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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/36/2024

ATA/493/2024 du 16.04.2024 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.05.2024, 8C_308/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/36/2024-AIDSO ATA/493/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. A______, né le ______ 1965, est ressortissant B______.

A. a.  

B. a. Sa résidence et son droit de séjourner en Suisse ont évolué comme suit :

b. Après avoir travaillé plusieurs années en Suisse avec le statut de saisonnier puis de frontalier, il s'est établi le 21 février 2003 dans le canton de C______, au bénéfice d’une autorisation de séjour.

c. Par décision du 21 octobre 2009, le service de la population du canton de C______ a refusé de délivrer à A______ une autorisation d'établissement et de renouveler son autorisation de séjour. Il dépendait depuis longtemps de l'aide sociale et avait également commis plusieurs infractions pénales en Suisse entre 2007 et 2008.

Le recours formé par A______ contre cette décision a été déclaré irrecevable pour défaut de paiement de l'avance des frais.

d. Le 30 août 2012, A______ a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une autorisation d'établissement et, subsidiairement, une autorisation de séjour.

e. Le 24 octobre 2013, l'OCPM a refusé d'octroyer à A______ une autorisation d'établissement mais a renouvelé son autorisation de séjour pour une année. Il était à la charge de l'aide sociale depuis plus d'une année pour un montant total de CHF 27'619.40 et était défavorablement connu des services de police pour des infractions répétées.

Cette décision a été renouvelée le 27 novembre 2015.

f. Le 27 mars 2019, l'OCPM a refusé d’octroyer à A______ une autorisation d'établissement et de renouveler son autorisation de séjour UE/AELE, et a prononcé son renvoi de Suisse. Il était sans emploi et totalement dépendant de l'aide sociale pour un montant perçu total de CHF 189'081.- au 11 mars 2019. Il ne pouvait travailler qu'à 50%. Une demande AI auprès de l'OCAS était en cours d'examen.

Le 20 septembre 2019, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours formé par A______ contre cette décision.

Le 9 juin 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par A______ contre le jugement du TAPI.

Le 14 juillet 2020, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre l’arrêt de la chambre administrative.

Le 28 septembre 2020, le Tribunal fédéral a déclaré manifestement irrecevable la requête d’A______ tendant à la révision de l’arrêt du Tribunal fédéral.

g. Le 8 octobre 2020, l’OCPM a constaté que sa décision du 27 mars 2019 était exécutoire et imparti à A______ un nouveau délai au 8 novembre 2020 pour quitter la Suisse.

Le 27 novembre 2020, le Tribunal administratif fédéral a refusé d’entrer en matière sur le recours formé par A______ contre le courrier de l’OCPM du 8 octobre 2020 et a transmis ce dernier au TAPI comme susceptible de relever de sa compétence.

Le 22 décembre 2020, le TAPI a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre la mesure d’exécution prise par l’OCPM le 8 octobre 2020.

La chambre administrative a rejeté le recours d'A______ contre le jugement du TAPI.

Le 23 août 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours d’A______ contre l'arrêt de la chambre administrative.

h. Le 5 avril 2021, A______ a sollicité la reconsidération de la décision de l’OCPM du 27 mars 2019 (refus d’octroyer une autorisation d'établissement et de renouveler son autorisation de séjour et renvoi de Suisse).

L'OCPM a refusé d'entrer en matière sur cette demande.

Le TAPI a déclaré irrecevable le recours formé contre cette décision. La chambre administrative a rejeté le recours formé contre ce jugement.

Le 11 avril 2023, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par A______ contre l'arrêt de la chambre administrative.

i. Par acte posté le 12 juin 2023 et adressé à la « Cour de cassation, 1 place du Bourg-de-Four », A______ a formé un « pourvoi en cassation avec effet suspensif contre le jugement de l'OCPM du 24 janvier 2022 », concluant à ce que son recours soit déclaré recevable et à l'annulation des décisions de l'OCPM et au renouvellement de son autorisation de séjour.

Le 22 juin 2023, le TAPI, à qui l'acte avait été transmis, a considéré ce dernier comme une demande de révision. Dès lors que l'irrecevabilité du recours déposé contre la décision du 28 avril 2022 avait été examinée en dernier lieu par la chambre administrative, la demande de révision lui était transmise.

Le 22 août 2023, la chambre administrative a déclaré irrecevable l’acte posté le 12 juin 2023 par A______. S’il devait être compris comme une demande de révision, il ne faisait valoir aucun fait nouveau « ancien ». A______ était en outre informé que toute nouvelle demande de révision ou de reconsidération déposée sans motifs serait classée sans suite.

Le recours formé contre cet arrêt a été déclaré manifestement irrecevable par le Tribunal fédéral le 6 octobre 2023.

C. a. Les relations d’A______ avec l’Hospice général (ci-après : l’hospice) ont évolué comme suit :

b. Il a bénéficié de prestations financières ordinaires de la part de l’hospice à compter du 1er septembre 2012 et jusqu’au 30 juin 2022 pour un total de CHF 302'344.80.

c. Le 1er juin 2022, l’hospice a mis un terme aux prestations d’aide financière d’A______ à compter du 1er juin 2022. L’OCPM avait rendu une décision de non-entrée en matière et confirmé son obligation de quitter le territoire. Son recours contre la décision de l’OCPM du 28 avril 2022 ne changerait pas sa situation sur le plan de l’aide sociale : il n’avait plus le droit à l’aide sociale depuis le mois d’août 2020, moment où la décision de l’OCPM était devenue définitive et exécutoire. Dans l’attente d’une décision à la suite de son recours, il pouvait s’adresser à l’unité « aide d’urgence », dont les coordonnées lui étaient communiquées.

L’hospice a rejeté l’opposition formée par A______ contre cette décision.

Le 1er novembre 2022, la chambre administrative a rejeté le recours formé contre cette décision. C’était à juste titre que l’hospice avait mis un terme aux prestations d’aide ordinaire en vertu de l’art. 35 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). Il ne possédait aucun droit de séjourner en Suisse. Conformément à l’art. 17 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), il n’avait plus droit qu’à des prestations d’urgence.

Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours.

d. Le 9 juin 2022, A______ a formé auprès de l’hospice une demande d’aide d’urgence, mentionnant qu’il vivait en sous-location chez D______ au ______, rue E______. Il produisait le contrat de bail prévoyant une entrée au 1er avril 2021.

Le même jour, il a signé le document « Mon engagement » dans lequel il réitérait son engagement de fournir immédiatement et spontanément à l’hospice toute information nécessaire pour établir son droit à l’aide.

e. Le 28 juin 2022, il a confirmé à l’assistant social chargé de son dossier qu’il logeait rue E______ ______ pour un loyer mensuel de CHF 1'600.-.

Celui-ci avait été pris en charge par l’hospice à hauteur de CHF 1'320.-, soit le maximum de CHF 1'100.- admissible selon le RIASI, plus CHF 200.- au titre du dépassement du maximum du loyer.

L’assistant social lui a rappelé que l’aide d’urgence ne lui donnait pas droit à une participation financière à son loyer mais uniquement à une place dans un centre d’hébergement.

f. L’assistant social a cherché en vain à atteindre A______ par téléphone et lui a finalement adressé un courriel le 29 juillet 2022 pour l’informer qu’une chambre à partager était disponible au Foyer F______ le jour même.

Faute de réponse d’A______, la chambre a été attribuée à une autre personne le 2 août 2022.

g. Le 14 septembre 2022, l’assistant social a appelé A______ pour lui rappeler que seule une chambre en foyer pouvait lui être attribuée au titre de l’aide d’urgence. Celui-ci lui a indiqué qu’il allait réfléchir.

h. Du 1er septembre 2022 au 31 juillet 2023, A______ n’a perçu aucune prestation financière ou en nature au titre des frais de logement.

Du 1er juillet 2022 au 30 septembre 2023, il a bénéficié de prestations d’aide d’urgence de l’hospice pour un montant total de CHF 12'552.20. Pour le mois d’octobre 2023, il a obtenu l’abonnement de bus pour une valeur de CHF 52.50.

Au 22 janvier 2024, il avait perçu de l’hospice une aide totale de CHF 314'897.-.

D. a. Le 5 mai 2023, A______ a annoncé à l’hospice qu’il avait trouvé dès le 1er mars 2023 un logement chez G______ au ______, rue H______. Dans l’immédiat, aucune participation au loyer ne lui était demandée.

b. Le 12 juillet 2023, il s’est présenté à l’hospice et a produit des certificats médicaux des Drs I______, psychiatre, du 12 juillet 2022 et J______ du 8 mai 2023 pour appuyer sa demande de prise en charge d’un loyer. Il souffrait d’un état anxio-dépressif et de sévères troubles du sommeil.

c. Le 20 juillet 2023, l’assistant social a tenté de l’appeler, sans succès, puis lui a laissé un message lui rappelant que l’hospice ne pouvait fournir de logement individuel à un bénéficiaire de l’aide d’urgence, sans obtenir de réponse.

d. Le 31 juillet 2023, l’assistant social a laissé à A______ un message vocal lui demandant de produire le contrat de bail le liant à G______.

e. Le 4 août 2023, l’assistant social a rappelé par courriel à A______ qu’une copie des contrats de bail principal et de sous-location était nécessaire pour examiner une éventuelle participation extraordinaire de l’hospice à son loyer dès le 1er août 2023.

f. Le 8 septembre 2023, A______ a produit le contrat de bail principal conclu par G______ portant sur un appartement de 2.5 pièces au ______, rue H______ pour un loyer mensuel de CHF 1'380.- charges comprises, ainsi que le contrat de sous-location qu’il avait conclu avec elle et qui prévoyait un loyer de CHF 400.- par mois, avec effet dès le 1er octobre 2022 et jusqu’à l’attribution d’une chambre individuelle en foyer.

g. L’hospice a accepté à titre exceptionnel, compte tenu de l’état de santé et de la situation sociale d’A______, de prendre en charge la sous-location dès le 1er août 2023 à hauteur de CHF 400.- par mois.

Le 13 septembre 2023, il lui a versé deux fois CHF 400.- correspondant aux loyers d’août et septembre 2023.

h. Selon un rapport du service d’enquêtes de l’hospice du 15 septembre 2023, le 14 septembre 2023, le nom d’A______ n’apparaissait ni sur la porte palière ni sur la boîte aux lettres de l’appartement de G______. Interrogée le même jour à son domicile, G______ avait déclaré à l’investigateur qu’A______ ne résidait plus chez elle depuis environ trois ans et qu’il résidait en L______, sans donner plus de précisions.

i. Par décision du 9 octobre 2023, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l’hospice a mis fin au droit d’A______ à des prestations d’aide d’urgence avec effet au 30 septembre 2023, tout en réservant une demande ultérieure de remboursement.

j. Le 17 octobre 2023, A______ a formé opposition contre cette décision, concluant à ce que sa situation soit revue et une médiation organisée.

Il avait demandé en vain à changer d’assistant social. Il était incapable de vivre en chambre double et avait produit les certificats médicaux l’attestant. Il avait signalé des chambres vacantes dans des foyers K______, sans résultat. Son assistant social l’appelait le matin alors qu’il savait qu’il prenait des médicaments et répondait de préférence l’après-midi.

G______, chez qui il avait longtemps logé, ne voulait pas avoir d’ennuis et ne savait pas tout de lui. Si elle avait dit qu’il vivait en L______, c’était uniquement parce qu’il avait la chance d’y avoir un ami qui lui offrait l’hospitalité certains soirs. Depuis plus d’un an, il vivait « à droite à gauche » chez des amis et des connaissances. S’il avait demandé de l’argent à l’hospice, c’était « une question de survie ». Cet argent n’allait peut-être pas à G______ mais lui avait servi pour compenser l’hébergement que lui proposaient ses amis chez eux. Il était prêt à rendre cet argent si l’hospice lui trouvait un logement et qu’il puisse à nouveau vivre entièrement à Genève au lieu d’errer. Il était indigne de le laisser dans cette situation après plus de 20 ans à Genève, où il avait toute sa vie, ses médecins, sa couverture maladie, et où il était en procédure pour l’assurance invalidité et « contre l’OCPM ». L’assurance-invalidité était sur le point de reconsidérer sa situation et il se battait contre le « sans-abrisme ».

k. Par décision du 8 février 2024, l’hospice a rejeté la réclamation.

L’examen des relevés bancaires d’A______ de juillet 2022 à août 2023 montrait qu’il retirait généralement les prestations de l’hospice en une fois aux bancomats K______ ou de M______ et qu’il effectuait de temps en temps des achats en L______ mais aucun en Suisse.

Il ressortait du registre de la population de l’OCPM qu’il était arrivé de N______ le 31 mars 2010 et avait été domicilié ______, rue N______ du 31 mars 2010 au 1er septembre 2012, ______, rue O______ du 1er septembre 2012 au 7 janvier 2016, ______, rue P______ du 7 janvier 2016 au 1er octobre 2018 et ______, rue H______ depuis le 1er octobre 2018.

A______ admettait qu’il ne vivait plus à la rue H______ mais errait et ne vivait pas entièrement à Genève, et qu’il avait utilisé les prestations pour le paiement de son loyer à d’autres fins. G______ avait affirmé qu’il vivait en L______ et rien ne permettait de remettre ces déclarations en cause. S’il était véritablement dans la nécessité d’avoir un logement à Genève, il aurait certainement accepté la proposition d’une chambre au Foyer F______ ou aurait au moins donné suite aux nombreux appels et messages qui lui avaient été adressés pour discuter de sa problématique de logement. S’il était sans logement, il aurait certainement sollicité une aide de septembre 2022 à juillet 2023. Les seuls achats qu’il avait effectués avec sa carte bancaire étaient en L______ et il retirait presque systématiquement toute son aide en une fois, ce qu’il ne ferait pas s’il effectuait des achats à Genève. Il n’apportait aucune preuve qu’il était logé par des amis à Genève et y avait le centre de ses intérêts, alors qu’il supportait le fardeau de cette preuve. Les documents médicaux n’apportaient notoirement pas cette preuve lorsqu’une personne habitait la zone frontalière.

E. a. Par acte remis à la poste le 5 janvier 2024, A______ a recouru auprès de la chambre admirative contre cette décision, concluant au rétablissement des prestations ordinaires de l’hospice et à l’attribution d’un logement en chambre individuelle.

Il a repris, pour ainsi dire à l’identique, l’argumentation contenue dans son courrier d’opposition du 17 octobre 2023.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant a répliqué en relevant qu’il résidait toujours à Genève avec l’aide d’amis et sans percevoir de prestations.

Il souhaitait obtenir un logement dans un foyer en chambre individuelle au vu des rapports médicaux qu’il avait fournis et recevoir à nouveau l’aide d’urgence. Il demandait à changer d’assistant social.

Il produisait trois attestations. La Caravane de Solidarité indiquait le 4 mars 2024 le voir dans son arcade de la rue de la Navigation plusieurs fois par semaine pour recevoir de l’aide administrative et assurait que sa vie se passait dans le quartier K______. Q______ et Mme R______ attestaient dans des termes identiques qu’ils invitaient souvent le recourant à manger chez eux depuis qu’il était « en galère » et le voyaient « quasi quotidiennement dans le quartier ».

d. Le 14 mars 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu entant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et les pièces qu’elles ont produits.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut au rétablissement des prestations ordinaires de l’hospice et à l’attribution d’un logement en chambre individuelle.

2.1 Le litige a pour objet la décision mettant un terme à l’aide financière d’urgence. Seul le bien-fondé de cette décision sera examiné. Le rétablissement des prestations ordinaires, en tant qu’il porterait sur l’aide ordinaire et non « d’urgence », de même que l’attribution d’un logement, excèdent le cadre du présent litige et les conclusions y relatives sont irrecevables.

2.2 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Ce droit à des conditions minimales d'existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l'Etat, visant à la satisfaction de leurs besoins élémentaires en nourriture, habillement, logement et soins médicaux de base (ATF 131 I 166 consid. 3.1 ; 130 I 71 consid. 4.1).

2.3 La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). Pour une personne majeure, cette limite est de CHF 4'000.- (art. 1 al. 1 let. a RIASI).

2.4 Ont droit à des prestations ordinaires d’aide financière instaurées par l’art. 2 let. b LIASI, les personnes majeures (art. 8 al. 1 LIASI), ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI), qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de leur famille dont elles ont la charge (art. 11 al. 1 let. b LIASI) et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 let. c LIASI), soit aux art. 21 à 28 LIASI.

Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 consid. 3d ; ATA/456/2020 du 7 mai 2020 consid. 5 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; ATA/817/2019 du 25 avril 2019 consid. 3b).

2.5 Le Conseil d'État dispose de la compétence de fixer par règlement les conditions d'octroi d'une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l'aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur des personnes ne pouvant recevoir les ordinaires, soit notamment aux personnes étrangères sans autorisation de séjour (art. 11 al. 4 let. e LIASI).

Selon l'art. 17 RIASI, les personnes étrangères ne bénéficiant pas d'une autorisation de séjour peuvent recevoir une aide financière exceptionnelle pour autant que, cumulativement, elles se soient annoncées à l'OCPM et qu'elles aient obtenu de cette administration une attestation les autorisant à séjourner pendant le temps nécessaire au traitement de leur demande (al. 1). Lorsqu'une personne interjette recours contre une décision négative de l'office auprès du TAPI, une aide financière lui est accordée si elle est autorisée à séjourner en Suisse jusqu’à droit jugé sur son recours (al. 2). Si la personne fait l'objet d'une décision de renvoi, une aide financière peut lui être accordée jusqu’à ce que la décision de renvoi soit exécutoire. Les personnes qui font l'objet d'un délai de départ sont invitées à s’adresser au service d'aide au retour de la Croix-Rouge genevoise qui fonctionne en tant que centre cantonal de conseil en vue du retour (al. 3). Sont exclues de l'aide financière exceptionnelle prévue par la présente disposition les personnes dont la demande d’asile a été définitivement rejetée (al. 4).

2.6 La jurisprudence a précisé que les personnes faisant l'objet d'une décision de renvoi exécutoire doivent pouvoir bénéficier des prestations d'aide d'urgence énumérées aux art. 24 et 29 ss RIASI, soit des prestations fournies en règle générale en nature (ATA/1602/2017 du 12 décembre 2017 et les références citées). Une nouvelle demande d'autorisation de séjour ou une requête de reconsidération faisant suite à une décision de renvoi de Suisse exécutoire et définitive ne confère aucun droit de séjourner en Suisse, de sorte qu'elle ne peut fonder une demande d'assistance plus importante que l'aide d'urgence (ATA/248/2020 du 3 mars 2020 consid. 3f ; ATA/480/2014 du 24 juin 2014 consid. 10).

2.7 L'art. 35 LIASI prévoit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

2.8 Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b = JdT 1998 I 562 ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 4 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

3.             En l’espèce, il n’est pas douteux que le recourant ne peut prétendre qu’à l’aide financière d’urgence. La décision ordonnant son renvoi du 27 mars 2019 est en effet entrée en force et les demandes ultérieures d’octroi d’autorisation, de reconsidération ou de révision ne lui confèrent dans ces circonstances aucun droit de séjourner en Suisse et ne peuvent fonder une demande d'assistance plus importante que l'aide d'urgence (ATA/248/2020 précité).

Le recourant a perçu durant deux mois une aide d’urgence pour le loyer de sous‑location qu’il disait devoir à G______ pour la jouissance d’une chambre dans son appartement ______, rue H______.

Cette aide a été interrompue par la décision querellée dès que l’hospice a appris de G______ que le recourant n’habitait en réalité pas chez elle.

Le recourant ne conteste pas ne pas avoir habité chez G______ lorsqu’il a perçu l’aide. Il indique d’ailleurs avoir employé celle-ci à d’autres fins que le versement d’un loyer de sous-location. Il admet ainsi implicitement avoir trompé l’hospice par des indications inexactes sur son lieu de séjour.

Ainsi, la condition du versement de l’aide n’étant pas réalisée, c’est de manière conforme au droit que l’hospice a interrompu celle-ci.

Le recourant prétend au rétablissement de l’aide dont il a été vu qu’il ne peut s’agir que de l’aide d’urgence. Cependant, il n’établit ni même ne soutient qu’il sous‑louerait une chambre à Genève. Il ne désigne d’ailleurs aucun lieu de vie à Genève, mais se limite à affirmer qu’il serait hébergé « à droite à gauche » par des amis. Les attestations qu’il a récemment produites indiquent qu’il vit « dans le quartier » ou dans le quartier K______. Elles sont insuffisantes pour établir qu’il séjournerait de manière durable à Genève, ce d’autant que : (a) il n’a ni demandé ni perçu aucune prestation financière ou en nature du titre des frais de logement du 1er septembre 2022 au 31 juillet 2023 ; (b) G______ a affirmé qu’il habitait en réalité en L______ ; (c) ses relevés bancaires montrent qu’il retirait en espèces les prestations financières de l’hospice et il ne soutient pas que les magasins S______ et T______ en faveur desquels quelques paiements ont été effectués avec sa carte ne se trouveraient pas en L______.

Même si ses conditions de vie sont sans doute précaires et que sa situation sociale est difficile, le recourant ne saurait réclamer l’aide d’urgence et prétendre à la fois se soustraire à son obligation de coopérer à l’établissement des faits et notamment d’informer et de documenter l’hospice à propos de son lieu de vie – étant rappelé que l’aide est notamment subordonnée à la condition qu’il réside bien à Genève, condition dont il lui appartient d’établir qu’elle est remplie.

Il ne peut en outre ignorer que l’aide d’urgence en matière de logement ne peut consister qu’en la mise à disposition d’une place dans un foyer désigné par l’hospice. À cet égard, les attestations médicales qu’il produit, si elles relèvent des troubles physiques et psychiques ainsi que leur suivi, n’attestent pas que ceux‑ci seraient incompatibles avec la vie en foyer, fût-ce dans une chambre partagée.

Il sera enfin observé que l’hospice a expressément laissé ouverte la possibilité d’une aide d’urgence pour peu que le recourant satisfasse à son obligation de coopérer.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ‑ RFPA – E 5 10.03), et au vu de son issue aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 5 janvier 2024 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 6 décembre 2023 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :