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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1905/2023

ATA/565/2024 du 07.05.2024 sur JTAPI/1457/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1905/2023-PE ATA/565/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2023 (JTAPI/1457/2023)


EN FAIT

A. a. B______ (ci-après : B______) a pour but « tous travaux d'architecture et d'informatique, ainsi que toutes transactions et activités immobilières, promotion immobilière, notamment acquisition, mise en valeur, construction, location, administration, gérance et vente de biens, droits et autres valeurs mobilières et immobilières, à l'exclusion de toutes opérations prohibées par la LFAIE ».

b. A______, né le ______ 1994, est ressortissant marocain.

Il réside à Genève depuis le 14 août 2014 au bénéfice d'une autorisation temporaire pour formation auprès de la haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (ci-après : HEPIA) (bachelor), puis de la haute école spécialisée de suisse occidentale (ci-après : HES-SO) à Lausanne (master). Cette autorisation est arrivée à échéance le 28 février 2023.

Il a obtenu son bachelor en 2018 et son master le 27 février 2023.

c. Depuis 2019, il a travaillé auprès de B______ à raison de 15 heures par semaine.

d. Le 20 février 2023, B______ a signé un contrat de travail à durée déterminée avec A______ pour un poste d'architecte.

e. Par formulaire M du 24 février 2023, B______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de permis de séjour avec activité lucrative (permis B) en faveur d’A______ afin qu’il puisse travailler en qualité d'architecte, son salaire annuel étant de CHF 63'000.-.

f. Le 10 mars 2023, B______ a annoncé à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) la vacance d'un poste d'architecte. La date de validité de l'annonce était fixée jusqu'au 10 avril 2023.

L'annonce précisait qu'il était indispensable que le candidat possède notamment une parfaite maîtrise de l'arabe et de l'anglais, une expérience professionnelle de trois ans en Suisse et ait une « connaissance des aspects légaux et administratifs en vigueur sur les cantons de Genève et Vaud ».

g. La demande étant incomplète, l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui la demande a été transmise pour raison de compétence, a contacté l'employeur par courriel le 11 avril 2023 pour solliciter des informations complémentaires (comptes de la société 2021 et 2022, preuve de l'annonce du poste à l'OCE, recherches effectuées sur le marché de l'emploi suisse et européen et résultats détaillés de celles-ci, nouvelle lettre de motivation plus complète expliquant en détail pourquoi les conditions légales d'engagement d'un ressortissant d'État tiers étaient respectés, nouveau contrat de travail du candidat, signé par les parties, avec réévaluation salariale).

h. Le 13 avril 2023, l'annonce du poste a également été postée sur le site jobup.ch.

i. Le 19 avril 2023, B______ a produit diverses pièces, dont un nouveau contrat de travail prévoyant une rémunération annuelle de CHF 66'000.-.

Dans le cadre de son développement et afin de répondre à la demande croissante à laquelle elle faisait face, elle menait une procédure de recrutement d'architecte diplômé avec expérience sur le territoire suisse, apportant une plus-value indéniable dans l'obtention et le maintien de ses mandats avec les consulats, et/ou représentants, ressortissants des pays étrangers, notamment du Moyen-Orient et du Nord-Afrique.

Lors du processus de recrutement via l'OCE et le site jobup.ch, 17 personnes avaient postulé. Deux profils répondaient aux critères requis mais n'avaient pas été convoqués, B______ préférant privilégier le profil d’A______. En effet, ce dernier connaissait d'ores et déjà les méthodes de travail de la société depuis trois ans et avait fait ses études en Suisse. Elle n'aurait ainsi pas à former une nouvelle personne, ce qui était un gain de temps considérable et un gage d'efficacité immédiate.

j. Par décision du 4 mai 2023, l'OCIRT a rejeté la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative. La demande ne présentait pas un intérêt économique ou scientifique prépondérant pour la Suisse. L'ordre de priorité n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) n'avait pu être trouvé. La question des conditions de rémunération n'avait pas été examinée et demeurait réservée.

B. a. Par acte du 5 juin 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision en concluant, principalement, à son annulation et, cela fait, à ce qu’il soit ordonné à l'OCIRT de préaviser favorablement à l'OCPM la délivrance d'une autorisation de travail en sa faveur ; subsidiairement, à ce que la cause lui soit renvoyée pour nouvelle décision et à ce que la comparution personnelle des parties ainsi que l'audition de son employeur soient ordonnées.

Son droit d'être entendu avait été violé. La décision n'était pas suffisamment motivée, l'OCIRT ayant rendu une décision-type ne tenant compte ni de sa situation ni de sa demande de manière adéquate et individuelle, s'étant écartée des pièces du dossier ainsi que de la situation de pénurie sur le marché du travail.

Le métier d'architecte connaissait une pénurie indéniable de main d'œuvre en Suisse et particulièrement à Genève. En tant qu'entreprise internationale basée à Genève avec une clientèle à l'échelle internationale, notamment à Dubaï, il était essentiel pour B______ d'avoir des collaborateurs qualifiés répondant à ses besoins spécifiques. Dans une perspective d'accroissement et de développement à l'international, B______ avait particulièrement besoin d'un architecte pouvant exercer en langue arabe et connaissant les us et les coutumes, voire les règles de l'art dans ces pays. Or, sur les 22 personnes employées par la société, aucune ne parlait cette langue ni ne disposait des connaissances culturelles nécessaires. Malgré les offres d'emploi publiées, aucun candidat ne présentait les qualités recherchées par B______. Lui-même disposait, en revanche, de toutes ces qualifications. Ayant travaillé au sein de B______ en qualité de stagiaire depuis trois ans, il avait par ailleurs pu faire preuve de ses compétences et intégrer parfaitement l'équipe. Il avait accompli ses études universitaires à Genève et maîtrisait parfaitement l'arabe, ce qui représentait un atout essentiel et expressément recherché par B______. Partant, en retenant que les conditions posées par l'art. 21 LEI n'étaient pas réunies, l'OCIRT avait violé les art. 18 ss LEI.

Il a produit un chargé des pièces, notamment un courrier de l'OCE du 13 avril 2023 dont il ressortait une liste de trois candidats à l'emploi auxquels l'offre d'emploi avait été proposée ainsi qu'un courriel de l'OCE du même jour, qui confirmait le retrait de l'offre d'emploi.

b. B______ a confirmé être toujours disposée à engager l’intéressé conformément à sa demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

c. L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Aucun élément ne permettait d'affirmer que la demande représentait un intérêt scientifique ou que l'occupation du poste permettrait de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse. La simple affirmation qu'il existerait une pénurie dans le domaine d'activité en question n'était pas suffisant. B______ se limitait à affirmer que l'engagement de l’intéressé apporterait une plus-value dans l'obtention et le maintien de mandats dans les pays étrangers, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sans toutefois fournir d'élément concret (contrats, mandats en cours ou futurs, etc.). Le fait que le A______ exerçait une activité accessoire durant ses études au sein de B______ depuis trois ans déjà ne lui conférait aucun droit durant cette procédure.

Les recherches effectuées étaient insuffisantes et avaient été faites pour s'acquitter d'une obligation légale et ne permettaient pas d'affirmer que l'employeur s'était trouvé dans l'impossibilité d'octroyer le poste à un candidat prioritaire. Il avait uniquement annoncé la vacance du poste à l'OCE et sur le site jobup.ch après avoir signé le contrat de travail avec l’intéressé. Il n’avait donc effectué des recherches limitées que pour s'acquitter d'une exigence légale. Des recherches plus sérieuses auraient dû être effectuées en temps opportun et de façon plus étendues (notamment sur le marché du travail européen).

Enfin, les motifs invoqués par l'OCIRT dans sa décision définissaient clairement les raisons pour lesquelles l'autorisation sollicitée n'avait pas été accordée.

d. Dans sa réplique, l’intéressé a encore fait valoir qu'il avait noué au cours des neuf années passées à Genève des liens affectifs familiaux et professionnels très étroits. Son engagement permettrait à B______ d'attirer de potentiels investisseurs de langue arabe et aux clients parlant cette langue d'avoir un contact privilégié avec le cabinet d'architecture. Il apportait une contribution significative au sein de B______ grâce à ses compétences techniques et ses connaissances des lois et pratiques en vigueur dans les cantons de Vaud et de Genève, atouts acquis au cours de ses études ainsi que de son expérience professionnelle en Suisse. Il était important pour B______ d'engager une personne titulaire d'un diplôme suisse ayant connaissance des programmes informatiques utilisés, mais surtout des exigences légales suisses dans le domaine de l'architecture, ce qui n'était pas le cas d'autres architectes exerçant dans l'UE dont les normes étaient totalement différentes des lois suisses sur l'aménagement du territoire et du droit des constructions. Contrairement à ce que soutenait l’OCIRT, l'OCE n'avait pas reçu de réponse positive. Il allait de soi que dans l'UE, il n'existait pas d'architecte disposant de son profil. Ses qualifications en tant qu'architecte diplômé en Suisse ainsi que ses compétences servaient les intérêts économiques de la Suisse, étant précisé qu’il n’y avait pas beaucoup d’employés susceptibles de présenter son profil professionnel.

e. Par jugement du 22 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

L’ordre de priorité n’avait pas été respecté, B______ ayant déjà porté son choix sur A______ avant de publier le poste.

C. a. Par acte expédié le 1er février 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à l’octroi de l’autorisation de séjour avec activité lucrative.

Il s’occupait d’importants projets en cours. Sa participation à ceux-ci était indispensable à la bonne exécution et gestion, les clients en question parlant arabe. Il existait ainsi un intérêt économique prépondérant à l’octroi en sa faveur de l’autorisation requise.

Le refus d’auditionner les parties et B______ portait atteinte à son droit d’être entendu. Le TAPI avait retenu arbitrairement que les trois candidats ayant répondu à l’annonce du poste n’avaient pas été reçus par B______. Le document « l’assignation - liste récapitulative » figurant au dossier démontrait le contraire. Ces candidats ne correspondaient, en outre, pas aux critères recherchés. Son activité professionnelle avait des retombées économiques importantes pour la Suisse, dès lors qu’il possédait des qualités difficilement « trouvables » sur le marché du travail suisse et européen. Son poste était spécifique et apportait une plus-value à B______ ainsi qu’à l’économie suisse et genevoise, de sorte que les conditions légales d’octroi de l’autorisation convoitée étaient remplies.

Il a produit de nouvelles pièces, soit la liste établie par B______ des projets suivis par le recourant ainsi que des contrats conclus par B______ avec des clients et de la correspondance y relative, documents rédigés en langue française ou anglaise.

b. L’OCIRT a conclu au rejet du recours, relevant que le recourant n’avait plus le droit, depuis le 1er mars 2023, de travailler. Deux des pièces nouvelles produites devant la chambre administrative dataient toutes d’après le 1er mars 2023, de sorte que la présence du recourant ne paraissait pas cruciale. Une pièce nouvelle concernait un client en Albanie, de sorte que le rôle spécifique joué par le recourant n’apparaissait pas.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans un premier grief d’ordre formel, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu, le TAPI n’ayant pas auditionné son employeur ni lui-même.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le TAPI a renoncé aux actes d’instruction sollicités par le recourant au motif que le dossier contenait les éléments utiles permettant de statuer en connaissance de cause. Le recourant avait eu la possibilité de se déterminer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure et de produire toute pièce utile. Le recourant n'expliquait d'ailleurs pas en quoi son audition permettrait de suppléer à des difficultés d'instruction. Enfin, la position de son employeur était connue, eu égard aux documents versés au dossier.

Ce faisant, le TAPI a procédé à une appréciation anticipée des preuves offertes. Celle-ci n’apparaît nullement arbitraire. En effet, le point de vue tant du recourant que de son employeur a été exposé à plusieurs reprises par écrit. Bien qu’il critique l’absence d’auditions, le recourant n’expose pas en quoi celles-ci aurait été de nature à influer sur l’issue du litige ni quels éléments pertinents seules les auditions requises auraient pu établir. L’appréciation anticipée des preuves à laquelle le TAPI a procédé ne prêtant pas le flanc à la critique, le grief tiré de la violation du droit d’être entendu sera rejeté.

3.             Le recourant conteste le refus de lui accorder une autorisation de séjour avec activité lucrative.

3.1 La LEI et ses ordonnances règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est, comme en l’espèce, pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI).

3.2 Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. L’art. 18 LEI prévoit qu’un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3 ; ATA/401/2016 du 10 mai 2016). En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit à l’autorisation sollicitée par un éventuel employé.

3.3 La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier. En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1)

3.4 En vertu de l’art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé.

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. p. 3537 ; ATA/387/2023 du 18 avril 2023 consid. 5.c). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2012 du 1er avril 2013 ATA/274/2022 du 15 mars 2022 consid. 3b ; ATA/401/2016 précité).

3.5 Selon les Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, état au 15 décembre 2021 (ci-après : Directives LEI) – qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu’elles respectent le sens et le but de la norme applicable –, les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux office régionaux de placement (ORP) les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives LEI, ch. 4.3.2.1 ; ATA/274/2022 précité consid. 3b ; ATA/494/2017 précité ; ATA/24/2015 du 6 janvier 2015).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (ATA/274/2022 ibidem ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s’acquitter d’une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l’échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l’étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l’activité en question, etc. (Directives LEI, ch. 4.3.2.2 ; ATA/274/2022 ibidem).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (ATA/274/2022 ibidem ; ATA/1368/2018 précité).

3.6 En dérogation à l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEI). Dans ce cas, l'employeur ne devra plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

3.7 À teneur de l'art. 96 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (al. 1).

3.8 En l’espèce, B______ n’a effectué des recherches qu’après avoir signé le contrat de travail avec le recourant. Il apparaît ainsi qu’au moment d’entreprendre lesdites recherches, la société avait déjà porté son choix sur le recourant ; peu importe à cet égard qu’elle aurait, comme le soutient le recourant, néanmoins reçu deux candidats. Pour ce motif déjà, l’entreprise ne s’est pas conformée aux dispositions légales précitées.

Par ailleurs, l’employeur doit se voir reprocher de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes pour trouver un candidat ou une candidate suisse ou ressortissants de l’UE/AELE. Il n’a en effet procédé qu’à une annonce du poste à l'OCE, valable jusqu’au 19 avril 2023, suivie d’une annonce publiée sur le site Internet jobup.ch le 13 avril 2023. De telles démarches en vue de trouver un collaborateur n’atteignent pas le niveau de recherches requis par la loi et la jurisprudence.

Comme l’a à juste titre retenu le TAPI, il lui aurait appartenu d’entreprendre des recherches plus poussées et de plus grande envergure sur les marchés du travail tant suisse et que de l’UE/AELE, par exemple en faisant appel à des agences de recrutement et en publiant des annonces sur des sites Internet spécialisés, en Suisse et en Europe, et dans la presse spécialisée. B______ n’a, au demeurant, pas non plus recouru à des outils simples, tels Linkedin ou d’autres réseaux sociaux. De telles démarches complémentaires à celles faites se seraient d’autant plus justifiées si, comme le soutenait la société, le poste était très spécifique et susceptible de lui apporter une importante plus-value.

Le fait que le recourant connaissait déjà l’entreprise et ses méthodes de travail ne dispensait nullement la société de respecter la procédure prescrite. Cet élément ne justifiait pas non plus, à lui seul, une dérogation à l'ordre de priorité. Un tel raisonnement reviendrait à admettre qu’un employeur puisse ainsi contourner la loi et placer les autorités devant le fait accompli.

En outre, les éléments avancés par le recourant relatifs à ses qualifications professionnelles et linguistiques n’apparaissent pas à ce point particuliers qu’il aurait été impossible pour l'employeur de recruter un autre travailleur présentant les qualités requises sur le marché local ou européen. Même s’il fallait admettre que les recherches pour trouver un candidat ou une candidate maîtrisant l'arabe, bénéficiant d’une « expérience professionnelle de trois ans en Suisse et ayant des connaissance légales et administratives dans les cantons de Genève et Vaud » auraient pu se révéler ardues, cette seule difficulté ne pouvait justifier que l’entreprise ne procède pas à des démarches suffisantes pour pouvoir se prévaloir du régime dérogatoire de l’art. 18 LEI.

Enfin, aucun élément ne permet de considérer que l’activité du recourant serait susceptible d’avoir des retombées économiques importantes pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEI ni encore qu’elle revêtirait un intérêt scientifique ou économique prépondérant au sens de l’art. 21 al. 3 LEI. En effet, il n’est pas allégué que l’apport du recourant contribuerait de manière substantielle à des investissements ou influerait la diversification de l’économie régionale et internationale.

Au vu de ce qui précède, l’OCIRT n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en considérant que la société n’avait pas démontré qu’elle avait été dans l’impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché suisse ou européen, de sorte que la condition de l’ordre de priorité de l’art. 21 al. 1 LEI était remplie.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2024 par A______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Razi ABDERRAHIM, avocat du recourant, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.