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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1072/2016

ATA/78/2017 du 31.01.2017 ( PATIEN ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.03.2017, rendu le 17.08.2017, ADMIS, 2C_278/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1072/2016-PATIEN ATA/78/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2017

 

dans la cause

 

Madame A_____ et Monsieur A______
représentés par Me Pierre Gabus, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

 



EN FAIT

1. Madame B______, née le ______ 1992, est la fille de Madame A______ et de Monsieur A______ (ci-après : les époux A______).

2. Le 4 août 2014, Mme B______ a été hospitalisée en urgence aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

Elle avait eu une crise clastique à domicile. Elle s’était montrée agitée, avait fait preuve d’agressivité à l’égard de son entourage et contre elle-même. Elle avait menacé sa famille avec un couteau et avait mordu sa mère et son frère lorsque ceux-ci avaient essayé de le lui enlever. Elle avait tenté de s’étouffer avec du papier qu’elle ingérait en grande quantité.

3. Selon la « feuille de tri » du service des urgences, Mme B______ a été admise le 4 août 2014 à 23h56.

4. Il ressort de la « prescription de sécurité » établie par le médecin responsable de la patiente, le 5 août 2014 à 00h30, un risque vital pour la patiente « P3+ », les rubriques « prévention d’une violence imminente du patient envers lui-même ou autrui » et « prévention d’un risque de rupture thérapeutique alors que l’état de santé impose les soins » étaient cochées. La patiente devait être surveillée toutes les trente minutes.

5. Selon la « prescription de sécurité » faite le même jour à 11h00, la rubrique « prévention d’un risque thérapeutique alors que l’état de santé impose des soins » restait cochée. Le niveau de précaution était « P1 ». La surveillance à trente minutes était maintenue.

Dans le courant de la journée, la Doctoresse C______ de l’unité d’accueil et d’urgences psychiatriques des HUG, en charge de la réévaluation de la patiente, a rencontré les parents. Elle proposait que Mme B______ quitte le service des urgences afin d’être hospitalisée à l’unité d’intervention et de thérapie brève (ci-après : UITB).

Selon la « note de sortie » rédigée par la Dresse C______, le diagnostic consistait en « psychotic desorder NOS (298.9) – F23.1 ».

6. Il ressort du document « feuille d’ordres », sous la rubrique « prescriptions médicales actives » qu’il a été mentionné à 18h54 le 5 août 2014 que les sorties de la patiente devaient être accompagnées par les soignants. Le nom de la Doctoresse  D______ était mentionné à côté.

7. La Dresse D______ a rédigé une note d’entrée à 19h26. Le document ne contenait que des éléments anamnestiques et un bref statut psychiatrique. Il faisait état de troubles anosognosiques.

8. Un rendez-vous médical était fixé le 6 août 2014 à 13h30.

9. Dans la matinée du 6 août 2014, s’est tenue une réunion « groupe de crise ». Le dossier n’indique pas à quelle heure a eu lieu la réunion, combien de temps elle a duré, ni qui y participait. Mme B______ s’y est présentée, dans un premier temps, comme étant une infirmière.

10. Aux alentours de 11h20, dans la matinée du 6 août 2016, Mme B______ a demandé, à plusieurs reprises et avec insistance, à pouvoir être accompagnée pour aller fumer une cigarette. Ses demandes ont été refusées et il lui a été demandé de patienter.

11. Madame E______, infirmière, est sortie du service vers 11h30.

Mme B______ a profité de l’ouverture de la porte de service pour s’échapper. Elle s’est rendue dans la cage d’escaliers entre le 8ème et le 9ème étage, depuis lequel elle s’est défenestrée. Elle a été retrouvée décédée sur la voie publique.

12. Une procédure pénale a été ouverte (P/1______/2014).

Les parents de Mme B______ y sont parties plaignantes au civil et au pénal.

13. Le 14 juillet 2015, les époux A______ ont déposé plainte contre l’IUTB auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission).

14. Par décision incidente du 24 mars 2016, la commission a constaté que les époux A______ ne bénéficiaient pas de la qualité de parties à la procédure. Ils étaient dénonciateurs. Leur fille étant capable de discernement lors de son décès et en mesure de prendre toute décision à caractère médical la concernant, les parents ne pouvaient prétendre avoir été ses représentants thérapeutiques. Ils ne pouvaient non plus se prévaloir d’autres dispositions légales pour fonder une qualité de parties dans la procédure concernée.

15. Par acte du 8 avril 2016, les époux A______ ont interjeté recours contre la décision précitée.

Ils ont conclu à l’annulation de la décision et à ce qu’il soit dit qu’ils avaient la qualité de parties. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

Il était faux de soutenir que Mme B______ aurait été capable de discernement au moment de son décès. Contrairement à ce que prétendait la commission, les faits amenaient à conclure qu’il s’agissait d’un « raptus suicidaire », précisément caractérisé par l’absence de discernement de la victime. Ils étaient dès lors représentants thérapeutiques de leur fille et avaient, par voie de conséquence, la qualité de parties dans le cadre de la plainte déposée devant la commission.

Ils bénéficiaient par ailleurs d’un droit propre découlant de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) relatif à l’information due aux proches d’un patient décédé.

Le dossier médical de leur fille était lacunaire. Ils étaient déterminés à ce que les faits ayant amené au drame puissent être totalement éclaircis.

16. Par réponse du 18 mai 2016, la commission a persisté dans ses conclusions, sous « suite de dépens ».

17. Par réplique du 17 juin 2016, les parents ont déploré que la commission fasse sienne, sans autre, la position des HUG. L’incapacité de discernement de leur fille ressortait pourtant clairement des éléments en leur possession. Ils versaient à la procédure une attestation médicale du Docteur F______, psychiatre, qui les suivait depuis le 20 août 2014. Il avait pu prendre connaissance de l’entier du dossier. De son point de vue, Mme B______ n’avait pas sa capacité de discernement lorsqu’elle avait été admise au service des urgences le soir du 4 août 2014 et ne l’avait pas recouvré avant le drame. Il développait sur plusieurs pages ses arguments.

18. Par convocation du 5 juillet 2016, le juge délégué a ordonné la tenue d’une audience agendée au 22 septembre 2016.

19. Par courrier du 12 septembre 2016, les parents ont informé la chambre de céans que le rapport d’expertise, ordonné par le Ministère public, avait été rendu. L’expert avait conclu que la cause ayant conduit au décès de Mme B______ était la survenance d’un raptus suicidaire dans l’évolution d’un « trouble psychotique aigu polymorphe, avec symptômes schizophréniques » qui avait motivé son admission aux urgences dans la nuit du 4 au 5 août 2014.

20. À la demande du juge délégué, ils ont transmis le rapport d’expertise dans son intégralité. Ils souhaitaient qu’il soit soustrait à la consultation de l’intimée.

21. Lors de l’audience du 22 septembre 2016, les époux A______ ont précisé qu’une procédure pénale avait été ouverte dès le décès. Elle avait commencé sans qu’ils ne soient parties. Différentes personnes avaient été entendues avant qu’ils ne se constituent parties plaignantes, au civil comme au pénal. Ils avaient sollicité l’audition et la ré-audition de certaines personnes. Un délai à octobre 2016 avait été imparti aux parties pour se déterminer sur le contenu de l’expertise ordonnée par la procureure.

Les représentants de la commission ont précisé ne pas avoir connaissance du rapport d’expertise.

Selon les parents, le rapport d’expertise avait éclairci certains points, mais créé d’autres interrogations, raison pour laquelle, en l’état, ils s’opposaient à ce qu’il soit versé à la présente procédure, ou en tous les cas, communiqué à la commission. Ce rapport ne leur apparaissait pas déterminant quant à la question que la chambre administrative devait trancher, à l’exception de la conclusion confirmant qu’il s’était agi d’un raptus suicidaire. Il était important que la procédure pénale et la procédure administrative aillent de l’avant, sans que la procédure administrative n’attende l’issue de la procédure pénale ou n’en dépende. Il s’agissait d’établir les faits, sous des éclairages différents, dans chacune des deux procédures. Elles devaient être menées en parallèle.

Le drame s’était passé si rapidement qu’il était totalement impossible que leur fille ait émis des directives anticipées. La crise du 4 août 2014, en soirée, avait été d’une telle violence que leur enfant n’avait clairement pas sa capacité de discernement et qu’il était évident qu’elle ne l’avait jamais recouvrée jusqu’à son décès, trente-six heures après son hospitalisation.

L’entretien du 5 août avec la Dresse C______ était déterminant puisqu’il leur avait été garanti que leur fille serait surveillée et qu’elle ne risquerait rien. Leur consentement avait été expressément demandé pour le passage de leur fille à l’UITB. S’ils s’y étaient opposés, elle aurait dû être transférée à Belle-Idée, ce que la Dresse C______ ne souhaitait pas, s’agissant d’une première crise. La Dresse C______ leur avait bien précisé qu’B______ était dangereuse pour les autres et pour elle-même.

Ils fournissaient une assistance personnelle et régulière à B______, étudiante à St-Gall. Ils pourvoyaient à son entretien. Elle habitait chez eux au moment de son hospitalisation.

22. Conformément à ce qui avait été convenu à l’issue de l’audience, les recourants ont transmis, le 31 octobre 2016, copie de leur détermination du 17 octobre 2016 adressée au Ministère public, accompagnée de ses annexes. À l’instar de l’entier de l’expertise, ils sollicitaient que ces pièces soient soustraites à la consultation, dès lors qu’elles contenaient des points sensibles et cruciaux dont il importait que les HUG n’aient pas connaissance à ce stade de la procédure pénale.

Par ailleurs, à la suite de l’audience devant la chambre administrative, les recourants avaient découvert que la Doctoresse G______ était membre de la commission. Or, elle avait d’ores et déjà produit plusieurs écritures pour le compte des HUG dans le cadre de la présente cause, soutenant la pleine capacité de discernement de Mme B______ au moment de son hospitalisation les 5 et 6 août 2014. L’appréciation de la capacité de discernement de Mme B______ par la commission s’était faite en l’absence de psychiatre et sur la base de courriers de la Dresse G______ pour le compte des HUG, elle-même membre de la commission, et censée se récuser. L’ensemble du processus confirmait que la décision litigieuse devait être annulée.

23. Par décision du 10 novembre 2016, le juge délégué a donné suite à la requête des recourants de soustraire certaines pièces à la consultation, principalement le rapport d’expertise et les conclusions des parents, documents versés à la procédure pénale et qui n’étaient pas nécessaires dans le cadre de la présente cause.

Un ultime délai au 30 novembre 2016 était imparti aux parties pour d’éventuelles observations.

24. Par courrier du 23 novembre 2016, la commission a persisté dans ses conclusions.

Elle avait répondu le 19 octobre 2016 à un courrier de l’avocat, relatif à la question de la récusation de la Dresse G______. La convocation du 11 mars 2016 de la commission pour la séance plénière du 23 mars 2016 était jointe. Sous le point n° 14, concernant la présente cause, il était mentionné qu’une proposition de décision incidente serait soumise à la commission selon un document joint en annexe. La Dresse G______ se récusait.

25. Par courrier du 29 novembre 2016, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

26. Par pli du 1er décembre 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente, (art. 22 al. 1 LComPS ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Il est recevable sur ce point.

2. Les recourants contestent que la décision querellée soit une décision incidente.

a. Constitue une décision finale une décision qui met un terme à l’instance engagée (ATA/261/2009 du 19 mai 2009 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n° 2.2.4.2, p. 256). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions ayant pour effet d’écarter définitivement une partie d’une procédure sont assimilées à des décisions finales. Il en va ainsi de la décision rejetant la demande de constitution de partie civile dans le procès pénal (ATF 128 I 215), de la décision refusant une demande à pouvoir intervenir dans la procédure de recours devant la juridiction administrative (arrêt du Tribunal fédéral 1P.56/2004 du 7 avril 2004) ou de la décision statuant sur le remplacement d’une partie par une autre dans une procédure civile (ATF 131 I 57), à tout le moins si la partie évincée peut déduire un droit de la procédure de laquelle elle est écartée (ATF 131 I 57).

b. Sont des décisions incidentes les décisions prises pendant le cours de la procédure, qui ne représentent qu’une étape vers la décision finale. Selon la jurisprudence, les jugements constatant la qualité de partie ou admettant l'appel en cause d'une tierce personne constituent de telles décisions (arrêt du Tribunal fédéral 2C_234/2011 du 23 août 2011 ; ATA/693/2012 du 16 octobre 2012 ; ATA/617/2012 du 17 septembre 2012 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, op. cit., p. 225, n. 2.2.4.2). En principe, de telles décisions ne causent pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA (ATA/693/2012 du 16 octobre 2012) puisque la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est généralement pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATA/293/2013 du 7 mai 2013 et les références).

Les décisions ayant trait à la faculté d’une partie de participer à la procédure sont donc qualifiées différemment selon que la partie se voit dénier ou reconnaître cette qualité et selon qui est l’auteur du recours. Lorsqu’une partie se voit dénier cette qualité, on doit considérer les inconvénients qu’elle subit du fait qu’elle est écartée de la procédure.

Dans un arrêt de principe en matière de droit des patients et de surveillance des professions de la santé qui réinterprète l’art. 22 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03 ; ATA/17/2013 du 8 janvier 2013), la chambre administrative a considéré qu’à l’instar de la procédure pénale dans laquelle la partie civile peut recourir contre la culpabilité de l’auteur sans se prononcer sur la peine, le patient peut désormais recourir contre la décision prise à l’issue de la procédure disciplinaire en contestant les violations retenues, mais sans prendre de conclusions sur la sanction elle-même.

Dans un arrêt subséquent (ATA/527/2013 du 27 août 2013), la chambre administrative a retenu qu’en se voyant dénier la qualité de partie alors qu’elle se prévalait de la qualité de patient de feu son époux, une recourante se voyait, de même, dénier le droit de recourir contre la décision finale à rendre, droit qui lui était expressément reconnu. Partant, il s’agissait dans un tel cas d’ouvrir la voie du recours contre la décision déniant sa qualité de partie. La décision querellée était une décision incidente (consid. 3 et 4).

c. En l’espèce et compte tenu de ce qui précède, la décision attaquée est une décision incidente, qui peut faire l’objet d’un recours devant la chambre de céans.

Les arrêts de la chambre de céans cités en exemple par les recourants pour soutenir qu’il s’agirait d’une décision finale ne sont pas pertinents. Trois des quatre références mentionnées consistaient en des recours contre une décision de classement de la commission. S’agissant d’une décision finale, le délai de recours était de trente jours. La dernière référence citée par les recourants était précisément l’ATA où cette question était tranchée (ATA/527/2013 précité) et dans lequel la chambre administrative avait considéré qu’un recours contre une décision refusant la qualité de partie était une décision incidente.

d. Dirigé contre une décision incidente (art. 57 let. c LPA), le recours a été interjeté dans les dix jours (art. 63 al. 1 let. b LPA), devant la juridiction compétente, (art. 22 al. 1 LComPS ; art. 132 LOJ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants encourent un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA.

Le recours est recevable.

3. La décision litigieuse a été prononcée par une autorité valablement composée, la Dresse G______ s’étant récusée (art. 13 al. 1 LComPS ; 4 al. 1 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 - RComPS - K3 03 01).

Par ailleurs, le seul médecin psychiatre membre de la commission (art. 3 al. 3 let. c LComPS) s’étant récusé, il ne peut être reproché à l’intimée d’avoir statué dans une composition non conforme à la loi.

4. Le litige porte sur la qualité de partie des parents de feu Mme B______ dans la procédure devant la commission.

5. a. Selon la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires (LPMéd - RS 811.11), chaque canton doit désigner une autorité chargée de la surveillance sur son territoire des personnes exerçant une profession libérale universitaire à titre indépendant (art. 41 al. 1 LPMéd). Celle-ci a pour mission de prendre les mesures nécessaires afin de faire respecter les devoirs professionnels (art. 41 al. 2 LPMéd).

Dans le canton de Genève, ce rôle est dévolu à la commission dont l’organisation et les compétences sont réglées par la LComPS. En vertu de l’art. 7 al. 1 let. a LComPS, la commission a notamment pour attribution d’instruire en vue d'un préavis ou d'une décision les cas de violation des dispositions de la LS concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients.

b. L’organisation et les compétences de la ComPS sont réglées par la LComPS.

6. a. La ComPS est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS (art. 1 al. 2 let. a LComPS) et à celui du droit des patients
(art. 1 al. 2 let. b LComPS).

b. Selon l’art. 41 al. 1 LS, indépendamment des voies de droit ordinaires, toute personne qui allègue une violation d’un droit que la LS reconnaît aux patients peut saisir en tout temps, par le biais d’une plainte ou d’une dénonciation, la commission de surveillance. La procédure est réglée par la LComPS (art. 41 al. 3 LS).

c. La loi distingue donc selon que la commission est saisie par voie de plainte ou de dénonciation.

Selon l’art. 8 al. 1 LComPS, la ComPS peut se saisir d'office ou être saisie par le dépôt d’une plainte émanant du patient concerné. Cette plainte peut également émaner de son représentant thérapeutique au sens de la LS, ou de son représentant légal (ci-après : personne habilitée à décider des soins en son nom).

Selon l’art. 8 al. 2 LComPS, la ComPS peut également être saisie par une dénonciation du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : le département), des professionnels de la santé, des institutions de la santé, d'autres autorités ou de particuliers.

7. Quel que soit le mode de saisine de la commission, l’art. 9 LComPS énumère les personnes qui ont la qualité de partie à la procédure, à savoir le patient qui saisit la commission de surveillance (appelé également le patient-plaignant, ATA/527/2013 du 27 août 2013), la personne habilitée à décider des soins en son nom, le professionnel de la santé ou l'institution de santé mis en cause.

8. a. Le droit de plainte reconnu au patient ainsi que sa qualité de partie à la procédure devant la commission trouvent leur fondement dans le fait que la législation sur la santé confère des droits au patient. La procédure devant la commission a en effet pour objet de permettre aux patients de s’assurer que leurs droits ont été respectés conformément à l’art. 1 al. 2 LComPS.

b. Les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42 ss LS. Il s’agit notamment du droit aux soins, du libre choix du professionnel de la santé, du libre choix de l’institution de santé, du droit d’être informé et du choix libre et éclairé. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit aux soins consacré par l’art. 42 LS comprend le droit de se faire soigner conformément aux règles de l’art médical (ATA/22/2014 du 14 janvier 2014 ; ATA/5/2013 du 8 janvier 2013). Les droits du patient sont en outre garantis par l’art. 40 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11) (Dominique SPRUMONT/Jean-Marc GUINCHARD/Deborah SCHORNO, in Ariane AYER/Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/Dominique SPRUMONT, Loi sur les professions médicales [LPMéd], Commentaire, Bâle 2009, art. 40 n° 10), applicable par renvoi de l’art. 80 LS.

c. Dans la mesure où ils encadrent l’exercice d’une activité médicale susceptible de porter atteinte à l’intégrité corporelle (CR-CC I - Nicolas JEANDIN, Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 62 ad
art. 28 CC), les droits du patient font partie des droits de la personnalité au sens de l’art. 28 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)
(Walter FELLMANN, in Ariane AYER/Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/Dominique SPRUMONT, Loi sur les professions médicales [LPMéd], Commentaire, Bâle 2009, art. 40 n° 100). Strictement personnels, les droits de la personnalité sont par essence intransmissibles. Ils ne passent pas aux héritiers (Nicolas JEANDIN, op. cit., n. 16 et 18 ad art. 28 CC; Paul-Henri STEINAUER, Le droit des successions, Berne 2006, p. 100).

d. La chambre administrative a déjà eu l’occasion de trancher que si le législateur avait entendu conférer la qualité de partie aux héritiers du patient décédé, il aurait dû prévoir que tout ou partie des droits du patient seraient dévolus à ses proches en cas de décès. Or, tel n’est pas le cas (ATA/474/2016 du 7 juin 2016 consid. 2j ; ATA/527/2013 du 27 août 2013 consid. 6e).

e. En l’espèce, Mme B______ est décédée le 6 août 2014. Elle n’avait pas désigné de représentant thérapeutique ou de personne habilitée à décider des soins en son nom.

Ses droits de patiente se sont éteints avec son décès, ceux-ci ne pouvant pas être transmis à ses héritiers, s’agissant de droits strictement personnels et intransmissibles.

9. Les recourants soutiennent avoir un droit propre découlant de l’art. 55A LS.

a. Aux termes de l’art. 55A LS, en vigueur depuis le 1er février 2014, pour autant qu’ils puissent justifier d’un intérêt digne de protection, les proches d’un patient décédé peuvent être informés sur les causes de son décès et sur le traitement qui l’a précédé, à moins que le défunt ne s’y soit expressément opposé ; l’intérêt des proches ne doit pas se heurter à l’intérêt du défunt à la sauvegarde du secret médical, ni à l’intérêt prépondérant de tiers (al. 1) ; à cet effet, les proches désignent un médecin chargé de recueillir les données médicales nécessaires à leur information et de les leur transmettre (al. 2) ; les médecins concernés doivent saisir la commission chargée de statuer sur les demandes de levée du secret professionnel, au sens de l’art. 321 al. 2 CP (al. 3) ; par proches, on entend les personnes visées à l’art. 378 al. 1 CC (al. 4).

Selon les travaux préparatoires relatifs à l’adoption de cette disposition, il s’agissait non pas d’accorder un libre accès à toute l’information contenue dans le dossier médical du défunt, dès lors que ce droit d’accès était un droit strictement personnel dévolu au patient et que ladite information était protégée par le secret médical, chaque patient devant pouvoir compter sur la garantie de confidentialité instaurée par l’art. 321 al. 1 CP (message du Conseil d’État à l’appui du PL 11216, p. 3 et 4). Il ressort des travaux préparatoires qu’ « il est clair que les proches ne deviennent pas partie devant la commission de surveillance des professions de la santé » (Rapport de la commission de la santé du Grand Conseil, PL 11216-A. p. 3, intervention de Madame Emmanuelle DUFOUR-IMSAND, secrétaire adjointe du département).

b. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l’art. 55A LS ne fonde pas un droit de partie dans le cadre de la procédure de la commission, mais traite du droit à certaines informations des proches d’un patient décédé (ATA/70/2016 du 26 janvier 2016 consid. 13 et 14). Ceci est d’autant plus vrai que le droit prévu par l’art. 55A LS prévoit la désignation d’un médecin chargé de recueillir les données médicales nécessaires à l’information des proches et leur transmission.

Ce grief est infondé.

10. Les recourants soutiennent qu’ils sont les représentants thérapeutiques de leur fille, celle-ci étant incapable de discernement au moment de son décès et ayant été victime d’un raptus suicidaire.

a. Aux termes de l’art. 48 LS, entré en vigueur le 1er janvier 2013 dans le cadre de la nouvelle réglementation fédérale en matière de protection de l'adulte et de l'enfant, lorsqu'une personne incapable de discernement doit recevoir des soins médicaux sur lesquels elle ne s'est pas déterminée dans des directives anticipées, le médecin traitant établit le traitement avec la personne habilitée à la représenter dans le domaine médical (al. 1). Les personnes habilitées à représenter la personne incapable de discernement dans le domaine médical sont celles désignées par le code civil suisse, dont les dispositions en la matière s'appliquent pour le surplus (al. 2).

b. Selon l’art. 378 al. 1 CC, sont habilités à représenter la personne incapable de discernement et à consentir ou non aux soins médicaux que le médecin envisage de lui administrer ambulatoirement ou en milieu institutionnel, dans l'ordre:

1. la personne désignée dans les directives anticipées ou dans un mandat pour cause d'inaptitude ;

2. le curateur qui a pour tâche de la représenter dans le domaine médical ;

3. son conjoint ou son partenaire enregistré, s'il fait ménage commun avec elle ou s'il lui fournit une assistance personnelle régulière ;

4. la personne qui fait ménage commun avec elle et qui lui fournit une assistance personnelle régulière ;

5. ses descendants, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière ;

6. ses père et mère, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière ;

7. ses frères et sœurs, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière.

En cas de pluralité des représentants, le médecin peut, de bonne foi, présumer que chacun d'eux agit avec le consentement des autres (al. 2). En l'absence de directives anticipées donnant des instructions, le représentant décide conformément à la volonté présumée et aux intérêts de la personne incapable de discernement (al. 3).

c. Il ressort du Message concernant la révision du code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation) du 28 juin 2006 du Conseil fédéral (FF 2006, p. 6635 ss, p. 6669 ; ci-après : le message) que « les art. 377 et 378 CC déterminent qui peut représenter une personne incapable de discernement dans le domaine médical et règlent la manière de procéder (cf. ch. 1.3.2). Selon l’art. 6 de la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, conclue à Oviedo le 4 avril 1997, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 2008 (Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine - RS 0.810.2), il est interdit de n’accorder aux proches que le droit d’être entendu et, exception faite des cas d’urgence, de laisser ainsi aux médecins ou à leurs auxiliaires le soin de décider pour leurs patients, comme le prévoient certaines lois cantonales ».

Conformément au souhait exprimé par le milieu médical lors de la procédure de consultation, l’art. 377 CC prévoit expressément que la responsabilité du traitement incombe au médecin et qu’il doit établir un plan de traitement avec la personne habilitée à représenter le patient incapable de discernement dans le domaine médical, qui sera adapté en fonction de l’évolution de la situation (al. 1 et 4). Dans la mesure du possible, la personne incapable de discernement doit être associée au processus de décision (al. 3). Pour éviter un formalisme inutile, le projet de loi n’oblige pas le médecin à établir le plan par écrit.

À défaut d’avoir des renseignements suffisants, les personnes habilitées à représenter la personne incapable de discernement ne sont pas en mesure d’accepter ou de refuser valablement les traitements médicaux proposés. L’art. 377 al. 2 CC fixe dès lors, de manière non exhaustive, les points les plus importants sur lesquels elles doivent être renseignées.

L’art. 378 al. 1 CC énumère les personnes habilitées à représenter la personne incapable de discernement qui ne s’est pas déterminée dans des directives anticipées et il fixe l’ordre dans lequel elles entrent en ligne de compte (art. 377 al. 1 CC). Cette solution devrait garantir la sécurité du droit et faciliter les décisions de l’autorité.

L’avant-projet envoyé en consultation prévoyait que, s’agissant des descendants, des père et mère, ainsi que des frères et sœurs de la personne incapable de discernement, le critère déterminant pour accorder le pouvoir de représentation était le lien le plus étroit découlant de la vie commune ou de la fourniture d’une assistance personnelle régulière. Il est toutefois difficile pour un médecin d’établir l’existence d’un tel lien.

11. En l’espèce, il n’est pas contesté que les parents de feue B______ remplissent les conditions de l’art. 378 al. 1 ch. 6 CC et qu’ils fournissaient une assistance personnelle régulière à leur fille.

12. Se pose toutefois la question de savoir si l’art. 378 CC est aussi valable après le décès d’une personne et si le renvoi des art. 48 LS et 8 et 9 LComPS implique son application même après le décès de la personne incapable de discernement.

a. La question de savoir si la fille des recourants était, ou non, capable de discernement au moment des faits, peut, en l’état de la procédure, rester ouverte. Cette question devrait toutefois être tranchée si le raisonnement qui suit aboutit au résultat qu’un représentant thérapeutique peut être partie à la procédure au sens de l’art. 9 LComPS même après le décès de la personne incapable de discernement.

b. De même, la question de savoir si l’art. 380 CC, lequel exclut l’application des art. 377ss CC dans l'hypothèse d'une personne placée en établissement psychiatrique pour y recevoir des soins en raison de troubles psychiques, s’applique dans le cas d’espèce peut souffrir de rester ouverte en l’état. Le traitement de souffrances somatiques d’une personne incapable de discernement qui se trouve dans un établissement psychiatrique est toutefois soumis aux art. 377 ss CC à savoir que le médecin traitant ne peut l’ordonner sans avoir consulté le représentant légal du patient incapable de discernement (Paul-Henri STEINAUER/Christiana FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, Berne, 2014, p. 437). À l’instar de ce qui précède cette question devrait toutefois être tranchée si le raisonnement qui suit aboutit au résultat qu’un représentant thérapeutique peut être partie à la procédure au sens de l’art. 9 LComPS même après le décès de la personne incapable de discernement.

13. a. Le message précise que la réglementation prévue à l’art. 378 CC est calquée sur l’art. 304 al. 2 CC relatif à la représentation parentale, qui a fait ses preuves (message, op. cit. ad art. 377 et 378, p. 6670).

Or, dite représentation prend fin avec le décès de l’enfant, les parents intervenant par la suite en application des règles sur les successions (art. 457ss CC).

b. Le texte même de l’art. 378 al. 1 CC sous-tend la même conclusion puisqu’il fait mention de représentation et de consentement exclusivement pour les soins médicaux que le médecin envisage d’administrer à la personne incapable de discernement.

Le message précité conforte cette idée en ne mentionnant que des décisions relatives au traitement de la personne incapable de discernement.

De même, la doctrine précise que le représentant doit décider conformément à la volonté présumée et aux intérêts objectifs de la personne incapable de discernement (art. 378 al. 3 CC). Il ne peut toutefois pas consentir à des actes qui relèvent des droits strictement personnels non sujets à représentation (art. 19c al. 2 CC - Micaela VAERINI, op. cit., p. 42). La notion de soins médicaux correspond à celle de «traitements médicaux» utilisée à l’art. 370 al. 1 au sujet des directives anticipées du patient. Elle englobe toute forme de diagnostic, de thérapie et de soins, qu’il s’agisse de l’instauration d’un traitement ou de la modification, respectivement de l’interruption de celui-ci (Paul-Henri STEINAUER/Christiana FOUNTOULAKIS, op. cit., p. 437).

c. En conséquence, il doit être considéré que le rôle de représentants thérapeutiques, au sens de l’art. 378 al. 1 CC prend fin avec le décès du représenté.

14. a. La personnalité finit avec la mort (art. 31 al. 1 CCS). Sur le plan juridique, le décès entraîne des modifications, notamment quant à la qualité pour agir ou aux autorités à saisir. Ainsi, l’art. 48 LS ne trouve plus application après le décès du patient.

b. Suite au décès de leur fille, les recourants ne peuvent plus être représentants thérapeutiques au sens de l’art. 9 LComPS. Ils ne peuvent plus avoir la qualité de partie dans la présente procédure.

Ce résultat est cohérent avec le principe, décrit précédemment, de l’intransmissibilité des droits strictement personnels (ATA/474/2016 et ATA/527/2013 précités).

Cette solution est de même cohérente avec la jurisprudence précitée (ATA/527/2013 précité consid. 6) dès lors qu’elle ne fait pas de différence entre les héritiers des personnes qui décèdent en étant capables, ou non, de discernement.

15. Le souci, légitime, des recourants de pouvoir obtenir un éclairage différent, plus médical, par des spécialistes, des faits survenus, est compréhensible. La présente procédure administrative a toutefois pour objectif la sanction éventuelle, disciplinaire, d’un ou des praticiens qui auraient commis une erreur. Conformément à la loi, les droits des patients dans le cadre de la procédure disciplinaire sont limités à l’instar du droit du patient de recourir contre la décision prise à l’issue de la procédure disciplinaire en contestant les violations retenues, mais sans le droit de prendre de conclusions sur la sanction elle-même (arrêt de principe ATA/17/2013 du 8 janvier 2013).

Les procédures pénale, voire civile, sont par contre ouvertes aux héritiers du patient lésé.

16. Le recours sera dès lors rejeté.

17. Au vu des circonstances, il ne sera pas mis d’émolument à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2016 par Madame
A______ et Monsieur A______ contre la décision incidente de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 24 mars 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat des recourants ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :