumise à son bureau pour examen préalable.

c. Le 25 juillet 2023, la ComPS a indiqué à A______ que son bureau avait décidé d'ouvrir une procédure administrative à l'encontre de B______ et que l'instruction serait confiée à la sous-commission 6.

Son attention était attirée sur le fait qu'en sa qualité de dénonciatrice, elle n'avait pas la qualité de partie à la procédure. Elle ne recevrait donc pas de décision formelle à l'issue de celle-ci. La commission statuerait sur l'information qui lui serait communiquée.

d. Le même jour, la commission a transmis la plainte à B______, l’a informé qu’elle ouvrait une procédure à son encontre, dont l’instruction était confiée à la sous-commission 6, lui a communiqué la composition de la commission et la répartition de ses membres par sous-commission et lui a imparti un délai pour faire valoir ses observations.

e. Le 2 août 2023, A______ a écrit à la commission.

Il ne ressortait pas explicitement des dispositions de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03) déterminant la qualité de partie dans le cadre de la saisine de la commission si un détenteur d'un animal devait être considéré comme partie à la procédure.

Le fait que l'art. 125B al. 3 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prévoie une application par analogie de l'art. 125B al. 1 LS aux affaires vétérinaires devait mener à retenir que le législateur avait voulu tenir pour possible la voie de la plainte, qui était prévue par l'art. 125B al. 1 LS, aux affaires vétérinaires également. De plus, il incombait au détenteur d'assurer les soins de son animal.

Dès lors, la voie de la plainte était également ouverte dans le cadre des affaires vétérinaires et la personne habilitée à être auteur de la plainte était le détenteur de l'animal, ce dernier n'ayant pas la capacité de le faire.

Il convenait par conséquent d'admettre qu'A______ avait la qualité de partie à la procédure.

f. Le 11 août 2023, la commission a attiré l'attention d'A______ sur le fait que l'attribution du statut du dénonciateur au propriétaire d'un animal avait été confirmée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), notamment dans les ATA/587/2015 du 9 juin 2015 et ATA/347/2023 du 4 avril 2023.

La commission n'entendait dès lors pas attribuer à A______ la qualité de partie à la procédure ouverte par-devant elle.

g. Le 15 août 2023, A______ a contesté le contenu du courrier précité, relevant que les arrêts susmentionnés ne tranchaient pas la question de la qualité de partie du propriétaire d'animal.

Elle persistait dès lors dans ses observations du 2 août 2023 et lui demandait de lui accorder la qualité de partie à la procédure.

h. Le 17 août 2023, la commission a confirmé qu'elle n'entendait pas attribuer à A______ la qualité de partie à la procédure ouverte par-devant elle.

i. Le 18 août 2023, B______ s'est déterminé sur la plainte.

C______ souffrait d'un cancer très agressif et très rare. Il n'avait jamais délibérément exclu une récidive ou une progression de son cancer. Pour poser un tel diagnostic, des informations devaient être concordantes, ce qui n'était pas le cas. Il n'avait pas eu de contact avec C______ après le dernier examen le 26 août 2022 et n'avait donc pas participé à ses soins pendant les deux derniers mois de sa vie.

j. Le 5 septembre 2023, A______ a contesté le contenu du courrier de la commission du 17 août 2023.

Le refus d'admettre sa qualité de partie était illicite. À défaut, une décision sujette à recours devait être rendue afin qu'elle soit en mesure de remettre en cause la légalité du traitement de sa plainte.

k. Le 28 septembre 2023, la commission a répondu que la problématique relative à son statut procédural serait abordée lors de la prochaine séance plénière.

l. Par décision incidente du 10 octobre 2023, la commission a confirmé le statut de dénonciatrice d'A______ dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre de B______.

Le statut procédural d'un animal n'était pas expressément réglé par la loi. De jurisprudence constante, la commission considérait celui-ci comme un dénonciateur. La chambre administrative n'avait jamais remis en cause cette jurisprudence (ATA/587/2015 et ATA/347/2023 précités). Dans tous les cas, la commission estimait que le propriétaire d'un animal décédé ne pouvait pas bénéficier de droits procéduraux plus étendus que le représentant thérapeutique ou légal d'un patient décédé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_675/2019).

Compte tenu de ces éléments, la commission ne pouvait pas attribuer à A______ la qualité de partie à la procédure.

Les fonction et qualité des seize personnes ayant siégé étaient détaillées.

m. Le 23 octobre 2023, A______ a demandé à la commission d'annuler cette décision et de lui accorder la qualité de partie à la procédure.

Il s'agissait d'une décision finale, puisque la commission lui niait à tort la qualité de partie.

Les animaux n'ayant ni personnalité juridique ni capacité juridique, ils n'étaient pas des sujets de droit, mais une catégorie particulière d'objets juridiques. A______ était la patiente/cliente de B______, pas son animal.

La décision perdait totalement de vue ces éléments, en citant des arrêts n'ayant aucune pertinence et en faisant une analogie déplacée avec le cas d'un patient décédé à l'égard de la qualité de partie de ses proches.

n. Le 26 octobre 2023, A______ a relevé que ni le vétérinaire cantonal, ni un quelconque représentant ayant la formation de vétérinaire, n'avait siégé au sein de la commission dans le cadre de la décision en cause. Ce vice apparaissait manifeste et commandait un réexamen sérieux de la cause, comme demandé dans le courrier du 23 octobre 2023.

o. Le 31 octobre 2023, la commission a informé A______ que ses courriers des 23 et 26 octobre 2023 seraient soumis à la prochaine séance plénière, laquelle se tiendrait le 14 décembre 2023. Dans l'intervalle, la décision du 10 octobre 2023 était maintenue.

p. Le 21 décembre 2023, la commission a indiqué à A______ que ses membres avaient estimé qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur leur décision du 10 octobre 2023, celle-ci étant entrée en force.

q. Le 3 janvier 2024, A______ a invité la commission à transmettre ses correspondances à l’autorité compétente comme valant recours.

C. a. Le 12 janvier 2024, la commission a transmis à la chambre administrative les courriers d'A______ des 23 octobre 2023 et 3 janvier 2024.

La commission avait rendu, le 10 octobre 2023, une décision incidente déniant à A______ la qualité de partie à la procédure, décision qui avait été notifiée aux parties le 11 octobre 2023. Par courriers des 23 et 26 octobre 2023, A______ avait demandé à ce que la commission revienne sur sa décision, ce qu'elle avait refusé de faire le 21 décembre 2023. C'était à ce refus que faisait suite le courrier d'A______ susmentionné.

b. Le 15 février 2024, la commission a conclu à l'irrecevabilité du recours.

Il apparaissait que la chambre administrative retenait que la décision attaquée était la décision incidente qu'elle avait rendue le 10 octobre 2023. Cette décision avait été notifiée le lendemain et était entrée en force le 22 octobre 2023. Ce n'était que les 23 et 26 octobre 2023 qu'A______ avait remis en cause ladite décision. Formé tardivement, le recours était donc irrecevable.

À toutes fins utiles, la commission précisait que l'objet de la décision concernait la question juridique de la qualité de partie d'A______ à la procédure. La décision à prendre ne nécessitait ainsi pas une analyse de médecine vétérinaire effectuée par le vétérinaire cantonal, par ailleurs non titulaire du droit de vote.

c. Le 4 mars 2024, A______ a persisté dans son recours.

La décision de la commission du 10 octobre 2023 était une décision incidente. Celle-ci avait été notifiée le 11 octobre 2023. Partant le délai de recours de dix jours était arrivé à échéance le lundi 23 octobre 2023, le 21 octobre étant un samedi. Formé le 23 octobre 2023, le recours avait ainsi été déposé dans les délais.

Formé par-devant la commission, laquelle avait décliné sa compétence, le recours avait été transmis à la chambre administrative.

Déposé selon les formes prescrites par la loi, le recours était par conséquence recevable.

En outre, la règle de composition exigeant la présence du vétérinaire cantonal n'était pas une règle dispositive et ne contenait aucune exception à raison de l'objet de la décision à rendre, étant au reste relevé que le rapport existant entre patient, animal et propriétaire de ce dernier constituait précisément une question de droit des animaux.

Le recours devait donc être admis.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier de la juge déléguée du 5 mars 2024.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/1226/2023 du 14 novembre 2023 consid. 1.1).

1.1 Selon l'art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), et sous réserve des compétences dévolues à la chambre constitutionnelle et à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, la chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (al. 1). Sauf exceptions prévues par la loi, les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA sont en principe attaquables devant elle (al. 2).

1.2 Conformément à l'art. 125B al. 1 LS, la commission est compétente pour traiter des plaintes et des dénonciations résultant d’une infraction à la LS ou à ses dispositions d’exécution dans les cas où l’infraction a été commise dans le cadre de soins prodigués à une personne déterminée par un professionnel de la santé ou une institution de santé. La procédure est, dans tous les cas, réglée par la LComPS. Cette disposition s’applique par analogie aux affaires vétérinaires (art. 125B al. 3 LS).

1.3 En matière de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, selon l’art. 22 al. 1 LComPS, les décisions prises en vertu de l’art. 7 al. 1 let. a et al. 2 LComPS peuvent faire l’objet, dans un délai de trente jours, d’un recours à la chambre administrative, laquelle a accès au dossier médical du patient concerné.

Selon l'art. 8 LComPS, la commission peut se saisir d'office ou être saisie par le dépôt d’une plainte émanant du patient concerné. Cette plainte peut également émaner de son représentant thérapeutique au sens de la LS ou de son représentant légal (al. 1). La commission peut également être saisie par une dénonciation du département, des professionnels de la santé, des institutions de la santé, d'autres autorités ou de particuliers (al. 2).

1.4 L'art. 11 al. 3 LPA prévoit que si l'autorité administrative décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties.

Selon l’art. 64 al. 2 LPA, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

1.5 Sont susceptibles de recours (art. 57 LPA) les décisions finales (let. a) et les décisions incidentes si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

Selon l’art. 62 al. 1 LPA, le délai de recours est de trente jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence (let. a) et de dix jours s’il s’agit d’une autre décision (let. b).

L'art. 17 LPA prévoit que les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (al. 1). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (al. 3).

1.6 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a retenu qu’en se voyant dénier la qualité de partie alors qu’elle se prévalait de la qualité de patient de feu son époux, une recourante se voyait, de même, dénier le droit de recourir contre la décision finale à rendre, droit qui était expressément reconnu aux parties. Partant, il s’agissait dans un tel cas d’ouvrir la voie du recours contre la décision déniant sa qualité de partie. La décision querellée était une décision incidente (ATA/527/2013 du 27 août 2013 consid. 3).

Cette jurisprudence a été reprise dans l'ATA/78/2017 du 31 janvier 2017, qui concernait des parents dont la qualité de parties n'avait pas été admise dans le cadre de leur plainte contre un hôpital en relation avec la prise en charge de leur fille décédée. Cet arrêt a été annulé par le Tribunal fédéral par arrêt 2C_278/2017 du 17 août 2017 mais pour des raisons autres que la question de la qualification de la décision attaquée.

1.7 En l'espèce, il n'est pas contesté que la commission est compétente pour traiter de la dénonciation de la recourante qui se plaint d'une mauvaise prise en charge de son chat par un vétérinaire (art. 125B al. 1 et 3 LS et 8 LComPS).

Les parties se rejoignent sur le fait que la décision prise par la commission, laquelle dénie à la recourante la qualité de partie dans le cadre de l'instruction de sa plainte, est une décision incidente. Cela est conforme à la jurisprudence précitée.

La décision contestée a été notifiée le 11 octobre 2023, selon le suivi de la poste figurant au dossier. Le délai a donc commencé à courir le lendemain (art. 17 al. 1 LPA), soit le 12 octobre 2023 pour arriver à échéance le 21 octobre 2023 (art. 62 al. 1 let. b LPA), qui est un samedi. En application de l'art. 17 al. 3 LPA, le délai de recours a été reporté au lundi 23 octobre 2023, premier jour utile, et date de l'envoi de l'écriture de la recourante à la commission. La recourante a donc agi en temps utile auprès de l'intimée, laquelle a, à juste titre, transmis cette écriture à la juridiction compétente, soit la chambre de céans (art. 132 al. 1 et al. 2 LOJ ; art. 22 al. 1 LComPS ; art. 11 al. 3 et 64 al. 2 LPA).

Dans ce courrier, la recourante demande clairement à la commission d'annuler la décision querellée et de lui reconnaître la qualité de partie dans le cadre de l'instruction de sa plainte à l'encontre de B______ pour les motifs développés dans son écriture. Son acte remplit donc également les réquisits de l'art. 65 LPA.

Il n'est enfin pas contesté que la recourante encoure un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA.

Le recours est par conséquent recevable sur ces points.

2.             L'objet du litige consiste à déterminer si la recourante bénéficie de la qualité de partie par-devant la commission dans le cadre de l'instruction de sa plainte contre B______, vétérinaire.

3.             La recourante soutient que la décision attaquée serait viciée au motif que le vétérinaire cantonal n'a pas participé à la décision de la commission.

3.1 L'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l'autorité administrative qui statue, le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2).

La composition de l'autorité est définie selon les règles du droit de procédure ou d'organisation. Celui-ci prévoit généralement des quorums afin d'assurer le fonctionnement des autorités collégiales. L'autorité est ainsi valablement constituée lorsqu'elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d'organisation ou de procédure prévoit. Par conséquent, lorsqu'un membre de l'autorité est appelé à se récuser ou ne peut, pour une autre raison, prendre part à la décision, il doit, dans la mesure du possible, être remplacé. Si l'autorité statue alors qu'elle n'est pas valablement constituée, elle commet un déni de justice formel (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

La notion de « membres d'une autorité administrative » comprend aussi bien ceux ayant une voix consultative que ceux pouvant prendre part au vote (arrêt du Tribunal fédéral 1P.416/2006 du 29 mars 2007 consid. 2.2 ; ATA/55/2020 du 21 janvier 2020 consid. 5c et l'arrêt cité).

3.2 Conformément à l’art. 3 LComPS, la commission est constituée d’un président ayant une formation juridique adéquate et de 19 membres titulaires. Elle élit en son sein un vice-président (al. 1). Les membres titulaires de la commission de surveillance ayant le droit de vote sont deux médecins spécialistes en médecine générale ou interne, un médecin pratiquant des interventions de type chirurgical ou diagnostique, un médecin spécialiste en psychiatrie, deux infirmiers, un médecin‑dentiste, un médecin spécialiste en pharmaco-toxicologie, un membre d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des patients, un avocat, deux représentants de partis politiques n'appartenant pas à l'une des professions de la santé visées par la LS, un pharmacien, un travailleur social, un ophtalmologue et un gynécologue (al. 3 let. a à m). Les membres titulaires sans droit de vote sont le directeur de l’office cantonal de la santé, le médecin cantonal et le pharmacien cantonal (al. 4 let. a à c). Lorsque la nature de l'affaire le justifie, la commission de surveillance peut, de cas en cas, associer à ses travaux, avec droit de vote, tout autre praticien ou spécialiste de la branche concernée par l'affaire en cause (al. 5). Pour les affaires vétérinaires, le vétérinaire cantonal assiste aux séances, sans droit de vote (al. 6).

L’art. 18 LComPS prévoit que la commission de surveillance ne peut délibérer valablement en séance plénière qu’en présence de cinq de ses membres ayant le droit de vote, comprenant au moins un homme et une femme (al. 1). Parmi ces membres doivent figurer nécessairement le président ou le vice-président, un membre non professionnel de la santé et deux médecins dont l’un choisi hors des établissements publics médicaux (al. 2 let. a à c). Pour les cas où l’affaire concerne une profession non représentée dans les membres visés à l’al. 2, il doit également être fait appel à son représentant (al. 3). Lorsque la commission de surveillance se prononce sur une question de principe ou change de jurisprudence, sa décision doit être entérinée par sept de ses membres au moins (al. 4).

3.3 Selon les travaux préparatoires relatifs au projet de loi ayant conduit à l'adoption de la LComPS (PL 9'326), le commentaire article par article précise spécifiquement s’agissant de l'art. 3 LComPS que figurent également comme membres permanents, mais sans droit de vote, le médecin cantonal, le pharmacien cantonal et le vétérinaire cantonal. En effet, si leur connaissance du terrain est absolument nécessaire à la commission pour l'appréciation des dossiers, leur droit de vote a pu occasionnellement poser quelques problèmes, dans la mesure où ils sont – pour deux d'entre eux – chargés de la police sanitaire. Ainsi, des demandes de récusation ont souvent eu lieu, ce qui est susceptible – au cas où ces demandes doivent être acceptées – de priver la commission d'une présence et d'un éclairage fort utiles (MGC 2003-2004/XI A 5736).

3.4 L'art. 17 al. 5 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission 22 août 2006 (RComPS - K 3 03.01) précise que les sous‑commissions sont compétentes pour rendre des décisions incidentes sur les questions relatives à une demande de récusation d’un ou de plusieurs de ses membres ainsi que sur des demandes de suspension de la procédure administrative, selon l’art. 14 LPA.

3.5 Selon un principe général, la nullité d'un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3a ; 119 II 147 consid. 4a et les références). En d'autres termes, il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5.1 ; ATA/547/2021 du 9 juillet 2021 consid. 6a et les références). Ainsi, d'après la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2).

3.6 En l'espèce, la décision attaquée a été rendue par la commission, conformément à l'art. 17 al. 5 RComPS interprété a contrario, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une décision incidente portant sur une demande de récusation d’un ou de plusieurs de ses membres ou d'une demande de suspension de la procédure administrative. La décision querellée a bien été rendue par l'autorité compétente, ce qui n'est pas contesté.

La commission a pris cette décision en séance plénière comme le prescrit l'art. 18 LComPS. Néanmoins, il apparaît, comme le relève à juste titre la recourante, que le vétérinaire cantonal n'a pas siégé lors de cette décision. Quand bien même celui-ci ne dispose pas du droit de vote, il était tenu d'assister à cette séance de vote (art. 3 al. 6 LComPS). À plus forte raison que dans la mesure où cela concernait une affaire vétérinaire et que cette profession n'était pas représentée dans les membres visés par l'art. 18 al. 2 LComPS, son représentant devait siéger à ladite séance (art. 18 al. 3 LComPS). Or, il ne ressort pas de la liste des personnes ayant siégé le 10 octobre 2023 que le vétérinaire cantonal aurait assisté à la séance. Le fait qu'il s'agisse d'une décision incidente ou encore que l'objet de la décision ne nécessitait, en l'état, pas une analyse de médecine vétérinaire ne change rien au fait que la commission devait prendre sa décision dans une composition correcte en respectant la LComPS. Dans ces circonstances, la chambre de céans retiendra que la décision du 10 octobre 2023 n'a pas été prise dans une composition conforme aux règles du droit de procédure et d'organisation de la commission.

La mauvaise composition de l'autorité qui a pris une décision est un vice particulièrement grave au sens de la jurisprudence précitée. Résultant directement de la loi réglant la composition de cette autorité, il était manifeste ou à tout le moins facilement décelable. Il s'agit dès lors d'un motif de nullité.

La constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit, dans la mesure où la décision attaquée avait un contenu négatif et que la commission pourra statuer à nouveau sur la problématique de la qualité de partie de la recourante dans une composition correcte.

La nullité de la décision querellée sera donc constatée. En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ATA/257/2018 du 20 mars 2018 consid. 13).

Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

Étant donné cette issue, il n'est pas nécessaire de trancher les autres points de droit abordés par la recourante.

4.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Vu la nullité de la décision attaquée, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 10 octobre 2023 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 octobre 2023 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 10 octobre 2023 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument de procédure ;

alloue à A______ une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu’à B______.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :